Balade 819 : Chascun vivant, puis qu’il a congnoissance (MCCXIII)
Balade comment pour congnoissance que homme ait de ses defaultes, pour signe du ciel ne de la terre ne pour vengence ou pugnicion de dieu ne veult amender ne corriger sa mauvaise vie
Chascun vivant, puis qu’il a congnoissance,
Voit et congnoit les choses de ce monde,
Ce qu’om y fait, et la desordonnance
Contre la foy, que tout mal y habonde,
5 Qu’orgueil y est, convoitise parfonde,
Division contre le commun bien, 329a
Haine aussi et envie de chien,
Pechié de char et sors contre nature,
Dont maint dient : ― Ce monde ne vault rien.
10 Mais je n’en voy amender creature.
De mal en pis va en perceverence
Sanz amender, chascun sur mal se fonde,
Il ne chault plus de foy ne de creance,
De l’ire Dieu, dont vengence redunde.
15 Preschier n’y vault, c’est le chant de l’aronde,
Exemple nul, je n’y voy bon moien,
Quant chascun prant l’autrui avec le sien
Et qu’amour n’est ne charité qui dure,
Et si mourront tuit viel et ancien.
20 Mais je n’en voy amender creature.
Helas ! dont vient a tous ceste ignorance ?
De fol vouloir en pechié qui suronde,
D’avoir trop biens et en grant habondance
Par le pouoir de voulenté immonde.
25 Mais le grant roy tient son arc et sa fonde
Pour destruire maint regne terrien,
Maint convoiteus, et tout mauvés merrien
Soudainement, selon saincte Escripture,
Sanz espargner Sarrasin, crestien.
30 Mais je n’en voy amender creature.
L’envoy
Prince, au jour d’ui est le monde en balance.
Pour ses pechiéz pugnicion s’avance,
Mort soudaine, famine, guerre, injure,
Tempests du ciel, car nul n’a repentence
35 De ses pechiéz ne de Dieu remembrance :
Mais je n’en voy amander[1] creature.
[1] Saint Hilaire corrige en amender