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Excellent & Moult utile Opuscule à tous necessaire, qui desirent avoir cognoissance de plusieurs exquises Receptes, divisé en deux parties.
La premiere traicte de diverses façons de Fardemens & senteurs pour illustrer & embellir la face.
La seconde nous monstre la façon & maniere, de faire confitures de plusieurs sortes, tant en miel, que succre, & vin cuict, le tout mis par chapitres, comme est fait ample mention en la Table.Nouvellement composé par maistre Michel de Nostredame docteur en Medicine de la ville de Salon de Craux en Provence, & de nouveau mis en lumiere.
A LYONPAR ANTOINE VOLANT,M.D.LV.
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Michel de Nostredame medicin au Lecteur Benivole salut.
APres avoir consu mé la plus grand part de mes jeunes ans ô le cteur be nivole en la pharmaceutrie, & à la cognoissance & perscrutation des simples par plusieurs terres & pays despuis l'an 1521, jusques en l'an 1529, in cessamment courant pour entendre & savoir la source & origine des planetes & autres simples concernans la fin de la faculté Iatrice : que apres avoir voulu imiter la seule ombre de Paulus Aegineta, Non quod uelim conferre magna minutis : mais, tant seulement diray,
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Nostradami laborem me nosse, qui plurimum terra peragrauit, Sextrophea natus Gallia, que quand suis esté au bout de mes huict ans accomplis & con sumés, me suis trouvé ne pouvoir parfai tement attaindre en ceste summité de la parfaite doctrine, ay fait, comme recite celuy qui estoit culmen linguæ Latinæ disant : Et egressus syluis uicina coëgi. & uins parachever mon estude jusques à lheure presente, qui est le trente un an de ma vacation, que tenons mil cinq cens cinquante deux. Et apres avoir soigneusement & par frequent & continuel estude, veu tous & un chascun les autheurs tant Grecs, Latins, que Barbares, tournés la plus grand part en langue La tine, & d'autres mis en parole peregri ne : & entre les autres matieres ay veu ceux qui avoient laissé par escrit quant à la illustration de la face. Et pource que en hantant plusieurs contrees mesmes la ou les femmes pour cause des annees ac
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celerement passees venoient secretement & par une subtile industrie a cacher & occulter la principale partie du corps qu'est le chef, pour demonstrer par manifeste apparence que les applications mises à la face venoient à decevoir les ieulx des voiants. Les dames que sont de face semblables à Phryne n'ont ja besoing d'user de cecy, or mis pour la entiere conservation de leurs faces : mais qui sont beaucoup plus agees, & que sont semblables à celles qui estoient au banquet : veritablement celles ont bien affaire de bien voir & prescrutter soigneuse ment cecy : mais que tel inconvenient ne leurs advienne pas. Et jay cogneu de grands personnaiges en diverses regions qui continuelement faisoient & usoient de la plus grand part de telz affaires, que pour viel les qu'elles fussent elles faisoient comme Proteus, qui changeoit de face quand il vouloit. Et apres que tous les livres aumoins de ceux que ma faculté & puis
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sance pouvoit satisfaire si nay je jamais peu trouver de telles choses que sont icy comprinses : car en parlant de la beauté & illustration du visaige, qui a dit une, & qui un'autre : mais la plus grand part de ceux qui pensoient bien rediger par escrit, ont mis unguents, liminents, & huyl les : & ny a rien au monde que rende plus le visaige brun & machuré que telles applications, ou il seroit bien possible quil sen sont deportez bien legierement, ou qui lont voulu taire : Je ne dy pas quil ne soient esté plusieurs qui avoient la parfaite cognoissance de toute la doctrine de medicine, & toutesfois ilz ont igno ré cecy. aussi pareillement quilz se sont excusez que cestoit plus ouvraige de femme que faculté de medicine, que je les ay bien veuz selon mon pouvoir : quant aux anciens du temps des Grecz, cela est trop certain quilz en usoient autant ou plus que au temps present : mais que la plus grand part des femmes le faisoit,
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non de mettre la main à la plume. Et du temps du siecle Romain cela estoit plus frequenté que n'est de present. & si lon veult dire, que telles besoignes nestoient encores en lumiere, Marc Varron n'afferme il pas que dedens mille ans accomplis & revoluz tous les scavoirs et artifices feurent parachevez, combien que journelement se treuvent de nouvelles inventions, & sont du temps present en la faculté de medicine que ne font incessamment que escrire, & quoy ilz ne dient rien quil ne soit esté ja long temps dit. & sont plusieurs quil ne font autre chose que de prendre des uns & des autres mesmes de ceux qui ont escrit ont tourné de Langue Arabique despuis cinq cens ans en ça que les bonnes lettres estoient demy ensevelies. & quoy les tournent en un langaige plus aorné & plus eloquent : mais si vous voulies les faire escrire sans voir les Barbares quilz dient, ilz seroient bien empeschez : vray est que maintenant
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que la vraye langue Attique est suscitee, ilz se tiennent tant grand nombre de sca vants, qu'a peine du temps du siecle de Platon estoient plus parfaitz en toute erudition quilz sont de present. Encores nay je point veu aucun qui ayt assailly tel le petite charge, que quand viendra entre les mains de quelquun qui n'aura pas ac coustumé de mal parler, ne viendra pas a vituperer du tout nostre exigue labeur, car en aiant veu quelques uns qui se sont meslez de parler de la illustration de la face, & en ont parlé comme à demy ignorants, & quant aux odeurs & senteurs ilz ont bien monstré quilz navoient jamais usé de plusieurs choses inutiles, quilz ont mis & laissé par escrit, car un qui seront versé en telz affaires, & verra l'un & l'autre, dira que l'on la veu, & l'autre la ouy dire. Parquoy considerant plusieurs avoir esté abusez par une sim ple lecture, & croiant l'effect contenu estre verite, bien souvent se sont trouvez
