Balade 202 : Puisqu’ainsis est, selon le dit du saige (CCIV)
Balade
Puisqu’ainsis est, selon le dit du saige,
Que toute chose tent et s’encline a bien,
Et le monstre par raison et usaige,
Car un arbre, ente ou un autre merrien
5 Planté en quelconque place
Dont l’une terre est maigre et l’autre grasse,
Eschivera la maigre, et si mettra
Ses racines en la bonne qui passe :
Or prangne donc ci garde qui vouldra.
10 Et pour prouver qu’il soit vray au corps saige
Que au souleil s’encline toute rien,
Arbres, branches, fueilles, fruit et herbage,
Comme au pere des plantes, et font bien,
Pour eulx nourrir de sa grace,
15 Et eschivent le froit qui les efface
A leur pouoir. Son contraire harra
Toute chose naturele et le chace :
Or prangne donc cy garde qui voudra.
Las ! et je voy qu’en tout l’umain linaige
20 Et en la loy que ont li Crestien,
Un chascun suist sa honte et son dommaige
Et eschivent ce que li ancien 44b
Acquirent par longue espace,
Ce fut honeur, largesce, et on amasse,
25 Tant c’un chascun se gaste et destruira.
Loyauté dort, vice vertu enchace :
Or prangne donc ci garde qui vouldra.