(51)
LE .II. RANC.
[Illustration]
Le .ij. Ranc.
Voyez troys vereux combatans,
Qui ont faict rage de combatre
Sur ung lit en eulx esbatans,
Et prenent plaisir a cons batre :
Maintenant sans ozer debatre
Du puy d’amours tenons les rancz,
En portant potence, ou emplastre.
Chascuns dit amours, je me rends :
(52)
LE .III. RANC
[Illustration]
Le .iij. ranc
Nous avons assez bon couraige
Se n’estoit que jambes nous faillent,
Et ses emplastrez au visage,
Qui marchent là devant nous raillent.
Gouttes plus que nous les assaillent,
Et sont plus rougneux que vieilz chiens,
Pourtant se brocardz ilz nous baillent,
Nous avons autant que eulx de biens.
(53)
LE PORTENSEIGNE.
[Illustration]
Le Portenseigne.
Au puy d’amours vray Portenseigne
Je me puys dire en double sorte :
Mon nez, ma joue, en donne enseigne
Aussi lestendat que je porte :
Et puys lesclopee cohorte
Que je conduys autour de moy,
Ainsi que lordre le comporte,
De lestat d’amour donne foy.
(54)
LE .IIII. RANC.
[Illustration]
Le .iiij. Ranc.
En suyvant nostre Portenseigne
Chascun de nous faict bonne trogne,
A bien marcher il nous enseigne,
Et entend tresbien le besongne.
Au grant pays de hongne hongne
Nous a conduitz ya long temps,
Mais si souvant la courbe fougne,
Que cest ung megre palle temps.
(55)
LE .V. RANC.
[Illustration]
Le .v. Ranc.
Pour troys souldartz du puy damours
Nous faisons rage de marcher,
Et scavons faire mille tours
Mais goutte nous vient empescher.
De rien ne sert le long prescher,
Chascun fait son ample devoir,
Si le plaisir nous couste cher,
Cest ce que amoureux doibt avoir.
(56)
LE .VI. RANC
[Illustration]
Le .vj. Ranc.
Pour le dernier ranc de la bande
Sommes nous pas promptz & empoinctz,
Bien emplastrez, aubras la bande
Par dessoubz le joly pourpoinct.
Si verolle nous picque & poinct
Prenons joye a veoir noz semblables,
Chascun de vous notte ce point,
Cest le confort des miserables.
(57)
LES PREMIERS POUR
[Illustration]
Les premiers poursuyvans.
Pour bien entretenir les dames,
Au jeu daymer faisons debvoir
Et au triumphe allons sans blasmes
Pour du seigneurs la grace avoir.
Fol amour nous faict par scavoir
Les poursuyvans tours de malheurs,
Possedans comme lon peult veoir
Les benefices des doulleurs
(58)
LE .II. POURSUYVANT
[Illustration]
Le .ij. poursuyvant
En poursuyvant le jeu daymer
Qui au commencer semble doulx,
Mais a la fin se nest quamer,
La preuve se peult veoir par nous.
La goutte aux jambes & genoux
Nous faict le puy d’amours comprendre,
Lecteurs, jeunes, vieulx, saiges, foulx
Ainsi vous en puisse il prendre.
(59)
LE SEELLEUR.
[Illustration]
Le seelleur.
Amour m’a faict si bien seeller
Par tout sans estre herseleur,
Que mon estat ne puys sceler
Du puy d’amours suys le seelleur :
Des folz amoureux je scay lheur,
Et pourtant se aulcun se celle,
Ou est de noz biens recelleur,
De mon seel fault que je le seelle.
(60)
LES LACQUES
[Illustration]
Les lacques
Comme la raison est apperte
Au puy d’amours a gros acquestz :
Tousjours gaigne & arriere perte
On le peult veoir par nous lacquais.
Nous avons faict de gros acquetz,
En excutant les sentences :
Amour a de subtilz nacquetz,
Mais les meilleurs vont a potences.
(61)
LA CHANCELLERIE.
[Illustration]
La chancellerie.
