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moucher, qui bien tost trouverent les franois lesquelz furent joyeulx a merveilles pensant quil ny eust autre chose, et que le Providadour feust en ceste troppe. Les francois a cheval commencerent a charger, et les autres tournerent le dos jusques a ce quilz feussent sur la grosse troppe : laquelle quant ilz lapperceurent setonnerent beaucoup, et retournerent aux gens de pied ausquelz ilz dirent. Nous sommes trahiz, car ilz sont trois mille hommes ou plus : il fault essayer a nous sauver. Ceulx de la seigneurie les suyvoient a grosse furye criant Marco marco, acarne acarne : et chargerent rudement les Francois lesquelz misrent leurs gens de pied devant, & leurs gens de cheval sur leur queue pour les soustenir Et de fait reculerent sans perte jusques au village ou estoit la premiere embusche des Veniciens, qui au son de la trompette suyvant la charge quilz avoient commencerent a sortir, et se gecterent ente Lignago et les francois par ainsi furent enclos et assailliz par deux costez Et fault entendre que depuis dieu crea ciel et terre pour le nombre de gens ne fut mieulx combatu pour ung jour, car le combat dura plus de quatre heures sans ce que les francois qui tousjours se retiroient peussent estre deffaitz. Dune chose sadvisa messire Andre grit : cest quil fist gecter sur les esles quelques arbalestriers de cheval qui vindrent donner dedans les gens de pied, de sorte quilz leur firent rompre une partie de leur ordre : toutesfois tousjours se retirerent vers leur place laquelle ilz approcherent a quatre mille, mais la les convint demourer. car ilz furent chargez par tant dendroitz et de telle sorte que la pluspart des hommes darmes durent mis a pied, car leurs chevaulx furent tuez. Quant guyon de cantiers veit que tout estoit perdu, comme ung lyon eschauffe va entrer dedans les gens de pied de la seigneurie ou il fist merveilles darmes, car il en tua de sa main cinq ou six, mais il avoit trop petit nombre au pris des autres : si luy fut force la demourer abatu et tue avecques tous ses trois cens hommes sans que nul en eschappast vif. Le cappitaine Malerbe cestoit avecques si peu de gens a cheval quil avoit encores tire aux champs ou il combatit lespace dune grosse heure : mais en fin il fut prins prisonnier et vingt & cinq de ses compaignons, le demourant y mourut. Et pour conclusion il neschappa homme vivant pour en aller dire les nouvelles a Lignago. Quant messire Andre grit veit du tout la victoire sienne se va adviser dune subtilite Cest quil fist tous les gens de pied francois qui estoient mors despouiller et desarmer & en fait vestir des siens autant, prent les habillemens des gens darmes, leurs chevaulx et plumailz et les baille a de ses gens. Et davantage leur bailla cent ou six vingtz de ses hommes quilz emmenoient comme prisonniers, et leur faisoit conduyre trois faulcons que ceulx de Lignago avoient menez : puis leur dist. Allez en ceste sorte jusques a Lignago, et quant serez aupres cryez France france, victoire victoire. Ceulx de dedans penseront que ce soyent leurs gens qui ayent gaigne. Et pour encores
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mieulx leur donner a congnoistre oultre leurs enseignes, emporterez encores deux ou trois des nostres Je ne fais nulle doubte quilz ne vous ouvrent la porte, saisissez vous en : et je seray a ung gect darc de vous, & au son de la trompette je me rendrau la incontinent. Ainsi au jourdhuy si scavez bien conduyre laffaire reprendrons Lignago, qui est de telle importance a la seigneurie que scavez. Ce qui leur fut commande fut tresbien execute, et menant feste et joye approcherent dung gect darc Lignago sonnant trompettes et clerons. Le seigneur de la Crote avoit ung lieutenant en la place qui sappelloit Bernard de villars ancien sage chevalier & qui avoit beaucoup veu. Il monta sur la tour du portail pour veoir venir ses gens qui demenoient si grant joye affin de leur faire ouvrir la porte. Il regarda de loing leur contenance dont il sebahyt, et dist a ung qui estoit aupres de luy. Vela les chevaulx et les acoustremens de noz gens : mais il mest advis que ceulx qui sont dessus ne chevauchent point a nostre mode et ne sont point des nostres ou je suis deceu. Il y pourroit bien avoir du malheur en nostre endroit, et le cueur le me juge. Je vous prie descendez et faictes abaisser la planchette du point, et puis dictes quon la retire. Si ce sont noz gens vous en congnoistrez assez : si ce sont ennemys pensez de vous saulver a la barriere. Jay icy deux pieces chargees, sil est besoing en serez secouru. Au dire du cappitaine Bernard descendit le compaignon qui sortit hors de la place cuydant venir au devant de ses gens en demandant Qui vive, ou est le cappitaine Malerbe. Ilz ne respondirent riens : mais cuydans que le pont feust abaisse commencerent a course de cheval marcher. Ledit compaignon se saulva tellement quellement en la barriere. Alors furent tirees les deux pieces dartillerie qui les arresta sur le cul. Ainsi fut saulvee la place de LIgnago pour ceste fois : mais les francois y eurent grosse honte et perte dont plusieurs sapperceurent. Quant le povre seigneur de la Crote eut entedu le piteux affaire il cuyda mourir de dueil. Le roy de France en fut desplaisant a merveilles, et luy en cuyda faire faire ung mauvais tour : mais cela sappaisa par le moyen du seigneur Jehan jacques qui estoit pour lors venu en France pour tenir sur fonds madame Renee fille du roy Loys douziesme et de Anne sa femme duchesse de Bretaigne lequel luy fist plusieurs remonstrances a la descharge dudit seigneur de la Crote. Or laissons ce propos et retournons au pape Julles second qui marchoit versFerrare.
¶Comment le pape Julles vint en personne en la duche de Ferrare : et comment il mist le siege devant lamyrandolle.
¶Chapitre .xliie.
