Balade 255 : Quant j’ay bien tout consideré (CCLVIII)
Balade
Quant j’ay bien tout consideré,
Les estas du monde present,
Et les cours[1] ou j’ay demouré
Et la maniere de la gent,
5 L’un est riche et l’autre indigent
L’un se faint, l’autre en vain se crout
Bon se fait porter loyaument,
Car au derrain le bien vaint tout
Qui plus a, plus est acouré
10 Et plus lui fault mises d’argent :
Telz a terres et champ labouré,
Qui n’a c’une povre jument,
Qui mieulx vit et plus liement
Que telz siet a table au hault bout.
15 Bon fait vivre moiennement,
Car au derrain le bien vaint tout.
Que vault grant avoir amassé
Dont il fault faire testament,
Et recorder le temps passé
20 De l’acquest fait mauvesement ?
Dont l’en a eu paine et tourment.
Pandre ou rendre fault[2], je n’en doubt.
Saiges est qui vit nettement,
Car au derrain le bien vaint tout.
L’envoy
25 Princes, qui plus riches se sent
En ce monde est li plus dolent
Quant de mort lui vient le sanglout.
Mais cil qui souffisance prent
Et fait bien, fine sainctement, 55d
30 Car au derrain le bien vaint tout.
[1] Ms. cuers
[2] Ms. faut il