Balade 387 : Trop sont my œil a esgarder doubteux (D)
Balade
Trop sont my œil a esgarder doubteux
Vostre biauté, et ma langue couarde,
Ma bouche close et mon cuer est honteux[1]
Toutes les foiz que li las vous regarde.
5 Honte me suit et Paour m’a en garde
Tant que n’ose mes griefs maulx descouvrir
A vous : si fault que feu amoureux m’arde, 162b
Se vraye amour ne me vient secourir.
Helas ! Pitié, secours au douloureux,
10 Qui de souspirs et de lermes se farde,
Quant lui souvient du gent corps gracieux
Que de veoir souventes foiz lui tarde.
Or ne le scet, et Desespoir le larde :
C’est moy dolent, qui ne sçay ou courir,
15 Par le doulx œil qui m’a mors de sa darde,
Se vraye amour ne me vient secourir.
Or me convient par mes maulx langoureux
Crier mercy. Mais se Pitié retarde
De redoubter Dangier le dangereux
20 Par Doulx Espoir qui soit en m’avant garde,
Je muir pour vous, rien n’est qui m’en retarde.
Dame, s’espoir ne me faictes venir,
Las ! je mourray. Qu’en ce cas mort m’esgarde,
Se vraye amour ne me vient secourir.
[1] Ms. doubteux