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1539-Dame Verolle (Jean Lemaire de Belges) (51-78)

(51)

LE .II. RANC.

[Illustration]

Le .ij. Ranc.

Voyez troys vereux combatans,

Qui ont faict rage de combatre

Sur ung lit en eulx esbatans,

Et prenent plaisir a cons batre :

Maintenant sans ozer debatre

Du puy d’amours tenons les rancz,

En portant potence, ou emplastre.

Chascuns dit amours, je me rends :

(52)

LE .III. RANC

[Illustration]

Le .iij. ranc

Nous avons assez bon couraige

Se n’estoit que jambes nous faillent,

Et ses emplastrez au visage,

Qui marchent là devant nous raillent.

Gouttes plus que nous les assaillent,

Et sont plus rougneux que vieilz chiens,

Pourtant se brocardz ilz nous baillent,

Nous avons autant que eulx de biens.

(53)

LE PORTENSEIGNE.

[Illustration]

Le Portenseigne.

Au puy d’amours vray Portenseigne

Je me puys dire en double sorte :

Mon nez, ma joue, en donne enseigne

Aussi lestendat que je porte :

Et puys lesclopee cohorte

Que je conduys autour de moy,

Ainsi que lordre le comporte,

De lestat d’amour donne foy.

(54)

LE .IIII. RANC.

[Illustration]

Le .iiij. Ranc.

En suyvant nostre Portenseigne

Chascun de nous faict bonne trogne,

A bien marcher il nous enseigne,

Et entend tresbien le besongne.

Au grant pays de hongne hongne

Nous a conduitz ya long temps,

Mais si souvant la courbe fougne,

Que cest ung megre palle temps.

(55)

LE .V. RANC.

[Illustration]

Le .v. Ranc.

Pour troys souldartz du puy damours

Nous faisons rage de marcher,

Et scavons faire mille tours

Mais goutte nous vient empescher.

De rien ne sert le long prescher,

Chascun fait son ample devoir,

Si le plaisir nous couste cher,

Cest ce que amoureux doibt avoir.

(56)

LE .VI. RANC

[Illustration]

Le .vj. Ranc.

Pour le dernier ranc de la bande

Sommes nous pas promptz & empoinctz,

Bien emplastrez, aubras la bande

Par dessoubz le joly pourpoinct.

Si verolle nous picque & poinct

Prenons joye a veoir noz semblables,

Chascun de vous notte ce point,

Cest le confort des miserables.

(57)

LES PREMIERS POUR

[Illustration]

Les premiers poursuyvans.

Pour bien entretenir les dames,

Au jeu daymer faisons debvoir

Et au triumphe allons sans blasmes

Pour du seigneurs la grace avoir.

Fol amour nous faict par scavoir

Les poursuyvans tours de malheurs,

Possedans comme lon peult veoir

Les benefices des doulleurs

(58)

LE .II. POURSUYVANT

[Illustration]

Le .ij. poursuyvant

En poursuyvant le jeu daymer

Qui au commencer semble doulx,

Mais a la fin se nest quamer,

La preuve se peult veoir par nous.

La goutte aux jambes & genoux

Nous faict le puy d’amours comprendre,

Lecteurs, jeunes, vieulx, saiges, foulx

Ainsi vous en puisse il prendre.

(59)

LE SEELLEUR.

[Illustration]

Le seelleur.

Amour m’a faict si bien seeller

Par tout sans estre herseleur,

Que mon estat ne puys sceler

Du puy d’amours suys le seelleur :

Des folz amoureux je scay lheur,

Et pourtant se aulcun se celle,

Ou est de noz biens recelleur,

De mon seel fault que je le seelle.

(60)

LES LACQUES

[Illustration]

Les lacques

Comme la raison est apperte

Au puy d’amours a gros acquestz :

Tousjours gaigne & arriere perte

On le peult veoir par nous lacquais.

Nous avons faict de gros acquetz,

En excutant les sentences :

Amour a de subtilz nacquetz,

Mais les meilleurs vont a potences.

(61)

LA CHANCELLERIE.

[Illustration]

La chancellerie.

