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1527-Le chevalier sans paour et sans reprouche (Jacques de Mailles) (91-98)

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cours. Quoy voyant par lempereur qui estoit le plus souspeconneux homme du monde se retira en ses pays. Il neut pas grant honneur en son entreprinse & le connestable y acquist gros renom. Le bon chevalier fist plusieurs courses sur les Almans & en print de prisonniers beaucoup, mais jamais nen avoit que la picque & la dague. Lannee ensuyvant Jehan roy de navarre qui en avoit este spolie par Ferrande rou darragon alla de vie a trespas. Oudit an environ le moys de juillet fut fait certain appoinctement entre le roy de france & le roy de castille Charles paravant archeduc Dautriche moyennant le mariage de luy & de Loyse fille aisnee de france. Il fut conclud en la ville de Noyon, mais il ne dura gueres. Je ne feray nul discours dudict traicte : car il est assez escript ailleurs. Environ le mous doctobre fut donne le pardon de la croisage en france par pape Leon, dont il sortit beaucoup de scandalles & de mocqueries a loccasion des predicateurs qui disoient beaucoup plus que la bulle ne portoit. Le dernier jour de fevrier mil cinq cens dixsept, la bonne sage et tresparfaicte royne de france Claude acoucha de son premiers filz Francoys daulphin de viennoys en la ville Damboise qui fut gros esjouyssement par tout le royaulme de france Et entre autres villes celle Dorleans fist merveilles : car durant ung jour entier y eut devant la maison de la ville deux fontaines qui gectoient vin cleret et blanc, et par ung petit tuyau sortoit de lypocras, auquel beaucoup de gens apres quilz en avoient taste se tenoient. Le daulphin fut baptise en ladicte ville Damboise : & furent parrains pape Leon, mais son nepveu le maginificque Laurens de medicis le tint pour luy : le duc de Lorraine & madame la duchesse Dalencon commere. Il y fut fait fort grosse chere. Ce seigneur Laurens de medicis en ce temps espousa une des filles de Boulongne & lemmena en ytalie : mais elle ny vesquit gueresne luy apres : toutesfois deux deux est demouree une fille. Lan mil cinq cens dixneuf alla de vie a trespas lempereur Maximilian qui mist beaucoup de gens apeine. Il avoit este en son vivant de bonne nature, liberal autant que fut jamais prince : & sil eust este puissant de biens il eust acheve beaucoup de choses : mais il estoit povre selon son cueur : le filz de son filz charles roy des espaignes fut esleu empereur apres luy.

¶Comment messire Robert de la marche fist quelques courses sur les pays de lesleu empereur qui dressa grosse armee : & de ce quil en advint.

¶Chapitre .lxiie.

PEu de temps apres ne scay qui en donna le conseil le seigneur de Sedan quon omme messire Robert de la marche qui pour lors estoit au service du roy de France fist quelques courses sur les pays de lesleu empereur qui commenca a lever grosse armee et telle quil fut maistre & seigneur de la campaigne. Les chiefz de son armee estoient le conte de Nansso, et ung autre

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cappitaine Francisque gaillart homme a la guerre, & avoit bon credit parmy les compaignons ; Ilz estoient bien en nombre tant de cheval que de pied quarante mille hommes ou plus. Durant cest affaire le roy de France et ledit esleu empereur estoient en paix & ne demandoient riens lung a lautre, parquoy larmee des Almans tira droit aux places dudit seigneur de Sedan, & en furent les aucunes assiegees et bien deffendues Toutesfois en fin sen perdirent quatre Cestassavoir Florence, Buillon, Loigne & Messancourt, et peu de gens eschapperent vifz desdictes places. Le dit seigneur de Sedan estoit dedans sa place de Sedan qui est quasi imprenable, parquoy fut exempte de siege Et pareillement ceulx qui estoient dedans une de ses autres places nommee Jamais. Le roy de france deuement acertene de ceste grosse armee qui costoyoit sa conte de Champaigne eut doubte quon luy jouast quelque finesse. Si envoya son beau frere le duc Dalencon avecques quelque nombre de gens darmes sur la frontiere et tira jusques a Reims. Les Almans usoient dune subtilite pour parvenir a leurs attainctes, car ilz ne prenoient riens es pays du roy de France sans bien payer, et faisoit semer parmy son camp le conte de Nasso que lempereur son maistre le luy avoit ainsi encharge comme delibere de demourer tousjours en lamytie quil avoit avecques france Ce neantmoins sans faire autrement sommation de guerre sen vint planter le siege devant une petite ville appelle Mozon, de laquelle estoit gouverneur & cappitaine le seigneur de Montmor grant escuyer de Bretaigne pour le roy de France, & avoit quelques gens de pied avecques sa compaignie en la ville qui nestoit gueres bien munye dartillerie ny de vivres Et qui pis est les compaignies qui estoient dedans ne se trouverent pas du vouloir de leur cappitaine et gouverneur qui deliberoit jusques a la mort garder la ville Et quelques remonstrances quil sceust faire aux gens de pied se trouva en dangier dedans & dehors, parquoy pour eviter plus gros inconvenient rendit la ville leurs vies saufves. On en murmura en beaucoup de sortes Et disoient aucuns que le cappitaine ne sestoit pas bien porte : mais les gens dhonneur & de vertu congneurent bien quil ne se povoit faire autrement, et quil navoit pas tenu audit seigneur de Montmor quil nestoit mort sur la berche, car si tous ceulx qui estoient avec luy eussent este de son cueur les Almans ne fussent pas tirez plus oultre. Or la ville de Mozon rendue si soubdainement donna quelque tiltre desbahyssement aux francois qui ne pensoient jamais que lempereur eust voulu rompre la trefve Toutesfois en tells choses le souverain remede est de prompte provision. On regarda que Maizieres estoit la plus prochaine ville apres Mozon, & quil failloit entendre a la garder et deffendre, car si elle se perdoit la Champaigne sen alloit en mauvais party. Le roy de france en fut adverty, lequel manda soubdainement quon envoyast le bon chevalier sans paour et sans reprouche dedans ladicte ville de Maizieres : & quil ne congnoissoit homme en son royaul

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me en qui il se fiast plus. Davantage que son espoir estoit quil la garderoit si bien et si longuement que sa puissance seroit assemblee pour resister aux surprinses que lempereur luy vouloit faire. De ce commandement neust pas voulu tenir le bon chevalier sans paour & sans reprouche cent mille escuz : car tout son desir estoit de faire service a son maistre & dacquerir honneur. Il sen alla gecter dedans MAizieres avecques le jeune seigneur de Montmorency & quelques autres jeunes gentilz hommes qui de leur gre lacompaignerent & dung nombre de gens de pied soubz la charge de deux jeunes gentilz hommes, lung nomme le cappitaine Boncal de la maison de Reffuge, & lautre le seigneur de monmoreau.

