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1527-Le chevalier sans paour et sans reprouche (Jacques de Mailles) (41-50)

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dedans ce sera pour noz gens. Ce seroit bien fait dirent les autres, mais il est fort et navons point dartillerie. Taisez vous dist il, je scay la maniere comment je lauray devant ung quart dheure. Il fist appeler les cappitaines Scandrebec et Rynaldo contarin, ausquelz il dist. Scavez vous quil ya seigneurs faictes moy rendre ceste place incontinent, car je scay bien quen avez le povoir, ou sinon je faiz veu a dieu que je vous feray trencher lateste devant la porte tout a ceste heure. Ilz respondirent quilz le feroient sil leur estoit possible, ce que ouy, car ung nepveu du cappitaine Scandrebec la tenoit qui la rendit incontinent que son oncle eu parle a luy. Le bon chevalier et tous ceulx de sa compaignie y monterent et trouverent plus de cinq cens beufz et vaches et force autre butin qui fut egallement party tant que chascun fut content. Le bestail fut mene vendre a Vincence. Ilz firent tresbien repaistre leurs chevaulx, et y repeurent aussi, car ilz trouverent assez dequoy. Le bon chevalier fist seoir a sa table les deux cappitaines veniciens, et comme ilz achevoient de disner vecy arriver le petit Bontieres qui venoit veoir son cappitaine et amenoit son prisonnier, lequel estoit deux fois aussi hault que luy, et aage de trente ans. Quant le bon chevalier le veit se print a rire, et dist aux deux cappitaines veniciens. Messeigneurs ce jeune garson qui estoit page na pas six jours & naura barbe de trois ans qui a pris vostre enseigne cest ung gros cas, car je ne scay comment vous faictes, mais nous autres francois ne baillons pas voulentiers noz enseignes sinon aux plus suffisans. Lenseigne venicien eut honte & se veit a ceste occasion fort abaisse de son honneur, si dist en son langaige. Par ma foy cappitaine je ne me suis pa rendu a celluy qui ma pris par paour de luy, car luy seul nest pas pour me prendre prisonnier, jeschapperoye bien de ces mains et de meilleur homme de guerre que luy, mais je ne povoye pas combatre vostre troppe moy seul. Le bon chevalier regarda Bontieres, auquel il dist. Escoutez que dit vostre prisonnier que vous nestes pas homme pour le prendre. Le jeune enfant futbien marry, et comme courrouce respondit. Monseigneur je vous supplie maccorder ce que je vous demanderay. Ouy vrayement dist le bon chevalier Quesse. Cest dist il que je rebailleray a mon prisonnier son cheval et ses armes et je monteray sur le mien, nous yrons la bas, si je le puis conquerir encores une fois soit asseure de mourir, et jen fais veu a dieu, et sil peult eschapper je luy donne sa rancon. Jamais le bon chevalier ne fut plus ayse de propos, et dist tout hault. Vrayement je le vous accorde. Cela ne servit de riens, car le venicien ne voulut pas accepter loffre dont il neut gueres dhonneur, et par le contraire le petit Bontieres beaucoup. Apres disner le bon chevalier et les francois remonterent a cheval, et retournerent au camp ou ilz emmenrent leurs prisonniers. De ceste belle prise fut bruyt plus de huyt jours, et en fut donne grande louenge au bon chevalier par lempereur et par tous les almans, hennuyers et bourguignons. Mesme

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ment le bon seigneur de la Palisse en fut tant aise que merveilles, auquel fut compte le tour quavoit fait le petit Bontieres, et loffre qui lavoit faicte a son prisonnier. Sil en fut ris par tout le camp ne fault pas demander. Bien dist le seigneur de la Palisse quil congnoissoit de longue main la rasse de Bontieres et que de ceste maison estoient tous gaillars gentilz hommes. Ainsi alla de ceste adventure au bon chevalier sans paour et sans reprouche pour ceste fois.

¶Comment lempereur delibera donner lassault a Padoue, et loccasion pourquoy il demoura.

¶Chapitre .xxxviie.

VOus avez entendu cy devant comment lartillerie de lempereur, du duc de Ferrare et marquis de Manthoue avoient fait trois berches toutes mises en une qui contenoit demy mille ou peu sen failloit. Ce que par ung matin lempereur acompaigne de ses princes et seigneurs dalmaigne alla veoir dont il sesmerveilla, et se donnoit grant honte au nombre de gens quil avoit quep lustost navoit fait donner lassault, car ja y avoit trois jours que les canonniers ne tiroient que a pierre perdue en la ville, pource que a lendroit ou ilz estoient ny avoit plus de muraille, parquoy luy revenu a son logis qui estoit distant de celluy du seigneur de la Palisse dung gect de boulle seulement appella ung sien secretaire francois, auquel il fist escripre unes lettres audit seigneur qui estoient en ceste substance. Mon cousin jay a ce matin este veoir la berche de la ville que je trouve plus que raisonnable qui vouldra faire son devoir, jay advise dedans au jourdhuy y faire donner lassault. Si vous prie que incontinent que mon grant tabourin sonnera qui sera sur le midy vous faictes tenir prestz tous les gentilz hommes francois qui sont soubz vostre charge a mon service par le commandement de mon frere le roy de france pour aller audit assault avecques mes pietons, et jespere avecques layde de dieu que nous lemporterons. Par le mesme secretaire qui avoit escripte la lettre lenvoya au seigneur de la Palisse, lequel trouva assez estrange ceste maniere de proceder. Toutesfois il en dissimula. Bien dist au secretaire, je mesbays que lempereur na mande mes compaignons et moy pour plus asseureement deliberer de cest affaire, toutesfois vous luy direz que je les vois envoyer querir, et eulx venuz leur monstreray la lettre, je croy quil ny aura celluy qui ne soit obeissant a ce que lempereur vouldra commander. Le secretaire retourna faire son message, et le seigneur de la Palisse manda tous les cappitaines francois, lesquelz vindrent a

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son logis. desja estoit bruyt par tout le camp que lon donneroit lassault a la ville sur le midy ou peu apres. Lors eussiez veu une chose merveilleuse, car les prestres estoient retenuz a poix dor a confesser pource que chascun se vouloit mettre en bon estat, et y avoit plusieurs gensdarmes qui leur bailloient leur bourse a garder, et pour cela ne fault faire nulle doubte que messeigneurs les curez neussent bien voulu que ceulx dont ilz avoient largent en garde feussent demourez a lassault. Dune chose veulx bien adviser ceulx qui lysent ceste hystoire que cinq cens ans avoit quen camp de prince ne fut veu autant dargent quil y en avoit la, et nestoit jour quil ne se desrobast trois ou quatre cens lansquenetz qui memmenoient beufz & vaches en almainge, lictz, bledz, sayes a filer et autres utensilles, de sorte que audit padouan fut porte dommage de deux millions descus quen meubles quen maisons et palais bruslez et destruitz. Or revenons a nostre propos. Les cappitaines francois arrivez au logis du seigneur de la Palisse leur dist. Messeigneurs il fault disner, car jay a vous dire quelque chose que si je le vous disoye devant par adventure ne feriez vous pas bonne chere. Il disoit ces aprolles par joyeusete, car assez congnoissoit ses compaignons quil ny avoit celluy qui ne feust ung autre Hector ou Rolant, & qur tout le bon chevalier qui oncques en sa vie ne sestonna de chose quil veist ne ouyst. Durant le disner ne se firent que gaudir les ungs des autres, tousjours en vouloit ledit seigneur de la Palisse au seigneur Dymbercourt qui luy rendit bien son change en toutes parolles dhonneur et de plaisir. Je croy que vous avez ouy nommer cy devant tous les cappitaines francois qui estoient la ensemble, mais je croy quen toute la reste de Leurope on nen eust pas encores trouve autant de la sorte. Apres le disner on fist sortir tout le monde de la chambre, excepte les cappitaines a qui le seigneur de la Palisse communicqua la lettre de lempereur qui fut leve deux fois pour mieulx lentendre Laquelle ouye chascun se regarda lung lautre en riant pour veoir qui commenceroit la parolle. Si dist le seigneur Dymbercourt, il ne fault point tant songer. Monseigneur dist il au seigneur de la Palisse, mandez a lempereur que nons sommes tous prestz, il mennuyedesja aux champs, car les nuytz sont froides, et puis les bons vins commencent a nous faillir dont chascun se print a rire. Il ny eut celluy de tous les cappitaines qui ne parlast devant le bon chevalier, et tous saccordoient au propos du seigneur Dymbercourt. Le seigneur de la Palisse le regarda & veit qui faisoit semblant de se curer les dens comme sil navoit pas entendu ce que ses compaignons avoient propose. Si luy dist en riant. He puis lhercules de france quen dictes vous, il nest pas temps de se curer les dens, il fault respondre a ceste heure promptement a lempereur. Le bon chevalier qui tousjours estoit coustumier de gaudir joyeusement respondit. Si nous voulons trestous croyre monseigneur Dymbercourt il ne fault que aller droit a la berche, mais pource que cest ung

