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1539-Dame Verolle (Jean Lemaire de Belges) (1-25)

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Le Triumphe de TRESHAULTE, ET PUISsante Dame Verolle, Royne du Puy d’Amours ; nouvellement composé par L’inventeur de menus plaisirs honnestes.

M. D. XXXIX.

On les Vend a Lyon, chez Francoys Juste devant nostre dame de Confort.

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MARTIN DORCHEsino a Gilles Meleanc son amy et Cousin Salut.

LEs anciens Romains avoient de coustume (comme il n’ya chose qui tant prouffite a la chose publicque que de premier ceulx, qui par faictz belliqueux icelle augmentent & enrichissent) de recevoir en la cite avec gros honneur & triumphe leurs capitaines, & epereurs revenans du lieu de leurs victoires, chargéz des despoilles ennemies. Et ces triumphes estoient diceulx Romains estimez souffisant voyre tresgrand salaire de leurs lebours & conquestes. Par ce Lucius Sylla homme souverain triumpha du Roy de Pont Mithridates : & peu apres dicelluy mesmes Lucius Murena : de Jugurta roy de Numidie triumpha Marius, de Chartaige, & Numance grosses villes Scipion laffricain : Octavio Cesar de Marc Anthoine, & de Cleopatra royne d’Egipte :Qui ne scait aussi les triumphes du grand Pompee & de plusieurs aultres vaillans capitaines Romains procurez avec merveilleuse despence ? Mais le triumphe de Julius Cesar apres quil eust vaincu tant de nombres dennemis : mesmes es guerres civillesme jus

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par force bellique ledit Pompee fut si magnifi que, qu’il nest memoire que aultre triumpke ait icelluy surpasse dappareil & magnificence. Celluy est seul celebre, & en la bouche de tous : de celluy seul on faict longs comptes & recitz : de celluy seul sont tissues riches tappisseries, & painctures trassees, les precedans quasi passez soubz silence comme fort moindres & petitz. Despuis ledit Cesar a limitation des heureux Romains ont use de triumphes plusieurs grôs sieurs. Mais quand je considere quels ils ont estez, ne meritent quon en face sion bien petit destime fors paradvanture celluy dune grand Dame nommee Verolle. Laquelle issant en grôs equipaige bellique du Puydamours son royaulme & pays, a couru & faict ses fors exploitz de guerre par tout le Monde : & a vaincu a peu de gens jusques a aujourduy plus d’ennemis, que ne feirent oncques tous les plus excellentz Capitaines qui furent jamais : Alexandre le Grand soubz le guydon de la Bonnefortune penetra bien avant par force dens les Indes : & au paravant luy Liberpater y dressa les colomnes de ses victoires. Mais Verolle la belliqueuse emperiere comme une autre Semiramis quelz peuples na elle desja par guerre inquietez ? Na elle pas oultrepassez plus loing par dela lesdictz colomnes ses fortz excercites & pouvoirs ? & la faict resentir

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chaleurs non acoustamees ? Par tout court aussi la renommee quelle a naguyeres envoie nescay quel de ses Capitaines en celle quarte partie de la terre, dont neurent congnoissance Ptoleomee, ne les aultres Geographes. Parquoy je dy que si elle continue ainsi heureusement comme elle a commence, & que pour arrester ses cruaultez on ne luy mette en front une aultre Babiloyne, je doubte quelle ne se rende tributaire briefvement tout Luniversel maulgre tous ses plus fortz ennemiz : & que dicelluy elle ne triumphe en pompe esmerveillable, & jamais non ouye : avoir trayne apres sont surre triumphal plusieurs grosses Villes par force prinses & reduictes en sa subjection, mesmement la ville de Rouen capitalle de Normandye ou elle a bien faict des siennes comme lon dit, & publie ses loix & droitz difusement. Mais pourtant que lon na veu encores en quel ordre elle a de coustume aller rendre graces au temple de ses Dieux Cupido & Venus, cher amy, ay je sollicite ung sien souldart mon familier & voisin : lequel suyvoit en son renc de bien pres le cheriot triumphal, quil luy pleust me mander succinctement la raison de tout lordre dicelluy triumphe verolique. Ledit souldart non seullement me la envoyee par escript, mais pour me faire plaisir, qui aussi en mon amitie feroit toutes aultres choses, a convenu avec