¶ Comment le bon chevalier sans paour et sans reprouche garda la ville de Maizieres contre la puissance de lempereur ou il acquist gros honneur.

¶Chapitre .lxiiie.

QUant le bon chevalier fut entre dedans Maizieres trouva le ville assez mal en ordre pour attendre siege : ce quil esperoit avoir du jour a lendemain, si voulut user de diligtence qui en telle necessite passe tout sens humain, et commenca a faire ramparer jour & nuyt : & ny avoit homme darmes ny homme de pied quil ne mist en besongne, et luy mesmes pour leur donner courage y travailloit ordinairement : et disoit aux compaignons de guerre. Comment messieurs nous sera il reprouche que par nostre faulte ceste ville soit perdue veu que nous sommes si belle compaignie ensemble et de si gens de bien. Il me semble que quant nous serions en ung pre et que devant nous eussions fosse de quatre piedz que encores combatrions nous ung jour entier avant que estre deffaictz Et dieu mercy nous avons fasse, muraille et rampart, ou je croy avant que les ennemys mettent le pied, beaucoup de leurs compaignies dormiront aux fossez ; Bref il donnoit tel courage a ses gens quilz pensoient tous estre en la meilleur & plus forte place du monde. Deux jours apres fut le siege assis devant Maizieres en deux lieux : lung deca leaue & lautre dela. Lung des sieges tenoit le conte Francisque qui avecques luy avoit quatorze ou quinze mille hommes : & en lautre esoit le conte de Nansso avec plus de vingt mille. Le lendemain du siege lesditz conte de Nansso & seigneur Francisque envoyerent ung herault devers le bon chevalier pour luy remonstrer quil eust a rendre la ville de Maizieres qui nestoit pas tenable contre leur puissance, et que pour la grande et louable chevalerie qui estoit en luy seroient merveilleusement desplaisans sil estoit prins dassault Car son honneur grandement en amoindriroit : et par adventure luy cousteroit il la vie, et quil ne failloit que ung malheur en ce monde venir a

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ung homme pour faire oublier tous les beaulx faictz quil avoit menez a fin en son vivant, et que la ou il vouldroit entendre a raison luy feroient si bonne composition quil se deveroit contenter. Plusieurs autres beaulx propos luy manderent par ce herault, qui apres avoir este ouy et ien entendu par le bon chevalier se print a soubzrire, et ne demanda conseil pour respondre a homme vivant, mais tout soubdain luy dist. Mon amy je mesbays de la gracieusete que me font et presentent messeigneurs de Nansso et le seigneur Francisque considere que jamais neuz praticque ne grande congnoissance avecques eulx et ilz ont si grant parou de ma personne. Herault mon amy vous vous en retournerez et leur direz que le roy mon maistre avoit beaucoup plus de suffisans personnages en son royaulme que moy pour envoyer garder ceste ville qui vous fait fontlere, mais puis quil ma fait cest honneur de sen fier en moy jespere avecques layde de nostre seigneur la luy conserver si longuement quil ennuyra beaucoup plus a voz maistres destre au siege que a moy destre assiege, et que je ne suis plus enfant quon estonne de parolles. Si commanda quon festoyast fort bien le herault et puis quon le mist hors de la ville. Il sen retourna au camp, et rapporta la responce que le bon chevalier luy avoit faicte qui ne fut gueres plaisante aux seigneurs. En presence desquelz estoit ung cappitaine nomme grant Jehan picart qui toute sa vie avoit este au service des roys de france en ytalie, et mesmement ou le bon chevalier avoit eu charge, qui dist tout hault adressant sa parolle au conte de Nansso & au seigneur Francisque. Messeigneurs ne vous attendez pas tant que vive monseigneur de Bayart dentrer dedans Maizieres, je le congnois, et plusieurs fois ma mene a la guerre Mais il est dune condition que sil avoit les plus couars gens du monde en sa compaignie il les fait hardis, et sachez que tous ceulx qui sont avecques luy moirront a la berche, et luy le premier devant que nous mections le pied dedans la ville, et quant a moy je vouldrois quil y eust deux mille hommes de guerre davantage et sa personne ny feust point. Le conte de Nansso respondit. Cappitaine grant Jehan le seigneur de Bayart nest de fer ny dacier nemplus que ung autre, sil est gentil compaignon quil le montre, car devant quil soit quatre jours je luy feray tant donner de coups de canon quil ne scaura de quel coste se tourner. Or on verra que ce sera dist le cappitaine grant Jehan, mais vous ne laurez pas ainsi que vous entendez. Ces parolles cesserent, et ordonnerent les conte de Nansso & seigneur Francisque leurs bateries chascun en son endroit & de faire tous les effors quon pourroit pour prendre la ville, ce qui fut fait. Et en moins de quatre jours il fut tire pus de cinq mille coups dartillerie. Ceulx de la ville respondoient fort bien selon lartillerie quilz avoient, mais du camp de Francisque se faisoit grant dommage en la ville par ce quil estoit loge sur ung hault, et batoit beaucoup plus a son ayse que ne faisoit le conte deNansso. Le bon chevalier combien quil feust tenu ung des plus hardis hommes du monde avoit bien une autre chose en luy autant a

