Balade 133 : L’eaue descent tousjours et coule aval (CXXXIII)
Autre Balade
L’eaue descent tousjours et coule aval,
Mais retourner ne puet naturelment.
Chascun jour naist et puis defflue ou val
De la grant mer : la prant terminement.
5 La, la convient tempester durement
Pour les griefs vens d’Auster et d’Aquilon,
La sont les flos griéz, horrible et felon
Qui maint vaissel font perdre et perillier.
Conclure autel de ce monde puet on
10 Ou pluseurs sont en peril de noier.
Nous descondons du ventre maternal
Povres et nuz procreéz villainment [1],
Subgiéz a mort du vice original
En ce monde sanz nul retournement.
15 Orgueil nous suit, Convoitise ensement
Et Envie nous vente a l’environ.
Nostre corps est la nef sanz aviron
Qui nuit et jour n’attent que trebuchier.
En ceste mer, se Dieu n’est, periron,
20 Ou pluseurs sont en peril de noier. 30c
Mais qui plus est, et qui plus me fait mal,
C’est que l’on[2] muert en un petit moment.
Sanz espargnier peuple ou prince royal
Maine la mort chascun a finement.
25 C’est quant au corps, et quant au remenant,
Qui aura bien fait s’ame[3] aura pardon,
Et les mauvais yront en Acheron,
C’est en enfer, pour tous temps traveillier.
En ce secle, pour Dieu, garde y prenon,
30 Ou nons sommes en peril de noier.
[1] Saint Hilaire corrige en villement
[2] Ms. bon
[3] Ms. son ame