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ung excellent Maistre Painctre, & par luy ma faict le tout diligemment pourtraire & depaindre. La chose ma semble fort estrange, & nouvelle, que tu le scaiches : & pource quen telles nouveaultez tu prens ung souverain plaisir, je le tenvoye, cher amy, te signifiant que, pour la bonne amour que je te porte & aux bons & scavantz espritz, sil survient quelque aultre chose soit de l’Affrique, qui produict tousjours quleque nouveaulte, ou soit dailleurs, je ten feray part, & a eulx. ce pendant cher amy, prendras sil te plaist, en gre ceste nostre diligence.

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Le Triumphe de TRESHAULTE, ET puissante Dame Verolle, Royne du Puy d’Amours.

[illustration]

LE mal qui est commun entre plusieurs est moins amer & plus tollerable, que quand ung seul en peult faire plaincte, & lamenter : Et bien est dit ce proverbe, La consolation des miserables est davoir de pareils miserables pour compaignons. Chascun scait les calamitez & destructions in

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ferees jadiz par celle inhumaune, cruelle, pestifere, terrible, horrifique & commune ennemie nomme Verolle, quantz peuples & nations elle a infectez & empoisonez de se venimeux brevaiges : de quantes lamentations & cris plains de pitoyable pitie le ciel a este reverbere & bat tu par les pauvres affligez, de maniere que tant a este ung temps lappression vehemente es corps humains deffigurez, que tous medecinaulx remedes consumez il a fallu (& cella devement) accourrir, & reclamer laide Divine. Laquelle chose, comme certainement chascun jour advient a ceulx qui en adverse fortune reclament en ferme soy Dieu & ses Sainctz, a seulle entre mille unguens prouffite : Non aufort que le venin de celle puante malladie ait du tout este par le secours du Ciel expulse : mais que beaucoup elle a remis de sa ferocite & aigreur premiere & nen sont les peuples si travaillez quilz souloient. Vray est que Dieu eternel, qui a en desdain les immundes & luxurieux, leur en ha a bon droict reserve quelque petite drachme pris et salaire de leur luxure et lascivie immoderee.

Or doncques, comme jay dit dessus, iceulx pauvres Verollez par le moien de la raillerie & joyeulx motz quils en dient commodement font moindres entre eulx les fortes passions veroliques : mesmes daultant quilz congno

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issent eulx avoir des compaignons en grosse quantite, qui sont traynez garrotez & liez de chaisnes en triumphe par Verolle la grande. Puis dient communement par jeu : Qui aura heue la verolle jusques a neuf foys, guerira apres trespromptement sans doleur comme ung aultre sainct Fiacre quinconques en sera surpris & attainct : & quon la preigne tout hardiment. Car le monde est assez bien peuple de tels bons sainctz neufvains : cest a dire, qui lont heue neufz foys. A la verite tel remedde seroit moult prest & soubdain, Mais les continens hommes se passent voluntiers de celle sainctete & puissance si presente : aussi ne veullent ilz donner tant de peyne & negoce a ces debonnaires Sainctz pour les guerir. La raillerie a ton advis Dorchsino nen est elle belle & pleyne de solas ? Je scay que lesditz verollez tresprecieux comme dit maistre Alcofribras Nafier en ses Pantagruelines hystoires entre eulx de tel guerre de parler se plaisent & font feste, aussi leur a on faict nouvellement, mettre en pourtraict le triumphe de celle qui les a vaincuz, affin quilz soy recongnoissent. Parquoy ne scauront nul maulvais gre a lautheur diceluy triumphe, si apres eulx mesmes, qui sen sont desja les premiers de tous mocquez & raillez, sans picques joyeusement sen farce & mocque,

