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comme le viconte de Roddes, le cappitaine Maugiron, le seigneur de beaudysner, le bastard de Luppe & plusieurs autres jusques au nombre de cent ou six vingtz, entre lesquelz estoient deux nobles seigneurs de la maison de FOuez, les seigneurs de Barbazan & Desparros enfans du seigneur de Lautrec quil ne fist sonner lalarme et ses compaignons. Tous assemblez commencea le beau premier a gravir cest montaigne. Quant on le veit devant il fut assez qui le suyvit, & travaillerent fort avant quilz feussent parvenuz jusques au hault ou ilz prindrent ung peu daleyne : puis marcherent droit au bastillon, ou en chemin trouverent forte resistance, et y eut aspre combat : mais en fin les Genevoys tournerent le dos, ou apres vouloient courir les francois : mais le bon chevalier sescria : Non messeigneurs allons droit au bastillon, possible est quil ya encores des gens dedans qui nous pourroient enclorre Il fault veoir quil ya. A ce conseil se tint ung chascun et y marcherent.Ainsi quil avoit dit advint, car encores dedans avoit deux ou trois cens hommes qui se misrent en deffense assez rude pour le commencement : mais en fin guerpirent le fort fuyant comme fouldre au bas de la montaigne pour gaigner leur ville. Ainsi fut pris le bastillon, et depuis ne firent les genevoys beau fait : ains se rendirant a la mercy du roy qui y entra, & fist aux habitans payer le deffroy de son armee : & a leurs despens fist construire contre la ville ung fort chasteau quon onmma Godesa. A leur duc fut la teste couppee et a ung autre nomme Justinien bref. Ilz furent assez bien chastiez pour ung coup. Peu apres se virent le roy de france et le roy darragon retournant de Naples en espaigne, en la ville de Savonne : & y estoit sa femme germaine de fouez qui tenoit une merveilleuse audace Elle fist peu de compte de tous les francois, mesmement de son frere le gentil duc de Nemours dont ceste histoire fera cy apres mention. Le roy de france festoya fort bien le grant cappitaine Gonsfalles ferrande et le roy darragon porta gros honneur au cappitaine Loys dars & au bon chevalier sans paour et sans reprouche, & dist au roy de france ces motz : Monseigneur mon frer bien est eureux le prince qui nourrist deux telz chevaliers. Les deux princes apres avoir este quelques jours ensemble prindrent conge : lung alla en Espaigne et lautre retourna en sa duche de Milan.
¶Comment lempereur Maximilian fist la guerre aux veniciens ou le roy de france envoya le seigneur Jehan jacques avecques grosse puissance pour les secourir.
¶Chapitre .xxviiie.
APres la prinse de Gennes et la veue des deux roys de Savonne, celuy de France repassa par sa ville de Milan ou le seigneur Jehan jacques juy fist ung des triumphans bancquetz qui jamais fut veu pour ung simple seigneur, car quant on cherchera bien par tous, se
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trouvera quil y avoit plus de cinq cens personnes dassiete sans les dames qui estoient cent ou six vingtz, et neust este possible destre mieulx servis quilz furent de metz, entremetz, mommeries, commedies et toutes autres choses de passetemps. Apres sen retourna le roy en france ou lanne ensuyvant fut adverty par les veniciens qui estoient ses alliez comment lempereur Maximilien descendoit en leur pays et leur vouloit faire la guerre. A ceste cause par ung leur ambassadeur qui estoit devers luy appelle messire Anthonio gondelmarre luy faisoient supplier leur donner secours : ce quil fist voulentiers, & manda au seigneur Jehan jacques y aller avec six cens hommes darmes & six mille hommes de pied, a quoy il obeyt et se vint joindre avec la puissance desditz veniciens en ung lieu appelle la pedre ou larmee de lempereur estoit desja arrivee qui eust bientost passz plus oultre neust este la venue dudit seigneur Jehan jacques qui larresta : & depuis ne fist pas larmee de lempereur grans choses. Veniciens qui sont subtilz & caulz adviserent quil valloit mieulx appoincter que dentrer plus avant en la guerre. Si en chercherent le moyen tant quen fin le trouverent. Je croy bien quilz fournirent quelque argent : car cestoit la chose en ce monde dont ledit empereur Maximilien estoit le plus souffreteux : si en fist retourner son armee. Le seigneur Jehan jacques qui en cest appoinctemnt vanoit aucunement est appelle nen fut pas trop content : & dist bien au providadour de la seigneurie quil en advertiroit le roy son maistre, & que a son oppinion trouveroit la chose assez estrange & nen seroit pas content Cela demoura ung peu en suspens, ou durant ce temps le roy de france Loys .xiie. alla faire son entree en sa ville de Rouen, & sa bonne compaigne la royne qui fut fort triumphante : car si les gentilz hommes y firent leur debvoir : les enfans de la ville nen firent pas moins. Il y eut joustes & tournois par lespace de huyt jours Ce pendant se dressa quelque traicte entre le pape, lempereur, les roys de france et despaigne, ou pour y mettre fin fut par eulx ou leurs ambassadeux conclud et accord que lon se trouverroit en la ville de cambray a certain jour par eulx pris : et y fut envoye de la part du roy de france le cardinal damboise legat oudit royaulme, son nepveu le grant maistre de france seigneur de Chaumont et chef des armes de la maison Damboise et plusieurs autres : et de chascun des autres princes ambassadeurs avec toute puissance. A quelle fin ilz conclurent nest riens si certain que ce fut pour ruyner la seigneurie de Venise qui en grant pompe & a peu de congnoissance de dieu vivoient glorieusement & en opulencefaisant peu destime des autres princes de la chrestiente, dont peult estre que nostre seigneur fut courrouce comme il apparut : car ains que ses ambassadeurs deslogeassent de ladicte ville de Tournay firent aliance amys damys, & ennemys dennemys pour leurs maistres : & la fut conclud que le roy de france en personne passeroit apres pasques lannee ensuyvant quon diroit mil cinq cens & neuf en ytalie & entreroit ou pays des Veniciens .xl. jours devant que nul des autres se meissent a la campaigne. Je ne
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scay a quelle fin ilz avoient pose ce terme, sinon quilz vouloient taster le gue : et peult estre que si le roy de france eust eu du pire, en lieu de courir aux veniciens eussent couru sur luy mesmes : car je nau jamais congneu quil y ait eu grosse amytie entre la maison de france & la maison dautriche : & pareillement ne saccoirdoient pas bien le pape & le roy de france. Bref il me semble a dire le vray quilz vouloient faire essayer la fortune aux francois : & vouloient jouer a ung jeu que jouent petis enfans a lescolle. Sil est bon je le prens, et sil est mauvais je le laisse : toutesfois si bien advint a ce bon roy LOys quil executa son entreprise a son grant honneur et au prouffit de ses alliez comme vous entendrez.
¶Comment le roy de france Loys .xiie. fist marcher son armee en ytalie contre les veniciens : et de la victoire quil en obtint.
¶Chapitre .xxixe.
