Balade 78 : Des cas soudains et des cas fortunéz (LXXVIII)
Balade
Des cas soudains et des cas fortunéz
Qui adviennent a mainte creature,
Dont j’ay pluseurs veus puis que je fu nez,
Ne se doit nulz mettre a desconfiture.
5 Car mainte fois aler a l’aventure
En ce qu’on craimt, avoir paine et dolour
Vient a effect de douce nourreture :
Je tien que Dieux fait tout pour le meillour.
Aucunes gens sont des cieuls ordonnéz,
10 Les aucuns mal, autres selon droiture
Par les signes qui leur sont donnéz[1]
Ausquelz ilz sont plus enclins de nature.
Mais Franc Vouloir leur toult la couverture
Des cours du ciel, tant est de grant valour,
15 En resistant. Selon vraie escripture,
Je tien que Dieux fait tout pour le meillour.
Aux petiz corps est hardement donnéz,
Aux riches non. Ceuls de grant estature
Sont plus souvent aux sens habandonnéz,
20 Li povre, sain, li riche ont grief pointure.
Dieux n’a pas fait chascun d’une jointure,
Terre ne fleur toutes d’une coulour.
Mais riens n’avient dont flour n’ait ouverture :
Je tien que Dieux fait tout pour le meillour.[2]
25 Princes, qui a sens, raison et mesure, 18d
S’il pense a bien, Dieux congnoist son labour
Et s’il a mal ou aucune laidure :
Je tien que Dieux fait tout pour le meillour.
[1] Saint Hilaire corrige en destinéz, estimant que « donnéz se trouvant au vers 17 ne peut être deux fois à la rime ».
[2] Saint Hilaire supplée L’envoy