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Force leur sera comme je croy den rire encore davantaige : & ce quasi leur servira dung ulatre soulagement & repos a la contemplation de si nouvelle besoigne. La paincture est varie & diverse, sans ce que là chascun y dit son roolle en merveilleusement bonne grace contraignant a rire de fine joye, comme je pense, ceulx qui ont passez par la chauldiere & ont faict leurs courses jusques au puys de Surie militans soubz celle grande Imperatrice Verolle. Au temps passe plusieurs servantz hommes ont este embesoignez pour scavoir en quel endroit de la terre elle a prins premierement sa naissance : Et les ungs ont dit & afferme que ce fut a Naples : les aultres en Espaigne : les aultres en Angleterre, les aultres en Flandres, les aultres es isles du Peru, les aultres lont trouvee en pissant contre une muraille, les aultres dient quelle est venue de Germanie nation dissolue en boyre & en menger : puis que de la elle sest transportee de sa grace vers plusieurs nations, dont vouloit possible apprendre les langages : Briefvement ilz sen treuve qui la font naistre dedans Acheron lung des pallutz Infernaux, & que ca sus les horribles Furies lont envoye pour affliger les pauvres & malheureux humains, les aultres finablement la font sortir en lumiere dalleurs ainsi quilz fantasient. Mais despuis maistre Jan

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le Maire de Belges homme souverain entedues ces vaynes opinions a bien voulu y intergetter la sienne par deux petitz comptes quil faict du changement de larc amoureux avec celluy de la cruelle Mort. et de celle opinion devant luy a este Seraphin excellent poëte. Pource donc quil vient plusque a propos, & affin que tous aient la notice de la naissance de madame Verolle, icy sont inserez les comptes dudit Jan le Maire, comme sensuit.

[illustration]

NA pas longtemps quil me fut racompté

Comment Amour, qui sestoit mescompté,

Print d’A trops l’orrible & cruel arc,

Dont il occit maintes gens en ung parc.

Or sen vint il despuis tou yvre et las,

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Tant eut il prins de vin & de soulas,

Rendre au giron de sa dame de mere,

Quon dit Venus, or doulce & puis amaire.

Elle est deesse, de tien il ne luy chault :

Si dormoit lors dedans ung poesle chault,

Sur Ung mol lict de plumettes deslies

Bien tapisse de verdures jolyes.

Tout a lentour sont ses Nymphes & Graces

Nues dormans, bien refaictes & grasses

Bon les fait veoir ainsi tant rondelettes

En souspirant bransler leur mamelletes.

Le poesle estoit bien garny de verrines

Claires, luysans, vermeilles saphirines,

Souef flairant comme ung beau paradis

Plain doyseletz joyeulx & esbaudis,

Qui la dedans ung plaisant bruit menoient,

Et le pourpris en desduict maintenoient.

Quant là survient ce fol dieu. qu’on mauldit,

Chascun dormoit, ainsi comme jay dit :

Fors Volupte la niepce de Venus.

Qui s’esbatoi avec des enfans nudz :

Prenant plaisir & faisant ung bancquet

Tout plein de joye & damoureux cacquet

Cupido beut trois fois a son entre

De bon vin doulx pour se mieulx acoustrer.

Et Volupté la paisante & la gaye,

Print une harpe & dechanter sessaye

Pour festoyer Amour a sa venue,

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Laquelle s’endort dessus sa mere nue :

Et ronfle & souffle & son arc laisse cheoir

Sur ung coussin, ou depuis se viet seoir

Volupte gente, & se mit au cul nu

Sans y viser sur larc de fer cornu :

Et sur ung traict plein de poison mortelle.

Si se picque & receut douleur telle,

Qu’elle gecta ung hault cry & agu,

Duquel Venus tressault & par argu

Tanse, & demande a quoy faire on le sueille.

Lors VOlupte, qui a la mort traveille,

Perd sa couleur & plaist comme cendre :

Venus la voit, & elle de descendre,

print sa niepce en ses bras desja froide,

Qui colst les yeulx & devint toute roide.