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LE pape Julles qui desiroit a merveilles recouvrer le duche de Ferrare qui pretendoit estre de leglise dressa une grosse armee quil fist en Boulenoys por lamener en ladicte duche et sen vint de journee en journee loger en ung gros village quon appelle sainct Felix entre la concorde & lamyrandolle Le duc de Ferrare & tous les francois qui estoient avecques luy sestoient venuz loger a douze mille de Ferrare entre deux bras du Pau en ung lieu dit Lspitalet ou il fist dresser ung point de bateaulx quil faisoit tresbien garder : car par la souvent ses ennemys estoient escarmouchez. Le pape arrive a sainct Felix manda a la contesse de lamyrandolle que fille naturelle estoit du seigneur Jehan jacuqes de trevolz alors veufve quelle voulsist mettre sa ville de lamyrandolle entre ses mains par ce quelle luy estoit necessaire pour son entreprinse de Ferrare. La contesse qui suyvant le cueur de son pere estoit toute fancoise, et scavoit tresbien que le roy de france favorisoit et secouroit le duc de Ferrare ne leust fait pour mourir. Elle avoit ung sien cousin germain appelle le conte Alexandre de trevolz aucecques elle qui ensemble firent response a celluy qui estoit venu de par le sainct pere. et luy fut dit que quant il luy paliroit sen pourroit bien retourner et dire a son maistre que pour riens la contesse de lamyrandolle ne bailleroit sa ville, quelle estoit sienne, et que dieu aydant la scauroit bien garder contre tous ceulx qui la luy vouldroient oster. De ceste response fut courrouce merveilleusement le pape, et jura sainct Pierre & sainct Paul quil lauroit par amour ou par force. Si commanda a son nepveu le duc Durbin cappitaine general de son armee que le lendemain il y allast mettre le siege. Le conte Alexandre de trevolz qui nen pensoit pas moins envoya devers le duc de Ferrare & les cappitaines francois a lospitalet qui nestoit que a douze mille leur supplier pource quil ne se sentoit pas bien garny de gens pour lheure, & qui de jour en autre esperoit le siege quon luy envoyast jusques a cent bons compaignons & deux canonniers. La chose luy fut aiseement accordee : car la perte de lamyrandolle estoit de grosse importance au duc de Ferrare qui estoit ung gentil prince, saige et vigillant a la guerre et qui scet quasi tous les sept ars liberaulx et plusieurs autres choses mecanicques : comme fondre artillerie, dont il est aussi bien garny que prince son pareil de tout le monde : et si en scet tresbien tirer, faire les affutz et les boulletz. Or laissons ses vertus la : car assez en avoit et a encores. Par ladvis des cappitaines francois il envoya a lamyrandolle les deuxcanonniers et les cent compaignons quon demandoit, et avecques eulx allerent deux jeunes gentilz hommes, lung du Daulphine appelle Monchenu nepveu du seigneur de Montoison, & lautre nepveu du seigneur du Lude quon appelloit Chantemerle du pays de la Beausse, ausquelz au partir le bon chevalier sans paour & sans reprouche dist
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Mes enfans vous allez au service des dames monstrez vous gentilz compaignons pour acquerir leur grace et faictes parler de vous, la place ou vous allez est tresbonne et forte, si le siege y vient vous aurez honneur a la garder, et plusieurs autres joyeulx propos leur disoit le bon chevalier pour leur mettre le cueur ou ventre. Si monta luy mesmes a cheval avecques sa compaignie pour leur faire escorte, et si bien les conduysit quilz entrerent dedans la ville, ou ilz furent receuz de la contesse et du conte Alexandre treshonnestement. Ilz ny furent jamais trois jours que le siege ne feust devant et lartillerie plantee sur le bort du fosse qui commenca a tirer fort et royde, et ceulx de la ville qui ne monstroient pas tiltre desbahissement leur rendoient la pareille au mieulx quilz povoient. Le bon chevalier qui ne plaignit jamais argent pour scavoir que faisoient ses ennemys avoit ses espies qui souvent luy rapportoient nouvelles du camp et du pape qui estoit encores a sainct Felix, et comment il se deliberoit de partir dedans ung jour ou deux pour aller au siege quil avoit fait mettre devant la Myrandolle. Il renvoya encores ung desditz espies a sainct Felix dont ilz nestoient que adix mille pour entendre au vray quant le pape partiroit. Il fist si bonne inquisition quil sceut pour vray que le lendemain yroit en son camp Si en vint advertir le bon chevalier qui en fut bien ayse, car il avoit telle chose pensee quil esperoit prendre le pape et tous ses cardinaulx, ce quil eust fait neust este ung inconvenient qui advint comme vous orrez.
¶Comment le bon chevalier sans papour et sans reprouche cuyda prendre le pape entre sainct Felix et la Myrandolle, et a quoy il tint.
Chapitre .xliie.
LE bon chevalier sen vint au duc de Ferrare et au seigneur de Montoison, ausquelz il dist. Messeigneurs je suis adverty que demain matin le pape veult desloger de sainct Felix pour aller a la Myrandolle. Il ya six grans mille de lung a lautre. Jay advise une chose si la trouvez bonne dont il sera memoire dicy a cent ans. A deux mille de sainct Felix ya deux ou trois beaulx palais qui sont habandonnez pour loccasion de la guerre, je suis delibere toute ceste nuyt men aller loger avec cent hommes darmes sans paige ne varlet dedans lung de ses palais, et demain au matin quant le pape deslogera de sainct Felix je suis informe quil na que ses cardinaulx, evesques et prothonotaires et bien cent chevaulx de sa garde, je sortiray de mon embusche et ny aura nulle faulte que je ne lempoigne, car lalarme ne scauroit estre si tost au camp que je ne me sauve veu quil ny a que dix mille dicy la, et prenez le cas que je feusse poursuivy, vous monseigneur dist il au duc de Ferrare et monseigneur
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de Montoison passerez le matin le pont avecques tout le reste de la gendarmerie et me viendrez attendre a quatre ou cinq mille dicy pour me recueillir si par cas fortuit madvenoit inconvenient. Oncques chose ne fut trouvee meilleure que la parlle du bon chevalier, ne restoit que a lexecuter : ce qu gueres ne tarda, car toute la nuyt apres avoir bien fait repaistre les chevaulx print cent hommes darmes tous esleuz Et puis apres que schascun dut en ordre comme pour attendre le choc, sen va avecques son espie le beau pas droit a ce petit village. Si bien luy advint quil ne trouva homme ne femme pour estre descouvert, et se logea environ une heure devant jour. Le pape qui estoit assez matineux estoit desja leve : & quant il veit le jour monta en sa lictiere pour tirer droit en son campt et devant estoient prothonotaires, clercs et officiers de toutes sirtes qui alloient our prendre le logie, & sans penser aucune chose estoient mis a chemin. Quant le bon chevalier les entendit ne fist autre demeure, ains sortit de son embusche et vint charger sur les rustres qui comme fort effrayez de lalarme retournent picquans a bride avatue dont ilz estoient partiz crians, alarme, alarme, mais tout cela neust de riens servy que le pape, ses cardinaulx et evesques neussent este prins sans ung inconvenient qui fut tresbon pour le sainct pere, et fort malheureux pour le bon chevalier, cest quainsi que le pape fut monte en sa lictiere et sorty hors du chemin de sainct Felix ne fut pas a ung gect de boulle quil ne tumbast du ciel la plus aspre et vehemente neige quon eust veu cent ans devant, mais cestoit par telle impetuosite que lon ne voyoit pas lung lautre. Le cardinal de Pavye qui estoit alors tout le gouvernement du pape luy dist, pater sancte. Il nest pasp ossible daller par pays ce pendant que cecy durera, il est plus que necessaire et me semble que devez sans tirer oultre retourner. Ce que le pape accorda a prendre personne, car la ne sestendoit point son courage, sur le point quil arrivoit a sainct Felix le pape ne faisoit quentrer dedans le chasteau, lequel au cry quil ouyt eut telle frayeur que subitement et sans ayde sortit de sa lictiere et luy mesmes ayda a lever le pont qui fut fait dhomme de bon esperit, car sil eust autant demoure quon mectroit a dire ung pater noster il estoit croque. Qui fut bien marry ce fut le bon chevalier, car encores quil sceust le chasteau nestre gueres fort et quen ung quart dheure se pourroit prendre si navoit il nulle piece dartillerie, et puis dung autre coste pensoit bien quil seroit descouvert incontinent a ceulx du camp de la Myrandolle qui luy pourroient faire recevoir une honte. Si se miste au retour apres quil eut pris tant de prisonniers quil voulut, ou entre autres y avoit deux evesques portatifz & force muletz de cariage que ses gesndarmes emmenerent, mais oncques homme ne retourna si melancolie qui estoit davoir failly si belle prinse, combien que ce ne fut pas par sa faul