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trompez, ou possible que celuy qui redigeoit par escrit quelque asseuree experience combien quil ne leusse jamais experimentee, si est ce quil la venoit autant asseurer comme sil eusse sus sa personne tentee. Et si ay veu quelques receptes concernants le fait interieur du corps humain, que telle prescription estoit cer tioree par plusieurs venant de degré l'un à l'autre, & d'escrire les matieres que le personnaige par divers pais à usé, faisant parfaite distinction supputee par symme trie du temps de l'eage du mal, et la qualité des simples lon peut plus facilement attribuer foy & estude, veu que apres la long estude, la dangereuse exercitation, l'experience perilleuse à esté par long temps consumee à celuy que non pas à tel par moyen dun parler affecté, dune treseloquente phrase, dune grace singuliere à rediger par escrit, que moyennant la multiplication de sa doctrine son engin tressubtil auroit mis par escrit tant
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seulement ce quil auroit trouvé inseré par plusieurs & divers autheurs. Si est ce que durant sa vie n'avoit jamais rien experimenté : & pour parler de ceulx qui ont tresbien mis leur dire par escrit, Pline qui est un locupletissime autheur toutesfois & quil allegue Cornelius Cel sus, il ne la onques recité au nombre des Medicins, mais des autheurs : combien vrayement que ledit Celsus aye si bien parlé de toute la faculté de Medicine, que la plus grand part des personnaiges doctes par la transmutation Pythagorique luy transfeirent l'ame de Pythagoras, comme de Cicero à Longolius : & si est ce combien quil aye tant bien dit ou il ny a rien à redire : plusieurs veulent affirmer quil n'exercita jamais la faculté de Medicine & de mieux dire en Latin il n'est possible. Venons à ceux de nostre temps, Erasme en revenant de Venise qui estoit avec Alde grand amy de Marcus Musurus, & d'Ambrosius Leo de
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Nolle sen retournant en France, & passant à Ferrare parla à Nicolas Leonicenus home scavant & docte en toute erudition, & qui continuellement translatoit & composoit œuvres en la faculté de Medicine, luy demanda veu quil estoit tant scavant en la dicte faculté, pourquoy il ne pratiquoit & visitoit les malades : & il luy respondit comme il avoit de coustume saigement quil faisoit beaucoup plus de profit & utilité de apprendre les autres en lysant, que en exerceant, & moins de facherie : car il nest possible que un personnaige qui a beaucoup de malades a veoir, quil puisse ne estudier, ne rien escrire : & vrayement ceux qui ont beaucoup escrit en aucune faculté, il n'avoient gueres de besognes a faire, car lesperit de celui qui redige par escrit ne demande que pacification : ou il fau droit faire comme faisoit Julius Cæsar, qui escrivoit la nuict ce quil faisoit le jour, toutesfois le Phœnix en la faculté
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Iatrice qui est Hippocrates a tant divinement escrit, quil n'est possible à home de le scavoir imiter : si est ce que dens ses œuvres mesmes au Epidemes il demonstre clairement quil avoit beaucoup de malades a veoir : nonobstant il a escrit beaucoup : & luy attribuent on des oeuvres possible que sil estoit en vie, il en denieroit la plus grand part, combien quil ny a œuvre que ne sente la divine doctri ne Hippocratique : mais une fois moy estant Agen en Agenois pais de la Gaule Aquitanique, & avec Julius Cæsar Squaliger home scavabt & docte, un second Marcile Ficin en philosophie Platonique, bref un personnaige que je ne le scaurois à qui accomparer, sinon à un Plutarque, ou Marc Varron, quil affermoit que la plus grand part des œuvres de Galien luy sont esté attribuees : vray est que j'ay aussi tenu propos souvent à Franois Valeriolla, je ne scay si le soleil à trente lieues à la ronde voit un home
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plus plain de scavoir que luy, quil estoit en partie d'opinion que lon luy attribue quelques œuvres quil ne feit jamais : combien que luy mesmes Galien aye mis par escrit son cathalogue, & la mode lire ses livres. En plusieurs le souverain so leil ne nous a il pas produict pour toute la Gaule universele, mesmes en la Gaule Belgique un autre Galien, que est Jaques Sylvius : & en la Germanie Leonarthus Fuchsius, qui par l'excellence de leur estu de se sont preparés une immortalité, tant que leurs œuvres leurs ont acquis une memoire sempiternelle : que si leurs umbres descenderont aux champs Helysiens, Galien les recognoistra comme vray & parfait simulachre de sa propre effigie, quil n'est possible à humain personnaige plus doctement escrire : & plusieurs presques innumerables espars par la Chrestiente, qui continuellement tendent en ceste fin de soy preparer quelque louange par labeur de leurs escritz
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pour estre a perpetuité glorifiez : mais je me doute fort quil ne vienne le temps, que d'autant que à present se voient de proffesseurs en l'art Iatrice, que feront comme on feit au siecle Romain, que la cité demeurant cinq cens ans sans quil y eut Medicin aucun, non pas ce croy je, pour cause deux, mais pour occasion de ceux qui l'exerceoient, aussi que pour la Fa tum de Chrysippe, & pour les periodes des fievres par la profonde philosophie ilz affermoient les maladies estre plustost gueries, natura quàm arte, maintenant vous ne scauries aller à si petit villai ge, que vous n'en trouves un. & en brief dautant que par aucun temps ilz ont este en grande requeste, dautant seront ilz à vil pris : & si vous voules dire, ouy les Emperiques & ignorantz, mais bien les dogmatiques & rationaulx pour la trop grande multitude : toutesfois lon peu facilement apparcevoir que despuis un bi-en peu de temps les bonnes lettres com
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mencent si bien a fleurir, mesmes despuis cent ans, quelque peu moyns, que la cité de Florence a produit une multitude de personnaiges tant scavantz en toute lite rature, que je auserois affermer ce present siecle regner la vraye langue Attique, que nous ne soions beaucoup redevables à noz predecesseurs de nous avoir laissé par escrit tant de monumentz. Si sommes, que par iceux nous comprenons leur temps, & considerons la future jacture des lettres, qui pourra tant avenir comme par conflagration, ou inundation, ou par ignorante negligence a esté. J'ay volué & revolué possible non pas à suffisance tant de vielles libraries si je pourrois trouver aucun autheur digne de foy, qui feisse mention de la matiere que j'ay redigé par escrit non. Je pense bien quilz en ont parlé, & ont usé de plusieurs sortes de distillations du temps mesmes de Hippocrates, que quand il parloit de roris cyriaci, ou de manna
