Balade 49 : Tous les princes de la crestienté (XLIX)
Balade
Tous les princes de la crestienté,
Roys, contes, ducs, chevaliers et barons,
Qui tant avéz l’un contre l’autre esté,
Ars et destruit et tué, nous sçavons
5 Que tout se pert et tous nous[1] destruisons,
Se pitié n’est qui soustiengne la foy.
Freres sommes, un peuple et une loy
Que Jhesu Crist voult par son sang acquerre.
Soions d’acort, mettons nous en arroy,
10 Pour conquerir de cuer la Saincte Terre,
Que nous avons par nostre iniquité,
Par convoitier, comme fiers et felons,
Aux ennemis de Dieu, dont c’est pité,
Laissé long temps. Las ! nous nous affolons : 12b
15 Po sommes gens, et si nous deffoulons
Tant que chascun n’ara tantost de quoy
Vivre. Pensons au bon duc Godefroy.
Jherusalem conquist par bonne guerre :
Au propre sien passa mer, com[2] je croy,
20 Pour conquerir de cuer la Saincte Terre.
Celle conquist. Soyons donc exité
De faire autel : longues treves prenons,
Se paix n’avons a nostre voulenté.
Le roy des Frans, d’Espaigne requerons,
25 Cil d’Arragon, d’Angletere. Querons[3]
Le prestre Jehan, des Genevois l’octroy,
Veniciens, Chypre, Roddes[4], le Roy
De Portugal. Navarre alons requerre.
Pappe, empereur, mettéz vous en courroy
30 Pour conquerir de cuer la Saincte Terre.
L’envoy
Princes mondain, je vous requier et proy
Que vous m’aidiéz les Sarrasins conquerre.
Je suis la loy, soiéz avec[ques] moy
Pour conquerir de cuer la Saincte terre.
[1] Ms. nons
[2] Ms. si com
[3] Saint Hilaire suppose un problème de transcription pour cette partie de la strophe.
[4] Ms. de Roddes