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te, car jamais entreprinse en fut mieulx ne plus subtilement conduicte. Quant il fut arrive vers le duc de Ferrare le seigneur de Montoison et ses autres compaignons quil trouv a six mille de leur pont pour le recevoir et secourir si besoing en eust eu et quil leur eut compte sa deffortune furent bien marris, toutesfois ilz le reconforterent le mieulx quilz peurent luy remonstrant que la faulte nestoit pas venue de luy et que jamais homme ne fist mieulx, ainsi lemmenerent tousjours devisans de joyeuses parolles et preschans avecques leurs prisonniers dont dessus le chemin en revoyerent a pied la pluspart. Les deux evesques peyerent quelque legiere rancon et puis sen retournerent. Le pape demoura dedans le chasteau de sainct Felix, lequel de la belle paour qui lavoit eue trembla la fibvre tout au long du jour, et la nuyt manda son nepveu le duc Durbin qui le vint querir avecques quatre cens hommes darmes & le mena en son nes devant, et ne leust jamais eue sans ung inconvenient qui advint, cest quil neigea bien six jours et six nuytz sans cesser, et tellement que la neige estoit dedans le camp de la haulteur dung homme. APres la neige il gela si fort que les fossez de la Myrandolle le furent de plus de deux grans piedz, en sorte que de dessus le bort tumba un canon avecques son affust qui ne rompit point la glace. Lartillerie du pape avoit fair deux bonnes et grandes berches. Ceulx qui estoient dedans nesperoient aucunement que de part du monde on leur allast lever le siege, car le seigneur de Chaumont grant maistre se tenoit a Rege laquelle il faisoit remparer chascun jour doubtant que le pape apres la prise de la Myrandolle nallast la, lequel avoit grosse puissance, car la pluspart de larmee du roy despaigne estoit avecques luy, et celle des veniciens qui ja avoient prins son aliance. Si eut conseil le conte Alexandre et la contesse de rendre la ville les vies franches, mais le pape vouloit tout avoir a sa mercy, toutesfois cela se traicta par le moyen du duc Durbin qui avoit tousjours le cueur francois, car le roy de france Loys douziesme lavoit nourry en jeunesse, et sans luy le sainct pere neust pas est si gracieux. Quant les nouvelles de la prise de la Myrandolle furent sceue ou camp du duc de Ferrare toute la compaignie en fut desplaisante a merveilles. Le duc se doubta que bien tost seroit assiege a Ferrare. Si deffist son pont et se retira avecques toute son armee en sa ville delibere jusques au derrenier jour de sa vie la garder. Le pape ne daigna entrer dedans la ville de la Myrandolle par la porte. Il fist faire ung pont par dessus le fosse sur lequel y passa et entra dedans par une des berches. Il si tint quelques jours ou par tous les moyens du monde advisoit comment il pourroit dommager le duc de Ferrare.
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¶Comment le pape envoya une bende de sept a huyt mille hommes devant une place du duc de Ferrare nommee la bastide, et comment ilz furent deffaictz par ladvis du bon chevalier sans paour et sans reprouche.
¶Chapitre .xliiie.
QUant le pape fut dedans la Myrandolle fist ung jour assembler son nepveu & tous les cappitaines tant de cheval que de pied, ausquelz il dist comment il vouloit sans plus autre chose entreprendre aller mettre le sige devant Ferrare. Si vouloit sur ce avoir leur advis et comment la chose se pourroit le plusseurement conduire, car il scavoit ladicte ville forte a merveilles bien garnye de bonnes gens de guerre et dartillerie, et que a grant peine sens faulte de vivres lauroit il quelle ne luy coutast beaucoup, mais par ce point les feroit il venir a la raison considere quil avoit le moyen de leur coupper le passage du Pau que au dessus de Ferrare ne leur viendroit riens, et du dessoubz que les veniciens aussi garderoient bien quilz nen auroient point. Il ny eut celluy qui nen dist son oppinion, tant que ce fut a parler a ung cappitaine de la seigneurie de venise quon appelloit Jehan fort qui en son langaige et en sadressant au pape dist. Tressainct pere jay ouy les oppinions de tous messeigneurs qui sont icy en presence, & a les ouyr concluent suyvant ce quavez propose que en gardant que par le pau nentrent vivres dedans Ferrare et que par lisle soit assiegee en peu de jours sera affamee, je congnois le pays et en a beaucoup et de bon le duc de Ferrare, par argente luy pourront vivres venir et en habondance, mais a cela pourvoyroit on bien. dautre part il a ung pays quon appelle le polesme de sainct George qui tant est garny de biens que quant dailleurs nen viendroit a Ferrare il est suffisant la nourrir ung an, et est bien difficille de garder quil nen eust de la sans prendre une place a vingt et cinq mille dudit Ferrare quon appelle la bastide, mais si elle estoit prise je tiendrois la ville affamee en deux moys au grant peuple qui est dedans. A grant peine eut le cappitaine Jehan fort acheve son propos que le pape ne dist. Or acoup il fault avoir ceste place, je ne seray jamais a mon aise quelle ne soit prise. Si furent ordonnez deux cappitaines espaignolz avecques deux cens hommes darmes. Ce cappitaine Jehan fort avecques cinq cens chevaulx legiers et cinq ou six mille hommes de pied pour aller executer ceste entreprise acompaignez de six pieces de grosse artillerie. Eulx assemblez se misrent a chemin et allerent sans rencontre trouver jusques devant la place. Quant le cappitaine qui en avoit la garde veist si grosse puissance eu frayeur et non sans cause, car il nestoit pas a lheure fort bien garny de gens de guerre, toutesfois il delibera de faire son debvoir et dadvertir le duc son maistre de son inconvenient. Les gens du pape ne firent
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autre sejour : sinon apres eulx estre logez asseoir leur artillerie, et commencea a batre la place a force. Le cappitaine avoit fait secretement partir ung homme par lequel il mandoit au duc son affaire, et que sil nestoit secouru envingt & quatre heures il se voyoit en dur party par ce quil navoit pas gens dedans pour defendre a la puissance quil avoit devant luy. Le messager fist extreme diligence, et fut environ midy a Ferrare : ainsi ne mist point six heures.Le bon chevalier estoit alle a lesbat a une porte par ou entra le messager, qi fut enquis a qui il estoit et amene devant luy. Qui luy demanda dont il venoit Lequel respondit asseureement. Monseigneur je viens de la bastide, laquelle est assiegee de sept ou huyt mille hommes, et menvoye le cappitaine dire au duc que sil nest secouru il ne scauroit tenir demain tout au long du jour : aumoins silz luy livrent assault. Comment mon amy est si mauvaise la place. Non dist le messager, ains une des bonnes ditalye : mais il na que vingtcinq hommes de guerre dedans qui nest pas pour la deffendre contre la force des ennemys. Or venez doncques mon amy, je vous menerau devers le duc. Ilz estoient luy et le seigneur de montoison ensemble sur leurs mules en la place de la ville devsans des affaires : Ils veirent venir le bon chevalier qui amenoit cest homme, et eurent ymagination que cestoit une espie. Si dist le seigneur deMontoison sadressant au bon chevalier. Mon compaignon vous aymeriez mieulx estre mort que ne feissiez tous les jours quelque prinse sur noz ennemys Combien vous payera ce prisonnier pour sa rancon. Sur ma foy respondit le bon chevalier il est des nostres et nous apporte destranges nouvelles comme il dira a monseigneur. Lors le duc lenquist, et puis regarda les lettres que le cappitaine de la bastide luy escripvoit. En les lisant chascun le voyoit blesmir et changer de couleur Et quant il eut acheve de lire haulsa les espaules, et dist. Si je pers la bastide je puis bien habandonner Ferrare : et je ne voy pas bien le moyen quelle soit secourue dedans le terme que celluy qui est dedans me rescript : car il demande secours dedans demain pour tout le jour : et il est impossible. Pourquoy respondit le seigneur deMontoison. Dist le duc par ce quil ya vingt et cinq mille dicy la. Et davantage au temps quil fait il fault passer par ung chemin ou lespace de demy mille fault aller lung apres lautre. Et encores ya il une autre chose : cest que si noz ennemys estoient advertis dung passage quil ya, vingt hommes garderoient dix mille de passer : mais je croy quilz ne le scavent pas. Quant le bon chevalier sans paour et sans reprouche veit le duc ainsi esbahy & non sans cause luy dist. Monseigneur quant il est question de peu de chose la fortune est aisee a passer : mais quant ile y va de sa destruction on y doit pourveoir par tous les moyens quil est possible. Les ennemys sont devant la bastide & cuydent estre bien asseurez, par ce que au moyen de ce que la grosse armee du pape est pres dicy leur est advis que noserions partir ceste ville pour leur aller lever le siege Jay
