Balade 449 : Uns homs jouoit aux dés en ma presence (DCCLXXXIII)
Balade
Uns homs jouoit aux dés en ma presence, 207a
Et un grant cop coucha soudainement
A un autre qui a touché la chance :
Lors renya Dieu et son[1] firmament,
5 Sa mere aussy, sains, sainctes ensement,
Et s’apela garson, filz de putain,
Larron, truant : « Cilz a ja de sa main
Gaigné .x. frans. J’ay mon argent perdu.
Maugré en ait saint Pierre et saint Germain !
10 J’aray par temps tout joué et foutu. »
A l’autre cop de sort couchier s’avance,
De .x. et .viii. .xv. va demandent.
Cilz qui getta avoit haute loquance
Et rencontra, et l’argent happe et prent.
15 Et li autres qui de courroux esprent,
Dist : ― Je sui bien en jouent prins a l’ain !
Cop ne gaignay depuis que ce villain
Me resgarda. De Dieu soit confondu !
Je te batray trop bien se je m’y prain.
20 J’aray par temps tout joué et foutu.
Or n’est il cop qui me viengne a plaisance !
Chascuns parole et l’autre va roufflant,
L’un poit derrier[2], l’autre maugrie et tence,
Comme estandart me vont tuit regardant.
25 Ne say quel part va un chien abayant
Qui trop me nuit. Soubz la table l’estrain
Vont remuant. Chevaulx rongent leur frain.
Telz riotes m’ont trop petit valu.
Mon sac est vuit, qui n’a gaire estoit plain :
30 J’aray par temps tout joué et foutu.
L’envoy
Prince, bon fait veoir la contenance
De ces joueurs et comme chascun tance,
Quant son argent est un po esmolu.
En maugriant dit chascun sa sentence :
« J’aray par temps tout joué et foutu. » 207b
[1] Ms. tout son
[2] Ms. derriere