Lors en plourant sescrie ha dieu mon pere

Jupiter hault, soyes moy cy prospere,

Que je ne perdre ainsi ma Volupé.

En ce disant Volupté dung costé

Pend jusque a terre, & Venus veoit sa hanche

Taincte de sang, qui souloit estre blanche.

Si prent ung linge & torchant apercoit,

Que lachair senfle, & lautre trespassoit.

Et ce voyant de dueil Venus se paulme,

Mais pascité une Grace eut du baulme,

Duquel soubdain elle oingniy la picqueure

De Volupté, qui sante luy procure.

Puis Agialle aultre nymphe gentille

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Print du Nectal & d’ambrosie utille,

Dont les haulx dieux sont ou ciel maintenus,

Si en feist boire & manger a Venus :

Et a se niepce en meist entre les dens.

Lors eussiez veu miracles evidens :

En moins de temps, que je ne le recite,

Lune se droisse, & lautre ressuscite

Car plus de force eurent ses medecines,

Que nulz unguentz, breuvages, ne racines,

Dont en ce monde on sache faire espreuve.

Par ainsi donc quant Volupte se treuve

Garye a coup du baulme odorifere,

Venus la baise, & ces motz luy profere.

Las qui t’avoit ma niepce mamye

Ainsi navrée & en mort endormye ?

Que je sache, affin de men venger.

Lors volupté monstra larc estranger,

Et une fleiche encor de son sang taincte

Qui presque la mortellement attaincte.

Venus regarde & congnoist lar de mort,

Dont de despit ses belles leures mort.

Gardez pour dieu (dist elle) d’y toucher,

Filles gardez, ha le notable archier

Qui a changé son tresbel arc d’ivoire

A cestuy cy vous en yvres voire,

Est ce bien fait ? vous en yvrez vous doncques ?

Sus quon le preingne & sans faultes quelz conques

Quil soit porte hors de nostre manoir

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Avec son arc hideux, horrible, & noir.

Mais gardez bien de toucher a main nue

Ne arc ne fleiche, o quel desconvenue ?

Je scay de vray quil en a fait du mal.

Lors une nymphe entour larc enormal,

Et la sagette envelope en ung tappiz :

Et le tout gette au loing de peur de piz,

Par la fenestre esfollez du chastel,

Qui est si beau que au monde ny a tel.

Mais de la fleiche & de sa grant poison

Il se perdit des poissons a foison :

Cignes, canars laisserent le rapaire,

Et de plongeons mourut plus dune paire :

Tant devient leaue amaire & pestilente

Du fort venin de la fleiche dolente.

Et puis a coup quatre nymphes du moins

Prindrent le lict a tous les quatre coings,

Et lenfant nud, qui du fort vin est pasle,

Tout doulcement porterent hors du pasle

Et l’ont posé emmy la basse court

Là ou la bise a tous les souffle & court.

Ce fait Venus au dongeon les rappelle,

Puis par accord toutes ses gens & elle

De toutes pars le pourpris barré ont :

Et ung serment entre eulx jurent & font,

Que la dedans Cupido n’entrera,

Jusques a ce que son arc il r’aura :

Qui est tant beau, tant riche & tant doré

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Qu’au monde nest ung arc si honnoré.

Et ce disant par bon accord notable

Voicy venir ung bruyt espoventable

De gens cryans crys d’orrible pitie,

Lesquelz la mort par force & maulvaistie

A grans troupeaulx chassoit en les batan

Vers le chastel, ou des dames a tant.

A lors Venus mect loeil a la verriere,

Voit tant de gens, s’escrie a la barriere

Portiers fermez, levez le pontlevis

Onques de jour tel tumulte ne veis.

Lors les portiers en grant peur & destresse

Feirent le cueil a leur dame & maistresse,

Et tout acoup monterent aux creneaux

Et Venus s’orne, & prent chaines, anneaux,

Tissus, rubans, coueffes, guimples, atours,

Pour plaire aux gens : car bien en scet les tours.