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passetemps assez fascheux a hommes darmes que daller a pied Je men excuserois volentiers. Toutesfois puis quil fault que jen dye mon oppinion, je le feray. Lempereur mande en sa lettre que vous faciez mettre tous les gentilz hommes francois a pied pour donner lassault avecques ses Lansquentz. De moy combien que je naye gueres des biens de ce monde : toutesfois je suis gentil homme : tous vous autres messeigneurs estes gros seigneurs & de grosses maisons Et si sont beaucoup de nos gensdarmes. Pense lempereur que ce soit chose raisonnable de mettre tant de noblesse en peril et hazart avecques des pietons, dont lung est cordoannier, lautre mareschal, lautre boulengier et gens macanicques qui nont leur honneur en si grosse recommandation que gentilz hommes. Cest trop regarde petitement sauf sa grace a luy Mais mon advis est que vous monseigneur dist il au seigneur de la Palisse debvez rendre response a lempereur, qui sera telle. Cest que vous avez fait assembler vos cappitaines suyvant son vouloir qui sont tresdeliberez de faire son commandement selon la charge quilz ont du roy leur mainstre, et quil entend assez que leudit maistre na point de gens en ses ordonnances qui ne soient gentilz hommes Dalmaigne quil les face mettre a pied avecques les gensdarmes de france et voulentiers leur monstreront le chemin, & puis ses Lansquenetz les suyvront silz congnoissent quil y face bon. Quant le bon chevalier eut dicte son oppinion ny eut autre chose replicque : mais fut son conseil tenu a vvertueux & raisonnable. Si fut a lempereur rendu ceste response quil trouva treshonneste. Si fist incontinent & tout soubdainement sonner ses trompettes & tabourins pour assembler son rayn, ou se trouverent tous les princes, seigneurs et cappitaines tant Dalmaigne, Bourgongne que Haynault, lesquelz assemblez lempereur leur declaira comment il estoit delibere daller dedans une heure donner lassault a la ville dont il avoit advertu les seigneurs de france, qui tous estoient fort desirans dy tresbien faire leur debvoir, et quilz le prioient que avecques eulx allassant les gnetilz hommes Dalmaigne, ausquelz voulentiers pour eulx mettre les premiers monstreroient le chemin, parquoy messeigneurs je vous prie tant que je puis les y vouloir acompaigner et vous mettre apied avecques eulx : & jespere avecques layde de dieu que du premier assault nous emporterons noz ennemys. Quant lempereur eut acheve son parler, soubdainement se leva ung bruyt fort merveilleux et estrange parmy ses Almans, qui dura une demye heure avant quil feust appaise : puis ling dentre eulx charge de respondre pour tous dist quilz nestoient point gens pour eulx mettre apied ny aller a une berche, et que leur vray estat estoit de combatre en gentilz hommes a cheval : & autre response nen peut avoir lempereur Mais combien quelle ne feust pas selon son desir et ne luy pleust gueres il ne sonna mot : sinon

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quil dist. Bien messeigneurs, il fauldra doncques adviser comment nous ferons pour le mieulx, & puis sur lheure appella ung sien gentil homme nomme Rocandolf qui dheure en autre venoit parmy les francois comme ambassadeur. Et a vray dire la pluspart du temps esoit avecques eulx : auquel il dist. Allez au logis de mon cousin leseigneur de la Palisse, recommandez moy a muy & a tous messeigneurs les cappitaines francois que trouverez avecques luy, et leur dictes que pour ce jourdhuy ne se donnera pas lassault Il alla faire son message & chascun par ce moyen sen alla desarmer, les ungz joyeulx & les autres marrys. Je suis bien asseure que les prestres nen furent pas trop aises : car il leur fut besoing rendre ce quon leur avoit baille en garde. Je ne scay comment ce fut ne qui en donna le conseil : mais la nuyt apres ce propos tenu lempereur sen alla tout dune traict a plus de quarante mull du camp, & de ce logis la manda a ses gens quon levast le siege Ce qui fut fait comme vous entendrez.

¶Comment lempereur se retira du camp de devant Padoue quant il congneut que ses Almans ne vouloient pas donner lassault.

¶Chapitre .xxxviiie.

IL ne fault pas demander si lempereur fut bien courrouce quant il eut entendu le bon vouloir des cappitaines francois et que ses gens Dalmaigne ne vouloient riens faire pour luy dont de ceste oppinion nestoit pas le gentil prince de Hanno qui ne demandoit autre chose et soffrit a lempereur : et praillement se vint excuser et presenter aux cappitaines francois. Entre autres cappitaines quil avoit parmu ses bendes y en avoit ung quon nommoit le cappitaine jacob qui depuis fut au service du roy de frace et mourut a la journee de Ravenne comme vous entendrez, lequel chascun jour alloit escarmoucher avecques les francois, et de hardiesse & de toute honnestete estoit acomply a merveilles : mais ces deux Almans ne povoient pas satisfaire a tout. Lempereur enfle de courroux et fascherie lendemain deux heures devant jour sans bruyt faire, acompaigne de cinq ou six cens chevaulx de ses plus privez serviteurs deslogea de son camp, et sen alla tout dune traicte a trente ou quarante mille de la tirant en Almaigne, & manda au seigneur Constantin son lieutenant general, & au seigneur de la Palisse quilz levassent le camp le plus honnestement quil seroit posible. Chascun sesbahyt assez de ceste facon de faire, mais on nen eut autre chose. Les cappitaines tant Francois, Almans que Bourguignons eurent conseil ensemble, ou ilz conclurent lever le siege qui estoit assez fascheux et malaise pour avoir six ou sept vingtz pieces dartillerie devant la ville, & ny avoit pas desquipage pour en mener la moytie. Les francois furent ordonner a

