Balade 433 : Qui est a choiz de deux choses avoir (DCCLXIV)
Balade amoureuse
Qui est a choiz de deux choses avoir,
Eslire doit et choisir la meillour.
Elle m’a fait[1] que je prengne savoir :
De deux arbres ou la fueille ou la flour :
5 Qu’en la fueille est plaisir pour sa verdour,
Et qui resjoist les cuers des vrays amans,
Et aux oysiaux fait chanter leurz doulz chans,
Et tient toudiz une saison sa place,
Maiz quant au fort sa beauté est nians.
10 J’aim plus la fleur que la fueille ne face.
Car la fueille n’a pas tant de pouoir,
De bien, de senz, de force et de valour
Comme la flour. Et ce puet apparoir
Qu’elle a beauté, bonté, fresche coulour,
15 Et rent a tous tresprecieux odour,
Et fait bon fruit que mains sont desirans,
Duquel avoir est uns chascuns engrans.
Maiz la fueille sans flour et fruit trespasse,
Et sans odour devient poudre en tous temps.
20 J’aim plus la fleur que la fueille ne face
Pour ce qu’elle vault mieulx, a dire voir,
Que la fueille qui n’a nulle douçour,
Et fruit ne fait au matin ny au soir.
La fueille n’est fors que pour faire honnour 202c
25 Et pour garder celle fleur nuit et jour
De la pluie, du tempest [et] des vans,
Comme celle qui n’est que [sa] servans,
Maiz en tous temps a fleur de tous la grace.
Comme belle, gracieuse et plaisans.
30 J’aim plus la fleur que la fueille ne face.
[1] Saint Hilaire corrige en Et si me faut