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Et je dois lui ceder, pour le mettre en mon rang,
Le bien de mes Aïeux, & le prix de mon sang.
Et ainsi de tous les autres mouvemens que l’expression doit faire sentir ; & qui échaperont infailliblement au Lecteur, si par une expérience & une habitude assurées il ne s’est aquis l’art de suivre le sens d’un Auteur, sans y être conduit par la Ponctuation.
Le Point d’admiration est celui qui avertit dans la lecture, qu’il faut admirer, s’étonner, ou se plaindre. Ainsi les paroles que Phinée dit à Andromede, après que Persée l’a délivré du monstre, doivent être terminées par ce Point.
On vous donne à Persée ; & vous y consentez !
Et toute votre foi demeure sans defense,
Alors que de mon bien on fait sa récompense !
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Le Point interrogant marque que l’on doit prononcer l’expression d’un ton supérieur ou élevé : Ce qui est si vrai, que c’est une impolitesse d’interroger un grand Seigneur, sans ajoûter un correctif à son expression. Voici un exemple du Point interrogant dans un vers qu’Agamemnon adresse à Achille, qui ne veut point permettre que l’on sacrifie Iphigenie.
Et qui vous a chargé du soin de ma famille ?
Mais comme le Point d’admiration, & le Point interrogant marquent non seulement la pause qu’ils exigent ; mais encore la passion ou la figure exprimée par les termes, il me paroît que la marque de l’admiration, ou de l’interrogation devroit précéder la phra
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se : parce que la période pouvant être longue, & le Lecteur n’étant point averti qu’elle roûle toute sur l’interogation, par exemple, il pourroit changer de ton : ce qui seroit un défaut dans la prononciation, comme on le voit dans les vers suivans.
Quoi ? je verrai, Seigneur, qu’on borne vos Etats ;
Qu’au milieu de ma course on m’arrête le bras ;
Que de vous menacer on a même l’audace,
Et je ne rendrai pas menace pour menace ;
Et je remercîrai qui me dit hautement,
Qu’il ne m’est pas permis de vaincre impunément ?
Ainsi je ne sais s’il ne seroit pas avantageux pour le Lecteur, que la marque de l’admiration, ou de l’interrogation précédât la phrase, plûtôt que de la fermer ; parce qu’il faut une grande habitude dans la lecture, pour
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prendre sans guide le ton qui convient à ces deux figures, en prononçant les termes qui les expriment : Il faut bien souvent le deviner. De là vient que les plus habiles Lecteurs ont bien de la peine, à la premiere lecture, à prendre le sens d’un ouvrage.
Il y a bien des Auteurs qui, comme Mr Racine, n’admettent pas les deux Points ; les uns les confondent avec le Point ; les autres s’en servent indifféremment, au lieu du Point avec la Virgule : mais je trouve que les uns & les autres n’ont point de principe pour établir leur sentiment : Car ceux qui confondent les deux Points avec le Point, ne prennent pas garde que celui-cy termine absolument le sens, & qu’ainsi en s’y arrêtant trop,
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on détache des choses qui ont une liaison, & une conséquence nécessaires. Et je crois que si Mr Racine a employé souvent le Point pour les deux Points, ce n’a été que pour suspendre la déclamation de son Acteur, qui se presse toujours assez. On verra peut-être par la suite, que ceux qui emploient indifféremment le Point avec la Virgule, & les deux Points, n’ont pas plus de raison que les autres.
Les deux Points sont donc une marque, qui avertit le Lecteur que ce qui suit a une liaison nécessaire de sens, ou de conséquence, avec le sentiment, où la proposition que la période exprime ; mais bien que ce qui est détaché par cette ponctuation, pût être suprimé sans altérer le sens de l’Auteur ; nean
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moins il doit être prononcé de maniére, que l’Auditeur connoisse que c’est une dépendance du même sentiment, ou de la même proposition, comme on peut le remarquer dans les vers suivans, où Phedre fait connoître à sa Confidente la douloureuse & triste situation où elle se trouve.
N’allons pas plus avant : Demeurons, chere Oenone :
Je ne me soutiens plus : Ma force m’abandonne :
Mes yeux sont éblouis du jour que je revoi :
Et mes genoux tremblans se dérobetn sous moi :
Helas !
Il n’y a personne qui ne sente que toutes ces expressions apartiennent au même sentiment, qui est envelopé par l’interjection : mais que l’on pourroit en suprimer quelqu’une sans gâter le sens de l’Auteur. Il est vrai qu’ai lieu de ces deux Points
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Mr Racine n’y en a mis qu’un ; mais il me semble que c’est trop détacher la suite du discours ; sur tout lorsque les derniers termes rangent sous le même sentiment toutes les expressions qui ont précédé. En voici un exemple sensible. C’est Eriphile qui parle dans Iphigenie, & qui après avoir découvert tous les mouvemens différens que son amour lui fesoit observer, fait des reflexions sur ce qu’elle a aperceu.