SUr la fin de lan mil cinq cens et huyt vers le moys de Mars fist le roy de France marcher sa gendarmerie en sa duche de Milan, & pareillement ses avanturiers francois qui estoient en nombre de quatorze a quinze mille lesquelz il bailla a governer & conduyre a de bons & vertueux cappitaines telz que le seigneur de Moulart, de Richemont, la crote, le conte de roussillon, le seigneur de Vendenesse, le cppitaine Odet, le capdet de Duras et plusieurs autres : lesquelz chascun en leur endroit misrent peine davoir desp lus gentilz compaignons. Le bon chevalier sans paour et sans reprouche en ceste saison fut envoye querir par le roy qui luy dist. Bayart vous savez que je men vois passer les montz pour avoir la raison des veniciens qui a grant tort me tiennent la conte de Cremonne, Lageradade & autres pays Je veulx quen ceste entreprise combien que des a present vous donne la compaignie du cappitaine Chatelart quon ma dit qui est mort (dont je suis desplaisant) ayez soubz vostre charge des gens de pied, & vostre lieutenant le cappitaine Pierrepont qui est treshomme de bien conduira voz gensdarmes. Sire respondit le bon chevalier je feray ce quil vous plaira Mais combien me voulez vous bailler de gens de pied a conduyre. Mille dist le roy, il nya homme qui en ait plus. Sire dist le bon chevalier, cest beaucoup pour mon scavoir, vous suppliant estre contant que jen aye cinq cens : & je vous jure ma foy sire que je mettray peine de les choisir quiilz seront pour vous faire service : et si me semble que pour ung homme seul cest bien grosse charge quant il en veult faire son debvoir. Bien dist le roy : allez doncques vistement ou Daulphine, et faictes que soyez en ma duche de Milan a la fin de mars. De tous les cappitaines ny eut celluy qui tresbien ne fournist sa bende, & en sorte firent que a la fin de mars ou au commencement davril furent tous passez et logez par garnisons ou duche de Milan. Les veniciens desja deffiez par le herault Montjoye delibererent
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eulx deffendre, et sachans la puissance du roy de France qui nestoit point trop grande, car en toutes gens navoit que trente mille hommes dont il povoit avoir vingt mille hommes de pied, comprins six mille suysses et deux mille hommes darmes dresserent une fort gaillarde armee ou ilz eurent plus de deux mille hommes darmes, et bien trente mille hommes de pied. Leur chef pour les conduyre estoit le conte Petilane, et le cappitaine general de leurs gens de pied estoit le seigneur Berthelome daluyans qui entre autres gens en avoit une bonne bende de ses bresignelz qui portoient sa livree de blanc et rouge tous gentilz compaignons et nourriz aux armes. Je ne vous feray long recit des courses, allees & venues, mais en fin le roy de france ayant passe les montz, et arrive en sa ville de Milan entendit que les veniciens avoient repris Trevy une petite villete de la riviere Dade que puis peu de jours devant le grant maistre seigneur de Chaumont avoit prise sur eulx, avecques les cappitaines Molart, Lacrote, Richemont, et le bon chevalier, qui avecques leurs gens estoient passez des premiers. En laquelle ville de Trevy les veniciens par ce quelle sestoit tournee francoise misrent le feu, emmenerent les gens de cheval tous prisonniers dont estoit chief le cappitaine Fontrailles. Aussi fut prisonnier le cappitaine de la porte, le seigneur Destancon et deux autres cappitaines de gens de pied, le chevalier Blanc, et le cappitaine ymbault. Ainsi ces nouvelles sceues par ledit seigneur, marcha droit a Cassan, ou il fist incotinent sur ceste riviere Dade dresser deux pontz sur bateaulx, ou par lung faisoit passer les gens de cheval, & par lautre les gens de pied, et luy mesmes arme de otutes pieces y faisoit tenir lordre. Larmee passee le lendemain fut prise une petite ville appellee Revolte, et mise a sac. Et deux jours apres en ung village nomme Aignadel au partir dung autre appelle Paudin se rencontrerent les deux armees des francois et veniciens. Et combien que les cappitaines conte de Petilano et seigneur Berthelome dalvyano eussent expres scommandement de leur seigneurie ne donner point de bataille au roy, ains seullement temporiser a garder les villes et chasteaulx affin de les myner par fascherie & longueur de temps. Icelluy Dalvyano plus hardy que bien advise se voulut adventurer, pensan en luy mesmes comme presumptueux quil ne scauroit jamais avoir plus grant honneur a perte ou a gaigne au combat ou il y eut dur assault et mortel encombre. Car a vray dire en la premiere pointe se monstrerent tresbien les gens de la seigneurie. Durant ce combat le seigneur Berthelome va adviser larrieregarde des francois dont estoit le bon chevalier qui marchoit dung desir merveilleux, en passant fossez plains deaue jusques au cul, laquelle luy venoit donner sur ung des costez qui fort esbayrent luy et sa rotte, noncques puis ne firent grant effort, ains furent rompuz et du tout deffaictz, les rouges et blancs demourerent sur
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le champ, et ledit Dalvyano apres avoir este blesse en plusieurs lieux fut pris prisionner du seigneur de Vendenesse ung droit petit lyon frere du gentil seigneur de la Palisse. Le conte Petilano voyant ses gens de pied deffaictz ne voulut plus tempter la fortune, et a toute sa gendarmerie se retira ung petit bien tost. Il eut la chasse, mais peu y en demoura, car les gens de pied mauserent les francois, lesquelz apres avoir fait leur devoir se retirerent chascun a son enseigne a peu de dommage. De leurs ennemys en demoura quatorze ou quinze mille sur le camp. Le seigneur Berthelome fut mene prisonnier au logis du roy, lequel apres disner fist faire ung faulx alarme pour congnoistre si ses gens seroient diligens si ung affaire venoit. On demanda a ce seigneur Dalvyano que ce povoit estre. Il fist responce en son langaige. Il fault dire que vous voulez combatre les ungs contre les autres, car de noz gens je vous asseure sur ma vie quilz ne vous visiteront de quinze jours, et en se mocquant congnoissant sa nation disoit ces parolles. Ladicte bataille fut le quatorziesme jour de May Mil cinq cens et neuf.
¶Comment leroy de france Loys .xiie. gaigna toutes les villes et places de Veniciens jusques a Pesquere.
¶Chapitre .xxxe.
