Balade 276 : Or n’est il fleur, odour ne violette (CCLXXX)
Balade 61a
Or n’est il fleur, odour ne violette,
Arbre, esglantier[1], tant ait douceur en lui,
Beauté, bonté, ne chose tant parfaitte,
Homme, femme, tant soit blanc ne poli,
5 Crespé ne blont, fort, appert ne joli,
Saige ne foul, que Nature ait formé,
Qui a son temps ne soit viel et usé,
Et que la mort a sa fin ne le chace,
Et, se viel est, qu’il ne soit diffamé :
10 Viellesce est fin et jeunesce est en grace.
La flour en may et son odeur delecte
Aux odorans, non pas jour et demi.
En un moment vient il vens qui la guette.
Cheoir la fait ou la couppe par mi.
15 Arbres et gens passent leur temps ainsi :
Riens estable n’a Nature ordonné,
Tout doit mourir ce qui a esté né.
Un povre acés de fievre l’omme efface,
Ou aage viel, qui est determiné :
20 Viellesce est fin et jeunesce est en grace.
Pourquoy fait donc dame ne pucellette
Si grant dangier de s’amour a ami,
Qui sechera soubz le pié com l’erbette ?
C’est grant folour. Que n’avons nous mercy
25 L’un de l’autre ? Quant tout sera pourry,
Ceuls qui n’aiment et ceuls qui ont amé,
Ly refusant, seront chetif clamé,
Et li donnant aront vermeille face,
Et si seront au monde renommé :
30 Viellesce est fin et jeunesce est en grace.
L’envoy
Prince, chascun doit en son josne aé
Prandre le temps qui lui est destiné.
En l’aage viel tout le contraire face :
Ainsis ara les deux temps en chierté.
35 Ne face nul de s’amour grant fierté : 61b
Viellesce est fin et jonesce est en grace.
[1] Ms. nesglantier