J’ai des yeux : leur bonheur n’est pas encore tranquil[le,][1]
On trompe Iphigenie : On se cache d’Achille :
Agamemnon gemit : Ne desespérons point.
Constamment toutes ces expressions ont une relation absolue avec la derniere ; & les détacher par des points, c’est ôter au Lecteur la connoissance
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du sentiment qu’elles renferment.
Celui qui lit n’a point de difficulté dans ces ocasions, quand la relation de ce qui suit, avec ce qui précede, est marquée par des conjonctions. On le remarque aisément dans les vers suivans, où Agripine dans Britannicus parle de Néron.
Non, non, mon intérêt ne me rend point injuste :
Il commence, il est vrai, par où finit Auguste :
Mais crain, que l’avenir détruisant le passé,
Il ne finisse ainsi qu’Auguste a commencé,
Un Point devant, Mais, arrêteroit trop le Lecteur, qui par la pause que ce Point éxigeroit, détacheroit l’atention de l’Auditeur. C’est même pour cette raison, que celui qui recite avec art, prononce la conjonction avant que de faire sa pau
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se, pourtenir celui qui écoute plus atentif : Ce que je ferai remarquer davantage dans la suite.
Il est vrai que l’on peut mettre un point devant les conjonctions ; mais c’est lorsque le sens qui précede n’a aucune liaison avec ce qui suit. On le voit par ces vers.
Que ne devrai-je point à cette ardeur extréme ?
Mais on vient : C’est la Raine elle-même.
Il n’y a nulle liaison entre le sens du premier vers, & celui du second. Il n’en est pas de même dans les deux suivans, où Agamemnon parle à Achille.
Mon cœur pour la sauver vous ouvroit une voie :
Mais vous ne demandez, vous ne cherchez que Troie.
Il seroit ennuyant d’examiner l’emploi des deux Points devant
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les autres conjonctions ; il n’en résulteroit rien de plus que ce que j’ai dit. Je puis donc conclure que les deux Points sont employés devant une expression, qui bien qu’elle pût être séparée de la phrase principale, y a cependant un raport si conséquent, que si elle étoit employée seule, elle ne pourroit former un sens parfait suivant le même sentiment.
Le Point avec la Virgule, que l’on apelle, comma, est en usage pour faire des pauses entre les expressions qui sont rangées sous le même régime ; quoiqu’elles presentent des idées différentes, mais nécessaires pour exprimer parfaitement le sens d’un Auteur ; de sorte qu’elles ne pourroient en être séparées, sans l’altérer,
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comme on le peut voir par ces vers de Mr des Preaux.
Un jeune homme toujours bouillant dans ses caprices,
Est promt à recevoir l’impression des vices ;
Est vain dans ses discours ; volage en ses desirs ;
Rétif à la censure ; & fou dans les plaisirs.
Ce qui doit faire connoître que le repos du Point avec la Virgule est moindre que celui des deux Points : puisque toutes les idées, dont un Auteur fait un tout, ne doivent point être éloignées ; afin de le presenter ensemble à l’Auditeur, sans lui donner le tems de le perdre. Ainsi comme les conjonctions servent aussi à joindre ces expressions inséparables, il s’ensuit qu’elles peuvent être précédées du Point avec la Virgule ; comme on le remarque dans cet exemple, où
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Phinée répond à son Confident, qui lui a dit que Persée étoit fils de Jupiter.
Je sais que Danaë fut son indigne mere ;
L’or qui plut dans son sein l’y forma d’adultere ;
Mais le pur sang des Rois, n’est pas moins précieux ;
Ny moins chéri du Ciel, que les crimes des Dieux.
Si les deux derniers vers étoient séparés des deux premiers, ny les uns ny les autres ne formeroient point un sens parfait, selon l’intention du Poëte : ainsi il y a entre eux une conséquence nécessaire, qui rend l’expression assujettie à un seu larangement : Ce qui fait que suivant mon principe, on ne peut mettre deux Points aux endroits où j’ai marqué le Point avec la Virgule.
Enfin la Virgule, la plus petite pause que l’on peut faire
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en prononçant un discours, est une marque que l’on emploie à séparer les termes, ou les expressions, qui presentent des idées différentes sous le régime d’un même nom, d’un même verbe, d’une même préposition. En voici un exemple pris dans l’Art Poëtique.
Faites choix d’un Censeur solide, & salutaire,
Que la raison conduise, & le savoir éclaire,
Et dont le crayon seur d’abord aille chercher
L’endroit que l’on sent foible, & qu’on se veut cacher.
On voit que toutes ces expressions ont une seule relation, contenue sous le même régime. On se sert de la Virgule non seulement, pour assembler plusieurs atributs sous un même sujet, plusieurs actions sous un même agent, & plusieurs termes sous une même préposition ; mais encore à détacher du discours
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les propositions incidentes, & les parenthses. Ces deux vers de Cassiope dans Andromede le font voir clairement.
