Balade 672 : Je ne me donrray plus merveille (MXXXIV)
Balade
Je ne me donrray plus merveille
De chose qui puisse advenir.
L’un boit tart, l’un dort, l’autre veille,
L’un ne veult qu’aler et venir,
5 L’un veult couchier, l’autre tenir, 272d
Jouer a beau ou a lait gieu,
L’un, quant il part, maugree Dieu,
Tous ses sains et leur letanie.
L’autre doit argent, puis le nie
10 Et sur jurer en vain se fonde,
L’un rit d’autrui mal, l’autre en crie :
Ainsi va des choses du monde.
Ly uns nicement s’appareille
Et ne se scet du sien chevir.
15 Autres ont la puce en l’oreille
Pour doubte qui les fait fremir.
Les autres ne puelent dormir
Se l’en ne les met en hault lieu.
L’un veult devenir maistre Andrieu
20 Sanz sçavoir science ou clergie,
Secretaire avoir chanonie,
Et li bon clerc sont povre et monde
D’avoir estat en ceste vie :
Ainsis va des choses du monde.
25 Je voy cellui qui ne traveille
Par fole plaisance enrrichir,
Et maint conseillier qui conseille,
Qui ne scet du conseil yssir,
Les vieulx des josnes escharnir.
30 Prodoms n’ose passer son sieu.
Nulz ne veult estre Berthemieu,
Chascuns doubte l’escorcherie.
Verité fault, loy est perie,
Par tout voy le chant de l’aronde.
35 L’un engresse, l’autre amaigrie :
Ainsis va des choses du monde.
L’envoy
Princes, qui scet le mieulx mentir, 273a
Trahir derrier, devant blandir,
Et en qui flaterie habonde,
40 Puet plus tost grant estat fournir,
Un temps regner, puis fault mourir :
Ainsis va des choses du monde.