Balade 785 : S’Amour, qui m’a par doulz regart feru (MCLXXVII)
Autre balade amoureuse
S’Amour, qui m’a par doulz regart feru,
Ne me faisoit jamais jour autre bien
Que du regart qui tant m’a secouru,
Si vueil je et doy a tousjours estre sien.
5 Car le gent corps est mon dieu terrien
Dont le regart me vint soudainement,
Qui me disoit : ― Amis, je te retien :
Poursuy honneur et vif joyeusement.
Onques de moy nul plus eureux ne fu,
10 Car de beauté et bonté ne fault rien
A ma dame, qui est le droit escu
De tout honeur, de douçour, et sçay bien
Que son cuer ay. Elle aussi a le mien
Pour lui servir en tous cas loyaument.
15 Car d’umble cuer m’a dit son doulz maintien :
― Poursuy honneur et vif joyeusement.
Et quant de lui ce joieux mot reçu
Adonc lui dis : ― Vostre servent devien.
Lors respondi : ― Mon ami seras tu,
20 Mais de tout mal et tout vice t’abstien,
Soies loyaulx et secréz, va et vien,
Et en tous lieux de bon gouvernement,
Larges, courtois, sanz convoiteux loyen,
Poursuy honeur et vif joyeusement. 313c
L’envoy
25 Noble dame, princesse de vertu,
Par qui mon cuer a tant de bien sentu
Qu’a tous jours mais suis vostre ligement,
Homme ne puet qu’il ne soit bon tenu,
Mais qu’il ait bien ce doulz mot retenu :
30 Poursuy honeur et vif joyeusement.