Balade 508 : Tristes, pensis, mas et mornes estoye (DCCCXLIV)
Autre Balade
Tristes, pensis, mas et mornes estoye
Par mesdisance et rappors de faulx dis
A une court royal ou je dinoye, 219a
Ou pluseurs gens furent a table assis.
5 Maiz oncques mais tant de nices ne vis
Que ceulx firent que l’en veoit mengier.
D’eulx regarder fu de joye ravis :
Oncques ne vi gens ainsi requinier.
Li uns sembloit truie enmi une voye,
10 Tant mouvoit fort ses baulifres toudiz.
L’autre faisoit de ses dens une soye,
L’autre mouvoit le front et les sourcis.
L’un requignoit, l’autre torcoit son vis,
L’autre faisoit sa barbe baloier,
15 L’un fait le veel, l’autre fait la brebis :
Oncques ne vis gens ainsi requignier.
D’eulx regarder trop fort me merveilloye,
Car en machant sembloient ennemiz.
Faire autel l’un com l’autre ne veoie,
20 L’un machoit gros, l’autre comme souriz.
Je n’oy oncques tant de joye ne ris
Que de veoir leurs morceaulx ensacher.
Or y gardéz, je vous jure[1] et diz :
Oncques ne vis gens ainsi requignier.
L’envoy
25 Princes, qui est courrousséz et pensis
Voist gens veoir qui sont a table mis :
Mieulx ne porra sa tri[ste]sse laissier.
Des grimaces sera tous esbahis
Que chascun fait. J’en fu la bien servis :
30 Oncques ne vis gens ainsi requignier.
[1] Saint Hilaire supplée le j.