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louer, car cestoit ung des vigillans et subtilz gerroyeurs quon eust sceu trouver. Si advisa en soy mesmes comme il pourroit trouver moyen de faire repasser leaue au seigneur Francisque, car de son camp estoit il fort dommage. Si fist escripre unes lettres a messire Robert de la marche qui estoit a Sedan lesquelles estoient en ceste substance. Monseigneur mon cappitaine, je croy questes assez adverty comme je suis assiege en ceste ville par deux endrois, car dung coste est le conte de Nansso, et deca la riviere le seigneur Francisque. Il me semble que puis demy an mavez dit que voulez trouver moyen de le faire venir au service du roy nostre maistre et quil estoit vostre alye. Pource quil a bruyt destre tresgentil galant je le desirerois a merveilles Mais si vous congnoissez que cela se puisse conduyre vous ferez bien de le scavoir de luy, mais plustost aujourdhuy que demain sil en a le vouloir jen seray tresayse, et sil la autre, je vous advertiz que devant quil soit vingt et quatre heures luy et tout ce qui est en son camp sera mis en pieces, car a trois petites lieues dicy viennent coucher douze mille suysses et huyt cens hommes darmes, et demain a la pointe du jour doivent donner sur son camp, et je feray une bonne saillye de ceste ville par ung des costez, de facon quil sera bien habille homme sil se sauve. Je vous en au bien voulu advertir, mais je vous prie que la chose soit tenue secrete. Quant la lectre fut escripte prist ung paysant auquel il donna ung escu, et luy dist. Vaten a Sedan il nya que trois lieues dicy porter ceste lectre a messire Robert, et luy dis que cest le cappitaine Bayart qui luy envoye. Le bon homme sen va incontinent. Or scavoit bien le bon chevalier que impossible seroit quil passast sans estre pris des gens du seigneur Francisque comme il faut avant quil feust a deux gectz darc de la ville. Incontinent fut amene devant ledit seigneur Francisque qui luy demanda ou il alloit. Le povre homme eut belle paour de mourir, aussi estoit il en grant dangier, si dist. Monseigneurn le grant cappitaine qui est dedans nostre ville menvoye a Sedan porter unes lettres a messire Robert qu le bon homme tira dune boursette ou il lavoit mise. Quant le seigneur Francisque tint ceste lectre louvrit et commence a lire, et fut bien esbahy quant il eut veu le contenu. Si se commenca a doubter que par envye le conte de Nansso luy avoit fait passer leaue affin quil feust deffaict, car au paravant y avoit eu qeulque peu de picque entre eulx, par ce que icelluy seigneur Francisque ne vouloit pas bien obeyr au conte. A grant peine eut il acheve de lyre la lectre quil commenca a dire tout hault ; Je congnois bien a ceste heure que monseigneur de Nansso ne tasche que a me perdre, mais par le sang dieu il nen sera pas ainsi. Si appella cinq ou six de ses plus privez et leur delcaira le contenu en la lectre qui furent aussi estonnez que luy. Il ne demanda point de conseil mais fait sonner le tabourin et a lestandart, charger tout le bagaige, et se mist au passage dela leaue. Quant le conte de Nansso ouyt le bruit fut bien estonne, et envoya scavoir que cestoit par ung gentil homme, lequel quant il arriva trou

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va le camp du seigneur Francisque en armes. Il senquist que cestoit. On luy dist quil vouloit passer du coste du conte de Nansso. Le gentil homme le luy alla dire dont il fut bien esbahy, car en ceste sorte se levoit le siege de devant la ville. Si envoya ung de ses plus privez dire au seigneur Francisque quil ne remuast point son camp que premier neussent parle ensemble, et que sil le faisoit autrement ne feroit pas bien le service de son maistre. Le messagier luy alla dire sa charge mais Francisque tout esmeu et courrouce luy respondit. Retournez dire au conte de Nansso que je nen feray riens, et que a son appetit je ne demoureray pas a la boucherie, et sil me veult farder de loger aupres de luy nous verrons par le combat a qui demourera le camp a luy ou a moy. Le gentil homme du conte de Nansso sen retourna, et luy dist ce quil avoit ouy de la bouche de seigneur Francisque. Jamais homme ne fut si esbahy quil fut, toutesfois pour nestre point surpris fist mettre tous es gens en bataille ; Ce pendant passerent les gens du seigneur Francisque. Et eulx passez se misrent pareillement en bataille, et a les veoir sembloit quilz voulsissent combatre les ungs les autres, et sonnoient tabourins impetueusement. Le povre homme qui avoit porte la lectre a loccasion de laquelle cestoit esleve ce bruit ne scay comme dieu le voulut eschappa et sen rerourna bien esbahy comme ung homme qui pensoit estre eschappe de mort dedans Maizieres devers le bon chevalier, auqueil il alla faire ses excuses disant quil navoit peu aller a Sedan et quon lavoit pris en chemin et mene devant le seigneur Francisque qui avoit veu ses lectres et que incontinent sestoit desloge. Le bon chevalier se prist a rire a plaine gorge et congneut bien que sa lectre lavoit mis en pensement. Il sen alla sur le rampart avecques quelques gentilz hommes et veit ses deux camps en bataille lung devant lautre. Par ma foy dist il puis quilz ne veullent commencer a combatre je vois moymesmes commencer. Si fist tirer cinq ou six coups de canon au travers des ennemys qui par gens lesquelz allerent dung coste puis dautre se rapaiserent et se logerent. Le lendemain trousserent leurs quilles et leverent le siege sans jamais y oser donner assault, et tout pour la crainte du bon chevalier. Si tost ne se fist pas la paix du conte de Nansso et du seigneur Francisque, car plus de huyt jours furent sans loger ensemble,et sen alla Francisque vers la picardie du coste de Guyse mettant le feu par tout, et plushault marchoit le conte de Nansso, mais peu apres se rapaiserent et furent amys. Ainsi par la maniere que dessus avez ouy fut leve le siege devant Maizieres ou le bon chevalier sans paour et sans reprouche acquist couronne de laurier, car bien quon ne livrast nul assault il tint les ennemys trois sepmaines durant en aboy. Pendant lequel temps le roy de france leva grosse armee & assez puissant pour combatre ses ennemys, et vint luy mesmes en personne dedans son camp ou le bon chevalier luy alla faire la reverence, et en passant reprist la ville de Mozon. Le roy son maistre luy fist recueil merveilleux, et ne se povoit saouller de le louer

