Balade 273 : Entre les ars et estas de ce monde (CCLXXVII)
Balade comment garder justice et suir les armes sont deux mestiers moult perilleux.
Entre les ars et estas de ce monde,
.ii. en y a qui sont a redoubter
Pour le peril qui en chasun se fonde
D’ame et de corps. Envix s’i doit bouter
5 Homs, quel qu’il soit : l’un est de lui armer,
Pour les tourmens que l’en a en la guerre, 60b
Et les pechiéz que l’en y seult acquerre.
L’autre si est d’estre juge en office,
Et rendre droit aux hommes de la terre :
10 C’est grant peril que de garder Justice.
Car Convoiter de jour en jour habonde
Es conseilliers, qui doivent demener
Selon les drois toute cause profonde,
Et a brief fin conclure et terminer
15 En principal, sanz nouveauls faiz trouver,
Pour leurs cliens, ne subterfuges querre.
Et qui le fait contre raison, il erre,
Et le juge qui [ne] le fait, fait vice.
Donc, veu ces poins, qui bien en veult enquerre,
20 C’est grant peril que de garder Justice.
Ne je ne croy qu’il soit juge si monde
Qui puisse bien tout jugement donner.
Et s’il deffault, qu’il ne tiengne la bonde
De Justice, trop se fera blamer.
25 Par haine, par don ne par armer,
Pour riens qui soit ne doit prandre n’acquerre,
Mais de raison tenir la droitte serre,
Et rendre a tous de droit le benefice.
S’autrement fait, en grant doubte s’enserre :
30 C’est grant peril que de garder Justice.
L’envoy
Prince, qui a Justice a gouverner,
Trop de charge a, de cure et de penser :
Garder se doit de faveur, d’avarice.
Ses jugemens doit justement donner,
35 Des quelz chascuns puet qui veult, appeler :
C’est grant peril que de garder Justice.