Pareillement ses femmes & ses filles

Prennent mirouers pour estre plus gentilles :

Sur le beau bout se mettent & accoustrent,

Affin que mieulx leurs beaultez se demonstrent.

Car certes point ne craignent ne nont doubte

Que la mort vienne, ains pensent somme toute

Que devers eulx tendent leurs amoureux

Jeunes & beaulx d’amours tous langoureux.

Si ont empris de bien les recevoir,

De se deffendre & faire bon devoir,

En leur tirant leurs fleiches empennées

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De doulx regard, d’espoir empoisonnées :

Et en gectant chappelletz & flocquars,

Ainsi quon fait a ses jeunes quocquars,

Et de leur faire, ains que rendre se veullent

Des maulx assez, ainsi comme elles seullent.

Mais trop loing sont de leur compte a ce cop,

Ce sont viellars qui leur desplairont trop :

Chenuz, barbus, toussans, crachans & courbes

Lesquelz la mort chasse a grans tas & tourbes

Vers le chastel d’amoureuse palaisance

Contre le droict de naturelle usance.

Et chascun d’eulx porte ung jeune homme mort

Dessus sa croppe, & s’approchent bien fort.

Lors la deesse amoureuse pâlit

Et neust plasir de joye ne delit,

Quant elle voit une bande si triste :

Si fist aussi mainte dame bien miste,

Et bien gaillarde, & mainte fille aussi

Perdit courage entrant en gros soucy.

Car d’Atropos bien peu leur souvenoit,

Fors a present que devers eulx venoit.

Quant donc la mort fut au bout des fossez,

Elle ordonna les corps des trespassez

Estre mis jus par terre a grans monceaulx,

Comme on feroit dung grant tas de pourceaulx

Puis les viellars durement bat & frappe

De l’arc damours, sans que nul en eschappe.

Et les dolens si fort brayent & crient,

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Que cest horreur, & leurs vies mauldient.

Lhorrible bruit de ses fiers urlemens

Faisoit trembler & murs & fondemens

Du fort chastel, ou Cupido gisoit

Tout estendu & a rien ne visoit.

Si ce esveille tant a force de criz,

Comme du froid qu’en dormant avoit pris :

Et il escoute, & bruict de renforcer

Assez hideux pour roc fendre & percer.

Lors il se lieve ainsi comme estourdy

Lourt & farouche, & nest point si hardy

Quetant depeur, que de froid il ne tremble

En cliquetant les machoueres ensemble.

Plus entour luy regarde, & plus sefforce,

Penser ne peult qui la mis hors de voye :

Son tresbel arc & son carcas il herche,

Mais rien ne treuve a terre ny a perche.

Alors Venus d’une grant gallerye

Parla a luy fort dolente & marrie.

Ha mauvais filz (dist elle) es tu delivre

De ton fort vin, seras tu tousjours yvre ?

Ou est ton arc si noble & triumphant

Qu’en as-tu faict ? ha malheureux enfant

Qui pour tuer tous ceulx de nostre hostel

As apporte cy dedans larc mortel.

Va, va là veoir dehors qui te demande,

Et ne reviens jamais son ne te mande.

Ainsi disoit Venus ayant grant dueil,

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Dont a Amours la lerme vint a loeil,

Et bat sa coulpe & ores luy recorde

De son meffait & hait son yvresse orde,

Et bien s’excuse a present du mescompte

Des arcs changez, dont il a dueil & honte :

Et dit ainsi a sa mere, ha Madame,

Certainement je suis digne de blasme

J’en ay regret& le cueur m’en remort

Tant d’avoir beu avec lhorrible Mort,

Comme d’avoir par erreur prins l’arc sien :

Car bien j’entens qu’elle a ores le mien.

Mais je suis seur bien tost le recouvrer,

Et desormais plus saigement ouvrer.

Or je vous pry, mais quil ne vous desplaise,

Ou est donc larc de la vieille mauvaise ?

Je luy vueil rendre a sa malle santé,

Et puis le mien ravoir a voulenté.

Si tu te veulx de le rendre empescher,

ist lors Venus, il le convient pescher

En ces fossez, ou je lau fait ruer.