Icy est la chancellerie
De ce triumpohe magnificque,
D’ont la vereuse seigneurie
En a belle lectre autenticque :
Qui bien au long son faict praticque
Et veult a la fin regarder,
Il trouvera par la replicque
Que heureux est qui s’en scait garder.
(62)
LE CHANCELLIER
[Illustration]
Le chancellier.
Au puy d’amours voys chancellant,
Pource que jen suys chancellier :
Mon mal ne voys par champs scellant,
Je le prins en meschant cellier.
Qui bien scait sa chauce lyer,
Se garde de tel chancelaige :
Mal fait d’un meschant salier
Quant on pert en meschance laage.
(63)
SOUVENIR A MOUREUX
[Illustration]
Souvenir a moureux.
A mon ranc je puys bien venir
Garny de boistes & spatulles,
Je suis lamoureux souvenir
Qui damour congnoys les fistulles
Ces medecins allans sur mulles
Tiennent de mon art vigoureux,
Leurs sciences sont peu ou nulles,
Silz nont souvenir amoureux.
(64)
LA GOUTTE
[Illustration]
La goutte :
En cetriumphe prens mon lieu
Avec la Diette ma grant mere
Je suis la Goutte de par dieu
Aux ungs rudes, aux aultres amere.
Et ny a Virgille, ou Homere
Par qui je puisse estre ravye :
Quant je tient compere, ou commere
C’est la mort, & a la vie.
(65)
LA DIETTE.
[Illustration]
La Diette.
C’est droit moy, qu’on dit la Diette
Qu’en ce triumphe j’aye place :
Car si de moy on a disette
Nul au puy d’amours ne desplace.
Par mou on congnoist a la face
De fol amour les vrays suppostz,
Je les rends de si bonne grace,
Quilz prengnent traveil pour repos.
(66)
LES BOUCZ
[Illustration]
Les Boucz.
Les Boucz a qui voyez traynet
Le char de triumphe guyse,
Luxure veullent designer
Qui est du pny d’amours devise :
Jamais des boucz la puentise
Ne fut si infecte en tout lieu,
Que le feu que luxure atise
Est infect, et puant a dien.
(67)
VENUS.
[Illustration]
Venus.
Sur ce char je tiens lieu premier,
Car damour suys dame et maistresse :
Des amoureux est coustumier,
Me nommer Venus deesse.
Ung doulx feu pour aymer j’adresse,
Dont jeunes cueurs je veulx contraindre
A prendr charnelle liesse,
Et nest cause qui le sceust estaindre.
(68)
VOLUPTE.
[Illustration]
Volupte.
De Venus suys laisnee fille
Volupté en tous lieux nommée.
En amour tant caulte et subtille
Que j’acquiers grande renommée.
Ceulx desquelz je suys plus aymee
Je fais au puy d’amours venir,
Leur donnant par force estumee
Tous temps amoureux souvenir.
(69)
CUPIDO.
[Illustration]
Cupido.
Aupres de Volupte ma seur
Cà et là de mon arc je tire
Du puy d’amours faiz possesseur
Celluy qui vers moy se retire.
Et si en fin recoit martire
Au lieu de ses plaisans atours,
Je puys pour excuse a tous dire
Ce sont de cupido les tours.
(70)
LES LARRONS.
[Illustration]
Les larrons clandestins.
Sur le puy d’amours nous gectons
Pour en malheur avoir butins,
Et sommes en prenant boutons,
Nommez les larrons clandestins.
En ung cas plus que fort mutins,
Car nous faisons secrette monstre,
Mais ce quil nous vien au matins
Leffect de nestre œuvre demonstre.
(71)
LE SEIGNEUR.
[Illustration]
Le seigneur.
Du puy d’amours suys droicturier seigneur
Tesmoing Venus et cupido aussi :
Car la moitie du monde rend honneur
A mon triumphe lequel on veoit ycy.
Si pour amour endure maint soucy,
Jay dicelluy loyer que lon merite.
Jeunes esperit sachez que lhomme herite
Honneurs tresfordz, quant amour est servant ;
Et qui de luy du tout se desherite,
Biens & honneurs pour vray est desservant.
(72)
LES RESPONDEURS.