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pense une chose qui sera fort aisee a executer : et si le malheur nest trop contre nous en viendrons a honneur. Vous avez en ceste ville quatre ou cinq mille hommes de pied gentilz compaignons & gens aguerriz le possible. Prenons en deux mille avecques les nuyt cens suysses du cappitaine Jacob, et les faisons sur la nuyt en bateaulx mettre sur leue : vous estes encores seigneur du Pau jusques a Argente Ilz nous yront attendre a ce passage que vous dictes. silz y sont les premiers ilz le prendront : et la gendarmerie qui est en ceste ville yra par terre toute ceste nuyt Nous aurons bonnes guydes et ferons de facon que y serons au point du jour, et ainsi nous joindrons les ungs avecques les autres : noz ennemys ne se doubteront jamais de ceste entreprinse Il nya du passage que vous dictes sinon trois mille ou moins encores jusques a la bastide. Devant quilz se soient mis en ordre de combatre leur yrons livrer la bataille aigrement, et le cueur me dit que nous les defferons. Son eust donne cent mil escuz au duc neust pas este plus joyeulx. Si respondit en soubzriant. Par ma foy monseigneur de Bayart il ne vous est riens impossible : mais je vous prometz sur mon honneur que si messeigneurs qui sont icy trouvent vostre oppinion bonne, je ne fais doubte que ne facions de noz ennemys ce que vous dictes : et de ma part les en supplie tant que je puis. Lors mist le bonnet hors de la teste. Le seigneur deMontoison hardy et vertueux cappitaine respondit. Monseigneur nous navons mestier de prieres en vostre endroit & ferons ce que commanderez, car ainsi lavons en charge du roy nostre maistre. Autant en dirent le seigneur du Ludde et le cappitaine Fontrailles bien deliberez de faire leur debvoir. Ilz envoyerent querir les cappitaines de gens de pied ausquelz ilz declairerent laffaire, qui leur fut advis estre en paradis. Le duc fist secretement apprester force barques sans bruyt quelconque : car il y avoit des gens en la ville qui estoient fort bon papalistes. Les barques prestes, sur le soir se misrent les gens de pied dedans qui eurent bons et seurs mariniers. Les gens de cheval ou le duc estoit en personne partirent sur le commencement de la nuyt Ilz avoient bonnes guydes & quelque mauvais temps quil fist furent seurement conduytz, & si bien leur advint que demye heure devant jour arriverent lesditz gens de cheval au passage, ou ilz ne trouverent nul empeschement dont ilz furent tresjoyeulx : et nedemoura pas demye heure que les barques lesquelles amenoient les gens de pied narrivassent. Si descendirent, & puis apres le petit pas allerent doit a ce mauvais passage, qui estoit ung petit pont ou ne povoit passer que ung homme darmes de fronc, et estoit sur ung canal assez parfond entre le Pau et la bastide. Ilz misrent bien une grosse heure apasser, tellemnt quil estoit jour tout cler dont le duc eut mauvaise oppinion, et par ce quil noyoit point tirer lartillerie doubtoit que sa place feust perdue : mais ainsi quil en parloit aux cappitaines francois va ouyr trois coups de canon tout dune bende, dont luy et toute la belle
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et bonne compaignie furent fort joyeulx. Il ny avoit pas plus dung mille jusques aux ennemys. Si commencea a dire le bon chevalier. Messeigneurs jay ouy tousjours dire que celluy est fol qui estime son ennemy Nous sommes pres des nostres, ilz sont trois contre ung Silz scavoient nostre entreprinse sans nulle faulte nous aurions de laffaire et beaucoup : car ilz ont artillerie & nous nen avons point. Davantage ja y entendu que ce qui est devant la bastide est toute la fleur de larmee du pape : il les fault prendre en desarroy qui pourra. Je suis doppinion que le bastard du Fay mon guydon qui est homme scavant en telles matieres, par le coste ou sont venuz les ennemys leur aille dresser lalarme avecques quinze ou vint chevault Et le cappitaine Pierrepont sera a ung gect darc avecques cent hommes darmes pour luy tenir escorte sil est repousse, & luy baillerons le cappitaine Jacob zenberc avecques ses suysses. Vous monseigneur dist il au duc, monseigneur de Montoison, messeigneurs mes compaignons & moy yrons droit au siege, ou je yray devant leur faire ung alarme. Si celluy du bastard du Fay est premier dresse, et ilz voisent tous la : nous les enclorrons entre luy & nous Et si le nostre est le premoer leve, le cappitaine Pierrepont et sa bende de Suysses en feront autant de leur coste : cela les estonnera tant quilz ne scauront que faire, car ilz estimeront que nous soyons trois fois plus de gens que ne sommes : et sur tout que toutes noz trompettes sonnent a laborder. Oncques chose ne fut trouvee meilleure, car il fault que tous lisans ceste histoire sachent que ce bon chevalier estoit ung vray registre des batailles parquoy tout homme pour sa grande experience se tenoit a ce quil disoit. Or venons au pint : les deux bendes deslogerent, lune alla par le chemin questoient venuz les ennemys ainsi que ordonne avoit este, et les autres doit a la place : laquelle ilz approcherent sans estre aucunement apperceuz de la portee dung canon en bute. Si dressa le bastard du Fay ung aspre et chault alarme qui estonna merveilleusement ceulx du camp, toutesfois ilz commencerent a eulx armer monter a cheval et aller droit ou estoit ledit alarme. Leurs gens de pied se mettoient ce pendant en bataille, silz se feussent une fois renge tous ensemble il y eust eu combat mortel & dangereux pour les Ferraroys pour le gros nombre quilz estoient Mais deux inconveniens leur advindrent tous a ung coup, cest que quant ceulx qui repoussoient le bastard du Fay furent a deux cens pas loing rencontrerent le cappitaine Pierrepont qui les rembarra a merveilles, et donne dedans eulx fierement. Les suysses commencerent a mercher qui desja vindrent trouver leurs grans de pied en bataille et en gros nombre comme de cinq a six mille. Si furent lourdement repousser lesditz Suysses, et eussent este rompuz nesust este la gendarmerie qui les secourut, laquelle donna aux ennemys par les flancs. Ce pendant vont arriver le duc, les seigneurs de Montoison, du Lude, de fontrailles & le bon chevalier avecques leurs gens de cheval & deux
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mille hommes de pied qui par le derriere vont envahir lesditz ennemys, de sorte que tout fut pousse par terre. Le cappitaine frontrailles et le bon chevalier apperceurent une tropppe de gens de cheval en nombre de trois a quatre cens qui se vouloient ralyer ensemble. Si appellerent leurs enseignes & tournerent ceste part, et en criant France France, duc duc, les chargerent en facon que la plus part alla par terre. Lesditz ennemys combatirent une bonne heure, mais en fin perdirent le camp, & qui se peut saulver se saulva : mais il ny en eut pas beaucoup. Le duc et les francois y firent une merveilleuse boucherie : car il mourut plus de quatre ou cinq mille hommes de pied, plus de soixante hommes darmes, et plus de trois vens chevaulx prins ensemble tout leur bagage et artillerie, tellement quil ny avoit celluy qui ne feust bien empesche demmener son butin. Je ne scay comment les cronicqueurs et historiens nont autrement parle de ceste belle bataille de la bastide, mais cent ans devant nen avoit point este de mieulx comabtue ne a plus grant hazart : toutesfois ainsi le convenoit faire ou le duc & les francois estoient perduz : lesquelz sen retournenrent glorieux & triumphans dedans la ville ou ung chascun leur donnoit louenge inestimable. Sur toutes personnes la bonne duchesse qui estoit une perle en ce monde leur fist singulier recueil, et tous les jours leur faisoit bancquetz & festins a la mode Dytalie tant beaulx que merveilles. Bien ose dire que de son temps ne beaucoup devant ne sest point trouve de plus triumphante princesse, car elle estoit belle, bonne, doulce et courtoise a toutes gens. Elle parloit espaignol, grec, ytalien et francoys, quelque peu tresbon latin : et composoit en toutes ses langues : et nest riens si certain que combien que son mary feust sage et hardy prince ladicte dame par sa bonne grace a este cause de luy avoir fait faire de bons et grans services.