Car une fleiche a bien cuyde tuer

Ma volupte ta fille gente & belle,

Et la dehors t’attend la Mort rebelle,

Qui ton arc tient dont plusieurs viellars bat,

Et leur fait faire ung trespiteux sabbat.

Et puis que ainsi a mal es destiné

Vaten soupper la ou tu as disne.

Quant la deesse eut finy ce propos,

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Elle sen va, & la fiere Atropos

Pendant ce temps a voix obscure & noyre

Rebondissant tout ainsi que tonnoire,

Disoit ainsi, Hau Venus la deesse

Bien doibs avoir au cueur joye & lyesse

Quant ton garcon ce jolly fringuereau

Est devenu maintenant ung bourreau.

Regarde ung peu la belle boucherie

Quil a cy fait de jeunesse florie ?

Tous ces gallans bien verds & bien gaillars

Il a occis, & jay fait ces vieillars

Tous amoureux. nest ce pas un chef doeuvre ?

Or fuis il fault que vostre place se euvre

Et que j’y entre avec toute ma bande.

Et sil ya dame qui ne se rende,

Je feray tant que Cupido la tue

Qui de mon arc si tresbien s’esvertue.

Regardez cy voz amys qui sont mortz

Si n’en avez au cueur dueil & remors,

Vous estes plus que vives roches dures,

Quant par amours souffrez telles laidures.

Sus donc acoup mes dames respondez,

Ou autrement mon assault attendez,

Si vous feray tout acoup amoureuses,

Et tout ainsi que ceulx cy langoureuses ?

Ne voyez vous comment je les promaine

Et leur suis tant gracieuse & humaine

Si ne les scay, ne puis faire mourir,

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La ou amours fait les autres perir ?

A ce parler le grant dueil redoubla

A la deesse, & son cueur se troubla

Contre son filz par grant yre & despit.

Lors mainte dame en ung coing se tapit

Craignant la mort, car bien a veu gisant

Son amy mort jadis bel & plaisant.

Si ne scet on leans quel conseil prendre

Car contre mort, nully n’ose entreprendre,

Fors Cupido qui tout avoit ouy

Et de rien n’est ne gay ne resjouy :

Si fut monte sur une haulte tout

Pour veoir la vieille & ses gens a lentour.

Lors sescria haultement, ha villaine

Orde charongne & de puante allaine,

Le puissant dieu Jupiter te confonde,

Tant m’as tu mis en tristesse profonde.

Rends moy mon arc que tu m’as desrobé

Ou aultrement de nully destourbé

Je ne seray, que de ta propre fleiche

Je ne te tue icy de ceste bresche.

Si sera quicte au moins de toy le monde.

Hayvringnet respond la mort immunde

Je crains autant tes menaces follettes

Comme je fais roses & violettes.

Finer ne puis ne jamais ne mourray

Ains apres toy eternelle seray.

Mais puis que tu te metz en ce dangier

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Que de mon arc a cestuy cy changer,

Je vueil aussi que nous changions de noms

Et que le nom de lung l’autre prenons.

Car desormais en tous cris & clamours

Tu seras dict la mort, & moy Amours :

Amours scay, & tu la mart clamé.

Sy aymeront trop mieulx les bons humains

Estre des miens que tumber en tes mains.

Or t’aprendray a boire a moy d’autant.

A ces motz cy Venus de dueil a tant

Plus que ne peult, si se tormente & plore,

Et hait son filz qui tant la deshonore.

Ce temps pendant la nuict va survenir

Si ne scay je quilz peurent devenir,

Ne Cupido ne la vieille Atropos.

Mais depuis bien entendy ce propos

Dire & compter que pource que le traict

De l’arc mortel, qui tout malleur atraict,

Eut leaue infecte & gasté les fossez

Du hault chastel, ou sont dames assez,

Dame Venus pour y remedier,

Et la poyson curer & nettoyer,

Y feist gecter grant nombre de flourettes

Prinses au clos du jardin d’amourettes.