[Illustration]
Les Respondeurs.
Les Respondeurs sommes nomméz
Faisans au puy d’amours service,
Dedans chaulx fourneaulx parfumez
Chascun de nous faict son office.
Car par le parfum tant propice
Les vieulx Verollez morfonduz,
Plus fort sentans que nest espice
Ont besoing destre refonduz.
(73)
LES FAISEURS DE
[Illustration]
Les faiseurs de nouveau cuyr.
Jamais on ne nous veoit fuyr
Pour faire honneur au puy d’amours ?
Comme faiseurs de nouveau cuyr
Des derniers faisons de bons tours.
Quant il vient des amoureux lourds
Ou quelcun desvente cerveau,
Par froter leurs oz longs ou courtz
On luy rend ung cuyr novueau.
(74)
[Illustration]
Pour conclusion de la monstre
Triumphe et plaisance mondaine
Le sens moral a tous demonstre
Le mal le tourment et la peyne
Que a la jeunesse, qui ce peyne
Suyvir fol amour pour valleurs,
Qui en fin la conduyt et meyne
A puy d’amours plain de douleurs.
(75)
DAME VEROLLE
[Illustration]
Dame Verolle
Du puy d’amours je suis reyne & princesse
Tesmoing Venus et cupido aussi.
La plus grand par du monde en grant humblesse
Rend lhonneur deu a mon triumphe icy :
Si Je leur faiz endurer mainct soucy,
Ce nest a tort : car pris de telle, ou telle
Viennent au puy tout puant & noircy
De mal infacit sans prendre de chandelle.
(76)
LE BAGAGE.
[Illustration]
Le bagage.
De ce Triumphe icy est le bagage
(Comme on peult veoir) acoustré pauvrement.
Garde toy bien d’en estre, sy es sage,
Sy a jamais ne veux souffrir tourment :
Car ceulx, a qui oste l’entendement
Venus l’infecte, & les reduict a elle,
Comunement sont de nostre sequelle,
Submiz a mal, & privez de plaisir :
Parquoy ne doibz suyvre Deesse telle,
Sy de sain vivre as vouloir, & desir.
(77)
EPILOGUE AU LECTEUR.
[Illustration]
Epilogue au Lecteur.
LA perfection d’un ouvrage est,quand en icelluy on peult trouverplaisir, & utilite. Or en ce livre, duquel as veu le discours par les choses precedentes, il est certain, que tu n’y peulx prendre que plaisir, pour les diverses figures qui y sont : mesmement des verollez : les ungs boutonnantz : les aultres refonduz, & endressez : les aultres pleins de fistules lachrimantes : les aultres trous courbes de gouttes nouées : les aultres estanz encores aux faulxbourgz de la Verolle, bien chargez de chancres, pourreaulx, filletz, chauldes pisses, bosses chancreuses, carnositez superflues, & aultres menues drogues, que l’on acquiert, & amasse au service de dame Paillardise. Voyla le plaisir, que
(78)
tu as peu avoir en lisant ce present livre. Le proffict est, que si tu est homme de bon entendement, et bien reduict a honnestete, & raison, a l’exemple des malheureux, qui tombent par leur luxure dissolue aux accidens dessusdictz, tu eviteras telz dangiers, & inconveniens de la personne. Attendu, que lhomme ne faict petite injure a Dieu, quand par sa dossolution, & vellennie il contamine ce corps tant parfaict, quil a receu du createur ; Joinct, que celluy est malheureux, qui par sa volupte desordonnee se rend maladif, et langoureux pour le demeurant de sa vie, & tombe en telle mesprisance du Monde, qu’il n’y a nul, qui ne le fuye comme un ladre, & personne contagieuse. C’est doncq le fruict, que recuilliras en lisant ce present œuvre, pour la congnoissanve que tu auras des maulx, & mise
res, qui viennent aux Verollez. Et pour ces deux raison jespre que cedict œuvre ne te pourra estre
que tresaggreable. A dieuLecteur.
Imprime nouvellement a Lyon par Francoysjuste le xij du moy de Septembre lan mil cinq cens xxxix.