Balade 338 : Prins m’a Amour et si soudainement (CCCCXLVIII)
Autre Balade[1]
Prins m’a Amour et si soudainement
Que je ne sçay si je dors ou je veille,
De la biauté, du doulx contenement,
Du gentil corps de vous qui m’apareille[2].
5 Et si m’ont mis telle chose en l’oreille
Voz doulx parlers et vostre humble regart,
C’onques mais homs ne fu a son depart
Ainsi, dame, d’amour[3] enamouréz :
Si vous suppli que vous me secouréz.
10 Car chascun jour ay en un seul moment
Mille pensers a vous, qui me resveille,
Dont ravis suy tresamoureusement.
Mais, en pensant, Paour trop me travaille
D’avoir reffus, et se Pitié sommeille
15 Je suy perdus. Or pry Dieu qu’il m’en gart
Et que Pitié vueille estre de ma part,
Ou je seray tristes et esplouréz :
Si vous suppli que vous me secouréz.
Voz serfs devien et vos homs ligement,
20 A vous servir cuer et corps appareille.
De noz deux cuers desir l’assemblement
En tout honneur, en[4] ce n’est pas merveille :
Contrains y suis, dame, vueille ou ne vueille.
Amours m’a pris en jouant par son art, 151a
25 Car nuit et jour, main et soir, tempre[5] et tart,
Est mon las cuer de vous enlangouréz :
Si vous suppli que vous me secouréz.
[1] Pièce identique au f° 157a sous le n° CCCCLXXV
[2] Saint Hilaire corrige en n’a pareille d’après CCCCLXXV
[3] Ms. d’avoir corrigé d’après CCCCLXXV
[4] Saint Hilaire corrige en et
[5] Ms. et main tempre corrigé d’après CCCCLXXV