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tenir escorte tant que lartillerie seroit levee : mais le gentil prince de Hanno qui assez congnoissoit la turpitude de sa nation avecques sa bende qui estoit de sept a huyt mille hommes ne partit oncques daupres lartillerie qui luy fut tourne a gros honner : car depuis le matin au point du jour jusques adeux heures de nuyt convint tenir bataille, & si on mange ce ne fut gueres a son aise : car dheure en autre y avoit chaulx & apsres alarmes, par ce que ceulx de la ville faisoient force saillies et frosses, aussi quil convenoit mener une partie de lartillerie ou camp ou on allot loger, puis la laisser la et ramener les chevaulx & beufz querir le demourant. Sans perte nulle des gens de lempereur ny des francois se leva lesiege. Ung grant mal y eut que les Lansquenetz misrent le feu en tous leurs logis & par tout ou ilz passoient. Le bon chevalier par charite fist demourer sept ou huyt de ses hommes darmes en ung beau logis ou il sestoit tenu durant le siege pour le sauver du feu jusques a ce que lesditz lansquenetz fussent passez oultre Et vous asseure que telz boutefeux ne luy plaisoient gueres. De camp en camp vint larmee jusques a vincence, ou la envoya lempereur quelque present au seigneur de la Palisse & a tous les cappitaines francois selon sa puissance, car il esoit assezz liberal et nestoit possible trouver ung meilleur prince sil eust eu dequoy donner. Ung mal avoit en luy quil ne se fioit en personne & tenoit a part luy ses entreprinses si secretes que cela luy a porte beaucoup de dommage en sa vie. De vincence sen retournerent la pluspart de tous les Almans, une partie en demoura en la ville pour la garder avecques le seigneur du Ru : si sen retournerent le seigneur de la Palisse et ous ses compaignons environ la toussainctz ou duche de Milan, excepte le bon chevalier sans paour & sans reprouche qui demoura quelque temps en garnison a Veronne ou il receut beaucoup dhonneur comme vous orrez. Les veniciens tenoient encores une ville nomme Lignago ou ilz avoient grosse garnison et qui souvent faisoient courses contre ceulx du Veronnoys.

¶Comment le bon chevalier sans paour et sans reprouche estant a Veronne fist une course sur les Veniciens ou il fut prins et rescoux deux fois en ung jour, et quelle en fut la fin.

¶Chapitre .xxxixe.

LE bon chevalier sans paour et sans reprouche fut ordonne en garnison a Veronne avecques trois ou quatre cens hommes darmes que le roy de france presta a lempereur, ou peu de temps apres ceulx qui estoient pour ledit empereur a Vincence congnoissans que la ville nestoit pas pour tenir sen vindrent retirer audit Veronne, par ce que les veniciens estoient fors aux champs & marchoient pour y venir mettre le siege Mais quant ilz la virent ha

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bandonnee tirerent leur armee jusques a ung village nomme sainct Boniface a quinz ou dixhuyt mille dudit veronne : cestoit sur le temps de lyver, et convenoit aux souldars qui estoient dedans la ville envoyer au fourrage pour leurs chevaulx aucunesfois bien loing, tellement que bien souvent se perdoient des varletz & des chevaulx tant quil fut besoing leur donner escorte, mais il nestoit gueres jour quilz ne rencontrassent les ennemys & se frotoient tresbien lung lautre. De la part des veniciens y avoit ung cappitaine fort gentil galant & plein dentreprinses qui sappelloit Jehan paule moufron, lequel chascun jour faisoit courses jusques aux portes de veronne, & tant y continua quil en ffascha au bon chevalier : lequel se delibera au premier jour que les fourrageurs yroient aux champs luy mesmes leur aller faire escorte et user de quelque subtilite de guerre Mais si secretement ne le peut faire que par ung espie qui se tenoit a son logis nen feust adverty le cappitaine Moufron : parquoy delibera quant il yroit aux champs mener si bonne force que sil rnecontroit le bon chevalier luy feroit recevoir de la honte. Ung jeudy matin furent mis les fourrageurs hors de veronne, & a leur queue trente ou quarante hommes darmes & archiers que conduysoit le cappitaine Pierrepont lieutenant dudit bon chevalier qui estoit sage & advise : si se gecterent a lescart du grant chemin pour aller chercher les cassines & faire leurs charges. Le bon chevalier acompaigne de cent hommes darmes qui ne pensoit point estre descouvert sestoit alle gecter en ung village sur le grant chemin appelle sainct martin a six mille dudit Veronne, et envoya quelques coureurs pour descouvrir qui gueres ne furent loing sans veoir leurs ennemys en nombre de cinq cens chevaulx ou environ, lesquelz marchoient droit vers ceulx qui alloient en fourrage. Ilz en vindrent faire leur rapport audit bon chevalier qui en fut fort joyeulx : & incontinent monta a cheval avecques la compaignie quil avoit pour les aller trouver. Le cappitaine Jehan paule moufron qui par lespie avoit este adverty de lentreprise avoit fait embuscher en ung palais pres de la cinq ou six cens hommes de pied picquiers & hacquebutiers ausquelz il avoit tresbien chante leur lecon Et entre autres choses quilz neussent a sortir jusques a ce quilz le verroient retirer et que les francois le chasseroient : car il feroit semblant de fuyr, et par ce moyen ne fauldroit point a les enclorre & deffaire. Le bon chevalier qui estoit mis aux champs ne fist pas deux mille quil ne veist a cler les ennemys. Si commencea a marcher droit a eulx, et en criant empire et france les voulut aller charger. Ilz firent quelque contenance de tenir bon : mais quant ilz les virent approucher commencerent a eulx retirer le long dung chemin & droit a leur embusche, laquelle eilz trespasserent dung peu. Et alors sarresterent tout court : & en criant marco Marco se misrent en deffense vaillamment. les gens de pied sortirent de leur embusche qui firent ung merveilleux cry : et vindrent ruer sur les francoys en tirant force hacquebutes, dont dung coup fut tue le cheval du bon

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chevalier entre ses jambes qui tumba si mal a point que ung de ses piedz tenoit dessoubz. Ses hommes darmes qui pour mourir ne leussent jamais laisse la firent une grosse envahie, & en descendit lung a pied quon appelloit Grantmont lequel gecta son cappitaine de ce peril, mais quelques armes quilz feissent ne leur peurent de tant servir que tous deux ne demourassent prisonniers parmy les gens de pied qui les vouloient desarmer. Le cappitaine Perrepont qui estoit avecques les fourrageurs ouyt le bruyt, si y courut le grant galop incontinent, et vint en si bonne heure quil rencontra son cappitaine et Grantmont en dur partry, car desja les tiroit on hors de la priesse pour les emmener a sauvete. Il ne fault pas demander sl fut joyeulx, car comme ung lyon frappa sur ceulx qui les tenoient lesquelz soubdain habandonnerent leur prise et se retirerent a leur troppe qui combatoit contre le reste des francois furieusement. Le bon chevalier et Grantmont furent incontinent remontez & sen retournerent droit au secours de leurs gens qui avoient beaucoup a souffrir, car ilz estoient assailliz devant et derriere, mais a la revenue dudit bon chevalier et du cappitaine Pierrepont furent beaucoup soulagez Toutesfois le jeu estoit mal party, car les veniciens estoient quatre contre ung, et puis ses hacquebutiers faisoient beaucoup de mal aux francois. Si commenca le bon chevalier a dire au cappitaine Pierrepont. Cappitaine si nous ne gaignonns le grant chemin nous sommes affolez, et si nous sommes une fois la nous nous retirerons en despit deulx & si naurons point de perte aydant dieu. Je suis bien de cest advis dist le cappitaine Pierrepont. Si commencerent tousjours combatans a eulx retirer sur ce grant chemin ou ilz parvindrent, mais ce ne fut pas sans beaucoup souffrir. Neantmoins encores navoient point perdu de gens, mais si avoient bien les ennemys comme quarante ou cinquante hommes de pied et sept ou huyt de cheval. Quant le bon chevalier et les francois furent sur ce grant chemin qui tiroit a Veronne se serrerent et misrent a la retraicte tout doulcement, et de deux cens pas en deux cens pas retournoient sur leurs ennemys tant gaillardement que merveilles, mais ilz avoient ses gens de pied a leurs aesles qui tiroient coups de hacquebute menu et souvent, de facon que a la derniere charge fut encors tue le cheval du bon chevalier qui le sentant chanceler se gecta a pied lespee au poing ou il fist merveilles darmes, mais bien tost fut encloz. Et eust eu mauvais party quant le bastard du Fay son guydon avecques ses archiers vint faire une charge si furieusement que au meillieu de la troppe des veniciens recouvra son cappitaine et le remonta a cheval en despit deulx puis se serroient avecques les autres. Ja approchoit la nuyt, parquoy commanda le bon chevalier quon ne chargeast plus et quil suffisoit bien se retirer a leur grant honneur Ce quilz firent jusques a sainct Martin dont le matin estoient partiz. Il y avoit ung pont garny de barrieres au bout duquel ilz sarresterent. Le cappitaine

