Balade 805 : Je fu de trop male heure né (MXCIX)
Complainte
Je fu de trop male heure né.
En ce monde n’ay propre bien.
Mais comme a homme forsené
Me court l’en sus, on le voit bien.
5 On demande, on donne le mien,
L’en m’amet souvent que je jure,
On me bat, l’en me fait injure,
Crier ne excuser n’y vault,
Tourmentéz suy contre droiture :
10 Je m’en rapporte a Loribaut.
Aucune fois suy raençonné
Tant qu’il ne me demeure rien,
Et puis des enfans gouverné.
L’en me desrompt le cuirien,
15 Les oeulx, le nez. Savetier, chien,
Suy appeléz, chascun m’injure :
L’en me gette boe et ordure,
De l’un ay ou de l’autre assault :
Se l’en me fait mainte laidure,
20 Je m’en rapporte a Loribaut,
Qui es de nouvel ordonné
D’estude et livres gardien
Et ne congnoit un A d’un B.
Il devendra logicien.
25 Note ce mot et le retien :
Chascun n’ensuit pas sa nature.
Je suy viel, de jouer n’ay cure
De telz gieux ou tant soufrir fault,
Dont nulz homs sages n’aroit cure :
30 Je m’en reporte[1] a Loribaut.
L’envoy
Prince, foiblesce me court sure 324d
Et l’en se jeue oultre mesure
A moy, cui li esperiz fault :
Dieux scet les griéz maulx que j’endure.
35 Fuir m’en fault, se tel temps dure :
Je m’en rapporte a Loribaut.
[1] SaintHilaire corrige en rapporte