LE roy de france sejourna ung jour ou deux ou camp de la bataille. Ce pendant le chasteau de Cazavas se voulut faire batre dartillerie, mais en deux heures il fut emporte et y eut quelques rustres dedans pris, lesquelz essayerent si leur col pourroit par force emporter ung cerveau. Cela espoventa ceulx qui estoient aux autres places, de sorte quoncques puis ne se trouva ville ny aucune forteresse qui vousist combatre, excepte le chasteau de Pesquere dont mal en print a ceulx de dedans, car tous y moururent, ou peu en eschappa qui furent prins prisonniers, entre lesquelz estoit ung providadour de la seigneurie et son filz qui voulurent payer bonne et grosse rancon, mais cela ne leur servit de riens, car chascun a ung arbre furent tous deux penduz qui me sembla grande cruaulte. Ung fort gaillart gentil homme quon appelloit le lorrain avoit leur foy, et en eut grosses parolles avecques le grant maistre lieutenant general du roy, mais il nen amenda dautre chose. Le roy de france se logea audit lieu de Pesquere apres avoir eu en ses mains toutes les villes et places par luy querellees, comme Cremonne, Creme, Bresse, Bergame, et cent autres petites villes que toutes il eut en inq ou six jours, excepte le chasteau de Cremonne qui tint quelque temps, mais en fin se rendit. Et bien fist davantage ledit prince, car par le moyen de la bataille quil gai
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gna fut rendu au pape Julles Ravenne, Fourly, ymole, Fayence et plusieurs autres places que lesditz veniciens tenoient en rommaigne, et au roy despaigne en son royaulme de Naples Brindis et Otrante, et a luy mesmes furent presentees les clefz des villes de Veronne, Vincence & Padoue, mais il les mist entre les mains de lempereur qui les querelloit, toutesfois il ne garda gueres bien les aucunes dont mal luy en print comme vous verrez cy apres. Sur ces entrefaictes le reste de larmee des veniciens bien estnnee se retira vers le Trevizan et le Fryol cuydans que tousjours on les deust suyvre, ce qui ne se fist pas qui fut gros malheur pour lempereur lequel de jour en jour sattendoit par le roy de france en ceste petite ville de Pesauere, car promis avoit se trouver dedans ung vaisseau acompaigne comme bon luy eust semble sur ung lac qui environne partie de ladicte ville de Pesquere pour parlamente ensemble plus amplement de leurs affaires. Et a ceste cause avoit este envoye vers ly le legat Damboise jusques a Rouvray, mais oncques ne le sceut amener, parquoy apres sont retour & quil eut maene levvesque de Gurse amvassadeur pour ledit empereur devers le roy de france, lequel vint tellement quellement excuser son maistre. Sen retourna par ses journees a Milan au commencement de Juillet. Ce pendant la ville de Padoue en laquelle lempereur avoit seullement envoye huyt cens lansquenetz pour la garde, laquelle a six mille de tour fut reprise par les gens de la seigneurie de Venise, et y entra messire Andre grit avecques ung autre cappitaine appelle messire Luce malleneche par une subtillite telle que je vous diray. Tousjours avoient les veniciens quelque intelligence en la ville, et fault bien noter une chose quoncques seigneurs ne furent sur la terre plus aymez de leurs subjectz quilz ont tousjours este, et seullement pour la grande justice en quoy ilz les maintiennent. Or entendez sur le commencement de Juillet qui est le temps que pour la seconde fois on fauche les foings en ytalie ung mardy matin sestoient venuz embuscher a ung gect darc de ladicte ville qui est a lentour plaine darbres, tellement quon ne sauroit veoir gueres loing, lesditz cappitaines mmessire Andre grit et messire Luce malleneche avecques quatre cens hommes darmes et deux mille hommes de pied. Or en ceste ville de Padoue chascun jour se recueilloit ordinairement force foings, et en ce quartier la font les charretees grandes, de sorte que au passer en une porte elles y entrent quasi a force. Le jour de leur embusche des le point du jour ses charrettes commencoient a entrer dedans ladicte ville. Quant quatre eurent passe, apres la cinquiesme venoient six hommes darmes veniciens, et derriere chascun de leurs chevaulx ung homme de pied garny de hacquebute toute chargee, et parmy eulx avoient une trompette pour sonner incontinent quilz auroient gaigne la porte affin que la grosse force qui estoit en embusche vint. Si peu de lansquenetz qui estoient dedans la ville faisoient fort bon guet, et ne
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tenoient que deux porteso uvertes ou pour le moins y avoit tousjours a chascune trente hommes de garde. Il y avoit ung gentil homme de la ville nomme messire Geralde magurin qui estoit adverty par la seigneurie de cette entreprise, et avoit en charge que quant il verroit laffaire commence se devoir mettre en armes et tous ceulx qui tenoient leur party. Ceste cinquiesme charrette vint a passer, laquelle entre ses six hommes darmes qui fuyoient commencerent a crier, Marco, Marco. Leurs gens de pied se gecterent a terre et deschargerent leurs hacquebutes de sorte que chascun tua son homme, car ilz tiroient en bute. Les povres lansquenetz qui se virent surpris furent bien estonnez. Toutesfois ilz se misrent en deffence et soennerent lalarme. Cela leur valut peu, car incontinent que la trompette eut este entendue la grosse flote va venir faisant ung bruyt merveilleux, en cryant, Marco, Marco, ytalie, ytalie. Dune autre part ce gentil homme messire Geraldo magurin avoit fait son effot en la ville, dont des maisons sortirent plus de deux mil hommes armez avecques Roncons et Javelines, de facon que les lansquenetz ne sceurent que faire, sinon quilz se serrerent, et tous ensemble se vont gecter en la place ou ilz se misrent en bataille. Ne demoura gueres quilz ne feussent assailliz en deux ou trois lieux, mais oncques gens ne se deffendirent mieulx, car ilz furent plus de deux heures devant quon les sceust rompr. En fin il vint tant de gens quilz ne peurent plus soustenir le fes. Ilz furent ouvers, rompuz et tous mis en pices sans que jamais en feust pris ung a mercy qui fut grosse pitie, mais ilz vendirent bien leur vie, car dentre eulx ne peut mourir que ce ui y estoit, mais ilz tuerent plus de quinze cens hommes, tant de la ville que des gens de guerre Toutesfois la ville de Padoue fut prise, en laquelle bien tost apres survint le conte Petilano qui mist grosse diligence pour la faire ramparer & fortifier, bien considerant quelle feroit bon besoing a la seigneurie. Ces nouvelles vindrent aux oreilles de lempereur qui cuyda desesperer, et fist veu a dieu quil sen vengeroit, & que luy mesmes yroit en personne. Ce quil fist. Il escripvit unes lettres au roy de france qui estoit encores a Milan que son plaisir feust luy ayder de cinq cens hommes darmes pour trois moys, a ce quil peust mettre les veniciens a la raison, ce qui luy fut accorde, et sen ensuyvit ce que vous orrez.
¶Comment le roy de france envoya le seigneur de la Palisse au secours de lempereur avecques cinq cens hommes darmes et plusieurs cappitaines, desquelz estoit le bon chevalier sans paour et sans reprouche.
¶Chapitre .xxxie.
