Balade 221 : Quant une nef par viellesce perit (CCXXIII)
Autre Balade
Quant une nef par viellesce perit
Qui par mer a couru treslonguement,
Le feste bas et le bois se pourrist
Et les costéz branlent legierement.
5 Les estoupes, la poiz et le cyment
Desjoingnent, l’eaue alors [a] son entr’e,
Ne charpentiers n’y scet amendement :
Par ce vaissel no vie est figuree.
Ainsis est il de l’omme quant il vit
10 A ce monde qui est mer de tourment,
De jour en jour son corps anientit
Par traveiller, par viellesce ensement.
Le dos lui duelt, l’eschine se desment,
Doleur l’ençaint, tele est sa destinee.
15 La mer de mort toute sa nef pourprant, 48a
Par ce vaissel no vie est figuree.
Et par l’euvre li povres corps languit,
La santé fuit[1] et le nourrissement,
La douce humeur, et n’a que l’esperit.
20 Le medecin n’y voit gouvernement.
Lors doit chascun penser du sauvement
Et que s’ame soit tresbien ordonnee,
Car nostre nef chiet lors soudainement :
Par ce vaissel no vie est figuree.
[1] Ms. senfuit