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Jehan paule moufron congneut bien que plus ne leur scauroit porter dommage, et puis quilz pourroient estre secouruz de Veronne. Si fist sonner la retraicte et se mist au retour vers sainct Boniface ses gens de pied devant luy qui estoient fort lassez de ceste tournee ou ilz avoient combatu quatre ou cinq heures et voulurent sejourner en ung village a quatre ou cinq mille dudit sainct Boniface, dont le cappitaine Jehan paule moufron nestoit pas doppinion & sen retourna avecques ses gens de cheval bien despit dont il avoit este si bien gallope et par si peu de nombre de gens. Le bon chevalier et ses gens pour ce soir se logerent en ce village de sainct Martin ou ilz firent grant chere de ce quilz avoient en parlant de leur fort belle retraicte, car ilz navoient perdu que ung archier et quatre chevaulx tuez, et leurs ennemys avoient porte lourde perte au pris. En ces entrefaictes ung de leurs espies va arriver lequel venoit dudit sainct Boniface. Il fut mene devant le bon chevalier qui luy demanda que faisoient les ennemys. Ils respondit. Riens autre chose. Ilz sont en grosse troppe dedans sainct Boniface, et entre eulx font courir bruit que bien tost auront Veronne, et tiennent quilz ont grosse intelligence dedans. Comme jen vouloye partir est arrive le cappitaine Moufron bien eschauffe et bien courrouce, car jay ouy quil distoi quil venoit de la guerre, et que les dyables denfer avoit trouvez et non pas hommes. En men venant a quatre ou cinq mille dicy suis passe en ung village ou jay laisse tout plain de leurs gens de pied qui y sont logez, et semble advis a les veoir quilz soient bien las. Alors dist le bon chevalier. Je vous donne ma vie se ce ne sont leurs gens de pied que nous avons au jourdhuy combatuz qui nont pas voulu aller jusques a sainct Boniface. Si vous voulez ils sont nostres. La lune est clere, faisons repaistre noz chevaulx, et sur les trois ou quatre heures allons les resveiller. Son oppinion fut trouvee bonne, on fist penser les chevaulx le mieulx quon peut. Et apres avoir assis le guet chascun se mist au repos Mais le bon chevalier qui taschoit dachever son entreprise ne reposa gueres, ains environ les trois heures apres minuyt sans faire bruit monta a cheval avecques ses gens et sen vint droit a ce village ou estoient demourez les gens de pied veniciens, lesquelz ilz trouverent endormys comme beaulx pourceaulx sans aucun guect, aumoins sil y en avoit il fut tresmauvais. Eulx arrivez commencerent a crier, empire, empire, france, france, a mort, a mort. A ce joyeulx chant sesveillerent les rustres qui sortoient des maisons les ungs apres les autres, mais on les assommoit comme bestes. Leur cappitaine acompaigne de deux ou trois cens hommes se gecta sur la place du village ou la se cuydoit assembler et fortiffier, mais on ne luy en donna pas le loysir, car il fut charge partant dendroitz que luy et tous ses gens furent rompue et deffaictz, et nen demoura que trois en vie, dont lung fut le cappitaine et deux autres gentilz hommes qui estoient freres, pour lesquelz en les relaschant on retira deux autres gentilz hom

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mes francois prisonniers es prisons de la seigneurie de Venise. Quant le bon chevalier eut du tout et a son grant honneur acheve son entreprise ne voulut plus sejourner doubtant nouvel inconvenient. Si se retira avecques tous ses gens dedans Veronne ou il fut receu a grant joye. Et au contraire les veniciens quant ilz sceurent la perte de leurs gens furent bien marris, et en voulut messire Andre grit providadour de la seigneurie blasmer le capitaine Jehan paule moufron de ce quil les avoit laissez derriere, mais il sexcusa tresbien disant quil navoit este a luy possible les tirer du village ou ilz avoient este deffaictz et de linconvenient les avoit tresbien advisez, mais jamais ne les avoit sceu renger a congnoistre la raison, toutesfois en luy mesmes se pensa bien venger en peu de jours, mais il acreut sa honte ainsi que vous entrendrez.

¶Comment le bon chevalier cuyda estre trahy par ung espie qui avoit promis au cappitaine Jehan paule moufron le mettre entre ses mains, et ce quil en advint.

¶Chapite .xle.

SEpt ou jours apres ceste belle course le cappitaine Jehan paule moufron bien dsplaisant de ce que si lourdement avoit este batu et repousse, ses gens mors et perduz sans aucunement ou moins que riens avoir dommage ses ennemys delibera de se venger en quelque sorte que ce feust. Il avoit ung espie lequel alloit & venoit souvent de Veronne a sainct Boniface et servoit a luy et au bon chevalier donnant a entendre a chascun des deux quil ne taschoit que a leur faire service, mais tousjours ont ses espies le cueur a lung plus que a lautre beaucoup comme cestuy mesmes avoit au capppitaine Moufronn qui par ung jour quil eut ung peu pense a son affaire luy dist. Il fault que tu ailles a Veronne et donnes a entendre au cappitaine Bayart que la seigneurue de Venise a escript au providadour quil menvoye dedans Lignago pour la garde de la place, pource quon envoye querir le cappitaine qui y est pour lenvoyer en Levant avecques ung nombre de galleres que tu scez certainement que je partiray demain au point du jour avecques trois cens chevaulx legiers, et que de gens de pied je nen mene point. Je suis asseure quil a le cueur si hault quil ne me laissera jamais passer sans me venir escarmoucher, et sil y vient jespere quil ne sen retournera point quil ne soit mort ou pris par ce que je meneray deux cens hommes darmes et deux mille ommes de pied que je deray embuscher a yzole de lescalle, vers lequel lieu sil me vient veoir veulx estre renconntre, tadvisant que si tu scez bien faire ta charge te prometz ma foy doner cent ducatz dor. Les espies comme chascun scet ne sont creez que par dame avarice, et aussi ont ilz pour