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devant tout le monde. Il le voulut honnestement recompenser du grant et recommandable service quil luy venoit freschement de faire. Il le fist chevalier de son ordre et luy donna cent hommes darmes en chef. Puis ùarcha apres ses ennemys quil expulsa hors de ses pays & les chassa jusques dedans valenciennes ou le bon chevalier se porta comme il avoit tousjours de coustume. Les almans firent en picardie beaucoup de mal par le feu, mais les francois ne furent point ingratz et le leur rendirent au double en Henault. Au retour que le roy fist en la ville de Compiegne eut quelques nouvelles de Gennes et quil estoit besoing y envoyer quelque sage, hardy et advise chevalier, parquoy ledit seigneur sachant la bonne nature du bon chevalier sans paour et sans reprouche, et que jamais ne se lassoit de faire service luy en bailla la commission, le priant tresfort que pour lamour de luy voulsist faire ce voyage, car il avoit grant espoir en sa personne. Il laccepta daussi bon cueur quon le luy bailla Puis passa les montz, & fut a Gennes tresbien receu, tant du gouverneur, des gentilz hommes que de tous les habitans, et tant quil y demoura fut honnore et prise dung chascun. Il y eut plusieurs affaires en ytalie dont ne vous feray aucune mention pour beaucoup de raisons, mais vous viendray a declairer le trespas du bon chevalier sans paour et sans reprouche qui fut ung grief irreparable, dolente & malheureuse la journee pour toute la noblesse de france.

¶Comment le bon chevalier sans paour et sans reprouche en une retraicte quil fist en ytalie fut tue dung coup dartillerie.

¶Chapitre .lxiiiie.

AU commencement de Lan mil cinq cens .xxiiii. le roy de france avoit une grosse armee en ytalie soubz la charge de so nadmiral le seigneur de Bonnyvet a qui il en avoit donne la charge, car il luy vouloit beaucoup de bien. Il avoit en sa compaignie force bons cappitaines, mesmement y estoit nouvellement arrive ung jeune prince enfant de la maison de Lorraine nomme le conte de Vaudemont, lequel desiroit a merveilles scavoir des armes & suyvre par œuvres vertueuses ses ancestres. Or le camp du roy de france se tenoit pour lors en une petite ville nommee Biagras, ou eulx estans la le chef de larmee qui estoit ladmiral appella ung jour le bon chevalier, & luy dist. Monseigneur de Bayart il fault que vous aillez loger a Rebec avec deux cens hommes darmes, & les gens de pied de Lorges, car par ce moyen travaillerons merveilleusement ceulx de milan tant pour les vivres que pour mieulx entendre de leurs affaires. Il fault scavoir que combien que le bon chevalier ne murmurast jamais de commission quon luy baillast ne se povoit bonnement contenter de ceste la pour la congnoistre dangereuse & doubteuse, et respondit comme a son lieutenant de roy. Monseigneur je ne scay comment vous

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lentendez : car pour garder Rebec au lieu ou il est assis la moytie des gens qui sont en nostre cam y seroient bien besoing. Je congnois nos enneyz, ilz sont vigilans, & suis bien asserue quil est quasi difficile que je ny recoive de la honte : car il mest bien advis que si quelque nombre de noz ennemys y estoient par une nuyt les yrois resveiller a leur desavantage. Et pource monseigneur je vous supplie que vous advisez bien ou vous me voulez envoyer. Ladmiral luy tint plusieurs propos et quil ne se souciast point : car il ne sortiroit pas une soris de Milan quil nen feust adverty, et tant luy en dist dunes et dautres que le bon chevalier avecques grosse fascherie sen alla avecques les gens quon luy avoit baillez dedans Rebec, mais il ny mena que deux grans chevaulx : car ses muletz et tout le reste de son train envoya dedans Novare quasi prevoyant perdu ce quil detenoit avec luy : Venuz quiz feussent en ce village de Rebec adviserent comment ilz le fortiffieroient mais nul moyen ny trouverent sinon faire barrieres aux venues : mais par tous les costez on y povoit entrer. Le bon chevalier escripvit plusieurs fois a ladmiral quil estoit en lieu tresdangereux, et que sil vouloit quil se tiensist longuement luy envoyast du secours : mais il nen eut point de response. Les ennemys qui estoient dedans Milan en nombre de quatorze ou quinze mille hommes furent advertiz par leurs espies que le bon chevalier estoit dedans Rebec a petite compaignie, dont ilz furent tresjoyeulx. Si delibererent par une nuyt laller surprendre et deffaire. Et suyvant ce vouloir se misrent aux champs environ mynuyt en nombre de six a sept mille hommes de pied, et de quatre a cinq cens hommes darmes. Ilz estoient guydez par des gens qui scavoient le village et les logis des plus apparans. Le bon chevalier qui tousjours se doubtoit mettoit quasi toutes les nuyctz la moytie de ses gens au guet et aux escoutes, et luy mesmes y passa deux ou trois nuytz, tellement quil tumba malade tant de melencolie que de froidure beaucoup plus fort quil nen faisoit le semblant : toutesfois contrainct fut de garder la chambre ce jour. Quant se vint sur le soir il ordonna a quelques cappitaines qui estoient avecques luy aller au guet, et adviser bien de tous costez a ce quilz ne feussent surpris. Ilz y allarent ou firent semblant dy aller : mais par ce quil plouvinoit ung peu se retirerent tous ceulx qui estoient au guet reserve trois ou quatre povres archiers. Les espaignolz marchoient tousjours & avoient pour mieulx se congnoistre la nuyt chascun une chemise vestue par dessus leur harnois. Quant ilz approcherent dung gect darc du village furent bien esbahis quilz ne trouverent personne, et eurent pensement que le bon chealier avoit este adverty de leur entreprinse & quil sestoit retire a Byagras : toutesfois ilz marchoient tousjours : & ne furent point cent pas loing quilz ne trouvassent ce peu darchiers qui estoient demourez au guet, lesquelz sans escrier commencerent a charger. Les povres gens ne firent point de resistence : ains se misrent a la fuyte en criant Alarme alarme, mais ilz furent si vivement suyviz que lesditz ennemys