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QUant le roy de France entendit que Padoue estoit revoltee fut bien marry, et encores plus de ce que cestoit par la faulte de lempereur qui pour garder une telle ville avoit seulement envoye huyt cens lansquenetz Toutesfois a la requeste dudit empereur commanda au seigneur de la Palisse quil print cinq cens des plus gaillards hommes darmes qui feussent en ytalie, et quil sen allast au service de lempereur qui descendoit au Padouan. Ledit seigneur qui ne demandoit que telles commissions, car cestoit toute sa vie que la guerre, delibera faire son preparatif Et ainsi quil sortoit du chasteau de Milan trouva le bon chevalier auquel il dist. Mon compaignon mon amy voulez vous pas que nous soyons de compaignie. Si luy declaira laffaire plus au long. Il qui ne demandoit pas mieulx, mesmement destre en sa compagnie gracieusement luy repsondit quil estoit a luy pour en disposer a son plaisir. De ceste mesme entreprise furent le baron de Bearn qui mena une partie de la compaignie du duc de Nemours, le baron de Conty qui avoit cent hommes darmes, le seigneur Thode de trevolz, le seigneur Julles de sainct severin, le seigneur Dymbercourt, le cappitaine la clayete, le seigneur de la crote lieutenant du marquis de montferrat & le bon chevalier, avecques lesquelz cinq cens hommes darmes se misrent en compaignie plus de deux cens gentilz hommes, et entre autres le filz aisne du seigneur de Bucy cousin germain du grant maistre seigneur de Chaumont qui luy bailla vingt de ses hommes darmes, & deux gaillars gentilz hommes Lung appelle le seigneur de Bonnet breton tresrenomme chevalier : et lautre le seigneur de my pont du duche de Bourgogne, lesquelz le bon chevalier tenoit avecques luy comme ses freres, & fort les honnoroit pour la grande rouesse quil scavoit en eulx. Le cas du gentil seigneur de la Palisse prest commencea a marcher avecques ses compaignons, & se tira droit a Pesquere. Ce pendant le roy de france print son chemin a son retour en son royaulme laissant sa duche & ce quil avoit conquis sur ses ennemys paisible. Il fault scavoir que incontinent que les Veniciens eurent repris Padoue, sen allerent courir jusques devant Vincence qui incontinent se retourna Aussi nest elle pas ville pour tenir contre puissance. Ilz en voulurent autant faire de Veronne, mais le bon seigneur de la Palisse qui en avoit este adverty deslogea avecques ses compaignons deux heures devant jour dung lieu appelle Villefranche, et se vint presenter devant la ville qui leur donna craincte, et par ce moyen sen retournerent lesditz eniciens vers Veincence : mais silz eussent peu gaigner Veronne le secours du seigneur de la Palisse sen povoit bien retourner, car la ville est forte et passe par dedans une riviere fort impetueuse, tellement que sans autre effort que de gendarmerie neust pas este rendue si tost. Bien en print au seigneur de la Palisse de sa bonne diligence, mesmement de celle du bon chevalier qui tousjours me
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noit les coureurs.Il navoit alors que trente hommes darmes soubz luy, mais il en y avoit viingt et cinq qui meritoient destre cappitaines de cent. Toute ceste troppe de gendarmerie entre dedans Veronne ou levesque de Trente qui y estoit pour lempereur les receut a grant joye, car il avoit eu belle peur. Ilz furent seulement deux jours dedans la ville fort bien festoyez des habitans & puis tirerent vers Vivenve, ou incontinent que ceulx que la seigneurie y avoit mis le sceurent, deslogerent et se retirerent les ungs a Padoue et les autres a Trevize. Dedans Vincence fut le seigneur de la Palisse et ses compaignons cinq ou six jours, attendans quelques nouvelles de lempereur : lequel on disoit estre desja aux champs. Quant ilz virent quil napprochoit point partirent de Vinvence et allerent en ung gros village appelle Castel franc ou ilz sejournerent quinze jours Cela estoit a dix mille de Padoue. Ce pendant arriva u camp des francois le seigneur du Ru avecques quelques hommes darmes Bourgongnons, & environ six mille Lansquenetz que conduysoit ung seigneur Dalmaigne gentil prince et hardy entreprenant a merveilles : comme il a monstre, tant quil a vescu on lappelloit le prince de Hanno. Au commencement daoust arriva lempereur au pied de la montaigne au dessoubz dung chasteau appelle Bassan et tout son zqipage apres luy, lequel combien quil ny eust pas grande montaigne a passer deoura huyt jours entiers avant quil feust en la plaine. Lempereur veit le seigneur de la Palisse et les cappitaines francois ausquelz il fist tresbonne chere. Ceste veue premiere fut aupres dune petite ville appelle Aest dont les ducz de Ferrare portent le surnom. Pour lors y avoit ensemble une des belles armees quon eust veue cent ans au paravant.
¶Comment lempereur Maximilian alla mettre le siege devant Padoue : et ce quil advint durant icelluy.
¶Chapitre .xxxiie..
LEmpereur se fist longuement attendre dont il ennuyoit aux francois : mais vous devez aussi entendre quil arriva en la plaine en empereur Et si sa puissance eust bien voulu faire son debvoir, cestoit assez pour conquester ung monde : parquoy est bien requis que son equipage soit inscript qui tel estoit. Il avoit cent six pieces dartillerie sur roue, dont la moindre estoit ung faulcon, et six grosses bombardes de fonte qui ne se povoient tirer sur affust : mais estoient portees sur chascune une puissante charrette chargees avecques engins Et quant on vouloit faire quelque baterie on les descendoit Et quant elles estoient a terre, par le devant avecques ung engin on levoit ung peu la bouche de la piece : soubz laquelle on mettoit une grosse piece de boys, et der
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riere faisoit on ung merveilleux taudis de peut quelle ne reculast. Ces pieces portoient bouletz de pierre : car de font on ne les eust sceu lever, & ne povoient tirer que quatre fois le jour au plus. Il avoit en sa compaignie que ducz, contes, marquis & autres princes et seigneurs Dalmaigne bien six vingtz, & environ douze mille chevaulx, cinq ou six cens hommes darmes Bourguignons & Hennuyers : de gens de pied Lansquenetz ilz estoient sans nombre, mais par estimation on les prenoit a plus de cinquante mille. Le cardinal de Ferrare vint pour son frere au secours dudit empereur qui amena douze pieces dartillerie, cinq cens chevaulx & trois mille hommes de pied, et autant ou peu moins en amena le cardinal de Manthoue. Bref avec les hommes darmes francois on tenoit ou camp y avoir cent mille combatans. Ung grant deffault estoit quant a lartillerie, car il ny avoit equipage que pour la moytie : & quant on marchoit estoit force que partie de larmee demourast pour la garder jusques a ce que la premiere bende feust deschargee au camp ou o vouloit sejourner : et puis le charroy retournoit querir lautre qui estoit grosse fascherie. Ledit empereur se levoit fort matin, & incontinent faisoit marcher son armee : et ne se logeoit voulentiers qui ne feust deux ou trois heures apres midy : qui nestoit pas veu la saison pour refreschir les gensdarmes soubz leur armer. Le premier camp quil fist fut pres du palais de la royne de Chippre distant de Padoue huyt mille ou arriva le seigneur de Meillault ung jeune gentil homme de france hardy et entreprenant cappitaine filz ding vertueux & sage chevalier le seigneur Dalegre, avec bien mille ou douze vens avanturiers francois tous gens deslite & descarmouche En ce camp mesmes fut conclud daller mettre le siege devant la ville de Padoue : & pour ceste cause fut assemble le conseil ou il y eut de diverses oppinions, car lempereur avoit ung lieutenant general de nation grecque quon appelloit le seigneur Constantin qui vouloit faire toutes choses a sa teste dont en fin tresmal en print a son maistre comme vous orrez. Il fut ung peu souspeconne de trahison & len voulut le seigneur de la Palisse combatre : mais il ne fut possible le faire venir au point. Or laissons ce propos jusques a ce quil sera besoing den parler. Conclusion fut prise a ce conseil daller mettre le siege audit Padoue & que pour les approuches les gensdarmes francois feroient la pointe avecques le prince de Hanno & ses Lansquenetz qui estoit tresnecessaire prendre une petite ville appellee Montselles ou il y avoit ung chasteau tresfort a six ou sept mille de Padoue par ce que la garnison qui estoit dedans pour la seigneurie eust peu merveilleusement facher le camp & les vivres qui y venoient. Le lendemain matin se partit larmee & vint loger a demy mille de ceste petite ville qui ne tint point : car gueres ne valloit : mais le chasteau estoit deffendable pour ung long temps si les coquins qui estoient dedans eussent riens valu : mais le cueur leur faillit incontinent : car les
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approuches faictes & que lartillerie eut fait bien peu de berche & malaisee fut sonne lalarme pour aller a lassault. Il falloit bien monter ung grant gect darc : mais ses aventuriers francois du cappitaine Meillault y furent soubdainement et sembloit quilz neussent mange de huyt jours tant legiers estoient. Ceulx de dedans firent quelque resistance, mais gueres ne continuerent : car en moins dung quart dheure ilz furent emportez & tous mis en pieces. Ses aventuriers y firent assez bon butin, et entre autres choses y avoit sept ou huyt vingtz fort beaulx chevaulx. La ville & chasteau furent renduz es mains du duc de Ferrare qui les querelloit : mais il presta trante mille ducatz. Deux jours apres ceste prinse de Montselles deslogea larmee qui sen alla droit devant padoue ou fut assis le siege.