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ce bien ung autre prison, car de six quon en prent sil en eschappe ung doit bien louer dieu, car la vraye medecine quilz portent pour le mal qui les tient cest ung cordeau. Or ce galant promist au cappitaine Jehan paule moufron quil scauroit bien faire le cas. Si sen vint incontinent a Veronne droit au logis du bon chevalier, car leans estoit asssez congneur de tous les serviteurs pour quilz cuydoient certainement quil feust totallement au service de leur maistre. Ilz le luy amenerent ainsi quil achevoit de soupper, lequel incontinent qui le veit luy fist ung fort bon recueil, et luy dist. Vizentin tu soyes le bien venu, tu ne viens pas sans cause, quelles nouelles, lequel respondit. Tresbonnes monseigneur dieu marcy. Si se leva incontinent le bon chevalier de table & tira lespie a part pour scavoir que cestoit. Il luy compta de point en point le faict, et le luy fist trouver si bon quoncques homme ne fut plus joyeulx. Si commanda quon menast soupper Vizentin & quon luy fist grosse chere. Puis apres tire a part le cappitaine Pierrepont, le cappitaine la Varenne qui portoit son enseigne, le bastard du Fay et ung cappitaine de bourgongne qui ce soir souppoit avecques luy qui sappelloit monseigneur de sucre, ausquelz il compta ce que lespie luy avoit dit, et comment le cappitaine Jehan paule moufron se retiroit dedans Lignago lendemain et ne menoit que trois cens chevaulx, parquoy silz se vouloient monstrer gentilz compaignons son voyage ne sacheveroit point sans coups ruer et que la matiere requeroit briefve yssue. A son dire chascun trouva goust, et sur lheure fut conclusion prise quilz partiroient au point du jour et meneroient deux cens hommes darmes dont de lentreprise esleurent le seigneur de Conty, et len advertirent a ce quil se tiensist prest comme les autres, lequel ne sens fist gueres prier, car cestoit ung tresgentil chevalier. Cela delibere tout le monde se retira a son logis pour faire acoustrer son cas pour le matin, mesmement le cappitaine Sucre qui assez loing estoit du sien qui fut bonne adventure, car ainsi quil sen retournoit va adviser lespie qui estoit venu au bon chevalier lequel sortoit de la maison dung gentil homme de Veronne quon estimoit estre fort mauvais imperial, et par le contraire avoit Marco escript dedans le cueur qui le fist doubter de trahyson. Si vint prendre lespie au colet & luy demanda dont il venoit. Il ne sceut promptement respondre et changea de couleur qui le fist doubter de plus en plus et tourna tout court saisy de lespie droit de la ou il venoit de soupper. Lui arrive trouva que le bon chevalier se vouloit mettre dedans le lict. Toutesfois il prist une robbe de nuyt et sassirent aupres du feu eulx deux ensemble et seuletz, car ce pendant fut baille lespie en bonne garde. Le cappitaine sur ce declaira au bon chevalier loccasion de son soubdain retour, qui estoit pour avoir trouve lespie sortant de la maison de messire Baptiste voltege qui estoit le plus grant marquesque qui feust ou monde, et par ce doubtoit quil y eust de la meschancete, car dist il quant je lay surpris est devenu estonne a merveilles. Quant

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icceluy bon chevalier eut entendu ce propos ne fut pas sans doubte nen plus que le cappitaine Sucre. Il fist venir lespie auquel il demanda quil estoit alle faire au logis de messire Baptiste voltege. Il dist premierement quil y estoit alle veoir ung parent quil y avoit, arpes il tint ung autre propos : et en fin fut trouve en cinq ou six parolles. On apporta des gresillons esquelz on luy mist les deux poulces pour le veoir parler dune autre sorte. Le bon chevalier luy dist. Vizentin dictes la verite sans riens celer, & je vous prometz en foy de vray gentil homme que quelque chose quil y ait je ne vous feray faire nul mal quant bien ma mort y seroit conspiree : mais par le contraire si je vous trouve en mensonge vous feray pendre et estrangler demain au point du jour. Lespie congneut bien quil estoit pris, si se gecta a deux genoulx demandant misericorde aui luy fut asseurement promise. Si commencea a compter de point en point la trahyson, et comment le cappitaine Jehan paul moufron avoit fait embuscher a yzolle de lescalle deux cens hommes dearmes & deux mille hommes de pied pour deffaire le bon chevalier, & quil venoit du logis messire Baptiste pour ladvertir de lentreprinse, et aussi ladviser comment il pourroit trouver moyen par quelque nuyt livrer une des portes de la ville au providadout messire Andre grit, et plusieurs autres choses dist ce vaillant espoin. Bien declaira que messire baptiste Voltege luy avoit dit quil ne se mesleroit jamais de telle meschasete et qu puis quil estoit soubz lempereur quil y vouloit vivre & mourir. Quant il eu fait son beau sermon le bon chevalier luy dist. Vizentin jay mal employe les escuz que je vous ay donnez et dedans vostre corps repose le cueur dung lasche et meschant homme combien que jamais ne vous ay gueres estime autre. Vous avez bien desservy la mort : mais puis que je vous ay promis ma foy vous naurez nul mal, et vous feray mettre hors de la ville seurement, mais gardez que tant que je y seray ny soyez veu : car tout le monde ne vous sauveroit pas que ne vous feisse pendre et estrangler. Il fut emmene de devant eulx & enferme en une chambre jusques a ce quon en eust a besongner. Le bon chevalier dist au cappitaine Sucre. Mon amy que feronns nous a ce cappitaine Jehan paule moufron qui nous cuyde avoir par finesses. Il luy fault donner une venue et si vous povez faire ce que je vous diray, vous ferons une des gorgiases choses qui fut faicte cent ans a. Sucre respondit. Monseigneur commandez et vous serez obey. Allez doncques dist il tout a ceste heure au logis du prince de Hanno & me recommandez humblement a sa bonne grace : declairez luy cest affaire bien amplement, et faictes tant quil soit daccord de nous bailler demain au matin deux mille de ses lansquenetz, et nous les menerons avecques nous le beau pas, & les laisserons quelque part en embusche : ou avant que tout soit desmesle si ne voyez merveilles prenez vous en a moy. Le cappitaine Sucre par incontinent, & sen alla droit au logis du prince qui ja dormoit. Il le fist esveiller puis alla parler

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a luy, et luy compta tout ce que vous avez ouy cy dessus. Le gentil prince qui naymoit riens tant que la guerre, et entre tous gentilz hommes avoit prins une telle amour au bon chevalier pour sa prouesse, que la chose eust este bien estrange quant il len eust reffuse. Si dist quil estoit bien desplaisant que plus tost navoit sceu ceste entreprinse : car luy mesmes y feust alle, mais que de ses gens le bon chevalier en povoit mieulx disposer que luy mesmres Et sur lheure envoya son scribe en advertir quatre ou cinq cappitaines, qui furent pour faire le compte court aussi prestz au point du jour que les gensdarmes qui lavoient sceu des le soir, et se trouverent a la porte quant & les gensdarmes qui donna tiltre desbahyssement au seigneur de Conty : car riens ne luy en avoit este mande le soir. Si senquist au bon chevalier que ce povoit estre. Lequel luy declaira bien au long tout le demene. Sur ma foy dist le seigneur de Conty se dieu veult nous ferons au jourdhuy une belle chose. La porte ouverte se misrent en chemin vers yzolle de lescalle. Le bon chevalier dist a Sucre. Il fault que vous et les lansquenetz demourez embuschez a Servode : cestoit ung petit village a deux mille Dizolle & ne vous souciez point, car je vous attireray noz ennemys jusques a vostre nez, parquooy aurez au jourdhuy assez honneur si vous estes gentil compaignon. Comme il fut dit ainsi fut fait, car arrivez audit village les lansquenetz demourerent en embusche. Et le bon chevalier, le seigneur de Conty & leur troppe sen vont vers yzolle faigant ne scavoir riens de ce qui estoit dedans. Cela regardoit le cappitaine moufron avecques quelques chevaulx legiers. Le bon chevalier y envoya son guydon le bastard du Fay avecques quelques archiers pour les ung petit escarmoucher : & luy marchoit apres le beau pas avecques les gensdarmes : mais il ne fut gueres loing quant il veit saillir de la ville de yzolle de lescalle les gens de pied de la seigneurie et une troppe dhommes darmes. Il fist ung peu de lestonne : & dist a la trompette quil sonnast a lestandart. Quoy oyant par le bastard du Fay selon la lecon quil avoit se retira avecques la grosse troppe qui se serrerent tresbien, & faignans deulx retirer droit a Veronne sen vont le petit pas vers ce village ou estoient leurs Lansquenetz, et desja estoit alle ung archier dira au cappitaine Sucre quil sortist en bataille. La gendarmerie de la seigneurie qui a leur esle avoient ceste troppe de gens de pied chargoient menu et souvent les francois, & faisoient tel bruyt quon neust pas ouy dieu tonner pensant entre eulx que ce quilz voyoient ne leur povoit eschapper. Les francois ne se desrotoient point & escarmouchoient sagement, de facon quilz furent pres de Servode a ung gect darc ou ilz apperceurent les Lansquenetz qui venoient le beau pas et out serrez : lesquelz se vont descouvrir aux Veniciens qui furent bien estonnez. Le bon chevalier dist alors : messeigneurs il est temps de charger, ce que chascun fist : et donnerent dedans les veniciens qui se monstrerent gens

