Balade 783 : Pour les estas qui sont si perilleux (MCLXXV)
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Pour les estas qui sont si perilleux,
[Et] pour le corps qui muert en un moment,
Ne devroit nulz estre si convoiteux
Qu’il ne laissast faire son sauvement.
5 Mais au jour d’ui font pluseurs autrement,
Qui ne veulent fors le monde servir,
Oublier Dieu, et leur ame asservir
En acquerant les faulx et fuitis biens,
Dont puis le fault avant les jours mourir :
10 Qu’est ce de nous ? Par ma foy, ce n’est riens.
Las ! quel part sont les princes vertueux
Qui conquistrent terre[1] anciennement,
Li saige clerc, li foul, li oultrageux,
Li beau, li fort, li riche, li vaillant,
15 David, Hector, Charlemaigne et Rolant ?
Ilz sont tous mors. Va leur sepulcre[2] ouvrir :
Pouldre y verras. Tous nous convient pourrir,
Nos corps ne sont fors ordure et fiens,
Si se fait bon sur ces poins advertir :
20 Qu’est ce de nous ? Par ma foy, ce n’est riens.
Ne soions plus de telz biens envieux,
Servons a Dieu, pensons au finement,
Car les estaz mondains sont dolereux,
Des quelz l’en chiet a coup soudainement
25 Du hault en bas et merveilleusement,
Tant qu’il ne fault le dolent corps perir
Honteusement. Bon fait telz maulx fuir.
Ayons regart au fait des anciens,
Veillons a Dieu, pour l’ame secourir :
30 Qu’est ce de nous ? Par ma foy, ce n’est riens.
L’envoy
Prince, pensons de ce monde courir
Honnestement, et noz maulx regehir
Pour eschiver d’enfer les griefs liens. 313a
Servons a Dieu, vueillons nous repentir
35 De noz pechiéz, et nostre cuer offrir.
Qu’est ce de nous ? Par ma foy, ce n’est riens.
[1] Ms. terres
[2] Ms. leurs sepulcres