Icy est la chancellerie

De ce triumpohe magnificque,

D’ont la vereuse seigneurie

En a belle lectre autenticque :

Qui bien au long son faict praticque

Et veult a la fin regarder,

Il trouvera par la replicque

Que heureux est qui s’en scait garder.

(62)

LE CHANCELLIER

[Illustration]

Le chancellier.

Au puy d’amours voys chancellant,

Pource que jen suys chancellier :

Mon mal ne voys par champs scellant,

Je le prins en meschant cellier.

Qui bien scait sa chauce lyer,

Se garde de tel chancelaige :

Mal fait d’un meschant salier

Quant on pert en meschance laage.

(63)

SOUVENIR A MOUREUX

[Illustration]

Souvenir a moureux.

A mon ranc je puys bien venir

Garny de boistes & spatulles,

Je suis lamoureux souvenir

Qui damour congnoys les fistulles

Ces medecins allans sur mulles

Tiennent de mon art vigoureux,

Leurs sciences sont peu ou nulles,

Silz nont souvenir amoureux.

(64)

LA GOUTTE

[Illustration]

La goutte :

En cetriumphe prens mon lieu

Avec la Diette ma grant mere

Je suis la Goutte de par dieu

Aux ungs rudes, aux aultres amere.

Et ny a Virgille, ou Homere

Par qui je puisse estre ravye :

Quant je tient compere, ou commere

C’est la mort, & a la vie.

(65)

LA DIETTE.

[Illustration]

La Diette.

C’est droit moy, qu’on dit la Diette

Qu’en ce triumphe j’aye place :

Car si de moy on a disette

Nul au puy d’amours ne desplace.

Par mou on congnoist a la face

De fol amour les vrays suppostz,

Je les rends de si bonne grace,

Quilz prengnent traveil pour repos.

(66)

LES BOUCZ

[Illustration]

Les Boucz.

Les Boucz a qui voyez traynet

Le char de triumphe guyse,

Luxure veullent designer

Qui est du pny d’amours devise :

Jamais des boucz la puentise

Ne fut si infecte en tout lieu,

Que le feu que luxure atise

Est infect, et puant a dien.

(67)

VENUS.

[Illustration]

Venus.

Sur ce char je tiens lieu premier,

Car damour suys dame et maistresse :

Des amoureux est coustumier,

Me nommer Venus deesse.

Ung doulx feu pour aymer j’adresse,

Dont jeunes cueurs je veulx contraindre

A prendr charnelle liesse,

Et nest cause qui le sceust estaindre.

(68)

VOLUPTE.

[Illustration]

Volupte.

De Venus suys laisnee fille

Volupté en tous lieux nommée.

En amour tant caulte et subtille

Que j’acquiers grande renommée.

Ceulx desquelz je suys plus aymee

Je fais au puy d’amours venir,

Leur donnant par force estumee

Tous temps amoureux souvenir.

(69)

CUPIDO.

[Illustration]

Cupido.

Aupres de Volupte ma seur

Cà et là de mon arc je tire

Du puy d’amours faiz possesseur

Celluy qui vers moy se retire.

Et si en fin recoit martire

Au lieu de ses plaisans atours,

Je puys pour excuse a tous dire

Ce sont de cupido les tours.

(70)

LES LARRONS.

[Illustration]

Les larrons clandestins.

Sur le puy d’amours nous gectons

Pour en malheur avoir butins,

Et sommes en prenant boutons,

Nommez les larrons clandestins.

En ung cas plus que fort mutins,

Car nous faisons secrette monstre,

Mais ce quil nous vien au matins

Leffect de nestre œuvre demonstre.

(71)

LE SEIGNEUR.

[Illustration]

Le seigneur.

Du puy d’amours suys droicturier seigneur

Tesmoing Venus et cupido aussi :

Car la moitie du monde rend honneur

A mon triumphe lequel on veoit ycy.

Si pour amour endure maint soucy,

Jay dicelluy loyer que lon merite.

Jeunes esperit sachez que lhomme herite

Honneurs tresfordz, quant amour est servant ;

Et qui de luy du tout se desherite,

Biens & honneurs pour vray est desservant.

