Balade 562 : Plus sui muéz en forme merveilleuse (DCCCCI)
Autre Balade
Plus sui muéz en forme merveilleuse
Qu’Yo ne fut, qui en vache mua,
Ne qu’Antheus, en la fourest doubteuse,
Quant cerfs devint, qui d’angoisse sua
5 Devant ses chiens dont l’un mort le rua,
Pour la forme bestial quil avoit.
Mais j’ay trop pis. Cheval suis, qui me voit,
Viel, recreant, dont nature s’esmaie.
Et qui pis est, l’en m’envoie tout droit,
10 Com viel roucin, mourir a la Saussoye[1].
Qu’est devenu ma jonesce joyeuse ?
Ou est[2] le temps que mes corps s’esprouva ?
Qu’est devenu ma force vertueuse ?
Ou est Amour qui lors me gouverna ?
15 Ou est un seul de ceuls qui lors m’ama ?
Chascuns me fuit. Nul d’eulx ne me congnoit,
Car viellesce sanz cause me deçoipt,
D’omme en cheval pour moy muer s’essaye,
Qui me tramet desor, comment qu’il soit,
20 Com viel roucin, mourir a la Saussoye[3].
En ce lieu a mainte religieuse.
Beguinaige est que li roys y fonda.
Les dames ont de droit, et leur prieuse,
Les vieux chevaulx du roy : sont menéz la
25 Quant uséz sont. Mais on leur coupera
L’oreille avant. Or [je] ne sçay que doit. 233c
Je suis menéz auques par cest endroit.
Cheval me sens. Doleur n’est que je n’aye.
Aler me fault, se Dieux ne me pourvoit[4],
30 Com viel roucin, mourir a la Saussoye[5].
L’envoy
He ! jeunes gens, aviséz par deça :
Vieulx devendréz, il n’est chose plus vraie.
Penséz de vous. Car lors l’on vous menrra,
Com viel roucin, mourir a la Saussaye.
[1] Saint Hilaire corrige en Saussaye
[2] Ms. lest
[3] Saint Hilaire corrige en Saussaye
[4] Ms. pourvoie
[5] Saint Hilaire corrige en Saussaye