Et pour punir sa mere, ils n’ont, ces cruels Dieux,
Ny monstres dans la mer, ny foudre dans les Cieux,
L’exactitude, & la justesse de la Ponctuation sont si nécessaires dans un ouvrage, que ces beaux vers, que prononce Thésée dans Œdipe, ont presque toujours été mal recités, ou déclamés ; parcequ’ils ont été mal ponctués dès les commencemens : & il a fallu avoir recours à la reflexion pour développer le sens de l’Auteur. Ils me serviront d’un exemple général pour toute la Ponctuation.
Quoi ! la nécessité des vertus, & des vices
D’un Astre impérieux doit suivre les caprices ;
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Et l’homme sur soi même a si peu de crédit,
Qu’il devient scélérat, quand Delphes l’a prédit ?
L’ame est donc toute esclave : une loi souveraine
Vers le bien ou le mal incessamment l’entraîne :
Et nous ne recevons ny crainte, ny desir
De cette liberté qui n’a rien à choisir,
Atachés sans relâche à cet ordre sublime,
Vertueux sans mérite, & vicieux sans crime :
Qu’on massacre les Rois, qu’on brise les Autels,
C’est la faute des Dieux, & non pas des Mortels.
De toute la vertu, sur la terre épandue,
Tout le prix à ces Dieux, toute la gloire est due :
Ils agissent en nous, quand nous pensons agir :
Alors qu’on délibere, on ne fait quobeïr ;
Et notre volonté n’aime, hait, cherche, évite,
Que suivant que d’enhaut leur bras la précipite,
D’un tel aveuglement daignez me dispenser :
Le Ciel, juste à punir, juste a récompenser,
Pour rendre aux actions leur peine & leur salaire,
Doit nous offrir son aide, & puis nous laissez faire.
N’enfonçons toutefois ny votre œil, ny le mien
Dans ce profond abîme, où nous ne voyons rien :
Delphes a pu vous faire une fausse réponse ;
L’argent put inspirer la voix qui les prononce ;
Cet organe des Dieux put se laisser gagner
A ceux que ma naissance éloignoit de regner ;
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Et par tous les climats on n’a que trop d’exemples,
Qu’il est, ainsi qu’ailleurs, des méchans d(an)s les temples.
Quelques fois au lieu de la Virgule, on emploie ces marques ( ) pour fermer une parenthse, sur tout quand elle est un peu longue ; & alors le Lecteur, quand il la prononce, doit mettre sa voix sur un ton plus bas ou plus haut que ce qui précede, ou ce qui suit, selon le sens qu’elle renferme. Il y en a une dans les vers suivans, où Nicolmede parle de son frere Atale, où l’on doit baisser sa voix.
Si j’avois jusqu’ici vécu, comme ce frere,
Avec une vertu qui fût imaginaire ;
(Car je l’apelle ainsi quand elle est sans effets,
Et l’admiration de tant d’hommes parfaits,
Dont il a vu dans Rome éclater le mérite,
N’est pas grande vertu, si l’on ne les imite :
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Si javois donc vécu dans ce même repos
Qu’il a vécu dans Rome auprès de ses Héros,
&c.
Il n’y a pas beaucoup d’éclaircissement à donner sur le Point interrompu : C’est celui qui nous sert à couper le sens d’une expression, par une nouvelle qui a un sens différent, comme on le remarque dans ces vers d’Andromaque, où Hermione parle de Pirrhus à sa Confidente.
Hé bien, chere Cléone,
Conçois-tu les transports de l’heureuse hermione ?
Sais-tu quel est pirrhus ? T’es-tu fait raconter
Le nombre des exploits… Mais qui les peut compter ?
Intrépide, & par tout suivi de la victoire ;
Charmant, ffidele enfin, rien ne manque à sa gloire,
Songe, …
Dissimulez : votre Rivale en pleurs
Vient à vos piés, sans doute, aporter ses douleurs ;
Cet exemple fait connoître
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que le discours peut être interrompu par la personne qui parle, ou par celle à qui l’on parle. Au premier as, c’est la reflexion qui fait que l’on s’interrompt ; ainsi ce point demande un petit silence, & un ton de voix différent. Au second cas, c’est une raison subite qui engage celui qui écoute à interrompre celui qui lui parle ; c’est pourquoi il doit lui couper la parole sans pause.
Je ne présume pas avoir heureusement éclairci toutes les difficultez de la Ponctuation ; ny qu’on reçoive généralement les préceptes que j’en ai donnés : Chaque Auteur a sa maniere de ponctuer, & quelque irréguliere qu’elle soit bien souvent, il croit cependant entendre parfaitement la ponctua
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tion. D’ailleurs il en abandonne souvent le soin à des Correcteurs, qui ponctuent presque tous sans reflexion, ou sans connoissance. Neanmoins il est de conséquence de ne point confondre le Point avec les deux Pointes ; ceux-cy avec le Point & la Virgule, joints ensemble ; & de n’employer des Virgules qu’aux endroits qui en éxigent. Cette confusion est préjudiciable à un ouvrage ; & a souvent fait naître des disputes entre les Savans, que des Copistes ignorans ont altérés, avant que l’Impression fût en usage.