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thuris, ce n'estoit pas ce que plusieurs ont entendu, mais cestoit autre chose : car le ros cyriacus ce n'estoit autre chose, fors que en distillant le benjoyn il se venoit elever une rousee en haut, qui se venoit a sublimer, que cestoit cela : & manna thuris cestoit la rousee qui s'esleve quand on fait l'huylle d'encens : car par lors (comme recite Herodote & Diodorus Siculus) on venoit embaumer les corps avec senteurs, & oindre avecquesplusieurs sortes d'huylles : & la rousee que s'eslevoit en la distillant lon le nommoit manna thuris. Je suis seur que je feray retirer le front à plusieurs, qui possible rejecteront cecy bien loing : possible que je feray l'ouverture à quelquun quisen contentera. Aussi j'ay voulu icy mettre la vraye recepte du Bourrax, et pour satisfaire à plusieurs qui se sont fachezlonguement, quelle chose pourroit estre leBourrax, & les livres des abuseurs alchimistes en sont pleins : si est ce que jamais
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je ne trouvis recepte pour le faire qu'ilz soloient tousjours mesler avec l'alum : & au vray parler l'alum ne tient rien du Bourrax : car la recepte que j'ay mis par escrit est la vraye & facile : & quil soit vray, lon le peut experimenter facilement,qu'on trouvera mon dire veritable : & possible que quelquun pour moyen de la mienne ouverture fera de luy pour senrichir : quant à moy j'ay voulu que ce que je scavois fut cogneu. Aussi j'ay inseré plusieurs nouveaux fardz pour illustrer la face, ou telle partie du corps que lon vouldra : que si les ans se pouvoient si facilement cacher comme les macules, & les rides de la face, cecy seroit nommé pour un second Aurum potabile : combien pour n'avoir guieres oblié j'ay inseré une recepte, laquelle n'est de rien redevable à l'Aurum potabile, que nonobstant que Lucillius poëte Grec, qui estoit un grand mocqueur d'un chacun, peu discrepant du maling Archilochus, vray est que Lucil
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lius à moquerie escrivoit, et Archilochus a mal parler, qu'une fois Lucillius estant logé aupres dune dame de Lesbos, qui commenceoit fort a perdre sa jeunesse, que se nommoit Heliodora, que continuellement ne se faisoit que laver & farder, que par le moyen de telz lavementz elle apparoissoit jeune, & se tenoit à Bisance, que de present est appellee Constantinople, que par quelque despit que Lucillius eut : & ainsi quil estoit coustumier a mal parler, un jour que lon celebroit les Saturnales à Bisance, luy & quelquuns autres larvez ou masquez luy presenterent cest Epigramme que sensuit, que despuis Agathius Scholasticus la nous a laisse par escrit, que est telle.
ΛΟΥΚΙΛΛΊΟΥ.Τὴν κεφαλὴν βαπτεις, τὸ δὲ γῆρας οὔποτε βάψεις,Οὐδὲ παρειάων ῥυτίδας ἐκτανύσεις.Μἡ τοίνυν τὸ πρόσωπον ἅπαν ψιμυθῳ κατάπλαττε,Ὥστε προσωπεῖον, κοὐχὶ πρόσωπον ἔχειν.Οὐδὲν γὰρ πλέον ἐστί· τί μαίνεαι ; Οὔποτε φῦκοςΚαὶ ψίμυθος τεύξει τὴν Ἑκάβην Ἑλένην.
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Ces vers jadis furent tournez en Latin par Gaspar Ursinus Vellius consellier à Vienne en Austriche, qui un soir soy pourmenant le long du Dannube la terre se fendit, & tumba & se nya : & pour satisfaire à quelquesuns, nonobstant quil ne touchat rien à la matiere, nous y voulons inserer le Latin, & puis le Francoys de nostre traduction. Inficis ora dies nunquàm tinctura seniles,Nunquàm rugosas explicitura genas.Define iam stibio faciem depingere totam,Ne laruam, haud faciem quis putet esse tuam.Nil reliquum, quæ est hæc Dementia : namneque fucus,Nec cerusa Helenem fecerit ex Hecuba. Combien que ne soions pas trop exercitez en la poësie Francoise, ce nonobstant avons traduict en Huictain. Huictain.Combien que farde ta face envieillie,N'ayes ja peur qu'on en oeste les taches.Puis que vieillesse ainsi t'assaillie : Il n'est besoing qu'a mettre tu ne taschesA ton visaige aucun fard que tu scaiches :
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Qu'à ton corps puisse donner emblanchiment :Car sublimé, ne ceruse, ne tascheDe rendre vielle, jeune par fardement. Et pour ne fascher le lecteur de trop longue preface, nous ferons fin, & declairerons plus amplement dens le proœme du second livre, auquel sont contenues toutes les sortes de faire confitures, que encores que ne soit pas grand cas, pourroit obtester quelquun, possible il sera bien agreable au commun populaire, & aux plebeies, qui voluntiers sont curieux de scavoir faire plusieurs & diverses confitures : & nonobstant que Lucillius qui estoit coustumier de mal parler il mit cest epigramme a lencontre de Heliodore : & aussi il parlot que lon scait bien que l'occasion est au temps, & le temps nest pas en loccasion : car despuis que les premiers ans sont passez, ilz ne retournent jamais : mais quand le personnaige combien quil soit viel, & ne se voit point de poilz blancs quilz sont teints : & le visaige re
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vient en sa pristine beaulté, lon ne se donne pas tant de facherie : car Possidippus quand il descrit occasion par l'ouvraige de Lysippus qui estoit souverain sculpteur, il ne defendoit pas que lon ne procurat pour sa personne tant exterieurement que interieurement, mais son intention seulle estoit de admonester les gens jeunes à vertu, & amasser des biens en la jeunesse, qui sont les poilz devant : car en la viellesse soy repentir nest plus temps : car la jeunesse ne retourne jamais : parquoy si par le moyen de doctrine, & par artifice ingenieux lon peut preserver le corps humain en vie en fleurissant eage : il ne faut donc pas vituperer si par medicaments exterieurs lon se veut maintenir en verd estat, que le personnaige se voiant ainsi souventesfois se peut loger en plus haut lieu, & c'est par le moyen des fardz & emblanchimens, & aussi par les bonnes senteurs que le personnaige porte sus soy dechasse maulvaise alei
