Balade 721 : Ou j’arderay tous les livres que j’ay (MXCV)
Autre balade[1]
Ou j’arderay tous les livres que j’ay,
Qui ont traitté de vertus et de vices,
Ou en brief temps le jugement verray
Des granz menteurs qui tiennent les offices
5 Qui ne leur sont a gouverner propices, 290a
Qui destruisent par mentir leur seigneur,
Qui sont riches, et si n’ont riens du leur
Fors de ravir sur le bien communal,
Desquelz je sens approuchier la doleur,
10 Et qui sont ilz ? ― Ce sont li general.
Autres gens n’ont en ce monde le glay,
Ilz ont passé d’abondance les lices,
D’or et d’argent ont tant que je ne sçay
Qui nombreroit le coust des edifices,
15 De leurs chasteauls et maisons. Bien sont nices
Ceuls qui mettent gens de pou de valeur
En tel estat, et qui vivent du leur
Si grandement que tout s’en porte mal,
Dont en la fin mourront a deshonneur :
20 Et qui sont ilz ? ― Ce sont li general,
Sur lesquelz voy approuchier le hahay,
Car d’or sera et d’argent grant esclipces
Par Povreté, et le gast que veu ay
Faire a iceuls. Si devenrront nourrices,
25 Car ilz rendront ce que leur avaraices
A rapiné, et cherront en fureur
Du souverain, qui par loy de rigueur
Ne leur laira la vaillance d’un pal
Pour leurs pechiéz et leur mauvese ereur :
30 Et qui sont ilz ? ― Ce sont li general.
L’envoy
Prince, comment osent gens de labeur,
De petit lieu, de nuls sens, tel foleur
Entreprandre, s’ilz ne sont bien loyal ?
Pour les regnans n’y voy bonne couleur
35 Fors que la mort qui leur vient a doleur[2] :
Et qui sont ilz ? ― Ce sont li general.
[1] Même refrain que le ballade DCCXCIV
[2] Ms. paine et doleur