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furent aux barrieres aussi tost que eulx. Le bon chevalier qui en tel dangier ne dormoit jamais que vestu garny de ses avanbras et cuyssolz & sa cuyrasse aupres de luy se leva soubdainement et fist brider ung coursier qui ja estoit selle sur lequel il monta, et sen vint avecques cinq ou six hommes darmes des siens droit a la barriere, ou incontinent survint le cappitaine Lorges et quelque nombre de ses gens de pied qui se porterent tresbien. Les ennemys estoient a lentour du village cherchant le logis du bon chevalier : car silz leussent prins peu leur estoit ledemourant Mais encores ne le tenoient il pas. La huee fut grosse et lalarme chault Durant ce combat a la barriere le bon chevalier va ouyr les tabourins des gens de pied aux ennemys qui sonnoient lalarme tant dru que merveilles.Alors il dist au cappitaine Lorges. Lorges mon amy vecy jeu mal party, silz passent ceste barriere nous sommes fricassez Je vous prie retirez voz genz & serrez le mieulx que pourrez, marchez droit a Byagras : car avecques les gens de cheval que jay demoureray sur le derriere. Il fault laisse nostre bagage aux ennemys, il ny a remede saulvons les personnes sil est possible. Incontinent que le bon chevalier eut parle, le cappitaine Lorges fist son commandement & se retira ce pendant quilz faisoient ceste resistance a la barriere. La pluspart de tous les francois monterent a cheval & se retirerent selon la fortune tresgaillardement, et ne perdirent point dix hommes. Les ennemys estoient descenduz la pluspart et par les maisons & de tous costez cherchoient le bon chevalier, mais il estoit desja a Byagras ou luy arrive eut quelques parolles fascheuses a ladmiral : toutesfois je nen feray aucune mention, mais si tous deux neussent vescu plus longuement quilz ne firent feussent peult estre allez plus avant. Le bon chevalier cuyda mourir de dueil du malheur qui luy estoit advenu, mesmement que ce nestoit pas par sa faulte : mais en guerre ya de lheur & du malheur plus quen toutes autres choses. Quelque peu de temps apres ceste retraicte de Rebec le seigneur admiral congnoissant son camp amoindrir de jour en jour, tant par faulte de vivres que de maladie qui couroit parmy ses gens, tint conseil avecques les cappitaines ou pour le mieulx fut delibere quon se retireroit, & ordonna ses batailles, ou en larrieregarde comme tousjours estoit sa coustume aux retraictes demoura le bon chevalier. Les espaignolz les suyvirent de jour en jour et marchoient en belle bataille pares les francois, & souvent sescarmouchoient : mais quant venoit a charger tousjours trouvoient en barbe le bon chevalier avecques quelque nombre de gensdarmes, qui leur monstroit ung visage si asseure quil les faisoit demourer tout coy, et menu et souvent les rembarroit dedans leur grosse troppe Ilz gecterent aux deux esles dung grant chemin force hacquebutiers & hacquebouziers qui portent pierres aussi grosses que une hacquebute a croc dont ilz tirerent plusieurs coups, et de lung fut frappe le genti lseigneur de Vendenesse, dont il mourut quelque temps apres, qui fut ung gros dommage pour france. Il estoit

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de petit corpulance : mais de haultesse de cueur et de hardiese personne ne le passoit. Ce jeune seigneur de Vaudemont qui de nouvel estoit au mestier des armes si porta tant gaillardement que merveilles & fist tout plein de belles charges, tant quil sembloit que jamais neust fait autre chose. En ces entrefaictes le bon chevalier asseure comme sil eust este en sa maison faisoit marcher les gensdarmes, et se retiroit le beau pas tousjours le visage droit aux ennemys et lespee au poing leur donnoit plus de craincte que ung cent dautres, mais comme dieu le voulut permettre fut tire ung coup de hacquebouze dont la pierre le vint frapper au travers des rains et luy rompit tout le gros os de leschine. Quant il sentit le coup se print a crier Jesus, & puis dist. Helas mon dieu je suis mort, si print son espee par la poignee et baisa la croisee en signe de la croix et en disant tout hault. Miserere mei deus scdm magnam misericordiam tuam, devint incontinent tout blesme comme failly des esperitz & cuyda tumber Mais il eut encores le cueur de prendre larson de la selle et demoura en estant jusques a ce que ung jeune gentil homme son maistre dhostel luy ayda a descendre & le mist soubz ung arbre. Ne demoura gueres quil ne feust sceu parmy les amys & les ennemys que le cappitaine Bayart avoit este tue dung coup dartillerie dont tous ceulx qui en eurent les nouvelles furent a merveilles desplaisans.

¶Du grant dueil qui fut demene pour le trespas du bon chevalier sans paour et sans reprouche.

¶Chapitre .lxve.

