Balade 866 : Je deviens courbes et bossus (MCCLXVI)
Je deviens courbes et bossus, 344c
J’oy tresdur, ma vie decline,
Je pers mes cheveulx par dessus,
Je flue en chscune narine,
5 J’ay grant doleur en la poitrine,
Mes membres sens ja tous trembler,
Je suis treshastis a parler,
Impaciens, Desdaing me mort,
Sanz conduit ne sçay mes aler :
10 Ce sont les signes de la mort.
Couvoiteus suis, blans et chanus,
Eschars, courroceux. J’adevine
Ce qui n’est pas, et loe plus
Le temps passé que la dotrine
15 Du temps present. Mon corps se mine.
Je voy envix rire et jouer,
J’ay grant plaisir a grumeler,
Car le temps passé me remort.
Tousjours vueil jeunesce blamer :
20 Ce sont les signes de la mort.
Mes dens sont longs, foibles, agus,
Jaunes, flairans comme santine.
Tous mes corps est frois devenus,
Maigres et secs. Par medicine
25 Vivre me fault. Char[1] ne cuisine
Ne puis qu’a grant paine avaler.
Des jeusnes me fault baler,
Mes corps toudis sommeille ou dort,
Et ne vueil que boire et humer :
30 Ce sont les signes de la mort.
L’envoy
Prince[2], encor vueil cy adjouster 344d
Soixante ans, pour mieulx confermer
Ma viellesce qui me nuit fort,
Quant ceuls qui me doivent amer
35 Me souhaident ja oultre mer[3]
Ce sont les signes de la mort.
[1] Ms. et char
[2] Ms. Princes
[3] Ms. la mer