Balade 113 : Je doubte trop qu’il ne viengne chier temps (CXIII)
Autre Balade
Je doubte trop qu’il ne viengne chier temps,
Et qu’il ne soit une mauvaise annee,
Quant amasser voy grain a pluseurs gens
Et mettre a part. Faillir voy la donnee,
5 L’air corrumpu, terre mal ordonnee,
Mauvais labour et semence pourrie,
Foibles chevaulx, et le laboureur crie, 26b
Contre lequel le riche dit : eschac !
Pour ce convient que le peuple mendie,
10 Car nulz ne tent [fors] qu’a emplir son sac.
Particulier est chascun en son sens,
Et convoiteus, vie est desordonnee,
Tout est ravi par force des puissans,
Au bien commun n’est creature nee.
15 Est la terre des hommes gouvernee
Selon raison ? Non pas. Loy est perie,
Verité fault, regner voy Menterie,
Et les plus grans se noient en ce lac.
Par convoitier est la terre perie,
20 Car nulz ne tent [fors] qu’a emplir son sac.
Si fault de faim perir les innocens
Dont les grans loups font chacun jour ventr’e,
Qui amassent a milliers et a cens
Les faulx tresors. C’est le grain, c’est la blee,
25 Le sang, les os qui ont la terre aree
Des povres gens, dont leur esperit crie
Vengence a Dieu, vé a la seignourie,
Aux conseilliers et aux menants ce bac,
Et a tous ceuls qui tiennent leur partie.
30 Car nulz ne tent [fors] qu’a emplir son sac.
L’envoy
Princes, le temps est brief de ceste vie,
Aussi tost muert homs qu’on puet dire : clac.
Que devendra la povre ame esbahie ?
Car nul ne tent fors qu’a emplir son sac.