Et pource que plus amere que fiel

Estoit au boire, on y mist force miel,

Si que par traict de temps leaue esclaircist,

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Devint fort belle, & en fin s’adoulcist.

Qui pour les gens fut une horrible amorce.

Car scavoir fault qu’onc n’en perdit sa force

Du fort venin portant leaue emmiellee.

Ains quant se vint que la large vallee

De ce beau monde eut reprins floriture,

Plusieurs mondains d’une & d’autre nature

Par les verdz prez jouer ensemble alloient,

Et les doulx fruictz de leurs amours cueilloient,

En escourant des oyseaulx le doulx chant.

Et pour aller leur grant soif estanchant,

Beuvoient alors la liqueur argentine

Plaine de mort & poyson serpentine,

Qui decouroit des fossez veneriques,

Et arrousoit les herbettes bien frisques

Aiant sa course & plaine de luxure

Qui semble doulce, & puis amaire, & seure :

Tant fort plaisoit aux hommes & aux femmes,

Mesmes aux hommes dont ilz sont plus infames

Ce tresdoulx boire & ce joyeux breuvaige,

Que maintz beaux jours ne firent aultre ouvrage

Mais en la fin quant le venin feust meur,

Il leur naissoit de gros boutons sans fleur

Si treshideux, si laictz & si enormes,

Qu’on ne vit onques visaiges si difformes :

N’ont ne receut si tres mortelle injure

Nature humaine en sa belle figure :

Au fronc, au col, au menton & au nez

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Onc ne vit tant de gens boutonnez ;

Et qui pis est ce venin tant nuisible

Par sa malice occulte & invisible

Alloit chercher les veines & arteres

Et leur causoit si estranges misteres,

Dangier, douleur de passion, & goutte

Quon ny scavoit remede, somme toute,

Fors de crier, souspirer, lamenter,

Plorer & plaindre & mort se souhaiter.

Ne ne sceut oncques luy bailler propre nom

Nul medecin tant eut il de renom.

Lung la voulut Sahaphati nommer

En Arabie, lautre a peu estimer

Que lon doit dire en latin Mentagra.

Mais le commun quant il la rencontra

La nommoit gorre, ou la verolle grosse,

Qui nespargnoit ne couronne ne crosse.

Ainsi l’ont di, les flammens & piquars.

Le mal francoys la nomment les lombars,

Si a encores dautres noms plus de quatre,

Les Allemans l’appellent groitte blatre

Les espaignolz lesbones l’ont nommee,

Et dit on plus que la puissante armee

Des fors francois a grant peine & souffrance

En Naples l’ont conquise & mise en France.

Dont aucuns deulx, le souvenir la nomment

Et plusieurs faictz sur ce comptent & somment.

Les Sovoysiens, la clavela la disent.

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Vela comment plusieurs gens en devisent,

Vela comment amours le jeune yvrongne

A faict aux gens grant dommaige & vergongne

Et ne scet on pour les cloux desclouer

Bien bonnement a quel sainct la vouer,

Neantmoins aucuns par grace souveraine

Ont implore ma dame saincte Raine,

Les aultres ont eu recours a sainct Job

Peu de gueris en sont, de mortz beaucop.

Car regné a ce trescruel tourment

Par tout le monde universellement.

Pour donc en brief tous noz propos conclure

Et mettre a fin ce compte bonne alleure,

Las on a veu les pauvres paciens

Flater la mort & a leur esciens

Par grant desir leur amour l’appeller

Lassez de vivre & sans riens en celer

Dire qu’amours est mort dure & cruelle

Quant pour ung peu de doulceur sensuelle,

On est ainsi de mortel mal attainct.

A ceste cause en est obscur & tainct

Le nom d’Amours & de Venus sa mere,

Et la fuyt on comme estrange & amere.

Si a la peur de ce tresgrant diffame

Faict maint preudhomme & mainte prude femme

D’ont chastete, qui presque estoit a neant

A reprins bruyt par inconvenient

Car quant ce vient que a aymer la vertu

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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