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ne, dechasse loing les maux dangereux : & quand quelque divorce par impotence est entre quelques uns, est ce mal fait de les po[u]voir assembler que pour le tout faire trouver par escrit ceans dedens, & autres beuvandes amoureuses, que par moyen de leur composition : & les usant comme plus a plain est contenu dens ce premier livre, que à la parfin les effectz & operations sensuivent ex animi sententia. Lucretius antiquissime poëte Latin en use il pas de telle composition, mais mal pour sa personne par trop longue retention, que sil eusse fait son remede que il racompte, a stipulant à luy Marcille Ficyn sus le convive de Platon, en la septieme oraison que fait Christophorus Marsupinus prenant les parties de Alcibrades ne luy profita guieres : car il en moureut pour en avoir abusé. lon pourroit dire que j'ay mis par escrit la descriptiondaucunes huylles odorants, & sont bien aussi chiers quilz sentent bon, & aucunes
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eaues odorantes composees par plusieurs & diverses sortes, & en ya de composees selon les pays & regions pour sen aider en un pays, & un autre selon l'abondance ou cherte des simples : pourtant amy lecteur, si ceste petite œuvre ou ce labeur exigue nest fait ne composé comme il te pourroit plaire, soit agreable tant seulement qu'il soit asses d'avoir acompli à la volonté des femmes, que encores que naturellement soient belles & aggreables aux homes sans rien avoir mis que leau claire passee par la bouche, si est ce quelles ne se contentent pas de leur naturelle beauté, & sont contentes de scavoir quelque cas nouveau pour leur augmenter leur beauté. Aussi que toute femme mesmes celle que fait souvent enfant se deschet tout les ans de cinq pour cent, comme fait la cassia fistula pour bon temps qu'elle aye : elle aumoins appete naturellement, si augmenter ne peut, maintenir sa beauté par lors quand elle
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est de l'eage de dixhuit à vingt ans : ce qu'elle fera indubitablement jusques à l'eage de soixante, en usant bien & deuement de la composition du sublimé, qui est icy dedens comprinse, & mise pour la premiere au premier chapitre : car si ledit sublimé est fait comme il est escrit, indubitablement le visaige sera preservé en beauté longuement, & fera devenir Hecuba en Heleine. Toy disant à Dieu de Saint Remy en Provence dite Sextrophea, ce premier jour d'Avril milcinq cens cinquante deux,composé à Salon de Craux en Provence.*
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LE VRAY ET PARFAITEmbellissement de la face, & souverainemblanchiment du visaige, conservation du corps en son entier, contenant plusieurs Receptes secretes & desyreesnon encoresveues.*
Pour accoustrer le subliméCHAP. I.
POUR accoustrer le sublimé, lequel est le plus souverain fard & emblanchiment de la face qui se puisse faire au monde, qui rend le cuir aussi blanc que neige, sans gaster ne tirer nullement lecuyr, ny gaster ne corrompre les dents : mais rend une souveraine splendeur naifve à la face, que se une femme en use brune pleine de taches ou pannes, combien quelle fut de leage de cinquante ans la ren-
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dra que le front & les joues sembleront leage de douze ans : tant souverain est ce fard, qu'encores que lon sapproche du visaige, lon ny sçauroit voir ny cognoistre rien or mis un emblanchiment naturel, que si une femme en avoit usé durant quatre ou cinq jour[s], elle seroit presque mescogneue aus siens, tant souverain est ce fard. Et si une femme en use ou commence d'en user à leage de quinze ou vingt ou vingt cinq ans, ce luy conservera le visaige en incomparable beaute tout le temps de sa vie que encores en leage de soixante ans elle apparoistra estre de leage de vingt ans, par le jugement d'un chacun durant un long temps : & rend le visaige sain & nect sans luyre aucunement, or mis une naturele splendeur agreable & rendant une couleur vermeille comme rose au bout du menton, aux levres pour pasles qu'elles soient & aux deux joues, que si une fille ou femme avoit la face cadavereuse semblable à la mort, luy fera apparoistre un visaige joyeux pour melancholique quelle soit : & si le visaige ou autre partie du corps estoit taché de lentilles (pourveu qu'il ne soit à personnaige qui aie poil de bœuf) les y aura perdues en peu de temps : cecy est le souverain fard ou plusieurs hommes pensent
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estre bien ruséz à la cognoissance de la beauté naturelle d'une femme sont estes deceuz. pensant avoir prins Heleine, & ont prins Hecuba, tant grande & incredible beauté rend ce fard. Et sont estez plusieurs dames au pays d'Italie & d'Hespaigne, qui tant seulement ont delaissé la façon de ce fard à ses filles pour un souverain heritaige non point le laissant par escrit, à fin qui ne fut sceu ne cogneu, mais en secret le monstroient pour mieux le sçavoir comprendre : & ha telle vertu & efficace quil rend la face dune beauté tirant sur la couleur dun argent fin, que si la face estoit copperousee la rendra tant excellentement blanche, que nature par ses naturelz effectz ne pourroit davantaige faire : si un personnaige tasché daucune espece de ladrerie, luy fait perdre celle maligne & detestablecouleur, & la vient changer en blancheur. Si une cicatrice soit par feu ou pour autre mutilation, meszmes si elle est prinse de jeunesse par petite succession de temps la fait perdre, combien que le divin Hippocrates aie referé que les membres qui sont mutilez ne retournent jamais, ce qui est bien vray quand il dit : Quum abscinditur in corpore os, cartilago, neruus in corpore augetur, neque coalescit. celà est trop evi-
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dent : mais ceste composicion elle ha ceste singuliere vertu & tant manifeste efficace, que les ieulx voiant, fait mentir l'A∆INATΩN, & visiblement lon voit cela apparoistre, mesmes les dames que en ont usé tenant cecy pour la plus souveraine composition que se puisse faire.
