Balade 12 : Se possible feust a nature humaine (XII)
Balade
Se possible feust a nature humaine
De susciter ceulx qui sont mis en cendre,
Hector le preux, Artus et Charlemaine,
Julles Cesar, Godefroy, Alixandre,
5 David, Judas et Josué, qui prandre
Tant de travail vouldrent pour conquerir,
Et pour honeur et renon acquerir,
Et fussent tous ressours en propre vie,
Je croy que tuit vouldroient arrier mourir
10 Ains que veoir de ce monde l’envie,
Et la doleur que chascuns y demaine,
De convoitier, ravir, tollir et prandre,
De decepvoir son prochain, sa prochaine,
D’onnour laissier, des vices entreprandre,
15 Faire au bon mal, au mauvais le bien rendre,
Le noble cuer et le franc asservir,
Et le mauvais honourer et servir,
Et guerrier l’un l’autre par folie.
Tous ces .ix. preux desirroient fenir
20 Ains que veoir de ce monde l’envie.
Moult sembleroit a eulx chose villaine
Du temps present au temps passé comprandre,
Qu’Oneur estoit au monde, souveraine
Congnoissance, qui tout faisoit entendre,
25 Les bons amer, et Largesce fist rendre
Guerdon[1] atouz, vaillance soustenir
Et loyauté, prouesce maintenir :
Justice et Droit tenoit la seignourie.
Autrement va. tous vouldroient perir
30 Ains que veoir de ce monde l’envie.
L’envoy
Princes, il est nul, s’il a raison plaine, 4b
Et du monde sçavoit la tirannie,
Qui ne voulsist sa fin avoir prouchaine,
Ains que veoir de ce monde l’envie.
[1] Ms. Guerredon