Je répete donc à mon Lecteur, que quand il est obligé de lire, ou de reciter un ouvrage, il doit scrupuleusement
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s’assujettir à la Ponctuation ; en établissant pour principes, que le Point marque la plus longue pause : que les deux Points demandent un moindre repos : que le Point avec la Virgule veut plus de silence, que la Virgule, dont la pause est presque imperceptible. Si un Lecteur s’arrête aux endroits où il n’y a aucunes de ces marques, à moins que ce ne soit une transition, il ne se fait point entendre ; & ne peut donner à l’ouvrage d’un Auteur l’esprit, ou l’action qu’il y a voulu mettre.
Il y a des Auteurs qui ne mettent de distinction dans la ponctuation que par raport au plus, ou au moins de liaison, qu’ils veulent donner aux expressions qui composent leurs ouvrages : Et
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par là ils prescrivent au Lecteur la maniere de les faire entendre dans la lecture : Ainsi à la place des deux Points ils substituent souvent le Point avec la Virgule : où au lieu de cette derniere ponctuation ils emploient la Virgule. Mais il faut être très-assuré dans cette petite science, pour placer à propos les pauses du discours ; de maniere que celui qui le prononce puisse lui donner l’esprit, ou l’action que l’Auteur a eu intention de lui donner, par ses expressions.
C’étoit une nécessité, qu’avant que d’entrer dans le sujet qui m’a déterminé à écrire, je préparasse mon Lecteur sur les trois connoissances dont il a indispensablement besoin pour reciter, déclamer, & chanter :
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c’est à dire sur les Accens, qui déterminent le son, & la longueur d’une[2] bonne partie de nos silabes ; sur la Quantité, qui est la mesure de la prononciation de ces silabes, sur la Ponctuation, qui regle les silences nécessaires pour détacher les expressions, qui forment un discours ; de maniere que l’Auditeur puisse plus aisement entendre le sens qu’elles rendent : & pour donner à celui qui prononce le tems de reprendre son haleine à des endroits où le sens de l’Auteur ne soit point interrompu.
Puet-être que j’aurois den traitter encore de la Prononciation de toutes nos silabes, comme d’une matiere nécessaire au dessein que je me suis proposé ; mais ce sujet a été si
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savament examiné par l’Auteur du traité de la Grammaire, que je n’ai pas cru devoir le toucher après lui. Ainsi je passe au sujet de mon travail ; c’est de conduire une personne qui recite, ou lit un ouvrage ; qui prononce une harangue, ou un autre discours oratoire ; qui défend une Partie devant des Juges ; qui déclame une Piece touchante ; & enfin qui chante des paroles mises en Musique.
CHAPITRE IV.
De la Lecture, ou Recit simple.
LE mot de Lecture a deux significations : On le prend pour Erudition, ou Science profonde : Ce n’est
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point de la Lecture prise en ce sens, dont je veux parler : C’est de l’action par laquelle on prononce à voix haute un écrit, ou un ouvrage, pour en communiquer le sens & les mouvemens à ceux qui l’écoutent.
Je trouve qu’il y a de deux sortes de Lectures : L’une qui fait connoître l’ordre d’un ouvrage, l’arangement des pensées, & le choix des termes, & des expressions dont il est composé : L’autre qui fait sentier à l’Auditeur tous les mouvemens répandus dans l’ouvrage. Celle-là satisfait l’esprit ; celle-cy touche le cœur. Ainsi les écrits, où il n’y a point d’action, comme les Actes, les Livres Dogmatiques, les Histoires, les Gazettes, se lisent simplement : mais il faut ajoûter l’inflexion de la voix,
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pour prononcer des Contes, des Fables, des Satires, des Comédies, dsTragédies, qui étant lues sans leur donner de l’action par la voix, n’ont point la grace dont l’Auteur a voulu les orner ; & ne donnent point à l’Auditeur le plaisir d’en être touché. Je vais traitter de ces deux manieres de prononcer.
Il y a si peu de personnes qui lisent bien parceque l’on ignore les principes de la Lecture, que je me flate de me faire un mérite auprès du Public, si je puis lui donner les moyens de s’acquerir cet agrément. Tout le monde veut lire, parceque tout le monde le croit bien faire ; & neanmoins peu de personnes satisfont dans la lecture. Je dis plus ;
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ceux qui par habitude, & favorisés par la Nature, lisent avec succès, le font presque tous au hazard, faute de savoir les principes, par lequels on peut fixer la bonne maniere de prononcer un ouvrage. Elle a son mérite dans le monde ; & il n’ya personne qui ne sache aussi bien que moi, que c’est par ce moyen que bien des gens ont fait leur fortune, & on gagné les bonnes graces de leurs Maîtres.
