Balade 830 : Helas ! mainte femme me fuit (MCCXXVII)
Helas ! mainte femme me fuit
Qui me souloit suir de pres,
Quant j’estoupoye leur conduit
Et que je fu jeusnes et fres.
5 Mais quant mes membres s’est retrés
Et qu’il ne puet faire besongne,
L’une rechigne, l’autre grongne.
Si fis je jadis mon devoir, 333a
Dont je me treuve en grant essoingne,
10 Par deffault de bon vit avoir.
Dont j’ay fait de jour et de nuit,
Et sanz raison, pluseurs excés.
C’est la chose qui plus me nuit,
Dont je suy mas, tristes et secs.
15 Un mortier use six pilés.
Trop y broiay, s’en ay vergongne :
Tousjours veult mortier qu’on besongne
Et broye, c’est sanz lui doloir.
Plus n’en puis, tel broier ressongne,
20 Par defaut de bon vit avoir.
Mais je me reconforte et cuit
Que du temps que je fu varlés
Les mortiers sont casséz et vuit,
Combien qu’ilz voudroient adés
25 Qu’om leur broyast sausse[1] et broués.
Mais plus ne sera qui en soingne.
Ains fauldra que chascune doingne
Des vielles pour son trou mouvoir :
Ma dame a prins pour moy un moingne,
30 Par default de bon vit avoir.
Princes, le broyer m’a destruit
En jeusne temps, penséz y tuit.
Gardéz vous d’ainsi encheoir.
Par jeunesse ay esté seduit,
35 Tant que jamais n’aray deduit,
Par default de bon vit avoir.
[1] Ms. sausses