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de bien : toutesfois il en fut beaucoup porte par terre. Leurs gens de pied ne povoient fuyr : car ilz estoient trop loing de saulvete. Ilz furent pareillement chargez des lansquenetz dont ilz ne peurent porter le fes, & furent ouvers, renversez et tous mis en pieces sans en prendre ung prisonnier : ce que veit devant ses yeulx le cappitaine Jehan paule moufron qui tresbien faisont son debvoir : toutesfois il congnoissoit assez que sil ne jouoit de la retraicte il seroit mort ou prins. Si commencea se retirer le grant galop vers sainct Beniface ou il y avoit bonne traicte. Il fut assez bien suyvy : mais le bon chevalier fist sonner la retraicte, parquoy tout homme sen revint : mais cefut avecques gros gaing de prisonniers et de chevaulx : le butin y fut fort beau. Les Veniciens y firent grosse perte, car tous leurs deux mille hommes de pied & bien vingtcinq hommes darmes y moururent, et y en eut environ soixante de prisonniers qui furent menez a Veronne : ou les Francois, Bourguignons & lansquenetz furent receuz joyeusement de leurs compaignons lesquelz estoient bien marriz quilz navoient este avecques eulx. Ainsi alla de ceste belle entreprinse pour ceste fois qui fut grosse fortune au bon chevalier, et eut de tous en general grande louenge. Luy revenu a son logis envoya querir lespie auquel il dist. Vizentin suyvant ma promesse tu ten yras au camp des Veniciens, & demanderas au cappitaine Jehan paule moufron si le cappitaine Bayart est aussi subtil que luy en guerre : & que quant il vouldra pour le pris le trouvera aux champs. Il commanda a deux de ses archiers le conduyre hors de la ville : ce quilz firent. Il sen alla droit a sainct Boniface ou le seigneur Jehan paule poufron lapperceut, qui le fist prendre pendre & estrangler, disant quil lavoit trahy : ne excuse quil sceust faire ne luy servit en riens. Les Veniciens tenoient encores ceste ville nommee Lignago ou ilz avoient grosse garnison : et souvent faisoient courses ceulx du Veronnoys et eulx les ungs contre les autres, et tout lyver demourerent en ceste sorte. Sur le commencement de lanne mil cinq cens et dix : et bien tost apres pasques print conge du roy de france Loys .xiie. son nepveu le gentil duc de Nemours, dont de si peu de vie quil eut ceste histoire fera ample mention : car il merite bien estre cronicque en toutes sortes : lequel passa en ytalie, et en sa compaignie mena le cappitaine Loys daars vertueux et hardy chevalier : ou eulx arrivez furent receuz chascun selon sa qualite du seigneur de Chaumont grant maistre de france et gouverneur de Milan & de tous les cappitaines estans en ytalie tant honnestement que possible ne seroit de mieulx, et sur tout du bon chevalier sans paour & sans reprouche qui tant ayme estoit du duc de Nemours et de son premier cappitaine Loys dars. Par le commandement du roy de france estoit encores passe le seigneur de Molart avecques deux mille adventuriers & plusieurs autres cappitaines. Si alla ledit grant maistre seigneur de Chaumont mettre le siege devant ceste ville de Lignago que tenoient Veniciens, & affin quelle ne

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fust aucunement secourue de gens ny de vivres fut envoye le seigneur Dalegre avecques cinq cens hommes darmes & quatre ou cinq mille lansquenetz qui estoient soubz la charge de ce gentil prince de Hanno a Vincence qui avoit encores soubz luy ce cappitaine jacob qui depuis fut au roy de france. Ceste place de Lignogo se fist fort batre, aussi y avoit il bonne artillerie, mesmement celle du duc de Ferrare qui entre autres avoit une long coulevrine de vingt piedz de long que les aventuriers nommoient le grant dyable. En fin furent la ville et chasteau pris et mis a mort tout ce qui estoit dedans ou la pluspart. En ceste prise le seigneur de Molart & ses aventuriers se porterent fort bien & y eurent gros honneur, car ilz neurent jamais le loisir dattendre que la berche fust raisonnable pour y donner lassault. Le seigneur de chaumont y commist pour la garder le cappitaine la crote avec cent hommes darmes dont il avoit la charge soubz le marquis e montferrat et mil hommes de pied soubz deux cappitaines, lung nomme lherisson & lautre Jacomo corse neapolitain. Durant ce siege de lignago eut nouvelles le seigneur de chaumont de la mort de son oncle le legat damboise ou il fit une grosse & lourde perte, car il avoit este moyen de leslever es honneurs ou il estoit : & pareillement avoit fait avoir de grans biens a tous ceulx de sa maison tant en leglise que autrement car cestoit tout le goubvernement du roy france Loys .xiie. & du royaulme. Il avoit este ung tressage prelat & homme de bien en son temps & ne voulut jamais avoir que ung benefice & a son trespas estoit seulement archevesque de Rouen : il en eust eu assez dautres sil eust voulu. Ceste piteuse mort porta le seigneur de chaumont dedans son cueur aigrement : car il ne vesquit gueres apres combien que devant les gens nen monstroit pas grant semblant & nen laissoit a bien & sagement conduire les affaires de son maistre. Quant il eut donne ordre a lignago sen vint assembler avec les gens de lempereur pour marcher sur le pays des veniciens & essayer de les mettre a la raison. Le roy despaigne avoit puis peu de jours envoye au secours de lempereur soubz la charge du duc de termes quatre cens hommes darmes espaignolz & neapolitains quil faisoit merveilleusement bon veoir, mais pource quilz estoient travaillez on les envoya sejourner dedans Veronne. Le camp tant de lempereur que du roy de france marcha jusques a ung lieu nomme saincte croix ou il sejourna quelque temps, car on pensoit que lempereur voulsist descendre, mais non fist. Durant ce camp la chaleur fut par trop vehemente, et pource fut de la pluspart de ceulx qui y estoient appelle le camp chault. Au desloger de la et pres dung gros village appelle Longare y eut une merveilleuse pitie, car comme chascun sen estoit fuy pour la guerre en une cave qui estoit dedans une montaigne laquelle duroit ung mille ou plus cestoient retirez plus de deux mille personnes tant hommes que femmes & des plus apparens du plat pays qui y avoient force vivres et y avoient porte quelques harnois de guerre & des hacquebutes pour deffendre lentree qui les vouldroit forcer laquelle estoit quasi imprenable : car il ny povoit