(72)

LES RESPONDEURS.

[Illustration]

Les Respondeurs.

Les Respondeurs sommes nomméz

Faisans au puy d’amours service,

Dedans chaulx fourneaulx parfumez

Chascun de nous faict son office.

Car par le parfum tant propice

Les vieulx Verollez morfonduz,

Plus fort sentans que nest espice

Ont besoing destre refonduz.

(73)

LES FAISEURS DE

[Illustration]

Les faiseurs de nouveau cuyr.

Jamais on ne nous veoit fuyr

Pour faire honneur au puy d’amours ?

Comme faiseurs de nouveau cuyr

Des derniers faisons de bons tours.

Quant il vient des amoureux lourds

Ou quelcun desvente cerveau,

Par froter leurs oz longs ou courtz

On luy rend ung cuyr novueau.

(74)

 [Illustration]

Pour conclusion de la monstre

Triumphe et plaisance mondaine

Le sens moral a tous demonstre

Le mal le tourment et la peyne

Que a la jeunesse, qui ce peyne

Suyvir fol amour pour valleurs,

Qui en fin la conduyt et meyne

A puy d’amours plain de douleurs.

(75)

DAME VEROLLE

[Illustration]

Dame Verolle

Du puy d’amours je suis reyne & princesse

Tesmoing Venus et cupido aussi.

La plus grand par du monde en grant humblesse

Rend lhonneur deu a mon triumphe icy :

Si Je leur faiz endurer mainct soucy,

Ce nest a tort : car pris de telle, ou telle

Viennent au puy tout puant & noircy

De mal infacit sans prendre de chandelle.

(76)

LE BAGAGE.

[Illustration]

Le bagage.

De ce Triumphe icy est le bagage

(Comme on peult veoir) acoustré pauvrement.

Garde toy bien d’en estre, sy es sage,

Sy a jamais ne veux souffrir tourment :

Car ceulx, a qui oste l’entendement

Venus l’infecte, & les reduict a elle,

Comunement sont de nostre sequelle,

Submiz a mal, & privez de plaisir :

Parquoy ne doibz suyvre Deesse telle,

Sy de sain vivre as vouloir, & desir.

(77)

EPILOGUE AU LECTEUR.

[Illustration]

Epilogue au Lecteur.

LA perfection d’un ouvrage est,quand en icelluy on peult trouverplaisir, & utilite. Or en ce livre, duquel as veu le discours par les choses precedentes, il est certain, que tu n’y peulx prendre que plaisir, pour les diverses figures qui y sont : mesmement des verollez : les ungs boutonnantz : les aultres refonduz, & endressez : les aultres pleins de fistules lachrimantes : les aultres trous courbes de gouttes nouées : les aultres estanz encores aux faulxbourgz de la Verolle, bien chargez de chancres, pourreaulx, filletz, chauldes pisses, bosses chancreuses, carnositez superflues, & aultres menues drogues, que l’on acquiert, & amasse au service de dame Paillardise. Voyla le plaisir, que

(78)

tu as peu avoir en lisant ce present livre. Le proffict est, que si tu est homme de bon entendement, et bien reduict a honnestete, & raison, a l’exemple des malheureux, qui tombent par leur luxure dissolue aux accidens dessusdictz, tu eviteras telz dangiers, & inconveniens de la personne. Attendu, que lhomme ne faict petite injure a Dieu, quand par sa dossolution, & vellennie il contamine ce corps tant parfaict, quil a receu du createur ; Joinct, que celluy est malheureux, qui par sa volupte desordonnee se rend maladif, et langoureux pour le demeurant de sa vie, & tombe en telle mesprisance du Monde, qu’il n’y a nul, qui ne le fuye comme un ladre, & personne contagieuse. C’est doncq le fruict, que recuilliras en lisant ce present œuvre, pour la congnoissanve que tu auras des maulx, & mise

res, qui viennent aux Verollez. Et pour ces deux raison jespre que cedict œuvre ne te pourra estre

que tresaggreable. A dieuLecteur.

Imprime nouvellement a Lyon par Francoysjuste le xij du moy de Septembre lan mil cinq cens xxxix.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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