¶Comme lempereur Maximilian planta son siege devant Padoue : et des gaillardes approuches faictes par les gentilz hommes francois : et dune grande hardiesse que monstra le bon chevalier sans paour et sans reprouche.
¶Chapitre .xxxiiie.
APres la prinse de la ville & chasteau de Montselles, et icelluy baille entre les mains du cardinal de Ferrare qui la estoit pour son frere y mist bonne garnison. Le duc de Ferrare estoit dung autre coste faisant la guerre aux Veniciens. Et en la mesme annee leur donna une rotte sur le pau qui ne leur porta gueres moins de dommage que le jour quilz perdirent la bataille contre le roy de france : car ainsi que lesditz Veniciens estoient deliberez luy destruire ung quartier de pays sur le Ferraroys appelle le Paolesme de rovigo, misrent sur le Pau quatorze ou quinze galleres, et trois ou quatre mille hommes dedans, et vindrent partans de Quyoze jusques a Francolin : mais le duc de Ferrare avoit fait faire deux bastillons, lung a lendroit de la tour de Loiselin, et lautre Alpopos qui sont lung devant lautre, et avoit trois ou quatre mille bons hommes dedans : et quatre bonnes galleres sur le Pau bien armees et equipees. Il sceut que ses ennemys estoient descenduz en terre ou la pluspart il les alla trouver, et les deffist sans que nul eneschappast. Depuis avecques ses galleres et autres grosses barques alla combatre les galleres qui quasi estoiyent otutes desnuees de gens desquelles deux furent effondrees et six prises avecques tout lesquipage et artillerie qui estoit dessus dont il y avoit trente bonnes pieces de fonte sans les hacquebuttes. Ce fut une triumphante victoire et a peu de perte, sinon que le conte Ludovic, de Lavirandolle y fut tue dung coup dartillerie : les Veniciens y porterent gros et merveilleux dommage. ¶Or retournons au camp de Lampereur. Larmee deslogea de devant Montselles, et tout dune traicte sen vint a ung mille de Padoue qui
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est une fort grosse cite et fiere a laborder. Dedans estoit le conte Petilano acompaigne de mille hommes darmes, douze mille hommes de pied, et bien deux cens pieces dartillerire, et quelque siege quil y eust jamais ne leur peut estre oste la voye dung canal qui va a Venize, lequel passe par la ville, et ya seullement dixhuit mille de lune a lautre. Quant larmee eut ainssi approche la ville lempereur assembla tous ses cappitaines, mesmement les francois a qui il portoit gros honneur pour entendre a quelle porte seroit plante le siege. Chascun en dist son advis, mais pour conclusion fut ordonne que le gros camp ouquel seroit la personne de lempereur se logeroit a la porte qui va a Vincence et auroit les francois avecques luy. A une autre porte plushault seroit le cardinal de Ferrare. Les bourguignons et hennuyers avecques dix milles lansquenetz, et a une au dessoubz seroit le cardinal de Manthoue. Le seigneur Jehan de manthoue son frere et la troppe des lansquenetz du prince de Hanno affin que chascun desdictes deux bendes feust secourue du gros camp si besoing estoit. Cela fut trouve tresbon, et ny eut plus que du marcher. Le bon chevalier sans paour et sans reprouche fut ordonne pour les approches, lequel eut en sa compaignie le jeune seigneur de Bucy, et les cappitaines la Clayete et la crote. Or pour venir devant ceste porte de Vincence falloit entrer en ung grant chemin droit comme une ligne ou ilz avoient fait quatre grosses barrieres a deux cens pas lune de lautre, et a chascune avoit a qui combatre des deux costez de ce chemin comme scavent ceulx qui ont este en ytalie y avoit fossez parquoy on ne les povoit prendre que par le devant. Sur les murailles de la ville avoient force artillerie ou ilz batoient sur ce grant chemin par dessus leurs gens a la venue des francois si menu et souvent quil sembloit gresle. Nonobstant cela le bon chevalier et ses compaignons commencerent a escarmoucher, et vivement vindrent a la premiere barriere, a laquelle eut fort assault, et y plouvoient les coups de hacquebute, toutesfois elle fut gaignee, et les ennemys repoulsez jusques a la seconde. Si la premiere fut bien combatue, encores ceste le fut mieulx, et y fut blesse dung coup de jacquebute au bras le jeune seigneur de Bucy, et son cheval tue soubz luy, mais nonobstant cela ne fut possible le faire retirer, et croyez que pour ce jour oncques homme ne fist mieulx que luy. Le cappitaine Millault arriva a ceste seconde barriere avecques cent ou six vingts de ses rustres quil avoit esleux lesquelz firent raige. Or il fault entendre que ses approches se faisoient environ midy, parquoy faisoit assez cler pour veoir les mieulx combatans. Une bonne demye heure dura lassault a ceste seconde barriere qui en fin fut gaigneee, et si vivement suyvz ceulx qui la gardoient quilz neurent loisir demourer a la troisiesme, ains leur convint sans combat labandonner & eulx rendre a la quatriesme ou il avoit mille ou douze cens hommes, et trois ou quatre faulconneaux qui commencerent a tirer le long de ce grant chemin, mais peu de mal firent, sinon
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quilz tuerent deux chevaulx. Ceste barriere nestoit que a ung gect de pierre du boulevart de la ville qui donnoit grant courage aux gens de la seigneurie de bien combatre, ce quilz firent, car lassault y dura une heure a coups de picque et de hacquebute. Quant le bon chevalier veit que cela duroit tant il dist a ses compaignons. Messeigneurs ses gens icy nous amusent trop, descendons a pied et poussons a ceste barriere. Si descendirent incontinent jusques a trente ou quarante hommes darmes qui la veue levee vont droit a ceste barriere a poux de lance. Ce gentil prince de Hanno estoit tousjours joignant du bon chevalier, et le seigneur de Meillault avecques deux autres, lung nomme Grantijehan le picart, et lautre le cappitaine Maulevrier qui faisoient raige Mais tousjours aux veniciens venoient gens fraiz. Quoy voyant par le bon chevalier dist tout