Balade 825 : Parle qui veult, chastie qui sçara (MCCXXII)
Parle qui veult, chastie qui sçara,
Blame les maulx, exauce les vertus,
Mette exemples chascuns telz qu’il pourra
De ceuls qui sont par pechiéz contondus,
5 Les uns noiéz et les autres pandus,
De l’ire Dieu, de tempest, de famine,
Mortalité, guerre, tourment, haine,
Des grans paines que fera Lucifer.
Tout ce monstrer ne vault par une espine :
10 L’en ne craint Dieu, Paradis ne Enfer.
Prangne chascun le temps tel qu’il vendra,
Pour chastier n’en sera moins ne plus,
Car voluntiers l’un de l’autre prandra
Les biens mondains, pour soy mettre au dessus,
15 Estat avoir, mettre son voisin jus,
Vivre en mains lieux de tolte et de rapine,
Et tout rungier, faire crasse cuisine
Des biens d’autruy, prins a force de fer.
Bien pert son temps qui parle de dotrine :
20 L’en ne craint Dieu, Paradis ne Enfer.
Chascun scet plus de bien qu’il ne vouldra
Faire, au jour d’ui c’est langaige perdus.
Qui vivre veult au plus fort se tendra,
S’autrement fait, il sera malistrus,
25 Et s’il presche, pour foul sera tenus.
Selon le temps se gouverne et chemine,
S’il scet argent, par tout le quiere et mine,
[…][1]
Happe qui puet, qui finera si fine : 331d
30 L’en ne craint Dieu, Paradis ne Enfer.
L’envoy
Prince, telz temps longuement ne durra,
Ou li vraiz Dieux a soy contredira,
Qui a chascun dit : "- Fay bien et me ser.
Aux bons promet qu’il les guerdonnera,
35 Aux mauvais mal. Ne sçay qu’il en sera :
L’en ne craint Dieu, Paradis ne Enfer.
[1] Vers non édité ou vers manquant non signalé