PRenes du sublimé le poix de six onces, & le mettes dens un mortier de marbre qui soit bien net, & le pilles avec un pillon de bois, & le tritures longuement en le broiant en lieu qui ne face point de vent par lespace presque d'un jour tout entier : & apres que vous verres quil sera fort subtil comme farine fine, que quand le toucheres entre les doigtz ne sentires aucune asperité quelle que se soit sans le passer : puis quand vous verres quil sera subtilement pulverisé, vous luy mettres de la salive jejune d'un personnaige qui aura demeuré trois jours de manger aulx & oygnons, ne vinagre, ny verjeux, & en le broiant incessement, puis y mettres dedans de vif argent net & passé par un drap de laine blanc bien espes & purgé du plomb, & de estaing le poix de 6. drachmes, que sont le poix de six escuz soleil : argent moulu le poix de trois grains, puis tout ensemble le broieres si fort & continuelement tousjours
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en le broiant, luy mettant de salive jejune jusques à ce quil vienne bien blanc, & au commencement quand le vif argent sera meslé avec le sublimé il sera noir & gris, tirant plus à la couleur grise que noire :mais non pour cela il le faut tant remuer jusques à ce quil vienne blanc : & pource que cecy ne se peut perfaitement parachever de sept jours pour sa perfection, il faut que apres quil a esté bien demené tousjours avec la salive, & ne faut que fer ne cuyvre le touche, mais que le tout soit de bois, or mis le mortier : & alors quil sera bien moullé, & que le vif argent sera bien extaint, le metres tout l'apres disner au soleil essuyer : car le soleil & le fort batre faut qui lui donnent la blancheur quil doit avoir : & apres quil sera essuyé le tourner batre. & pource qu'on ne sçauroit pas avoir de la salive ou crachat à si haute heure, luy mettres de leau de nenuphar ou rose peu à peu. mais pour la vraye perfection de ce fard il ni faut que du crachat en jeun, & y mettres quelques jours davantaige pour la perfection diceluy : & quand vous aures cogneu quil sera bien blanc perfaitement & bien subtil, car il faut que tous les jours il soit mis au soleil avec le mortier : & quand le voudres mettre au
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soleil, faites qu'il se tienne par tout le mortier, & puis le mettre au soleil lendemain bien matin, avec une spatule de bois le retourneres au fond du mortier : & alors que vous cognoistres quil sera naifvement blanc, lors vous les dissouldres en eau de fontaine, & non point de puys, à la quantité de vingt onces d'eau, jusques à ce que vous cognoistres quil sera dissoulz : & apres le mettres dens un petit tupin de terre bien vernissé, & le feres boullir sus des charbons : & quand il commencera de bouillir, gardes quil ne verse : & faites quil ne bouille que tant de temps, que vous demeureres à dire deux patinostres, & deux ave Maria : & puis soudainement le oster du feu, & le laisser refroidir & reposer pour trois ou quatre heures, ou pour sa meilleure perfection, jusques à lendemain matin : & puis getter ceste eau qui est forte & maligne, qui sera comme verde, & la getter ou la bailler aux chirurgiens : & quand il sera bien escoulé de l'eau, vous en remettres d'autre, & la feres boullir comme vous aves fait au paravant : & puis l'ostes du feu, & la laisses reposer, & la getes : & y remettres d'autre : & cela feres six foys : & à la derniere foys faites quil soit de quelque bonne eau rose odorante : & quil
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ne bouille que deux ou trois ebullitions : & ne faut pas getter ceste la, mais quelle se seiche à demy : & puis quand vous en vouldres user, prenes en de la grosseur dun poix, ou dune demie febve : & ayes quelque petite pierre de marbre de la largeur d'unes heures, ou plus, ou moins : & quelque autre prtite piece de la grandeur & rotundité d'une table d'un tablier : & le broyeres fort sur ledit marbre avec un peu de eau rose, que aures tenu dans la gorge le plus long temps, que pourres, & puis mouilles un peit linge fin bien subtil : & quand le visaige sera bien nettoyé, le matin passes le dit linge par tout le visaige, & verres une beauté & blancheur incomparable : & si le visaige est un peu trop blanc prendres une racine d'orcanete avec une goutte de huylle de noix muscade, & la frottres sus la palme de la main : puys de la racine en frotteres les levres, la joue, & le bout du menton : de la façon de lhuille de noix muscade le trouveres en son chapitre. Et notes que pour noblement ledit sublimé preparé, & à fin que la face soit de telle beauté quelle ne soit faite que pour regarder & rendent le fard durable pour long temps & subitement dens deux jours rendre un visaige noir, ou brune, blanc
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comme fin papier. Prendres de ceruse de Venise le poix de trois onces, & la donneres a un paintre quil la broye fort sur son marbre avec d'eau rose : & quand elle sera bien broyee, vous la destremperes avec une livre & demye d'eau rose, ou quelque eau de bonne senteur : & la mettres dens une grand terrine de terre, & la feres un peu chaufer : & vous laveres le visaige par l'espace d'une demie heure par quelquun autre, comme lon lave la face chez un barbier : & quand vous seres lavé longuement tout le visaige, ou la partie du corps que vous vouldres : lors vous essuyeres le visaige d'autre eau : & quand vous aures fait le lavement de la ceruse par trois jours entiers, alors vous useres du sublimé au visaige tous les matins à vostre lever, en vous abillant : & gardes d'en mettre guieres : car il suffit a chasque foys den mettre la grosseur d'un poix : & pour garder qui ne face point de mal aux dentz a la longue, faites quil soit tousjours destrempé avec d'eau odorante cy dessoubz escrite passee par la bouche.
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Un'autre mode pour bien preparer & accoustrer le sublimé, pour l'illustration de la face, non moindre que la première.CHAP. II.
CEste façon de preparer le sublimé, rend la face de non guieres moindre resplendeur & beauté que la premiere, plutost parachevé, mais souverain pour emblanchir le cuyr d'un personnaire de trente cinq, ou quarante ans le moins du monde resplendissant, & qui dure toutesfoys plus longuement : de quoy y en usoit Lays Corinthienne, que fut la supreme beauté de Thessalie, que quand il a este au visaige lespace d'un demy quart d'heure fait apparoistre une face demye Angelique. & sapparoit tant excellentement blanche, que ceux qui ont la cognoissance pour cognoistre un visaige fardé, on ny scauroit rien apparoir, tant est subtil & ingenieux, & d'une parfaite beauté : & quand vous l'aures essayé trois ou quatre foys, y donneres beaucoup plus de louange que je ny scaurois mettre par escrit : & est plus facile à faire que le premier : vray est que le premier veritablement merite une louange presque immortelle, pour cause de l'effect
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& de son excellence : mais si une femme auroit usé de l'un & de l'autre, elle ne rejetteroit pas ceste icy, mais le tiendroit non de moindre veneration que le premier.S'ensuyt la composition.
