Balade 585bis : Les chevaliers du bon temps ancien (MCLVIII)
Balade[1]
Les chevaliers du bon temps ancien
Et leurs enfans aloient a la messe.
En doubtant Dieu chascun vivoit du sien,
L’en congnoissoit leur bien et leur prouesse,
5 Et li peuples labouroit en simplesse.
Chascuns content estoit de son office,
Religion fut de touz biens l’adresse
Mais au jour d’ui ne voy regner que vice.
Li josne enfant deviennent rufien,
10 Joueurs de dez, jourmans et plain[s] d’yvresse,
Haultains de cuer, et ne leur chault en rien
D’onneur, de bien, de nulle gentillesse,
Fors de mentir, d’orgueil et de paresse,
Et que chascun son vouloir acomplisse.
15 Le temps passé fut vertu et haultesse,
Mais au jour d’ui ne voy regner que vice.
A ceuls qui font ainsis viennent [li] bien
Temporelment. Chevalerie cesse,
Car les vertus sont de foible merrien, 307d
20 Le labour fault, religion se blesse,
Et vaillance veult estre larronnesse.
Ainsi convient que tout honeur perisse,
Le monde aussi, se Dieu tout ne radresse :
Mais au jour d’ui ne voy regner que vice.
L’envoy
25 Prince, un temps fu qu’oneur, sens et noblesse
Avoient tuit estat et benefice,
Vertus regnoit en chascune fortresse,
Mais au jour d’ui ne voy regner que vice.
[1] Pièce identique au f° 242 sous le n° DCCCCXXXIII