Balade 731 : Se les vens, la chaleur, la froidure (MCVI)
Autre balade
Se les [maus] vens, la chaleur, la froidure,
Mouches et vers, chiens et bestes sauvaiges,
Rongnes et cloux, cheoir a l’adventure,
Maladies, paours, tempests, oraiges
5 Espragnassent les princes et les saiges
Et qu’ilz fussent d’une matere apart,
Sanz mal soufrir, par noblesce ou par art
Et sanz mourir, tout fust avillené
Des gens communs. Mais quant au vray regart
10 Nous sommes tous d’une maniere né,
Fais et conçups de sang et pourreture
En povre lieu. Vieultéz est noz estaiges
Jusqu'a .xi. mois. Naissons nus, plains d’ordure,
D’une ordre pel est couvers noz visaiges,
15 Criant venons. Les bestes des boscaiges,
Elles nees, vont par bois et essart,
Et nous sommes jusqu'à .vii. ans poupart,
Vil, malostru, foible et mal ordonné.
Ne sçay qu’orgueil de noz cuers ne se part :
20 Nos sommes tous d’une maniere né.
Las ! avisons nostre povre nature
Et que communs est ly pelerinaiges
Et l’aage humain a toute creature
Jusqu’a la mort, c’est ly derrains passaiges.
25 Laissons, pour Dieu, nos oultrageus couraiges !
De nostre aage ne vivons pas le quart
Par noz excés. L’un muet tost, l’autre tart.
Comment ose homme estre desordonné 293c
N’autre appeler villain, chien ne paillart ?
30 Nous sommes tout[1] d’une maniere né.
L’envoy
Princes, pensons au bien qui tousjours dure
En redoubtant ceste vie tresdure
Ou pluseurs sont comme foulz incliné.
Soyons piteux, aions foy et droiture,
35 Fuions orgueil [et la] hautaine injure :
Nous sommes tous d’une maniere né.
[1] Saint Hilaire corrige en tous