PRenes quatre petits lymons, & les partes en quatre pars, & y mettes dedens du vif argent à chacune piece le poix d'un escu, ou environ : & puis faites le distiller par alembic de verre, ou si n'aves la commodité d'avoir un alembic de verre, mettes le tout haché menu avec un couteau de boys dens une fiolle de verre, & que ne soit que à demy pleine : puis mettes la fiolle dens un autre rosere alembic, qui soit ensevelie jusques à demy aux cendres passees par un sac, pour cause qui ne se rompe. puis faites bon feu & recevres l'eau qui distillera dens une fiolle de verre, & que ne soit que à demy pleine : puis mettes la fiolle dens un autre rosere alembic, qui soit ensevelie jusques à demy aux cendres passees par un sac, pour cause qui ne se rompe. puis faites bon feu & recevres l'eau qui distilleras dens un'autre fiolle : & la garderes a part : & prendres du sublimé qui soit bon, qui soit composé a peu de sel le poix de quatre onces, du vif argent bon & net le poix d'un escu, & mettres ledit sublimé & vif argent dens un mortier de marbre, pillon & spatule de bois, & broieres fort dens le mortier jusques à ce quil soit bien subtil : & prendres de ladite eau arrouseres peu a peu ledit sublimé presque par l'espace d'un jour, jusques quil soit parfaitement blanc : & le pourres
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remettre quelque jour au soleil, pour luy aider à sa blancher : & quand il sera bien blanc faites le dissouldre dens deau de fontaine : & le feres boullir dens un pot de terre neuf envernissé quatre ebullitions : & puis le laisses refroidir trois ou quatre heures : & puis gettes leau & en remettes dautre, & faites la boullir comme la premiere fois : & la laisses refroidir, & la gettes & faites cela quatre fois : a la derniere fois prendres de ceruse de Venise demy livre, & pastes la avec six blancz d'œufs, & enveloupes la dens trois petites pieces de linge bien blanc, qui soit rare comme destamine : & puis lies la, & faites la boullir dens quelque vaisseau de terre tout neuf : & tant quil boullira quil fera une escume faites la cuyllir avec une pleume blanche, ou avecques une cuillier dargent : & tant que pourres cuillir de lescume mettes dens la fiolle ou est la premiere eau du lymon : & mettres le tout ensemble : & quand en voudres mettre au visaige, remueres fort la fiolle, & avec un petit drapeau moullié en laveres le visaige le matin avant sortir hors la maison : & ceux & celles qui ont le visaige rouge ou couppe-
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rosé tant rouge que ce soit, dens peu de jours deviendra en perfaite blancheur naturelle, dechassant le mauvais sang, en subtiliant la peau tant perfaitement, & dure huict jours complits en un mesme estat, sans gaster ne blesser aucunement partie du corps, mais conservant la face en une perfaite union : que quand on auroit fait & cherché tout le monde, lon ne scauroit trouver fard comparable à cestuy cy, or mis le Talk, que par sa faction le corps humain est conservé en celle beaute immuable, que par lheure il est commence : comme vous verres mis par escrit en un autre lieu : & ceste sorte de sublimé est estimee la plus souveraine & en plus brief temps parachevee.
Pour faire pommade d'une souveraine odeur, bonté & excellence, que ceux qui au paravant en leur decorationavoient mis ne scavoient qu'ilz ont fait : & ceste cy est pour une supreme liqueur. CHAP. III.
PRenes de gresse de pourceau toute freche du jour, ou de lendemain, que le pourceau a esté tué : & la mettes dens une grande terrine bien nette la quantite de quatre livres ou plus, ou moins : d'eaue
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rose autant ou moins : & avec les mains bien netes traites la fort, la maniant & meslant par lespace d'une heure : puis prendres des pommes de la meilleure senteur qui se pourront trouver le nombre de douze : & les hacheres avec lescorce par petites pieces : prendres aussi deux coings bien meurs, ou trois, & les hacheres aussi subtilement, lescorce de quatre orenges, deux lymons, & un demy citron, sil est possible alors d'en trouver : & le tout haché menu mettres dens un mortier de marbre, & batres le tout fort ensemble : & quand il sera ainsi fort batu, & bien meslé, y mettres de hyris Florentiæ pulverisé Z.x. de gyrofles fort conquasses Z.ij. storacis, calamitici Z.ij.s. calami aromatici Z.j. & le tout encores fort batres ensemble y adjoustant de l'eau rose, sil nen y avoit asses : & puis mettres le tout dens une olle de terre bien envernissee : & le feres fondre sus les charbons à petit feu, en le couvrant d'un plat de terre : & sur tout gardes quil ne se rime : car pour peu quil feut rimé, cella luy amoyndriroit fort sa senteur : & le faut remuer souvent avec une spatule de bois, jusques a ce que vous cognoistres quil sera bien fondu, en essaiant tousjours, en mettant quelque goutte à la main : & puis le sentir, pour la parfection
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de son odeur : car il ne faut pas quil cuyse guieres : & quand vous la vouldres oster du feu, lors prendres du musc le poix de Z.j. ou plus, ou moins, si voules quelle soit à toute perfection, sur toute ceste quantite mettes en une drachme, qui est le poix dun escu. ambre gris Z.j.s. & ces deux pulverises ensemble, & destrempes avec eau rose : & le mettres dens l'olle : & faites boullir encores un peu, puis coules le tout chaudement par un linge bien net : & la mettres dens de petitz vas de verre de chacun trois ou quatre onces, ou dens un grand pot, & là mise tout chaudement elle sera plus ferme : & si vous en voules faire tout a un coup que soit rouge, prendres deux ou trois racines d'anchuse, ou orcanete, & la feres boullir encores un peu de ce qui sera demeuré de la blanche, & sera rouge comme fin escarlate, qui sera propre pour les dames qui ont palle couleur : que si vous voules dire que le musc & ambre demeureroit dens le residu : il vous servira pour faire un souverain savon amiable, pour adoucir les mains qui sont aspres, non comprinse la senteur souveraine quil aura, vous en frottant les mains souvent.