QUant les nouvelles furent espandues parmy les deux armees que le bon chevalier avoit este tue ou pour le moins blesse a mort, mesmement au camp des espaignolz combien que se feust lung des hommes du monde dont ilz eussent greigneur craincte en furent tous gentilz hommes et souldars desplaisans merveilleusement pout beaucoup de raisons : car quant en son vivant faisoit courses et il en prenoit aucuns prisonniers les traictoit tant humainement que merveilles, et de rancon tant odulcement que tout homme se contentoit de luy. Ilz congnoissoient que par sa mort noblesse estoit grandement affoiblie : car sans blasmer les autres il a este parfaict chevalier en ce monde, faisant la guerre avec luy sadressoient leurs jeunes gentilz hommes : et dist ung de leurs principaulx cappitaines qui le vint veoir devant quil rendist lame nomme le marquis de Pescare une haulte parolle a sa louenge qui fut telle en son lagage. Pleust a dieu gentil seigneur de Bayart quil meust couste une quarte de mon sang sans mort recevoir Je ne deusse manger chair de deux ans et je vous tiensisse en sante mon prisonnier : car par le traictement que je vous feroye a

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vriez congnoissance de combien jay estime la haulte prouesse qui estoit en vous. Le premier loz que vous donnerent ceukx de ma nation quant on dist, mouches grisonnes & paucos Bayardos ne vous fut pas donne a tort : car depuis que jau congnoissance des armes nay veu ne ouy parler de chevalier qui en toutes verus nous ait approuche. Et combien que je deusse estre bien aise vousveoir ainsi estant asseure que lempereur mon maistre en ses guerres navoit point de plusgrant ne rude ennemy : toutesfois quant je considère la grosse perte que fait au jourdhuy toute chevalerie, dieu ne me soit jamais en ayde si je ne vouldroys avoir donne la moytie de mon vaillant & il feust autrement : mais pui que a la mort na nul remede Je requiers cil qui tous nous a creez a sa semblance quil vueille retirer vostre ame aupres de luy. Telz piteux & lacrymables regretz faisoit le gentil marquis de Pscare & plusieurs autres cappitaines sur le corps du bon chevalier sans paour et sans reprouche Et croy quil ny en eut pas six de toute larmee des espaignolz qui ne le viensissent veoir lung apres lautre. Or puis quainsi est que les ennemys si efforceement ploroient sa mort, peult on assez considerer la grande desplaisance qui en fut par tout le camp des francois tant des cappitaines gensdarmes que gens de pied : car de chascun en sa qualite se faisoit aymer a merveilles. Vous eussiez dit quil ny avoit celluy qui neust perdu son pere ou sa mere, mesmement les povres gentilz hommes de sa compaignie faisoient dueil inestimable. Las disoient ilzparlans a la mort. Desloyalle furie que tavoit mesfaict ce tant parfaict & vertueux chevalier, tu ne tes pas vengee de luy tout seul : mais nous tous as mis en douleur jusques a ce que tu ayes fait ton chef doeuvre sur nous comme sur luy. Sonz quel pasteur yrons nous plus aux champs, quelle guyde nous pourra desormais dieu donner ou nous feussion en telle seurete que quant nous estions avecques luy : car il ny avoit celluy qui en sa presence ne feust aussi asseure quen la plusforte place du monde. Ou trouverrons nous doresenavant cappitaine qui nous rachapte quant nous serons prisonniers : qui nous remonte quant serons desmontez, et qui nous nourrisse comme il faisoit ? Il est impossible. O cruelle mort cest tousjours ta facon que tant plus est ung homme parfaict de tant plus prens tu tes esbas a le destruire et desfaire. Mais si ne scaurois tu si bien jouer quen despit de toy combien que tu luy ayes oste la vie en ce monde, que renommee & gloire ne luy demoure immortelle tant quil durera, car sa vie a este si vertueuse quelle laissera souvenir a tous les preux & vertueux chevaliers qui viendront apres luy. Tant piteusement se demenoient les povres gentilz hommes que si le plus dur cueur du monde eust este en presence, leussent contrainct partir a leur dueil. Ses povres serviteurs domestiques estoient tous ranssiz, entre lesquelz esoit son povre maistre dhostel qui ne labandonna jamais Et se confessa le bon chevalier aluy par faulte de prestre. Le povre gentil homme fondoit en larmes voyant son bon maistre si mortellement navre

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que nul remede en sa vie ny avoit, mais tant doulcement le reconfortoit icelluy bon chevalier en luy disant. Jacques mon amy laisse ton dueil cest le vouloir de dieu de moster de ce modnde, je y ay la sienne grace longuement demoure et y ay receu des biens et des honneurs plus que a moy nappartient, tout le regret que jay a mourir cest que je nay pas si bien fait mon devoir que je devoys, et bien estoit mon esperance si plus longuement eusse vescu damender les faultes passees, mais puis quainsi est je supplie mon createur avoir pitie par son infinie misericorde de ma povre ame, et jay esperance quil le fera et que par sa grande et incomprehensible bonte nusera pointenvers moy de rigueur de justice. Je te prie Jaques mon amy quon ne menlieve point de ce lieu, car quant je me renue je sens toutes les douleurs que possible est de sentir hors la mort laquelle me prendra bien tost. Peu devant que les espaignolz arrivassent au lieu ou avoit este blesse le bon chevalier le seigneur Dalegre prevost de Paris parla a luy, et luy declaira quelque chose de son testament. Aussi y vint ung cappitaine de suysses nomme Jehan dyesbac qui lavoit voulu emporter sur des picques avecques cinq ou six de ses gens pour le cuyder sauver, mais le bon chevalier qui congnoissoit bien comment il luy estoit le pria quil le laissast pour ung peu penser a sa conscience, car de loster de la ne seroit que abregement de sa vie. Si convint aux deux gentilz hommes en grans pleurs & gemissemens le laisser entre les mains de leurs ennemys, mais croyez que ce ne fut pas sans faire grans regretz, car a toutes forces ne le vouloient habandonner, mais il leur dist. Messeigneurs je vous supplie allez vous en, autrement vous tumberiez entre les mains des ennemys, et cela ne me prouffiteroit de riens, car il est fait de moy. A dieu vous command mes bons seigneurs et amys, je vous recommande ma povre ame, vous suppliant au surplus adressant sa parolle au seigneur Dalegre que me saluez le roy nostre maistre, et que desplaisant suis que plus longuement ne luy puis faire service, car jen avois bonne voulente, a messeigneurs les princes de france, et a tous messeigneurs mes compaignons, et generallement a tous les gentilz hommes du treshonnore royaulme de france quant les verrez. En disant lesquelles parolles le noble seigneur Dalegre ploroit tant piteusement que merveilles, et print en cest estat conge de luy. Il demoura encores en vie deux ou trois heures, et par les ennemys luy dut tendu ung beau pavillon et ung lict de camp surquoy il fut couche, et luy fut amene ung prestre auquel devotement se confessa. Et en disant ces propres motz. Mon dieu estant asseure que tu as dit que celluy qui de bon cueur retournera vers toy quelque pecheur quil ait este tu es tousjours prest de le recevoir a mercy & luy pardonner. Helas mon dieu createur et redempteur je tay offence durant ma vie griefvement dont il me desplaist de tout mon cueur. Je congnois bien que quant je serois aux desers mille ans au pain et a leaue, encores nesse pas pour avoir entree en ton royaulme de paradis si par ta grande et infinie bonte ne ty plaisoit