hault. Messeigneurs ilz nous tiendront tousjours dicy a six ans en ceste sorte sans riens faire, car ilz se refreschissent de gens a toute heure, donnons leur ung aspre assault, et puis que chascun face comme moy, ce qui luy fut accorde. Sur cela il dist. Sonne trompette, et puis comme ung lyon a qui on a oste ses faons va avecques ses compaignons ilz sont nostres va saulter icelle barriere, et trente ou quarante apres luy qui furent fort bien recueilliz. Toutesfois quant les francois virent le dangier ou sestoient mis leurs compaignons chascun se mist a passer, et cryant France, France, empire, empire firent une telle charge sur leurs ennemys quilz leur firent guerpir la place, tournerent le dos et tout habandonnerent eulx retirans comme quasi rompuz en la ville. Ainsi furent gaignees les barrieres de devant Padoue en plain midy ou les francois acquirent gros honneur, tant ceulx de cheval que de pied, mesmement le bon chevalier a qui chascun en donnoit la gloire. Si furent faictes les approuches, et lartillerie amenee sur le bort du fosse qui y demoura six sepmaines sans partir et jusques au siege lever qui fut tel que vous entendrez.
¶De la grosse et lourdre baterie qui fut devant Padoue, et de la grande berche qui y fut faicte.
¶Chapirte .xxxiiiie.
LEs approuches faictes devant Padoue, et lartillerie assise chascun se logea en son quartier en trois camps selon lordonnance cy devant dicte. Et fault entendre quil y avoit tant de peuple que ledit camp tenoit de tous costez plus de quatre mille de pays. Et fut une merveilleuse chose que durant le siege qui fut de deux moys ou environ les fourageurs nallerent
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jamais plus loing que de six mille du camp pour avoir force foings, bledz, avoynes, chars, poullailles, vins et autres choses necessaires, tant pour les hommes que pour les chevaulx, et si grande habondance y en avoit que quant on leva le siege fut brusle pour cent mil ducatz de vivres dont on avoit fait provision cuydant que plus longuement durast le siege (cest ung incident) venons a la matiere. Le lendemain des approches commencerent les canonniers a faire leur devoir, et sans cesser dura huyt jours la baterie qui fut la plus empetueuse & terrible que cent ans au paravant avoit este veue, car il y fut tire des trois camps plus de vingt mille coups dartillerie. Si lempereur ou ses gens servoient bien dartillerie ceulx de la ville, croyez que de leur par rendoient bien la pareille et beaucoup mieulx, car pour ung bien quon leur faisoit en redoient deux. Brief ladicte ville fut si bien batue que de toutes les trois berches ne sen fist que une. Durant cetemps fut pris ung des canonniens de lempereur quon trouva en lieu de tirer en la ville quil tiroit contre ses gens, et disoit lon que ce seigneur Constantin le luy faisoit faire, & qui pis estoit chascun jour advertissoit le conte Petilano de ce quil avoit a faire. Je ne scay sil estoit vray, mais le canonnier fut mis sur ung mortier et envoye par pieces en la ville. Il en fut dit assez dinjures audit seigneur Constantion, mais on ne povoit prouver le faict sur luy. Le seigneur de la Palisse lappella lasche et meschant et quil len combatroit, mais il ne respondit riens a propos, et en fist sur lheure lempereur qui en estoit coyffe lapponctement. Or ses trois berches mises en une estoit seullement de quatre a cinq cens pas qui estoit assez beau passage pour donner lassault, carq uant aux fossez ce nestoit pas grant chose, mais le conte Petilano avoit si bien acoustre la ville par dedans qu sil y eust eeu cinq cns mille hommes devant ils ny feussent pas entrez si ceulx de dedans eussent voulu, et vous declaireray comment. Derriere la berche pour entrer en la ville avoit icelluy cont Petilano fait faire une trenchee ou fosse a fons de cuve de la haulteur de vingt piedz et quasi autant de largeur. En icelle avoit fait mettre force fagotz et vieil boys bien enrosez de pouldre a canon, et de cent pas en cent pas y avoit boulevart de terre garny dartillerie qui tiroient le long de ceste trenchee. Apres icelle passee sil eust este possible, comme non sans la grace de dieu, toute larmee des veniciens estant en ladicte ville se trouvoit en bataille a cheval & a pied, car il y avoit belle esplanade jusques a mettre vingt mille hommes de pied et de cheval en ordre, et derriere estoient plates formes ou on avoit monte vingt ou trente pieces dartillerie qui pardessus leur armee eusent tire sans leur malfaire droit a la berche. De ce terrible dangier furent les francois advertiz par aucuns prisonniers qui aux escarmouches quelques fois estoient pris, et par leur rancon payer renduz, ausquelz monstroit le conte toutes ces choses affin quilz le remonstrassent au seigneur de la Palisse & taux cappitaines francois, et disoit encores ces pa
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rolles a leur depoartie. Jespere mes amys avecques layde de dieu que le roy de france et la seigneurie retourneront en amytie quelque jour, et nestoit les francois qui sont avecques lempereur croyez que devant quil feust vingt et quatre heures je sortiroye hors de ceste ville, et si en ferois lever le siege honteusement Je ne scay comment il eust fait cela au nombre de gens quil avoit devant luy Bien furent rapportez ces propos aux seigneurs cappitaines de france, mais ilz ny pensoient autrement, pource que par leur maistre estoient au service de lempereur pour faire ce quil leur ordonneroit. Vous avez ouy cy dessus la belle berche qui estoit a la ville qui trop grande estoit et feusse pour aller mille hommes de fronc deux fois, dont lempereur fut deuement acertene. Si se delibera y donner lassault comme vous orrez cy apres, mais premier vous parleray dune course que fist le bon chevalier avecques ses compaignons.
¶Comment le bon chevalier sans paour et sans reprouche durant le siege de Padoue fist une course avecques ses compaignons ou il acquist gros honneur.
¶Chapitre .xxxve.