Que si vous voules parachever vostre pommade que a toute exquise perfection, si ia-
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mais, en fut d'autre, quand il viendra au temps que les roses sont en fleur, prendres des roses blanches troys ou quatre centz, ou plus ou moins, & le pilleres fort dens un mortier de marbre avecques la pommade tout ensemble : & quand le tout sera bien pillé, le laisseres un jour ou deux : & au bout de deux jours prendres derechef autant de roses blanches, & les pilleres fort ensemble : & quand le tout sera bien pillé, mettres le tout dens un pot d'estain bien net qui ferme bien, & que la couverture soit bien seellee avecques du levain : puis aures un chauderon plein deau, & le feres fort boullir : & y mettres le pot destain dens le chauderon au milieu : & par moyen de la chaleur de leau ce qui sera dens le pot boullira sans aucune respiration : & quand il aura bien boulli lespace de deux ou trois heures tant plus que du moins, lors vous osteres le pot du chauderon, & louvrires, & coulleres par un linge net, & le mettres dens un pot de verre : & pourres affirmer que aves la plus souveraine pommade qui soit au monde, de senteur non pareille, & de vertu incomparable : & a encores en soy vertu occulte, que se vient apparoir manifestement à ceux qui n'ont puissance de povoir user de Venus à leur volunté : & plus a de
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vertu & d'efficace a delecter les deux sexes mesme conforte & eschaufe la matrice, & ladapte en si juste proportion que moyennant une fois ou deux infalliblement elle vient a concevoir, luy adjoustant deux ou trois gouttes dun huylle duquel sensuit apres la description, en usant toutesfoys pretendant de non offenser loreille des vierges Vestales, & autres, à qui lacte Venerien est escondit : mais il est requis de manifester ce que long temps a esté occulté : que si l'home a qui foyblesse ou demye impotence de engendrer est desnyee predre un peu de ceste pommade, & adjoustant trois ou quatre gouttes dhuylle parfait de benjoin, & le mesler ensemble, & en oindre la partie honteuse de l'home, & puis avoir conjunction à la femme : cela donne une singuliere delectation aux deux parties, & prepare la matrice moyennant la purgation precedente a concevoir : aussi s'il luy avoit au visaige, ou en autre partie du corps tasche, panne, ou dertre adjoustant un peu du second sublimé pour la premiere foys, vous ne vous donres garde que la dertre sera perdue, sans nullement blesser ne offenser la personne : & a plusieurs autres proprietes pour decorer la face, & la rendre saine, nete & perfaictement entie-
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re, non point en user continuellement : car elle rendroit plustost la face brune que blanche, pour cause de la gresse : car à la verité parler nulle chose grasse soit fard, ou que ce soit n'est convenable pour donner beauté au visaige. bien est vray qu'il la maintient longuement saine & nette mesme l'hyver. Mais femme qui en vouldra user pour la conservation du visaige si elle est vielle, ou ridee, elle apparoistra jeune :si elle est jeune, elle conservera sa beauté,& son teinct en une naturelle splendeur. Mesmes quand une femme seroit baignee, & au sortir du baing ou de l'estuve elle prendra un peu de la pommade, & ce pendent qu'elle se met au lict, & qu'elle use oindre la face de la pommade, verres de Hecuba Polixena devenir. De la façon qu'elle est faite ne se rancist jamais pour vieille qu'elle soit : & sont esté plusieurs qui contrefaisoient la civete par telle pommade, ou se pourroit contrefaire de deux drachmes de pommade de ceste description,& de musc, & ambre gris de chacun demyscrupule, mais ce est mal fait : toutesfoys la pommade contrefaite qui vouldra je sçay qu'elle n'est pas mauvaise.
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La façon vraye pour faire l'huylle de benjoin, qui est la plus souveraine senteur qui se puisse faire : & qui est le fondement des bonnes senteurs : & apres le baulme naturel, & l'huylle de l'ambre cestuy cy tient le principat en suavité d'odeur, qui estoit nommé ros cyriacus, comme vous verres que malva ne sumach : mais cestoit ce que tant de temps a esté caché : & ne se peut faire huylle qui soit equiparable à cestuy, hors mis celuy de l'ambre gris. CHAP. IIII.
PRenes du benjoin qui ne soit point sophistiqué le poix d'une livre et demie, ou plus, ou moins : & le mettes en pouldre grossement : & puis le mettres dens une cornue : & que ladite cornue soit dens une olle de terre jusques aucol ensevelie aux cendres, ou en sable bien menu & passé : & faites que l'olle soit adapatee sus un forneau fait expressement : & quand la cornue sera bien avec les cendres, ou sable adaptee : puis vous mettres le recipient, ou matras en gloutissant tout le col de la cornue, & le seelleres tresbien avec argille
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dissolue en aulbins d'œufz, pour cause que l'odeur ne respire, car sil respiroit ne peu, ne prou l'odeur est si violente qu'il sembleroit à plusieurs plustost mauvais que bon : aussi à un personnaige qui voluntiers toussist luy porteroit grand prejudice, pour occasion de sa violence : & quand elle sera bien seellee, vous mettres le feu petit à petit au commencement : puis faites luy gros feu le plus fort que pourres de petites pieces de boys sans cesser : incontinent vous verres sortir une premiere eau de couleur jaune, qui sera en petite quantité de peu de value : & apres vous verres eslever une vapeur semblable à neige, qui montera en hault, & se sublimera au col de la cornue : alors augmentes le feu : & quand toute la neige sera assemblee au col de la cornue, quil vous semblera avis qu'il estouppe le conduit, ce non obstant la violence de celle vapeur moyennant le feu le repoulsera si fort, qu'il tombera dens le matras ou recipient, qu'il semblera proprement que soit une chandelle de suif : & apres cela faites encores feu d'avantaige : & distillera d'une huylle qui sera noir de odeur fort violente : & ne cesseres le feu, que vous ne voyes qu'il ne distille plus. Et apres le laisseres un peu refroider, & osteres le matras : & premierement
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prendres la neige qui est comme une chandelle, car celle est la vraye perfaiction de l'huylle : car ceux qui vous vendent l'huylle de benoin rouge, ilz le font ainsi qu'il s'ensuit composé, & non point simple.Et pour faire ledit huylle qui est le fondement de toutes bonnes liqueurs, il faut prendre de ladite neige le poix de deux drachmes, d'huylles d'amandes doulces fait recentement, des amandes plumees quatre onces : & le tout fondu dens une escuelle sus les cendres chaudes, le remuant tousjours avec une spatule, jusques à ce que ladite naige soit bien fondue : & pour luy donner un peu de couleur rouge, lors qu'il se fond, mettes y une petite racine d'orcanete le moins du monde : & voyla vostre huylle de benjon fait : & si vous voules pour quelque dame, ou seigneur luy administrer une souveraine liqueur, & que soit d'odeur incomparable, faites y fondre d'ambre gris sus ces quatre onces une drachme : & alors sera huylle que possible au monde ne s'en peut faire meilleur ne plus souverain. Reste à ceste heure que de l'huylle noir qui est au fond du matras qui est d'odeur fort violente en liqueur avec de storax liquide est souveraine senteur pour faire pommes de senteur.
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Autre façon pour faire huylle de benjoin. CHAP. V.