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me recevoir, car nulle creature ne peult meriter en ce monde si hault loyer. Mon pere et sauveur je te supplie quil te plaise navoir nul regard aux faultes par moy commises, et que ta grande misericorde me soit preferee a la rigueur de ta justice. Sur la fin de ces parolles le bon chevalier sans paour & sans reprouche rendit son ame a dieu dont tous les ennemys eurent dueil non croyable. Par les chiefz de larmee des espaignolz furent commis certains gentilz hommes pour le porter a leglise ou lu yfut fait solennel service durant deux jours. Puis par ses erviteurs fut mene ou Daulphine. Et en passant par les terres du duc de Savoye, ou son corps reposoit luy fist faire autant dhonneur que sil eust este son frere. Quant les nouvelles de la mort du bon chevalier furent sceues au daulphine il ne fault point particulierement descripre le dueil qui y fut fait, car les prelatz gens deglise, nobles et populaire le faisoient egallement, et croy quil ya mille ans quil ne mourut gentil homme du pays plainct de la sorte. On alla au devant du corps jusques au pied de la montaigne, et fut amene deglise en eglise en grant honneur jusques aupres de Grenoble, lesquelz convoyerent le trespasse jusques en leglise nostre dame dudit Grenoble ou le corps reposa ung jour & une nuyt, & luy fut fait service fort solennel. Le lendemain ou mesme honneur quon lavoit fait entrer en grenoble fut conduit jusques a une religion de mynymes a demye lieue de la ville que autresfois avoit fait fonder son bon oncle levesque dudict Grenoble Laurens alment ou il fut honnorablement enterre, puis chascun se retira en sa maison Mais on eust dit durant ung moys que le peuple du daulphine nattendoit que ruyne prochaine, car on ne faisoit que plorer et larmoyer, et cesserent festes, dances, bancquetz et tous autres passetemps. Las ilz avoient bien raison, car plus grosse perte neust sceu advenir pour le pays. Et quiconques en eut dueil au cueur croyez quil touchoit de bien pres aux povres gentilz hommes, gentilz femmes vefves, et aux povres orphelins a qui secretement il donnoit et departoit de ses biens Mais avecques le temps toutes choses se passent fors dieu aymer. Le bon chevalier sans paour & sans reprouche la craint & ayme durant sa vie, apres sa mort renommee luy demeure comme il a vescu en ce monde entre toutes manieres de gens.

¶Des vertus qui estoient au bon chevalier sans paour et sans reprouche.           

¶Dernier chapitre.

TOute noblesse se debvoit bien vestir de dueil le jour du trespas du bon chevalier sans paour et sans reprouche : car je croy que depuis la creation du monde tant en la loy chrestienne que payenne ne sen est trouve ung seul qui moins luy ait fait de deshonneur ne plus dhonneur. Il

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ya ung commin proverbe qui dit, que nul ne veit sans vice. Ceste reigle a failly a lendroit du bon chevalier : car jen prens a tesmoing tous ceulx qui lont veu parlans a la verite silz en congneurent jamais ung seul en luy : mais au contraire dieu lavoit doue de toutes les vertus qui pourroient estre en parfaict homme esquelles chascune par ordre se scavoit tresbien conduyre. Il aymoit et craignoit bieu sur toutes choses ne jamais ne le juroit ne blasphemoit, & en tous ses affaires & necessitez avoit a luy seul son recours, estant bien certain que de luy et de sa garde et infinie bonte procedent toutes choses Il aymoit son prochain comme soy mesmes et bien la monstre toute sa vie, car oncques neut escu qui ne feust au commandement du premier qui en avoit a besongner & sans en demander, bien souvent en secret en faisoit bailler aux povres gentilz hommes qui en avoient necessite selon sa puissance Il a siuvy les guerres soubz les roys Charles .viiie. Loys .xiie. & Francois premier de ce nom roys de france par lespace de .xxxiiii. ans : ou durant le temps ne sest trouve homme qui lait passe en toutes choses servans au noble exercice des armes : car de hardiesse peu de gens lont approche. De conduyte cestoit ung Fabius maximus : dentreprises subtiles ung Coriolanus, & de force et magnanimite ung second hector, furieux aux annemus : doulz, paisible & courtois aux amys. Jamais souldart quil eust soubz sa charge ne fut desmonte quil ne remontast, et pour plus honnestement donner ces choses, bien souvent changeoit ung coursier ou cheval despaigne qui valloit deux ou trois cens escus a ung de ses hommes darmes contre ung courtault de six escus, & donnoit a entendre au gentil homme que le cheval quil luy bailloit luy estoit merveilleusement propre. Une robe de veloux, satin ou damas changeoit tous les coups contre une petite cape affin que plus gracieusement & au contentement dung chascun il peust faire ses dons. On pourroit dire Il ne povoit pas donner de grans choses : car il estoit povre, autant estoit il honnore destre parfaictement liberal selon sa puissance que le plus grant prince du monde Et si a gaigne durant les guerres en sa vie cent mille francz en prisonniers quil a departis a tous ceulx qui en ont eu besoing. Il estoit grant aumosnier & faisoit ses aulmosnes secretement. Il nest riens si certain quil a marie en sa vie sans en faire bruyt cent povres filles orphelines, gentilz femmes ou autres. Les povres veufves consoloit & leur departoit de ses biens : avant que jamais sortir de sa chambre se recommadoit a dieu, disoit ses heures a deux genoulx en grande humilite, mais ce faisant ne vouloit quil eust personne. Le soir quant il estoit couche & il congnoissoit que ses varletz de chambre estoient endormis feust yver ou este se levoit en sa chemise, & tout le long de son corps sestendoit & baisoit la terre. Jamais ne fut en pays de conqueste que sil a este possible de trouver homme ou femme de la maison ou il logeoit quil ne payast ce quil pensoit avoir despendu. Et plusieurs fois luy a lon dit. Monseigneur cest argent perdu ce que vous baillez, car au partir dicy on mettra le feu ceans & ostera lon ce que vous avez donne. Il respondoit. Messei