DUrant le siege de Padoue souvent venoient alarmes au camp de lempereur, tant des saillies que faisoient ceulx de la ville que de leurs grans qui estoient en garnison dedans Trevize bonne et forte ville qui est a vingt ou vingt et cinq mille dudit Padoue. En icelle entre autres cappitaines estoit messire Luces malleveche homme de guerre et entreprenant sil en y avoit point au monde. Deux ou trois fois la sepmaine resveilloit sans tromperre le camp de lempereur, et sil voyoit quil y fist bon ne sespargnoit pas parmy ses ennemys, et par le contraire sil ny faisoit bon fort largement se retiroit et ne perdit jamais ung homme. Tant continua ce train quil fist parler de luy a merveilles. Ceste maniere de faire fascha fort au bon chevalier, et sans grant bruit par des espies a qui il donnoit tant dargent que pour mourir ne leussent trompe entendit beaucoup des allees et des venues dudit Maleveche, de sorte quil delibera laller trouver aux champs. Si vint a deux de ses compaignonns et qui estoient logez avecques luy dont lung estoit le cappitaine la Clayete, & lautre le seigneur de la Crote tous deux gaillars et triumphans cappitaines, ausquelz il dist. Messeigneurs ce cappitaine Malleneche nous donne bien de la fascherie, il nest gueres jour quil ne nous viengne resveiller, et ne se parle sinon de luy, je nay pas envye de son bien faire, mais je suis marry quil ne nous congnoist autrement. Jay beaucuop entendu de son affaire. Voulez vous venir a la guerre et vous verrez quelque chose, jespere que nous le trouverrons
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demain au matin : car deux jours a quil ne nous donna alarme. Ses compaignons respondirent. Nous yrons ou vous vouldrez. Or faictes doncques dist le bon chevalier a deux heures apres mynuyt armer chascun trente hommes darmes des plus gentilz galans que vous ayez, et je meneray ma compaignie et les bons compaignons qui sont avecques moy comme Bonnet, mypont, cossey, brezan et autres que congnoissez comme moy, et sans sonner trompette ne faire bruyt monterons a cheval Et vous suffise que jay fort bonne guyde : comme il fut dit ainsi mis a execution, et entre deux et trois ou moys du septembre monterent a cheval leur guyde devant qui estoit tresbien garde de quatre archiers : et luy avoit on promis bon payement sil faisoit bien son debvoir : mais aussi ou il y roit de tromperie il luy alloit de la vie Et cela avoit ordonne le bon chevalier par ce que souvent espies sont doubles & font tourner la perte ou il leur plaist : mais il fist bien son debvoir, car de nuyt les mena bien dix mille de pays : et tellement que la pointe du jour va apparoistre. Si vont adviser ung grant palais ou il y avoit une longue closture de muraille. Lors lespie commencea a dire au bon chevalier. Monseigneur si le cappitaine messire Luce malleveche sort au jourdhuy de Trevize pour aller visiter vostre camp Il fault de necessite quil passe icy devant. Si bon vous semble de vous cacher en ce logis ouquel nest demoure personne au moyen de la guerre vous le verrez passer, et il ne vous pourra veoir. Cela fut trouve bon par tous les cappitaines et se misrent dedans, ou ilz furent bien deux heures ou environ quilz ouyrent gros bruyt de chevaulx. Le bon chevalier avoit fait monter ung vieil archer de sa compaignie appelle Mouart autant experimente en guerre que homme vivant dedans ung colombier affin de veoir quelz gens passeroient et quel nombre. Si veit venir dassez loing messire Luces malleveche en nombre selon son jugement de cent hommes darmes, larmet en teste et bien deux cens Albanoys que conduysoit ung cappitaine nonme Scandebec tous bien montez & a leur contenance gens deffect. Ils passerent a ung gect de boulle du logis ou estoient embuschez les francois. Quant ilz furent oultre Mouart descendit tout joyeulx et fist son rapport. Qui fut bien aise eut nom chascun. Si dist le bon chevalier quon ressenglast les chevaulx. Or ny avoit il page ne varlet en la bende : car ainsi lavoit il ordonne : et dist a ses compaignons. Messeigneurs il ya dix ans qui ne nous vint si belle adventure. Si nous sommes gentilz galans ilz sont deux fois plus que nous : mais ce nest riens Allons apres. Allons allons dirent les autres. Ainsi eulx remontez a cheval la porte fut ouverte : si allerent le beau trot apres leurs gens. Ilz neurent pas chemine ung mille quilz les vont apercevoir sur ung beau grant chemin. Alors le bon chevalier dist a la trompette. Sonne sonne trompette Qui le fist incontinent. Les cappitaines Veniciens qui neussent jamais pense quil y eust eu gens derriere eulx estimoient que ce feussent encores des leurs qui voulsissent cou
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rir Toutesfois ilz sans tirer plus avant sarresterent et si longuement quilz apperceurent au vray que cestoient ennemys. Ilz furent ung peu estonnez poue se trouver enclos entre le camp de lempereur et ceulx quilz voyoient, et falloi passer par la ou par la fenestre. Cela les confortoit quilz ne voyoient pas grant nombre de gens. Si fist comme asseure le cappitaine messire Luces malleveche a tous ses gens commandement de bien faire, leur remonstrant que force estoit destre deffaictz ou deffaire les autres. Aux deux costez du chemin estoient grans fossez : ung homme darmes sans estre trop bien monte ne se feust ose adventurer de le saillir de peur dy demourer, ainsi en quelque sorte que ce feust force estoit de combatre. Si commencerent trompettes a sonner de tous les deux costez, et environ le partee dung gect darc se prindrent a courir les ungs sur les autres En criant par les ungs empire, France france, et les autres Marco marco : cestoit ung droit plaisir de les ouyr. En ceste premiere charge y en eut beaucoup de portez par terre, mesmement Bonnet donna ung coup de lance dont il percea ung homme darmes tout oultre, chascun se mist en son debvoir. Les albanoys sescarterent du grant chemin & habandonnerent leur gendarmerie pour cuyder prendre les francois par le derriere, dont bien sapperceut le bon chevalier qui dist au cappitaine la crote. Compaignon gardez le derrire que ne soyons enclos Cecy est nostre. Ainsi fut fait. Et quant lesditz Albanoys cuyderent approucher furent receuz et brien frotez, tant quil en demoura une douzaine par terre, et les autres a gaigner pays a bele fuyte. Gueres ne les suyvit le gentil cappitaine la Crote, ains retourna au gros affaire Mais a son arrivee trouva les Veniciens en rotte, et entendoit desja chascun a prendre son prisonnier. Messire Luces malleveche qui estoit monte a lavantage saillit hors du grant chemin & vingt ou trente des mieulx montez qui se misrent a la fuyte vers trevize. Ilz furent suyvis quelque peu, mais on eust perdu sa peine, car trop bien alloient leurs chevaulx avec ce que les fuyans avoient bon vouloir. SI se retirerent ceulx de la chasse et se misrent au retour avecques leurs prisonniers : desquelz y avoit plus quilz nestoient de gens : car sans nulle faulte en fut bien prins huyt ou neuf vingtz, ausquelz ilz osterent leurs espees & masses et les misrent au millieu deulx : et ainsi arriverent en leur camp ou ilz trouverent lempereur qui se pourmenoit a lentour, lequel quant il veit ceste grosse poussiere envoya scavoir que cestoit par ung gentil homme francois de sa maison quon appelloit Loys du peschin qui incontinent retourna, et dist. Sire cest le bon chevalier Bayart et les cappitaines la Clayete et la Crote qui ont faicte la plus belle rencontre qui cent ans a fut faicte : car ilz avoient plus de prisonniers qui ne sont de gens : et ont gaigne deux enseignes. Lempereur fut aise au possible. Si sapprocha des francois ausquelz il donna le bon soir, et les francois le saluerent ainsi que a si hault prince appartenoit. Si loua chsacun cappitaine en son
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endroit merveilleusement. Puis dist au bo nchevalier. Seigneur de Bayart, mon frere vostre maistre est bien eureux davoir ung tel serviteur que vous : je vouldroys avoir donne cent mille florins de rente et en avoir une douzaine de vostre sorte. Le bon chevalier respondit. Sire vous dictes ce quil vous plaist, & du loz que me donnez treshumblement vous remercie : dune chose vous cueil bien adviser que tant que mon maistre sera vostre alye ne trouverez point de meilleur serviteur que moy. Lempereur le remercia, et sur ce luy & ses compaignons prindrent conge & sen tirerent a leurs logis. Jamais tel bruyt ne fut demene en camp comme il fut de ceste belle entreprinse, dont le bon chevalier emporta la plupart de lhonneur : combien quentre toutes gens en donnoit le loz entierement a ses deux compaignons : car de plus doulx ne courtois chevalier neust on sceu trouver en tout le monde. Je feray fin a ce propos et ous diray dune autre course que fist le bon chevalier tout seul.