¶De la mort du seigneur de Montoison et de plusieurs menees que firent le pape Julles et duc de Ferrare lung contre lautre ou le bon chevalier se monstra vertueux.
¶Chapitre .xlve.
APres cest gaillarde bataille de la bastide le gentil seigneur de Montoison ne vesquit gueres : car une fievre continue lempoigna qui ne le laissa jusques a la mort. Ce fut ung gros dommage, et y fist France lourde perte. Il avoit este en sa vie ung des acomplis gentilz hommes quon eust sceu trouver : et avoit fait de belles choses tant en Picardie, Bretaigne, Naples que Lombardie Cestoit ung droit esmerillon vigillant sans cesse. Et quant il estoit en guerre
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tousjours le cul sur la selle, au moyen dequoy estoit a lheure de son trespas fort use, mais tant proprement et mignonnement se contenoit quil sembloit ung homme de trente ans. De sa piteuse desconvenue furent le duc, la duchesse de Ferrare, le bon chevalier et ous les autres cappitaines francois si tresdolens que merveilles, mais cest une chose ou on ne peult remedier. Le pape estoit encores a la Myrandolle, que quant il sceut les nouvelles de la bastide et la deffaicte de ses gens cuyda deseperer, et jura dieu quil sen vengeroit, et que pour cela ne demoureroit point quil nallast assieger Ferrare, a quoy soubdainement vouloit entendre, mais les cappitaines et gens de guerre quil avoit avecques luy, mesmement le duc Durbin son nepveu qui eust bien voulu que le roy de france et luy eussent este amus len destournoient tant quilz povoient, luy remonstrant que Ferrare garnye comme elle estoit et de telz cappitaines, mesmement du bon chevalier a qui nul ne se comparoit ne se prendroit pas ayseement, et que si son armee entroit en lisle pour lassieger vivres y viendroient a grant peine. Ce conseil ne trouvoit pas bon le pape, car cent fois le jour disoit, Ferrare, Ferrare tauro al corpe de dio. Si advida dung autre moyen, et miest en sont entendement quil praticqueroit quelques gentilz hommes de la ville par le moyen desquelz il la pourroit avoir, car dune nuyt luy pourroient livrer une porte par ou ses gens entreroient. Il y envoya plusieurs espies, et avoient charge de parler a aucuns gentilz hommes, mais le duc et le bon chevalier faisoient faire si bon guet quil nen entroit pas ung qui ne feust empoigne, et en fut pendu six ou sept. Toutesfois le duc fut en souspecon daucuns gentilz hommes de sa ville, lesquelz il fist mettre prisonniers par adventure a tort, entre lesquelz fut le conte Boors calacgnyn qui avoit loge chez luy le bon chevalier qui fut desplaisant de sa detencion, mais par ce que les choses estoient fort doubteuses ne sen voulut mesler que bien a point. Quant le pape veit quil ne viendroit point a ses attainctes par ce moyen sadvisa dune terrible chose, car il mist en son entendement pour se venger des francois quil praticqueroit le duc de Ferrare. Il avoit ung gentil homme lodezan du duche de Milan a son service quon appelloit messire Augustin guerlo, mais il changeoit son nom, cestoit ung grant faiseur de menes & de travhysons dont mal luy en print a la fin, car le seigneur Daubigny luy fist coupper la teste dedans Bresse ou il le voulut trahir. ung jour fut appelle ce messire Augustin par le pape, lequel luy dist. Vienca il fault que tu me faces ung service. Tu ten yras a Ferrare devers le duc auquel tu diras que sil se veult despescher des francois et demourer mon alye je luy bailleray une de mes niepces pour son filz aisne, le quicteray de toutes querelles, et davantage le feray confanonnyer et cappitaine general de leglise, il ne fault sinon quil dye aux francois quil na plus que faire deulx et quilz se retirent, je suis asseure quilz ne scauroient passer en lieu du monde que je ne les aye a ma mercy et nen eschappera
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pas ung. Ce message qui ne demandoit que telles commissions dist quil feroit fort bien laffaire et sen alle a Ferrare droit sadresser au duc qui estoit ung sage et subtil prince, et lequel escouta tresbien le galant, faisant myne quil entendroit voulentiers a ce que le pape luy mandoit : mais il eust mieulx ayme estre mort de cent mille mors, car trop avoir le cueur noble et gentil. Bien le monstra par ce que apres avoir fait faire bonne chiere a messire Augustin et icelluy enferme en une chambre dedans so npalais dont il print la clef sen vint avecques ung gentil homme seulement au logis du bon chevalier, auquel de point en point compta tout laffaire, qui se seigna plusieurs fois : et ne povoit penser que le pape eust si meschant vouloir dachever ce quil mandoit, mais le duc luy dist quil nestoit riens si vray, et que sil vouloit le mectroit bien en ung cabinet dedans son palais ou il entendroit toutes les parolles que le galant luy avoit dictes toutesfois il scavoit que ce nestoit point mensonge, aux enseignes mesmes quil luy avoit baillees, mais que plustost aymeroit estre tout vif desmembre a quatre chevaulx que davoir seullement pense consentir a une si grande laschete, remonstrant de combien il estoit tenu a la maison de france, et que a son grant besoing le roy lavoit si bien secouru. Le bon chevalier disoit. monseigneur il nest ja besoing vous excuser de cela, je vous congnois assez. Sur mon ame je tiens mes compaignons et moy aussi asseurez en ceste vostre ville que si nous estions dedans Paris, et nay pas paour aydant dieu que aucun inconvenient nous adviengne, aumoins que ce soit de vostre consentement. Monseigneur de Bayart dist le duc si nous faisions une chose, le pape veult icy user dune meschancete, il luy fault donner la preille. Je men vois encores parler a son homme et verray si je le pourray gaigner et tirer a ma cordelle de facon quil nous puisse faire quelque bon tour. Cest bien dit respondit le bon chevalier. Et sur ces parolles sen retourna le duc en son palais tout droit en la chambre ou il avoit laisse messire Augustin guerlo, auquel de bien loing entama plusieurs propos et de plusieurs sortes pour venir a son poinct, quil sceut tresbien faire venir en jeu quant tamps fut comme vous orrez, disant messire Augustin. Jay pense toute ceste matinee au propos que me mande le pape ou je ne puis trouver fondement ne grant moyen pour deux raisons. lune que je ne me doy jamais fier de luy, car il a dit tant de fois que sil me tenoit quil me feroit mourir et que jestoye lhomme vivant quil hayoit le plus, et scay bien quil nya chose en ce monde quil desire autant que davoir ceste ville et mes autres terres, parquoy je ne voy point dordre que je deusse avoir seurete en luy. Lautre que si je dis au seigneur de Bayart a present que je nay plus que faire de luy ny de ses compaignons que pourra il penser, une fois il est plusfort en la ville que je ne suis, peult estre quil me respondra que voulentiers en advertira le roy de france son maistre ou monseigneur le grant maistre son lieutenant general deca les
