Balade 65 : J’ay les estas de ce monde adviséz (LXV)
Balade
J’ay les estas de ce monde adviséz
Et poursuiz du petit jusqu’au grant,
Tant que je suis du poursuir lasséz,
Et reposer me vueil doresnavant.
5 Mais en trestouz le pire et plus[1] pesant
Pour ame et corps, selon m’entencion,
Est guerroier, qui tout va destruisant, 15d
Guerre mener n’est que dampnacion.
Autres estaz ont de labour asséz,
10 En seureté[2] vont leurs corps reposant,
Et se vivent de leurs biens amasséz.
Jusques a fin vont leur aage menant :
Et l’un estat va l’autre confortant,
Sanz riens ravir : loy et jurdicion
15 Tiennent entr’eulx, dont bien puis dire tant :
Guerre mener n’est que dampnacion.
Car on y fait les .vii. pechiéz mortelz,
Tollir, murdrir, l’un va l’autre tuant,
Femmes ravir, les temples sont casséz,
20 Loy n’a entr’eulx, le mendre est le plus grant,
Et l’un voisin va l’autre deffoulant.
Corps et ame met a perdicion
Qui guerre suit : aux diables la comment !
Guerre mener n’est que dampnacion.
L’envoy
25 Prince, je vueil mener d’or en avant
Estat moien, c’est mon oppinion,
Guerre laissier et vivre en labourant :
Guerre mener n’est que dampnacion.
[1] Ms. le plus
[2] Ms. seurté