Le principal fondement de l’art de prononcer, est un organe heureusement disposé ; c’est à dire, une voix sonore & flexible, que nous tenons de la Nature : Car il ne faut pas esperer qu’avec une voix disgraciée on puisse plaire aux Auditeurs, & faire valoir le
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mérite d’un Auteur. Cependant en observant les regles de la Lecture, on peut se faire entendre.
Les maximes donc, sur lesquelles je fonde l’agrément de la Lecture, sont d’observer le lieu, & le nombre des personnes dvant lesquelles ont doit lire, afin de proportionner l’étendue de sa voix, de maniere que l’on puisse être entendu de tous ceux qui écoutent : Mais il le faut faire de sorte, que l’on soit toujours le maître de baisser, ou de hausser le ton aux endroits qui en sont susceptibles : car rien n’est plus desagréable que de prononcer toujours sur le même ton, comme un Ecolier. Il est vrai qu’il y a des gens qui n’ont qu’une seule portée de voix,
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& qui, quand ils sont obligés de monter pour se faire entendre à plus de monde ; ou de descendre, pour ne point fraper trop rudement l’organe d’une ou de deux personnes qui les écoutent, sont incapables de varier la force de leur voix : Ces gens-là doivent s’abstenir de lire.
Il est plus avantageux d’augmenter la force de sa voix, sur la fin, que de la diminuer ; parceque l’atention de l’Auditeur n’étant pas ordinairement de longue durée, on est obligé de le réveiller en haussant sa voix ; ce que la pluspart des Lecteurs ne peuvent faire pour l’avoir pris sur un ton trop haut au commencement de leur lecture. Ainsi celui qui lit doit avant que de le faire, ob
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server la longueur de l’ouvrage qu’il va prononcer, pour se mettre en état de fournir de la voix, aussi long tems qu’il en aura besoin.
Quoique la prononciation des termes, & des silabes soit arbitraire, selon bien des gens ; neanmoins il faut savoir les regles que l’on a établies, pour prononcer, de maniere que l’on évite le mauvais accent, & que l’on satisfasse les gens qui parlent bien ; ce sont les Courtisans, les Dames, & les Gens de lettres : encore y en a-t-il bien de ceux-cy, qui aïant eu une premiere éducation mal conduite, ou peu de commerce, prononcent bassement tout ce qu’ils proferent. Et parceque la Langue Françoise ne doit avoir aucun accent, comme la
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Polonoise, un Normand, un Gascon, un Picard, encore attaqués de l’accent de leurs Provinces, ne peuvent lire agréablement. Et il y a même bien des Parisiens, que l’on n’écoute point avec plaisir ; parce qu’ils donnent trop d’enflure à leur prononciation ; & qu’ils y manquent même assez grossiérement, comme d’élever la silabe des infinitifs terminés en er, dont il font l’è ouvert ; quoiqu’il soit fermé ; ainsi que je l’ai fait remarquer dans le traité des Accens.
Comme il est essenciel à la Lecture de savoir exactement les effets des Accens, de la Quantité, & de la Ponctuation, je renvoie mon Lecteur à ce que j’en ai dit ; mes derniers traités supposant toujours ceux qui les precedent.
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Un habile Lecteur doit ménager son haleine, de maniere qu’il en ait toujours de reste, pour la reprendre aux endroits où il le peut faire, suivant les regles de la Ponctuation : & lorsqu’on trouve une période longue, & que l’on prévoit ne pouvoir prononcer d’une haleine, il la faut reprendre légerement aux Virgules, & aux autres fractions du Point, afin que la voix ne s’affoiblisse pas vers la fin de cette période ; ce qui rendroit la lecture desagréable.
Pour parvenir à cette facilité, il est nécessaire de contracter une grande habitude avec les mots ; de sorte que l’on puisse lire mentalement la ligne qui suit celle que[3] l’on prononce. Car un Lecteur qui hanone,
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pour me servir du terme, fatigue l’atention de clui qui écoute. Une grand mérite pour un Musicien qui execute, c’est de bien lire la note avant qu’il la frape, afin de le faire aussi promptement qu’il le doit, & avec les mesures & les agrémens qui lui ont été prescrits. Il en est de même du Lecteur ; il doit lire les termes avec une grande facilité, pour les prononcer avec mesure, & avec grace : ce qu’il ne sauroit faire, s’il est réduit à les chercher.
Comme l’Auditeur est porté, naturellement à se distraire, il le fait ordinairement aux pauses que le Lecteur observe : ainsi c’est un art, pour suspendre l’atention de l’Auditeur, que de ne point s’arrêter à la ponctua
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tion ; amis seulement après avoir prononcé les termes qui servent de liaison, ou de transition dans le discours, comme on peut le reconnoître dans ces vers de M. des Preaux ; où j’ai marqué plusieurs points aux endroits où le Lecteur doit s’arrêter ; plûtôt qu’à la ponctuation qui précede.