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montz qui cy la envoye : & selon leur response il verra quil aura a faire. En ces entrefaictes seroit grandement difficile quilz ne congneussent mon fait, & par ainsi comme la raison seroit comme ung meschant mabandonneroient, et je demourerois entre deux selles le cul a terre, dont je nau pas besoing : mais messire Augustin le pape est dune terrible nature comme assez scaver, colere et vindicatif au possibl : et quelque chose quil vous declaire de ses secrets affaires ung de ses matins vous fera faire quelque mauvais tour, & men croyez. Oultre plus sil vient a mourir quesse que de ses serviteurs. Ung autre pape viendra qui nen retirera pas ung, & est ung tresmauvais service ui ne veult estre deglise. Vous scavez que jay des biens et beaucoup graces a nostre seigneur : si vous me foulez faire quelque bon service et mayder a me deffaire de mon ennemy, je vous donnerau si bon present et assigneray si bonne intrade que toute vostre vie serez a vostre aise, et en soyez hardyment asseure. Le lasche & mescahnt paillart avaricieux quant il eut entendu le duc parler son cueur mua soubdainement, et respondit quasi gaigne. Sur mon ame monseigneur vous dictes verite, aussi y a il plus de six ans que javoye vouloir destre a vostre service. Je vous veulx bien asseurer quil nya homme a lentour de la personne du pape qui puisse mieulx faire ce que demandez que moy, car la nuyt et le jour je suis aupres de luy, et bien souvent prent sa colacion de ma main quil nya que nous deux quant il me devise de sestrafiques. Si vous me voulez bien traicter devant quil soit huyt jours il ne sera pas en vie, et ne veulx riens que je naye fait ce que je vous promets. Aussi monseigneur je vouldrois bien nestre point mocque apres. Non non dist le duc sur mon honneur. Si convindrent de marche devant que partir de la. Ce fut que le duc luy bailleroit deux mille ducatz content, et cinq cens ducatz dintade. Ce fait fut messire Augustin tousjours bien traicte que le duc laissa en sa chambre et retourna devers le bon chevalier qui sestoit alle esbatre sur les rampars de la ville et samusoit a faire nectoyer une canonniere. Il veit venir le duc, au devant duquel il alla, et se prindrent par la main. Et eulx se promenans sur les rampars loing de gens commenca le duc a dire. Monseigneur de Bayart, il ne fut jamais autrement que les trompeurs en fin ne feussent trompez. Vous avez bien entendu la meschancete que le pape ma voulu faire faire vers vous & les francois qui sont icy, et a ceste occasion ma envoye ung homme comme scavez, je lay si bien gaigne et renverse son propos quil fera du pape ce quil vouloit faire de vous, car dedans huyt jours pour le plustard ma asseure quil ne sera pas en vie. Le bon chevalier qui neust jamais pense au faict respondit. Comment cela monseigneur, il a doncques parle a dieu. Ne vous souciez dist le duc, mais il sera ainsi. Et tant vindrent de parolle en parolle quil luy dist que messire Augustin luy avoit promis dempoisonner le Pape. Desquelles parolles le bon chevalier se seigna plus de dix fois,
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et en regardant le duc luy dist. He monseigneur, je ne croyroye jamais que ung si gentil prince comme vous este consentist a une si grande trahyson, et quant je le scauroye de vray je vous jure mon ame que devant quil feust nuyt en advertiroye le pape, car je croy que dieu ne pardonneroit jamais ung si horrible cas. Comment dist le duc il en a bien autant voulu faire de vous et de moy, et ja scavez vous que nous avons fait pendre sept ou huyt espies. Il ne men chault dist le bon chevalier, il est lieutenant de dieu en terre, et le faire mourir dune telle sorte jamais ne my consentiroye. Le duc haulsa les espaulles, et en crachant contre terre dist ces parolles. Par le corps dieu monseigneur de Bayart je vouldrois avoir tue tous mes ennemys en faisant ainsi, mais puis que ne le trouvez pas bon la chose demourera, dont si dieu ny mect remede vous et moy nous repentirons. Nous ferons si dieu plaist dist le bon chevalier Mais je vous prie monseigneur baillez moy le galant qui veult faire ce beau chefdoeuvre, et si je ne le fais pendre dedans une heure que je le soye en son lieu. Non monseigneur de Bayart dist le duc, je lay asseure de sa personne : mais je le vois renvoyer. Ce qui fist, incontinent quil fut retourne a son palais. Je ne scay quant il fut devers le pape quil fist ne quil dist, mais il nexecuta nulles de ses entreprinses. Si demoura il tousjours a lentour de la personne du sainct pere qui estoit bien marry de ne povoir trouver moyen de venir au dessus de ses affaires. Il fut encores quelque temps a la Myrandolle et la a lentour, puis se retira a Boulongne, et fist loger son armee es garnisons vers Modene. Environ ceste saison le duc Durbin son nepveu qui tousjours avoit este bon francois et a qui il desplaisoit a merveilles de la guerre que le pape avoit levee contre le roy de france tua le cardinal de Pavye legat a Boulongne qui gouvernoit le pape entierement, et lequel en fut tresgrandement courrouce, mais il convint quil sappaisast, loccasion pourquoy ce fut. Lon rapporta audit duc Durbin que le cardinal de Pavye avoit dit au pape quil estoit plus serviteur des francois que de luy, et quil les advertissoit chascun jour de son gouvernement. Cela y peu ayder, mais la principalle racine estoit que celluy cardinal de Pavye avoit este le premier qui avoit conseille au pape de commencer la guerre, il en fut paye en mauvaise onnoye. Je laisseray ce propos et parleray de ce qui advint durant deux ans en ytalie.
¶De plusieurs choses qui advindrent en ytalie en deux ans.
¶Chapitre .xlvie.