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venir que ung homme de fronc. Les adventuriers qui sont voulentiers coustumiers daller piller, mesmement ceulx qui ne vallent riens pour la guerre vindrent jusques a lentree de ceste cave, qui en langaige ytalien sappelloit la crote de longare. Je croy bien quilz vouloient entrer dedans, mais doulcement on les pria quilz se deportassent et que leans ne pourroient riens gaigner par ce que ceulx qui y estoient avoient laisse leurs biens a leurs maisons. Ces coquins ne prindrent point ses prieres en payement et sefforcerent dentrer, ce quon ne voulut permettre, et tira lon quelques coups de hacquebute qui en firent demourer deux sur le lieu. Les autres allerent querir leurs compaignons qui plus pres de mal faire que autrement tirerent ceste part. Quant ilz furent arrivez congneurent bien que par force jamais ny entreroient. SI sadviserent dune grande laschete et meschacete, car au droit du pertuys misrent force boys, paille et foing avecques du feu qui en peu de temps rendit si horrible fumee dedans ceste cave ou ile ny avoit air que par la que tous furent estouffez et mors a martyre sans aucunement estre touchez du feu. Il y avoit plusieurs gentilz hommes & gentilles femmes q ui apres que le feu fut failly et quon entra dedans furent trouvez estainctz, et eust on dit quilz dormoient. Ce fut une horrible pitie, mesmement eust on veu a plusieurs belles dames sortir les enfans de leur ventre tous mors. Lesditz adventuriers y firent gros butin, mais le seigneur grant maistre et tous les cappitaines en furent a merveilles desplaisans, et sur tous le bon chevalier sans paour et sans reprouche qui tout au long du jour mist peine de trouver ceulx qui en avoient este cause desquelz il en prist deux, dont lung navoit point doreilles, et lautre nen avoit que une. Il fist si bonne inquisition de leur vie que par le prevost du camp furent menez devant ceste Crote et par son bourreau penduz et estranglez, et y voulut estre present le bon chevalier. Ainsi comme ilz faisoient cest exploict quasi par miracle va sortir de ceste cave ung jeune garson de laage de quinze a seize ans qui mieulx sembloit mort que vif & estoit tout jaulne de la fumee. Il fut amene devant le bon chevalier qui lenquist comme il sestoit sauve. Il respondit que quant ilveit la fumee si grande il sen alla tout au fin bout de la cave ou il disoit avoir une fente du dessus de la montaigne bien petite par ou il avoit pris lair,& dist encores une piteuse chose, cest que plusieurs gentilz hommes et leurs femmes quant ils apperceurent quon vouloit mettre le feu vouloient sortir, en congnoissant aussi bien quilz estoient mors, mais les villains qui estoient avecques eulx et beaucoup les plus fors ne le oulurent jamais consentir, et leur venoient au devant avecques la point des roncons en disant quilz mourroient aussi bien que eulx, et ainsi les povres gens furent assailliz du feu, et des leursmesmes. De ce lieu de Longare marcha le camp droit a Montselles que les veniciens avoient pris et rempare, et dedans loge mille ou douze cens hommes. En chemin furent recontrez par les seigneurs

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Dalegre et bon chevalier avecques le seigneur Mercure et ses albanoys qui estoit pour lors a lempereur quelques chevaulx legiers de ceulx de la seigneurie quon appelloit Corvaz et sont plus turcs que chrestiens, lesquelz venoient veoir silz gaigneroient quelque chose sur le camp, mais ilz firent mauvais butin, car tous ou la pluspart y demourerent et furent bien ung quart dheure prisonniers, entre lesquelz le seigneur Mercure va congnoistre le cappitaine qui estoit ainsi quil dist depuis son cousin germain, et lavoit gecte de son heritage en Corvacie lequel il tenoit et occupoit par force, et estoit le plus grant ennemy quil eust en ce monde. SI luy vint a ramentevoir toutes les mescahncetez qui luy avoit faictes, et que a present estoit bien en luy den prendre vengeance Lautre dist quil estoit vray, mais quil avoit este pris en bonne guerre et que par raison devoit sortir en payant rancon selon sa puissance, dont il offroit six milles ducatz et six beaulx & excellens chevaulx turcs. Nous parlerons de cela plus a loysir dist le seigneur Mercure, mais par ta foy si tu me tenoys ainsi comme je te tiens que feroys tu de moy, lequel respondit. Puis que si fort me presses que de ma foy je tadvise que si tu estoys en ma mercy comme je suis en la tienne tout lor du monde ne te sauveroit pas que je ne te feisse mettre en pieces. Vrayement dist le seigneur Mercure je ne te feray pas pis. Si commanda a ses albanoys en son langaige a jouer des cousteaulx, lesquelz soubdainement misrent leurs cymeterres en besongnes, et ny eut cappitaine ne autre qui neust dix coups apres sa mort. Puis leur coupperent les testes quilz picquoient au bout de leurs estradiotes et disoient quilz nestoient pas chrestiens. Ilz avoient estrange habillement de teste, car il estoit comme ung chapperon de damoyselle, et ou ilz mettoient la test cela estoit garny de cinq ou six gros papiers colez ensemble, de facon que une espee ny faisoit nemplus de mal que sur une secrete. Le siege fut mis devant Montselles qui se fist canonner lespace de quatre ou cinq jours, & neust jamais este pris veu la fortiffication quon y avoit faicte neust este que ceulx qui estoient dedans sortoient pour venir a lescarmouche, et bien souvent jusques a ung bon gect de pierre de leur fort contre les adventuriers francois qui voulentiers eussent este veoir quel il faisoit en la place. Par une apres disnee que lon ny pensoit point les gens du cappitaine Molart avecques ung gentil homme qui se nommoit le baron Montfaucon allerent escarmoucher ceulx du chasteau qui gaillardement y vindrent et faisoient merveilles, tellement que deux ou trois fois repoulserent assez lourdement les adventuriers, et une fois entre autres les chasserent trop loing, tellement que quant ilz se cuyderent retirer se trouverent lassez dont lesditz adventuriers sapperceurent qui les chasserent vivement, et de facon quilz entrerent pesle mesle parmy les ennemys dedans la place. Quant ceulx qui la gardoient virent quilz estoient perduz se retirerent en une grosse tour ou incontinent ilz furent assiegez, et bouta on le feu au

