Balade 666 : On dit qu’il fait bon avoir compaignie (MXXVIII)
Autre Balade[1]
On dit qu’il fait bon avoir compaignie,
Mais en mains cas s’en pass’on de legier.
Uns glous la fuit quant il a flotonnie,
Tous seulz vouldroit sa viande mangier.
5 Homs en grace vouldroit autre estrangier,
Sanz compaignon estre, et demourer seulx.
Compaignie vouldroit bien uns tigneux,
Et homs blasméz, pour un qu’ilz fussent troy.
Ne sçay comment gent dorment deux et deux :
10 En tous temps fait bon couchier a par soy.
Prouver le puis par maint qui se marie.
Quant il fait chaut, et il sent le dangier
De femme avoir qui l’esvente et tarie,
Ou s’il fait froit qui le veult approuchier.
15 Lors le convient coudre, poindre et brochier
Ou cuirien, et restouper les treux,
Ou il orra maint mot suspeçonneux.
Adonc voulsist plus estre seulx que doy.
Lors de certain dit sanz estre doubteux :
20 En tous temps fait bon couchier a par soy.
Tenéz vous donc que ce soit bonne vie
De deux et deux communement couchier ? 271b
L’un veult couvrir, l’autre ne le veult mie,
Si ne se puet ne l’un ne l’autre aisier.
25 L’un veult dormir, l’autre veult divisier[2].
Contraires sont, descouvers et fruilleux,
La rongne en vient, la toux, boces et cloux[3].
Si vault trop mieulx chascun en son recoy
Dormir a part, pour le moins perilleux :
30 En tous temps fait bon couchier a par soy.
L’envoy
Princes, moult fault sçavoir de l’escremie,
A couchier deux, soit ami ou amie,
Car trop de plaiz et de dangiers y voy.
Robe tirer toute nuit anuitie
35 Sanz reposer : pour ce, quoy que nul dire,
En tous temps fait bon couchier a par soy.
[1] Pièce identique au f° 276 sous le numéro MXLVIII.
[2] Saint Hilaire corrige en devisier
[3] Saint Hilaire corrige en cloux