Votre race est connue.
Depuis quand ? répondez. Depuis mille ans entiers ;
Et vous pouvez fournir… deux fois seize quartiers.
C’est beaucoup : Mais enfin… les preuves en sont claires ;
Tous les livres sont pleins des titres de vos peres.
Leurs noms… sont échapés du naufrage destems :
Mais : qui m’assurera qu’en ce long cercle d’ans,
A leurs fameux époux vos Aïeules fidelles,
Aux douceurs des galands… furent toujours ébelles ?
Il faut observer cette maxime dans la Poësie, encore plus
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que dans la Prose ; parceque l’on ne doit point, pour bien réciter des vers, s’arrêter à la rime ny à la césure, à moins qu’il n’y ait un point, & que le sens ne soit parfait. Ce n’est pas ce que les Lecteurs ordinaires observent ; ils ont acoutumé de bien faire sonner l’un & l’autre : Défaut qui ôte tout l’esprit, toute la délicatesse d’un ouvrage. Enfin on doit faire son possible, quand on lit, pour soutenir, pour lier, s’il m’est permis de parler ainsi, l’atention de l’Auditeur depuis le commencement jusqu’à la fin de la lecture ; car dès qu’il a perdu la suite de ce que l’on prononce, il est en droit de ne plus écouter.
La Langue Françoise veut être prononcée gravement, &
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notablement : ainsi il ne faut jamais précipiter son recit : car non seuelment l’Auditeur ne pourroit suivre, mais encore il est rare qu’en précipitant sa parole, on puisse donner à chaque silabe sa quantité dans sa juste proportion. J’interdis aussi la lecture à toute personne qui a le son de la voix ignoble : les termes ; les expressions perdent de leur noblesse dans sa bouche ; & l’Auditeur répugne à l’écouter.
Quoique je recommande à mon Lecteur de prononcer avec gravité ; neanmoins qu’il évite avec soin de tomber dans la déclamation, comme en déclamant on doit éviter de chanter. La Lecture, la Déclamation & le Chant ont leurs mesures, qu’il est dangereux de confondre,
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quand on veut exécuter l’une ou l’autre avec justesse. C’est pourquoi il faut bien proportionner l’intervalle de la quantité, & prononcer chaque silabe d’un ton plein & égal. Car rien n’est de plu insuportable à entendre, que ces gens qui dans une simple lecture, font rouler une silabe sur des tons différens, & qui font ronfler les paroles par une prononciation emphatique, comme s’ils alloient déclamer quelque endroit touchant.
Ce n’est pas un moindre défaut que d’élever, ou d’abaisser quelques termes, ou quelques silabes, plus que celles qui les précedent, ou qui les suivent. Il n’y a presque point d’Erangers, ny même de François, qui ne tombent, ou qui
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ne s’élèvent à la pause, quand bien même le sens ne seroit pas terminé : Ils s’imaginent que tout repos demande une cadence, comme dans la Musique ; mais ils se trompent ; c’est un des plus grands desagrémens de la lecture. Et quand je dis qu’elle doit être variée, c’est avec relation aux pensées, & non aux termes, & aux silabes : C’est donc sur tout l’expression que cette variation doit roûler, lorsque le sens de la derniere est différent de celui de l’expression qui précede. Voici trois vers de l’Art Poëtique dans lesquels on reconnoît sensiblement cette vérité.
Des hros de Roman fuyez les petitesses :
Toutefois aux grands cœurs donnez quelques foiblesses :
Achille déplairoit moins bouillant & moins prompt,
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Le premier vers doit être prononcé d’un ton ferme & de commmandement ; & les deux autres doivent êtres recités d’une voix plus douce, & plus basse. Mais il faut seulement apuyer sur le terme qui fait le nœud de la pensée : fuyez, est celui qui la marque dans le premier vers ; & Achille, dans les deux autres.
Il me paroît que l’on doit faire beaucoup d’atention à la nature de l’ouvrage que l’on doit lire : il y faut acommoder le ton de sa voix. Si la matiere est grave, que l’on prenne une voix sublime, telle qu’elle seroit nécessaire pour une Epitre au Roi, ou tel autre ouvrage qui parleroit des actions d’un autre héros. Si le sujet est galand, on doit le
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lire d’une voix légere, & gracieuse, comme on prononceroit un conte, une avanture, une épitre familiere, une églogue. Des satires veulent être lues avec vivacité ; une matiere dogmatique demande de la sagesse, de la netteté dans la prononciation.