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pied. La pluspart si laissa brusler plustost que se rendre. Les autres sortoient par les creneaulx qui estoient receuz sur la pointe des picques par les adventuriers. Brief il en escahppa bien peu en vie. Il y fut tue du coste des francois ung gentil homme nomme Camican, et le baron de Montfaucon blesse a la mort, toutesfois il en eschappa, mais ce fut a bien grant peine. On fist remparer la place, et y mist on grosse garnison cuydant aller mettre le siege a Padoue Mais nouvelles vindrent que le pape Julles estoit revolte et quil alloit faire la guerre au duc de Ferrare lequel estoit allye du roy de france auquel ledit duc en avoit amplement escript pour estre secouru (a quoy le roy voulut bien obtemperer) et escripvit au grant maistre son lieutenant general luy bailler secours, ce quil fist, car il envoya les seigneurs de Montoison, de Fontrailles, du Lude et le bon chevalier avecques trois ou quatre mille hommes de pied francois, et huyt cens suysses quavoit tire du pays comme adventuriers ung cappitaine nomme Jacob zemberc. Eulx arrivez a Ferrare furent fort bien receuz du duc, de la duchesse et de tous les habitans. Le grant maistre avecqes son armee qui luy resta se retira ou duche de Milan par ce quil fut adverty que les suysses qui ung peu au paravant avoient laisse laliance du roy son maistre y faisoient une descente et estoient desja au point de la treille. Quant il arriva il ne sejourna point a Milan, ains avecques sa gendarmie les deux cens gentilz hommes et quelque petit nombre des gens de pied les alla attendre en la plaine de Galezas, et leur fist oster tous ferremens de moulins et tous vivres de leur chemin. Et qui pis est a ce quon disoit avoit fait empoisonner tous les vins estans audit lieu de Galezas jusques ou vindrent les suysses et en beurent tout leur saoul, mais au dyable celluy qui en eut mal. Gueres ne furent aux champs que vivres ne leur faillissent parquoy leur en convint retourner en leur pays ou ilz furent tousjours conduitz de pres affin quilz ne meissent le feu en nulz villages. Il alla des adventuriers francois audit lieu de Galezas qui voulurent boire du vin quon avoit empoisonne pour les suysses, mais il en mourut plus de deux cens. Il fault dire que dieu sen mesla ou que lespice estoit demouree au fons du tonneau. Or je laisseray ung peu ceste matiere et retourneray a la guerre du pape et du duc de Ferrare, mais premier je declaireray une merveilleuse et perilleuse adventure qui advint a ceulx de Lignago en la mesme annee.

¶Comment ceulx de la garnison de Lignago firent une course sur les veniciens par ladvertissement de quelques espies qui les trahirent, parquoy ilz furent deffaictz.

¶Chapitre .xle.

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QUant le gentil chevalier de la Crote se fut mis en ordre dedans Lignago peu demoura de jours quil ne tumbast malade et fut en grant dangier de mort. Il avoit tout plain de jeunes gens & voulentaires dont entre autres estoit ung gentil bomme appelle Guyon de cantiers fort hardy, & courageux plus que de conduicte. Les veniciens venoient aucunesfois courir jusques devant ceste place de Lignago, mais ceulx de dedans icelle misen garnison nosoient sortir, car il leur estoit seullement encharge de la garder seurement. Ce Guyon de cantiers avoit des espies deca et dela, et fist tant quil print congnoissance a quelcun de la ville de Montaignane distant de Lignago douze ou quinze mille lequel venoit bien souvent veoir icelluy de Cantiers en sa place, et luy tenoit tousjours propos que si quelque fois vouloit sortir avecques nombre de gens de cheval & de pied non pas trop grant il ne fauldroit point de prendre prisonnier le providadour de la seigneurie de Venize messire Andre grit, car souvent venoit audit Montaignane avecques deux ou trois cens chevaulx legiers, et que estant icelluy de Cantiers et ses compaignons embuschez aupres de la ville par ung matin avant jour ne fauldroient point ainsi que le providadour sortiroit de le prendre, et quant et quant la ville et icelle piller, et se faisoit fort le galant dadvertir seurement le jour quil y feroit bon. Cantiers qui grant desir avoit de faire courses, et aussi datraper ce beau butin lasseura quil ny avoit point de faulte, mais quil feust adverty au vray, ce que lautre luy promist assez, et puis sen retourna a Montaignane ou luy arrive donna a entendre a celluy qui lavoit en garde pour la seigneurie la menee quil avoit faicte a ceulx de Lignago, et que silz vouloient bien jouer leur personnage ne fauldroient point davoir a leur mercy la pluspart de ceulx de la garnison & par ainsi ayseement reprendre la place qui leur estoit de merveilleuse importance. Le cappitaine de Montaignane trouva cest advis tresbon, et incontinent le fist entendre par homme expres au providadour messire Andre grit qui amena trois cens hommes darmes, huyt cens chevaulx legiers et deux mille hommes de pied. De ceste bende a deux ou trois mille dudit Montaignane luy arrive envoya deux cens hommes darmes et mille hommes de pied en embusche lesquelz furent instruitz laisser passer ceulx qui sortiroient de Lignago et puis apres leur clorre le passage. Ilz ne misrent pas en oubly ce quon leur avoit charge, aussi jouerent ilz fort bien leur roolle. Lespie de Montaignane retourna pour parler a Guyon de cantiers qui luy fist grosse chere luy demandant qui le menoit, lequel en homme asseure respondit, bonnes nouvelles pour vous si vous voulez, car a ce soir arrive en nostre ville messire Andre grit avec deux cens chevaulx seullement, si vous voulez partir une heure ou deux devant jour je vous conduiray & ne fauldrez point de lempoigner. Qui fut bien aise ce fut Cantiers lequel sen vint incontinent

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a ses compaignons, mesmement a ung gentil homme quon appelloit le jeune Malerbe qui portoit leur enseigne : et leur compta laffaire de point en point. Jamais chose ne fut trouvee meilleure : et quant a leur vouloir nestoit question que de partir, mais il convenoit avoir conge. Le cappitaine la crote gardoit encores sur jour quelque peu le lict pour nestre pas trop bien revenu de sa maladie. Si allerent vers luy lesdtz seigneurs de Cantiers et Malerbe luy supplier leur donner conge de faire une course ou ilz auroient gros honneur & grant prouffit. Si luy compterent lentreprinse dung bout en autre. Quant il eut ouy leurs raisons respondit en sage et advise chevalier et dist. Messeigneurs vous scavez que jay ceste place sur ma vie et sur mon honneur pour la garder seulement. Sil advenoit que eussiez rencontre autre que bonne, je seroys destruit & perdu a jamais : et davantage le reste de mes jours ne vivroys quen melencolie, parquoy ne suis pas delibere de vous donner conge. Ilz commencerent a luy faire des plus belles remonstrances du monde : en disant quil ny avoit nul dangier, que leur espie estoit asseure : et tant luy en dirent dunes & dautres que moytie de gre, moytie par importunite leur donna conge Mais au vray dire cestoit quasi a force. Ilz en advertirent tous leurs compaignons quilz tirerent a leur cordelle Et quant ilz congneurent que lheure approchoit en firent monter jusques a cinquante a cheva tous hommes darmes que Malerbe menoit, et environ trois cens hommes de pied que conduysoit Guyon de cantiers. Sur les deux heures apres minuyt partirent de Lignago leur double espie avecques eulx qui les conduysoit a lescorchier. Il nest riens si certain que cestoit toute fleur de chevalerie ce qui sortit de Lignago quant a hardiesse, mais jeunesse estoit avecques eulx de compaignie. Ilz se misrent ensemble le long u grant chemin qui alloit dudit Lignago a Montaignane, les gens de pied devant & ceulx de cheval a leur esle. Tant allerent quilz approcherent la premiere embusche des gens de la seigneurie qui estoient en ung petit village : mais ne se doubtans de rien passerent oultre & pousserent jusques a ung petit mille de Montaignane. Alors leur dist lespie. Messeigneurs laissez moy aller et vous tenez icy tous serrez, je voys scavoirdedans la ville quel il y fait pour vous en advertir. Ilz le laisserent aller, mais trop mieulx leur eust valu luy avoir couppe la teste, car il ne fut pas si tost arrive quil nallast au seigneur messire Andre grit, auquel il dist. Seigneur je vous ay amene la corde au col la plus part de ceulx de Lignago, et nest possible quil sen peust saulver ung seul si vous voulez, car desja ont ilz passe vostre embusche, et sont a ung mille dicy. Messire Andre grit fut incontinent a cheval et tous ses gens pareillement tant de cheval que de pied, et se gectant hors de laville envoya environ cent hommes de cheval pour escar

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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