Balade 452 : Trop me merveil du dur entendement (DCCLXXXVI)
Balade
Trop me merveil du dur entendement
Que maintes gens ont, nom pas raisonnable,
De diffamer tout leur nourrissement,
Ce qu’il ayment et qu’il ont agreable :
5 C’est ce monde, qui leur est delitable,
Doulz en saveur, qui les nourrist et paist 207d
De ses deliz, c’est tout ce qui leur plaist,
Et ou chascuns principalment se fonde.
Et quant de lui tous biens aux hommes naist,
10 C’est grant pechiéz d’ainsy blasmer le monde.
Car on y puet trouver presentement
Gens de raison. L’un est l’autre amiable,
L’en doubte Dieu, l’en fait son saulvement,
L’en ne veult rien querir deshonnorable.
15 Orgueil n’y a ne vice reprimable,
Verité regne et le mentir desplait,
Le bien a lieu, le mal faire se taist,
Et saincte y est religion et monde,
Et la prince de tous biens nous repaist :
20 C’est grant pechiéz d’ainsy blasmer le monde,
Ou chascuns fait droiturier jugement,
Car les mauvaiz ont payne pardurable,
Et les bons sont honnouréz hautement,
Et les vaillans seent a haute table.
25 Le bien commun est a tous acceptable
Sans convoitier, le mesdire delaist
Chascuns d’autruy et le bien en retraist.
Vie mener veullent tuit belle et ronde,
Sanz exceder : se Dieux tel temps nous [fait],
30 C’est grant pechiéz [d’ainsy blasmer le monde.]
L’envoy
Prince, s’il est part tout generalment
Comme je say, toute vertu habonde.
Maiz tel m’orroit qui diroit : « Il se ment. »
C’est grant pechiéz d’ainsy blasmer le monde.