On doit encore reflechir sur le caractere des Auteurs, bien qu’ils soient d’un même genre : Car qui liroit les Lettres de Balzac, du même goût que celles de Voiture ; ou celles-cy, comme les autres, n’entreroit point dans l’esprit de leur travail. Les Tragédies de M. de Corneille demandent absolument un ton de voix plus noble, plus lié, plus élevé, que celles de Mr Racine : Celles-cy le veulent plus naturel, plus coupé,
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plus touchant, que les autres. Les Comédies de Moliere demandent plus de délicatesse dans la conduite de la voix, que celles où il n’y a que de l’intrigue, ou des sentimens grossiers. Les maximes de Mr de la Rochefoucaut doivent être lues gravement : Les Caracteres de Mr de la Bruyere veulent une voix familiere, & quelque fois plaisante. Et ainsi de tous les autres Auteurs. Je dis même que si l’on n’entre pas en cela dans l’esprit, dans le goût de l’ouvrage, on expose l’Auteur au mépris, & on lui fait perdre des louanges qu’il mérite bien souvent. De là vient que de petits connoisseurs ne lisant point un ouvrage dans le caractere qui lui convient, n’en peuvent sentir
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le mérite ; & un bon livre entre les mains de ces gens-là passe souvent pour un travail médiocre ; ils ne sauroient connoître ce qu’il a coûté à l’Auteur, qui sentant toute la force des pensées qu’il veut exprimer, cherche & choisit les termes qui leur conviennent.
Enfin la variété de la voix d’une personne, qui lit seulement dans l’intention de faire connoître le sens d’un ouvrage, ne consiste qu’à suivre exactement un Auteur, en donnant à ses expression un ton, ou un peu plus apuyé, ou un peu plus foible ; selon les pensées qu’elles rendent : Ce que l’on peut reconnoître aisément par les termes dont elles sont composées. Et cela dans la vue seulement d’éviter la monotonie,
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qui rend la lecture tres-fade, et tres-ennuyante.
Voila ce que je trouve à observer pour bien faire une lecture simple. Mais comme toute personne qui écoute, veut être dédommagée de son atention, qui bien souvent la gêne, il est d’un bon Lecteur de lui exprimer les mouvemens, aussi bien que le sens d’un ouvrage : c’est ce que j’appelle lecture touchante, qui a ses principes communs avec ceux de la Déclamation : Ainsi je ne parlerai des accens nécessaires pour exprimer les passions, & les figures, que lorsque je traiterai de l’action en général, & je ferai seulement les remarques suivantes sur la matiere dont il est question presentement.
Le Lecteur qui a dessein de
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plaire, & de toucher par son recit, a encore plus d’interest de ménager la portée de sa voix dans cette sorte de lecture, que dans l’autre ; parcequ’il la doit assujettit aux inflexions, pour l’accommoder aux mouvemens qui regnent dans tout l’ouvrage : & s’il n’est pas capable de la soumettre à toutes ces inflexions, il faut qu’il s’en tienne au simple récit ; car ce n’est pas une chose aisée de donner à sa voix de la relation avec ce que l’on énonce. Un ton comique ne conviendroit nullement avec une action grave ; & ainsi du contraire. Il y a même des voix si bizarres, que l’on ne sauroit jamais les mettre dans la nature.
Ainsi je puis donner pour principes généraux, que si l’on
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récite une ouvrage, dont l’action soit modeste, il faut que la voix soit douce & traînante ; telle qu’il faudroit la rendre, pour prononcer ces vers de Malherbe.
N’espérons plus mon ame, aux promesses du Monde,
Sa lumiere est un verre, & sa faveur une onde,
Que toujours quelque vent empêche de calmer :
Quittons ces vanitez, lassons-nous de les suivres
C’est Dieu qui nous fait vivre ;
C’est Dieu qu’il faut aimer.
Les expressions qui regardent un mistere, veulent être recitées par une voix humble, mais grave & ferme tout ensemble : c’est de cette maniere que je proférerois les trois derniers vers du sonnet de des Barreaux.
Tonne, frappe, il est tems ; ren moi guerre pour guerre ;
Mais quoi ! sur quel endroit tombera ton Tonnerre,
Qu’il ne soit tout couvert du sang de Jesus-Christ ?
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Le récit d’un combat demande un ton éclatant, & pressé. En voici un exemple dans le récit qu’Ephestion fait à Alexandre de la mort de Taxile, tué par Porus.
N’entens je pas ; dit-il, l’infidelle Texiles
Ce traître à sa Partie, à sa Maitresse, à Moi ?
Vien, lâche, poursuit-il, Axiane est à toi ;
Je veux bien te céder cette illustre conqête :
Mais il faut que ton bras l’emporte avec ma tête :
Aproche. A ce discours, ces rivaux irrités
L’un sur l’autre à la fois
[s]e sont précipités.
Nous nous sommes en foule oposés à leur sage :
Mais Porus parmi nous court, & s’ouvre un passage,
Joint Taxile, le frape, & lui perçant le cœur,
Content de sa victoire, il se rend au vainqueur.