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POurce que ceste histoire est principallement fondee sur les vertus et prouesses du bo nchevalier sans paour et sans reprouche laisseray beaucoup de choses a desmesler silz ne sont requises y estre mises : toutesfois je veulx en gros declairer ce qui advint durant deux ans en ytalie, et jusques a la mort du bon seigneur de Chaumont gouverneur de Milan auquel gouvernement succeda le gentil prince duc de Nemours gaston de foix. Lempereur demanda encores secours au roy de France pour la conqueste du Fryol que les veniciens tenoient : cest ung tresbel et bon pays, et par la entre lon en la Germanie en deux ou trois endroitz, et par lung bout en Lesclavonnie. Sa demande luy fut accordee, et escripvit ledit seigneur a son lieutenant general ledit seigneur de Chaumont quil envoyast le seigneur de la Palisse oudit pays de fryol acompaigne de douze cens hommes darmes & de huyt mille hommes de pied : ce qui fut fait Et y alla avecques tout plain de gentilz cappitaines tant de cheval que de pied. Vous povez penser quil ne laissa pas le bon chevalier son parfait amy derriere. Ilz trouverent larmee de lempereur a Veronne : si marcherent ensemble. Pour lors & en ceste mesme armee estoit lieutenant pour lempereur un gentil homme Almant quon nommoit messire Georges destin. Ilz entrerent bien avant & allerent pour assieger Trevize : mais ilz ny firent riens, et aux approches fut tue ung gaillart gentil homme le seigneur de Lorges qui estoit alors lieutenant du cappitaine Bonnet qui avoit mille hommes de pied Et en son lieu le funt ung sien jeune frere qui depuis a fait de belles choses. De la ilz tirerent jusques sur le bort dune riviere quon appelle la Pyade qui separe le fryol et le trevizan, et y fut dessus fait ung pont sur bateaulx. Le bon chevalier et le cappitaine Fontrailles passerent oultre avecques leurs bendes. Or depuis ung peu avoit le bon chevalier soubz sa charge cent hommes darmes, dont le roy de France avoit fait on au gentil duc de Lorraine, par condition que le bon chevalier les conduyroit comme son lieutenant : mais pas mieulx ne demandoit le bon prince : car ne tout le monde nen eust sceu avoir de meilleur. Si allerent ces deux vaillans cappitaines avecques quelques Almans devant Gradisque et devant Gorisse qui sont sur les confins de lesclavonnie : toutesfois les Veniciens les tenoient Ilz furent prinses et mises entre les mains de lempereur, et puis sens retournenrent au camp ou ilz trouverent le seigneur de la Palisse qui avoit longuement demoure sans grans choses faire par la mauvaise conduicte des gens de lempereur Et si jamais povres gens de guerre neurent autant de mal : car ilz furent six jours durant sans manger pain ne boire vin, et assez dautres necessites ilz eurent en ce malheureux voyage, de sorte que le roy de france y perdit plus de quatre mille hommes de pied de maladie & meschansete, & plus de cent hommes darmes : et entre autres gens il y avoit envi
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ron deux mil cinq cens grisons, que quant le pain leur faillit mangerent force raisins : car cestoit ou moys de septembre. Ung flux de ventre les print de facon quilz mouroient cent pour jour, et fur une chose bien estrange que des deux mil cinq cens quant ilz retourneren en leur pays nestoient que deux. Lung fist le cappitaine, et lautre portoit lenseigne. De sergens de bende pour faire tenir lordre ilz demourerent ou fryol. Bref de tous les gens que le seigneur de la Palisse avoit menez avecques luy nen eust sceu mettre de sains trois cens hommes darmes a cheval, ne trois mille hommes a pied. Quant il veit ceste malheurete eut entre eulx de grosses parolles : toutesfois il sen vint jusques a ung lieu nomme sainct Boniface. Cest le village ou les Veniciens en lanne precedente avoient si longuement tenu leur camp, & la firent sejour quelque peu : durant lequel ainsi que le seigneur du Ru bourguignon alloit visiter ung chasteau que luy avoit donne lempereur, il fut prins des Albanoys de la seigneurie de venize On disoit que le seigneur Mercure qui pareillement estoit audit empereur luy avoit donne ceste trousse, pource quil querelloit la place comme luy. Je men rapporte a ce quil en fut. Le seigneur Jehan jaques en ces deux ans reconquesta avecques larmee du roy de France la myrandolle, & repoussa larmee du pape jusques devant Boulongne, ou elle fut deffaicte sans mettre espee en la main : et cuyda estre prins le pape dedans. Jamais ne fut veu si grosse pitie de camp : car tout leur bagaige y demoura Artillerie, tentes et pavillons Et y avoit tel francois qui luy seul amenoit cinq ou six hommes darmes du pape ses prisonniers Et en fut ung qui avoit une jambe de boys appelle la baulme qui en avoit trois lyez ensemble. Ce fut une grosse deffaicte & gentement executee. Le bon chevalier sans paour et sans reprochey eut honneur le soir de la deffaicte le seigneur Jehan jaques en souppalt de dire que apres dieu le seigneur de Bayart debvoit avoir lhonneur de la victoire. Il y avoit beaucoup de vaillans cappitaines quant il profera les parolles, et estoit si sage et vertueux quil ne les eust point dictes sil ny eust eu grande raison. Au retour le gentil duc de Nemours alla veoir le duc et la duchesse de Ferrare ou il fut receu a grant joye, et luy fut fait force festins a lusage du pays, car la gentille duchesse en scavoit trop bien la maniere. Luy estant la se fist ung combat de deux espaignolz que je vueil bien reciter.
¶Comment deux espaignolz combatirent a oultrance en la ville de Ferrare.
¶Chapitre .xlviie.