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gneurs je fais ce que je doy, dieu ne ma pas mis en ce monde pour vivre de pillage ne de rapine, et davantage ce povre homme pourra aller cacher son argent au pied de quelque arbre, & quant la guerre sera hors de ce pays il sen pourra ayder et prier bien pour moy. Il a este en plusieurs guerres ou il y avoit des almans qui au desloger mectent voulentiers le feu en leurs logis, le bon chevalier ne partit jamais du sien quil ne sceust que tout feust passe ou quil ne laissast gardes affin quon ny mist point le feu. Entre toutes manieres de gens cestoit la plus gracieuse personne du monde qui plus honnoroit gens de vertu, et qui moins parloit des vicieux. Il estoit fort mauvais flateur et adulateur. Tout son cas estoit fonde en verite, et a quelque personne que ce feust, grant prince ou autre ne flechissoit jamais pour dire autre chose que la raison. Des biens mondains il ny pensa en sa vie, et bien la monstre, car a sa mort il nestoit gueres plus riche que quant il fut ne. Quant on luy parloit des gens puissans & riches ou il pensoit quil ny eust pas grande vertu faisoit le sourt et en respondoit peu, et par le contraire ne se povoit saouller de parler des vertueux. Il estimoit en son cueur ung gentil homme parfait qui navoit que cent francs de rente autant que ung prince de cent mille, et avoit cela en son entendement que les biens nanoblissent point le cueur. Le cappitaine Loys dars le nourrit en jeunesse, et croy bien que soubz luy aprist le commencement des armes, aussi tout sa vie luy a il porte autant dhonneur que sil eust este le plusgrant roy du monde, et quant on parloit de luy le bon chevalier u prenoit plaisir merveilleux & nestoit jamais las den bien dire. Il ne fut jamais homme suyvant les armes qui mieulx en congneust lypocrisie, et souvent disoit que cest la chose en ce monde ou les gens sont les plus abusez, car tel fait l hardy breneux en une chambre qui aux champs devant les ennemys est doulx comme une pucelle. Peu a prise en son temps gensdarmes qui habandonnent leurs enseignes pour contrefaire les hardis ou aller au pillage. Cestoit le plus asseure en guerre quon ait jamais congneu, et a ses parolles eust fait combatre le plus couart homme du monde. Il a fait de belles victoires en son temps, mais jamais on ne len ouyt venter, et sil convenoit quil en parlast en donnoit tousjours la louenge a quelque autre. Durant sa vie a este a la guerre avecques anglois, espaignolz, almans, ytaliens et autres nations, et en plusieurs batailles gaignees & perdues, mais ou elles ont este gaignes Bayart en estoit tousjours en partie cause, et ou elles se sont perdues sest trouve tousjours si bien faisant que gros honneur luy en est demoure. Oncques ne voulut servir que son prince, soubz lequel navoit pas de grans biens, et luy en a on presente beaucoup plus dailleurs en son vivant, mais tousjours disoit quil mourroit pour soustenir le bien public de ses pays. Jamais on ne luy sceut bailler commission quil refusast et si luy en a on baille de bien estranges, mais pource que tousjours a eu dieu devant les yeulx luy a ayde a maintenir son honneur, & jusques au jour de son trespas on nen avoit pas oste le fer du

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ne esguillete. Il fut lieutenant pour le roy son maistre ou Daulphine ouquel si bien gaigna le cueur tant des nobles que des returiers quilz feussent tous mors pour luy. Sil a este prise & honnore en ses pays ne se fault pas esmerveiller : car trop plus la este par toutes autres nations : & cela ne luy a pas dure ung ne deux ans, mais tant quil a vescu & dure encores apres sa mort, car la bonne & vertueuses vie quil a menee luy rend louenge immortelle. Oncques ne fut veu qui lait voulu soustenir le plus grant amy quil eust ou monde contre la raison : et tousjours disoit le bon gentil homme que tous empires, royaulmes et provinces sans justice sont forestz pleines de brigans. Es guerres a eu tousjours trois excellentes choses et qui bien affierent a parfaict chevalier, assault de levrier, deffense de sanglier, & fuyte de loup. Brief qui toutes ses vertus vouldroit descripre i y conviendroit bien la vie dung bon orateur, car moy qui suis debile & peu garnt de science ny scauroye attaindre : mais de ce que jen ay dit supplie humblement a tous lecteurs de ceste presente histoire le vouloir prendre en gre : car jay fait le mieulx que jay peu : mais non pas ce qui estoit bien deu pour la louenge dung si parfaict & vertueux personnage que le bon chevalier sans parou & sans reprouche le gentil seigneur de Bayart, duquel dieu par sa grace vueille avoir lame en paradis. Amen.

¶ Cy fine la tresjoyeuse, plaisante et recreative histoire composee par le loyal serviteur, des faictz, gestes, triumphes & prouesses du bon chevalier sans paour et sans reprouche le gentil seigneur de Bayart Nouvellement imprimee a Paris par Nicolas couteau pour Galliot du pre marchant libraire jure de Luniversite dudit lieu. Et fut acheve dimprimer le .xviiie. jour de Septembre Lan mil cinq cens vingt et sept.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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