S’il s’agit de quelque magnificence, la voix doit être grave, pompeuse, élevée, telle qu’il faut l’avoir pour réciter ces vers de M. d’Hénaut.
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Avant qu’on eût au monde admis cette chimere,
Du faste & des grandeurs l’extravagante mere,
Ces superbes Palais, ces Forts audacieux,
Qui gourmandent la Terre, & menacent les Cieux ;
Ces grans ameublemens, chargés de broderie ;
Où l’or est abîmé parmi les pierreries ;
Ces Temples, ces Autels, si riches, si parés ;
Où les Dieux cependant sont si mal adorés ;
Enfin ces grands Portails, ces magnifiques Domes,
Et ces Tours d’où les Grecs auroient vu vingt Royaumes,
De notre vanité monumens éternels,
N’avoient pas aparu, même en songe, aux Mortels,
Mais en lisant les vers qui suivent les précédens, il faut adoucir sa voix, & la rendre plus familiere pour exprimer la tranquilité, & les plaisirs.
Sous un rustique toit, lambrissé de branchages,
Sur un lit de gazon, ou sur un tas d’herbages,
Le Berger, la Bergere, unissant leurs desirs,
S’abandonnoient sans crainte aux amoureux plaisirs
L’Opinion
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Leur cabane, bâtie, & de jonc, & d’argile,
Contre les vens à peine étoit un sur azile ;
Mais contre les soucis c’en étoit un certain :
On y dormoit en paix, du soir jusqu’au matin :
Les hôtes n’y craignoient, ny vol ny violence ;
Et la nuit s’y Passoit dans un profond silence :
Tandis qu’ils sommeilloient, tout leur cœur someilloit ;
Et jamais en sursaut on ne les réveilloit :
De songes égayés les images flateuses
Ne fesoient qu’enchanter[4] leurs ames amoureuses :
Le Taureau mugissant, & les bêlans Troupeaux
Finissoient sans alarme un si charmant repos ;
Les rapeloient aux champs, au lever de l’Aurore.
Et les rendoient aux soins de Pomone, & de Flore,
Au fond d’un bois touffu, par leurs vœux consacré,
Dieu, sans cerémonie étoit d’eux adoré,
Et content d’un Autel, jonché de fleurs & d’herbes,
N’étoit point rebuté d’adorateurs superbes.
Que pouvoit-il manquer à leur felicité,
Avec tant d’innocence, & de simplicité ?
On voit donc par ces exemples, que le Lecteur[5] doit absolument allier l’accent de sa voix avec le caractere de l’ouvrage,
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c’est à dire qui lit à le bien examiner, & à voir si la Nature lui a donné une voix propre pour aller jusqu’au cœur de celui qui écoute ; une voix ignoble ne peut inspirer de nobles sentimens ; une voix grave & lente ne sauroit entrer dans le ton nécessaire au recit d’un ouvrage comique ; une voix trop claire n’impose point ; une grosse voix est presque toujours confuse. Mais comme j’examinerai dans la Déclamation toutes les différences de voix qui conviennent à tous les mouvemens en particulier, j’y renvoie mon Lecteur, à qui je fais seulement remarquer ici, qu’il doit avoir encore plus de soin dans la lecture touchante que dans l’autre, de bien nourrir la prononciation des termes & de silabes, pour
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ne point rendre sa lecture seche, comme le font ceux qui n’ont point acoutumé de lire ; c'est-à-dire que le son ne doit jamais être discontinué qu’aux pauses, qu’il est permis de faire, suivant les regles de la Ponctuation.
Comme on n’est point ordinairement préparé, quand on fait une lecture, je ne conseille à personne d’en entreprendre, qu’il n’ait contracté l’habitude de prévoir les mouvemens par les premiers termes qui les expriment : car une passion, une figure mal touchée ne fait point de plaisir à l’Auditeur. Il n’en est pas de même de la Déclamation, on fait l’ouvrage par cœur ; on n’a eu le tems d’étudier ses tons & ses gestes : mais dans la lecture, il faut deviner
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les mouvemens qui doivent suivre ceux que l’on fait sentier actuellement : ce n’est pas une chose aisée.
Quand on fait une lecture, ce n’est point pour se donner en spectacle : ainsi on ne doit pas allier le geste avec la prononciation : Neanmoins les differentes passions que l’on exprime, exigent naturellement de petits mouvemens de bras & de visage, qui donnent du feu, & de l’agrément : on ne peut les refuser à la Nature, qui nous les fait faire involontairement : mais j’avertis mon Lecteur de n’y donner aucune atention ; ce seroit un mauvais goût ; car le geste, comme principe, ne doit avoir aucune part à la lecture. Et il y a méme des Nations, comme les Allemans, qui ne l’ad
[1] Impression altérée.
[2] Le texte porte d une.
[3] U inversé.
[4] Le texte porte qu énchanter.
[5] Le texte porte Lectuer.
[6] Le titre courant porte 88.