Ballade 338bis : Pris m’a Amour, et si soudainement (CCCCLXXV)
Autre Balade[1]
Pris m’a Amour, et si soudainement,
Que je ne say se je dors ou je veille,
De la biauté, du doulx contenement,
Du gentil corps de vous qui n’a pareille.
5 Et si m’ont mis telle chose en l’oreille
Vo doulx parler et vostre humble regart,
C’oncques mais homs ne fu, a son depart,
Ainsi d’amer d’amours enamouréz,
Si vous suppli que vous me secouréz.
10 Car chascun jour ay, en un seul moment,
Mille pensers a vous, qui me resveille,
Dont ravis suis tresamoureusement.
Mais, en pensant, Paour trop me traveille
D’avoir reffus, et, se Pitié sommeille,
15 Je suy perdu : or pry Dieu qu’il me gart
Et que Pitié vueille estre de ma part,
Ou je seray tristes et esplouréz : 157a
Si vous suppli que vous me secouréz.
Voz homs devien et voz serfs ligement,
20 A vous servir cuer et corps appareille.
De noz deux cuers desir l’assemblement
En tout honneur, et ce n’est pas merveille :
Contrains y suis, dame, vueille ou ne vueille.
Amours m’a trait de son amoureux dart,
25 Car nuit et jour, main et soir, tempre et tart,
Est mon las cuer pour vous enlangouréz :
Si vous suppli que vous me secouréz.
[1] Pièce identique au folio 150d sous le n° CCCXLVIII