PRenes de benjoin une livre de seize onces, & le mettes en poudre bien subtilement : & puis ayes de storacis liquidæ tant qu'il y en ait asses pour le mettre en paste : puis quand il sera bien meslé ensemble, mettes le dens un alembic de verre avec sa chappe de verre : & mettres l'alembic adapté comme aves fait à la cornue, or mis qu'il faut que l'alembic soit mis tout de costé, ou bien luy feres au bout de la cyme de la chappe un pertuis de la grosseur du doigt : & y mettres un verre de feugere bien seellé à fin que la senteur ne sen aille : & feres eu au forneau ou sera l'alembic : & feres feu feu mediocrament fort : & si vous situes vostre alembic de costé, il ne sera ja besoing pertuiser la chappe : mais cela ne se fait que pour mieux recevoir la neige, que plusieurs appellent manne, ou ros cyriacus : or quand vous aures mis le feu, receves ladite neige le plus ingenieusement que vous pourres : & quand verres que la neige ne montera plus, faites encores feu plus fort : mais non pas si violent que au premier, tant que vous verres distiller huylle : lequel sera un peu de
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meilleure suavité que le premier : & selon la mutation de la couleur de l'huylle vous changeres les receptoires : & ce dernier huylle est un baulme fort excellent : & pour accomplir la faction de l'huylle, prendres de ladite neige le poix d'un escu & demy, d'huylle d'amandes doulces nouvellement extrait quatre onces, un petit bien peu dorcanete : & faites fondre le tout ensemble sus les cendres chaudes, jusques qu'il soit fondu : & aures d'une autre façon d'huylle qui sera d'une suave odeur, & non moins d'excellence que de bonté.De l'huylle noir en pourres mesler avec d'autre huylle pour luy amitiguer sa violence, & le tenir descouvert à fin, que sa trop grande odeur vehemente se perde, & acquiere une suavité amiable.
Pour faire huylle de noix muscade en toute perfaiction, qui a toutes les vertus de la noix, d'avantaige mis sus l'estomach est souverain contre tous flux de ventre & vomissement, et sede la douleur du ventre, quelle que ce soit. CHAP. VI.
P Renes noix muscade demye livre, faites la conquasser grossement : & puis
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faites la boullir dens une paelle avec une livre d'eau de fontaine : & apres qu'il aura boulli trois ou quatre ebullitions ostes les du feu : & mettes le tout dens un petit sachet de toille neufve, & le lyes estroitement, & le mettes dens un pressoir, & qui soit bien serré : & mettes dessoubz un plat pour recevoir ce que coulera : & trouveres l'huyle naiger sus l'eau, qui sera coagulé comme cyre jaulne, & d'une souveraine odeur, que quand il est gardé un an, la couleur jaune se fait un peu brune : & son odeur tousjours augmente : & sus celle demye livre il n'y a d'huylle qu'une once encores bien justement. Notes que pour cause que la noix muguete rend si peu d'huylle, lon le fait autrement : mais ceste façon est la vraye & naturelle prouvee par tous les effectz de baulme artificiel.
Autre maniere pour faire le susdit huylle, mais sophistique, & a tant ou plus de vertu & d'efficace que le premier. CHAP. VII.
P Renes de noix muscade conquassee douze onces, de gresse de pourceau toute fraiche tué du jour mesmes le poix de quatre onces : & le tout malaxes gros-
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sement ensemble : & puis faites le tout boullir dens une paelle cinq ou six ebullitions tant du plus que du moins : & puis coulles le tout ensemble dens un petit sachet de toille neufve : & puis presses le tout dens un pressoir estroictement, & receves la liqueur qui est merveilheusement de bonne odeur : il est bien vray que a le garder longuement, comme seroit trois ou quatre ans, il sentiroit quelque peu le rance, à cause de la gresse : mais l'autre dont plus il est vieulx, d'autant est il meilleur, & plus confortatif de la foiblesse & douleur d'estomach, non comprins la vehemente senteur qu'il a, ou plus est approprié pour le plaisir de la personne pour le repas du nés, qu'il nest pour apte à vertu medicamentale, nonobstant que toutes deux sont dignes d'une louange non a mespriser.
Pour faire la principale matiere pour pouldre de senteur de perfaite bonté & excellence, qui est une odeur non estrange, mais rend une suavité aggreable, & de longue duree, mais il ne se peut faire qu'une fois l'an. CHAP. VIII.
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PRenes de serrature ou le rament du boys de cypres le plus verd que vous pourres trouver une once, de hyris de Florence six onces, de girofles Z.iij. calami odorati Z.iij. ligno aloes Z.vi. faite le tout mettre en pouldre quil ne sesvente : & puis prenes de roses rouges incarnees trois ou quatre cents qui soient bien mondees toutes fraiches que soient cuillies avant la rosee : & les feres fort piller dens un mortier de marbre avec un pestel de bois : & quand les roses seront a demy pillees, mettes y dedens la pouldre susdite, & le tournes piller fort, & en arrousant un peu de suc de roses : & quand le tout sera bien meslé, faites en de petites balotes plates, faites en la mode de trocis : & les faites seicher à l'ombre : car elles sont de bonne odeur.Et notes que de ceste composition se fait apres savon muscat, pouldre de cypres, pouldre de violete, pommes de senteurs, parfums, oysellez de cypres, eaux aromatisees : & pour rendre la composition plus excellente, y mettres du musc & d'ambre gris selon vostre pouvoir ou vouloir : que si les deux sont unis, je ne doute point que vous ne facies une odeur tressouveraine & aggreable : & ledit musc & ambregris pulverisez & dissoluz avec de suc de
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roses & puis mixtionné dedens & seiché à l'ombre. Or mis la bonté & odeur que ceste composition rend aux choses & compositions susdites : si est ce que si en porties à la bouche un bien peu, vous rendra la bouche tout le jour d'une merveilleuse odeur : ou si la bouche estoit puante ou par les dens corrumpues, ou pour mauvaises vapeurs sortans de l'estomach, ou qui auroit quelque ulcere puante en sa personne, ou bien quelque autre cas estrange, qu'il fut contraint de fouyr la compagnie des gens, en tenir un peu à la bouche sans le remuer, il rendra une odeur tant bonne, que lon ne scaura dire d'où elle provient : & en temps de peste en porter à la bouche souvent, ne se peut trouver odeur qui plustost deschasse le mauvais & pestifere air : & quil soit vray, l'an mil cinq cens quarante six que je feus esleu & stipendié de la cité d'Aix en Provence, ou par le senat & peuple je fus mis pour la conservation de la cité, ou la peste estoit tant grande, & tant espouventable, que commença le dernier de May, & dura neuf moys tous entiers, ou mouroit de peuple sans comparaison de tous eages en mangeant, & en beuvant, que les cymetieres estoient si pleins des corps morts, que lon