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LE jour mesmes que ce gentil duc de Nemours arriva a Ferrare le baron de Bearn luy dist que sil vouloit au roi le passetemps de veoir ung combat a oultrance de deux espaignolz : dont lung sappelloit le cappitaine saincte croiz, et avoit este coulonnel des gens de pied du pape, lautre se nommoit le seigneur Azevedo qui avoit aussi eu quelque charge desdictz gens de pied. Loccasion de leur comvat estoit que ledit Azevedo disoit que le cappitaine saincte croix lavoit voulu faire tuer meschamment et en trahison et quil len combatroit. Lautre respondoit quil avoit menty et quil sen deffendroit : parquoy estoit venu ledit Azevedo a Ferrare pour soy presenter au duc de Nemours, affin de luy faire donner le camp Ce quil fist apres que ledit baron de Bearn le luy eut donne a congnoistre. Ainsi Azeveo bien aise destre asseure du camp le manda incontinent a son ennemu saincte croix qui ne fist pas longue demoure. En atttendant sa venue fut dresse le camp devant le palais Et deux jours apres que fut arrive saincte croix lequel vint bien acompaigne : car il avoit bien cent chevaulx de compaignie : dont le principal & quil avoit prins pour son parrain estoit domp Pedro de coignes chevalier de Roddes & prieur de Messine, domp Francoys de beaumont qui peu au paravant avoit laisse le service du roy de france et autres delibera parfaire ses armes : et entrerent en camp une journee de mardy environ une heure apres midy. Premier entre lassaillant qui estoit Azevedo avecques le seigneur Federic de barolo de la maison de Gonzago quil avoit prins pour son parrain, & si je scavoit pas encores comment son ennemy ny en quelles armes il vouloit combatre Toutesfois comme bien conseille sestoit garny de tout ce quil luy estoit necessaire en hommes darmes a la genete & a pied en toutes les sortes quil povoit ymaginer quon sceust combatre. Peu apres quil fut entre va devers luy le prieur de Messine qui fait porter deux secrettes : deux rapieres bien trenchantes & deux poignars : lesquelz il presenta au seigneur Azevedo pour choisir Il print ce qui luy estoit besoing. Et ce fait se mist saincte croix dedans le camp. Tous deux se gecterent a genoulx pour faires leurs oraisons a dieu. Apres furent tastez par les parrains scavoir silz avoient nuelles armes soubz leurs vestemens. Ce fait chascun vuyda le camp quil ne demoura fors les deux combatans : leurs deux parrains & le bon chevalier sans paour et sans reprouche qui par le duc de Ferrare & pour plus lhonnorer : aussi quil ny avoit homme ou monde qui mieulx sentendist en telles choses fut ordonne maistre et garde du campt. Le herault commenca a faire son cry tel quon a acoustume faire en telz cas, que nul ne fist signe, crachast ne toussast ne autres choses dont nul desditz combatans peust estre advise : Ce fait marcherent lung contre lautre. Azevedo en la main droicte mist sa rappiere et en lautre son poignart : mais saincte croix miste son poignat au fourreau & tint seulement sa rappiere. Or vous povez pen
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ser que le combat estoit bien mortel : car ilz navoient nulles armes sur eulx pour les couvrir. Sagement se gecterent plusieurs coups, & avoient chascun bon pied et bon œil : & bon besoing leur estoit. Or apres plusieurs coups saincte croix en rua ung dangereux droit au visage que Azevedo deffendit subtilement de sa rappiere : & en descendant son coup luy couppa tout le hault de la cuysse jusques a los, dont incontinent saillit le sang a grosse habondance : toutesfois que saincte croix cuyda marcher en avant pour se venger, mais il tumba. Quoy voyant par icelluy Azevedo bien joyeulx sapprocha de son ennemy, en luy disant en son langage. Rendz toy saincte croix ou je te tueray : mais il ne respondoit riens, ains se mist sur le cul teanant son espee au poing Et faisant ses exclamations delibere plustost mourir que de se rendre. Alors Azevedo luy dist. Lieve toy doncques saincte croix, je ne te frapperoys jamais ainsi. Aussi il y faisoit dangereux comme a ung homme desespere, & de grant cueur quil avoit se releva et marcha deux pas en avant cuydant enferrer son homme qui recula ung pas rabatant son coup : si tumba pour la seconde fois saincte croix quasi le visage contre terre, & eut Azevedo lespee levee pour luy coupper la teste Ce quil eust bien fait sil eust voulu : mais il retira son coup, & pour tout cela ne se vouloit point rendre saincte croix La duchesse de Ferrare avecques laquelle estoit le gentil duc de Nemous le prioit a joinctes mains qui les fist departir. Il respondoit, madame je le vouldrois bien pour lamour de vous : mais honnestement je ne puis ne doibz prier le vaincqueur contre la raison. Saincte croix perdoit tout son sang, & si plus gueres y feust demoure mort estoit sans nul remede : parquoy le prieur de Messine qui estoit son parrain sen vint a Azevedo auquel il dist. Seigneur Azevedo je congnois bien au cueur du cappitaine saincte croix quil mourroit plus tost quese rendre : mais voyant quil nya point de moyen en son fait je me rendz pour luy : Ainsi demoura victorieux. Si se mist a deux genoulx & fort humblement remercia nostre seigneur. Incontinent vint ung cyrurgien qui estancha la playe de saincte croix Et ses gens le prindrent entre leurs bras et lemporterent fors du camp avecques ses armes lesquelles Azevedo envoya demander : mais on ne les vouloit rendre. Si sen vint plaindre au duc de Ferrare qui le dist au bon chevalier lequel eut la commission daller dire a sainct croix que sil ne vouloit rendre les armes comme vaincu que le duc le feroit rapporter dedans le camp ou luy seroit sa playe descousue, et le mettroit on en la sorte que son ennemy lavoit laisse quant son parrain cestoit rendu pour luy. Quant il veit que force luy estoit rendit ses armes au bon chevalier, qui comme le droit le donnoit les bailla au seigneur Azevedo. Lequel avecques trompettes & clerons fut mene au logis du seingeur duc de Nemours. On luy fist beaucoup dhonneur, mais depuis il en recompensa mal les francois qui luy fut grosse laschete. Peu de temps avant cestoit fait ung autre combat a Parme entre deux autres espaignolz. Lung nomme le seigneur
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Peralte qui autresfois avoit este au service du roy de france, et fut tue dung coup de faulcon au camp de la fosse ainsi que le seigneur Jehan jacques chassoit larmee du pape, et lautre le cappitaine Aldano. Leur combat fut a cheval a la genete, la rpiere, le poignart, et chascun trois dartz en la main avecques une targuete. Le parrain de Peralte fut ung espaignol, et celluy de Aldano fut le gentil cappitaine Molart. Il avoit tent neige que leur combat se fist en la place de Parme ou on lavoit relevee, et ny avoit autres barrieres que de neige. Chascun des deux combatans fist tresbien son devoir. Et en fin le seigneur de Chaumont qui avoit donne le camp les fist sortir en pareil honneur. Les veniciens en ce temps vindrent assieger Veronne ou estoit le seigneur du Plessys pour le roy de france qui la tenoit en gaige pour aucuns deniers quil avoit prestez a lempereur, toutesfois ilz ny firent riens, et alla lever le siege le seigneur de Chaumont gouverneur de Milan. Larmee du pape et des espaignolz vindrent aussi assieger Boulongne, mais le siege en fut leve pareillement, et se retirerent les ennemys en la rommaigne. Quelque temps apres en ung lieu dit Conrege alla de vie a trespas le bon seigneur de Chaumont ce gentil chevalier qui par lespace de dix ou douze ans avoit si bien garde la lombardie a son maistre le roy de frans. Ce fut en son vivant ung sage, vertueux & advise seigneur, de grande vigilance et bien entendant ses affaires. Mort le prist ung peu bien tost, car lors de son trespas navoit que trent et huyt ans, et si nen avoit pas vingt et cinq quant on luy bailla le gouvernement de la duche de Milan. Dieur par sa grace luy face pardon, car il fut homme de bien toute sa vie. Peu apres envoya le roy de france en ytalie le seigneur de Longueville son lieutenant general, lequel fist faire nouvel serment a tous ceulx qui tenoient les villes et places du duche de Milan au roy son maistre, et a sa fille aisnee madame Claude de france. Il demoura quelques jours, puis sen retourna : et ne tarda gueres apres que ce gentil duc de Nemours ne feust lieutenant general en la sorte que lestoit ledit feu seigneur de Chaumont. Il ne demoura gueres en cest estat, car mort le surprint qui fut gros dommage a toute gentillesse. Sur la fin de lanne mil cinq cens et unze et vers Noel descendit une grosse troppe de suysses, au devant desquelz fut ledit duc de Nemours et quelque nombre de gens, mais il nestoit pas puissant pour les combatre a la campaigne par ce que la pluspart de ses gens estoient es garnisons forcees, comme Veronne, Boulongne et autres. Chascun jour se faisoit des escarmouches Toutesfois les francois rembarres jusques dedans Milan ou le jour mesmes le seigneur de Cony cappitaine de cent hommes darmes alla faire une course en laquelle il neut pas du meilleur, car il perdit huyt ou dix hommes darmes et si fut fort blesse, de facon que en la ville de Milan mourut. Le lendemain le von chevalier sans paour et sans reprouche son grant compaignon et amy le vengea bien, car il fut