Chançon royal 115 : Dont viens tu ? Du Dieu qui sommeille (MLII)
Autre Balade
― Dont viens tu ? ― Du Dieu qui sommeille. 277d
― Qui est il ? ― Ce dois tu sçavoir.
― Je ne le sçay. ― Or te conseille.
― Voulentiers. ― Je te diray voir.
5 C’est cilz qui me fait concevoir
Dolour, folour, tristesce et joye
Et pas ne me fait recevoir,
Li dieux d’amours qui me desvoye.
Toute nuit me bruit a l’oreille
10 Et fait mon couraige esmouvoir
D’amer celle qui n’a pareille.
― Comment t’en va ? ― Sanz nul espoir
Qu’elle me daingne apercevoir.
Mon complaint. Nez que pas la voye
15 Me deffent. Trop me fait doloir
Li dieux d’amours qui me desvoye.
― De toy me donne grant merveille.
Trop es aisés a decevoir.
― Pour quoy ? ― Cilz Dieux ne dort ne veille,
20 Aveugles est. Pour ce apparoir
Te puet, quant il ne puet veoir,
Que beaux et laiz ensemble loye.
C’est tout vray, bien a ce pouoir
Li dieux d’amours qui me desvoye.
25 Chose fait trop plus despareille
Et sanz vray jugement avoir,
Car le cuer vray qui s’appareille
De bien servir voy main et soir
Rebouter, et le faulx manoir
30 En grace, et ainsi se resjoye.
Par ce m’a mis en desespoir
Ly dieux d’amoursqui me desvoye.
Nulz ne le croit qui ne se dueille,
De musart fait toudiz son hoir,
35 Combien que fole et saige aqueille, 278a
Comme aveugle fait son devoir.
N’y regarde sens ne avoir
Fors volunté, chemin ne voye :
Sanz raison fait tout esmouvoir
40 Ly dieux d’amours qui me desvoye.
L’envoy
Compains, je me pars, mais qu’il veille
De plus amer, car foulz seroye
S’en grace ne fait qui m’aqueille
Ly dieux d’amours qui me desvoye.