¶Dune autre course que fist le bon chevalier sans paour et sans reprouche, ou il fut pris soixante albanoys & trente arbalestriers.
¶Chapitre .xxxvie.
TRois ou quatre jours apres ceste course quavoient faicte ensemble les cappitaines la Crote, la Clayete et bon chevalier : il fut adverty par ung de ses espies que dedans ung chasteau appelle Bassan cestoit retire le cappitaine Scandrebec et ses Albanoys avecques quelques autres gens de cheval arbalestriers soubz la conduicte du cappitaine Rynaldo contarin gentil homme padouan, et que chascun jour ilz faisoient coursess ur ceulx qui venoient au camp, et sur les lansquenetz qui retournoient en Almaigne pour saulver le bestail quilz avoient gaigne sur les ennemys, tellement que depuis deux ou trois jours en avoient deffaict plus de deux cens, & recouvert plus de quatre ou cinq cens beufz & vaches quilz avoient retirez dedans ce chasteau de Bassan : et que si par ung matin se vouloit rencontrer en ung passage au pied dune montaigne au dessoubz dudit chasteau ne fauldroit point a les trouver. Le bon chevalier qui tousjours avoit trouve lesoue veritable aussi lavoit il enrichy de plus de deux cens ducatz delibera y aller sans en parler a personne : car il luy estoit bien advis veu qui lavoit entendu quilz nestoient pas plus de deux cens chevaulx legiers en tout quil les defferoit bien avecques ses trente hommes darmes qui estoient tous gens deslite : toutesfois il avoit encores huyt ou dix gentilz hommes avecques luy, et lesquelz estoient venuz en sa compaignie pour leur plaisir au camp de lempereur seulement pour lamour quilz portoient au bon chevalier, et aulx avecques sa compaignie nestoient pas gens pour estre deffaictz en peu dheure. Il leur compta son entreprinse scavoir silz en vouloient
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estre, cestoit leur vie et ne demandoient autre chose : parquoy une heure devant jour par ung samedy ou moys de septembre monterent a cheval, et firent bien quinze mille tout dune traicte, jusques a ce quilz viensissent au passage ou lespie les mena : mais se fut si couvertement quoncques ne furent apperceuz : et si cela estoit aussi pres du chasteau que la portee dung canon. La sembuscerent ou gueres ne furent quilz ouyrent une trompette au chasteau qui sonnoit a cheval, dont ilz furent bien resjouyz. Le bon chevalier demanda a lespie a son advis quel chemin ilz prendroient Il respondit. Quelque part quilz vueillent aller il fault par force quilz passent par dessus ung petit pont de boys qui est a ung mille dicy, que deux hommes garderoient contre cinq cens. Mais quilz ayent passe ce pont vous envoyerez de vos gens quelque peu pour le garder quilz ne retournent au chasteau, et je vous meneray par le derriere de ceste montaigne a ung passage que jescay, si ne fauldrez point a les rencontrer en la plaine entre cy & le palais de la royne de Chippre. Cest bien advise dist le bon chevalier qui demourera a ce pont. Le seigneur de Bonnet dist. Mon compaignon Mypont et moy le garderons sil vous plaist, et nous laisserez quelquesgens avecques nous. Je le veulx bien dist il. Petitjehan de la vergne et telz et telz jusques au nombre de six hommes darmes, & dicou douze archiers vous feront compaignie. En devisant sur ce propos vont adviser ses alabanoys & arbalestriers descendre du chasteau qui sembloient aller aux nopces et faire aussi beau butin comme ilz avoient fait depuis deux jours : mais il leur alla bien autrement comme vous orrez. Quant ilz furent passez Bonnet alla droit au pont avecques ses gens, et le bon chevalier avecques le reste de sa commpaignie sen alla droit au passage ou lespie le mena, qui si bien le guyda quen moins de demye heure leut rendu en la plaine ou on eust veu ung home a cheval de six mille loing. Si vont adviser environ la porterr dune longue coulevrine leurs ennemys qui marchoient le chemin de Vincence ou ilz poensoient trouver leur proye. Le bon chevalier appella le bastard du Fay son guydon, & luy dist. Cappitaine prenez vingt de noz archiers et allez a ses gens la escarmoucher. Quant ilz vous verront si petit nombre ilz vous chargeron nen faictes doubte Tournez bride faisant de leffraye & les amenez jusques icy ou je vous attendray a la coste de ceste montaigne, & vous verrez beau jeu. Il ne luy convint pas dire deux fois, car il scavoit le mestier de la guerre le possible. Si commencea a marcher tant quil fut apperceu des ennemys. Le capitaine Scandrebec joyeulx de ceste rencontre commencea a marcher fierement avecques ses gens tant quilz apperceurent les francois aux croix blanches. Si commencerent a les charger criant Marco marco, Le bastard du Fay qui scavoit sa lecon par cueur commencea a faire leffraye & a se mettre au retour. Il fut vivement poursuivy et de facon quil fut rembarre jusques a lembusche du bon chevalier, qui avecques ses gens larmet en teste
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et lespee au poing comme ung bon lyon vint donner dedans en escryant, France, France, empire, empire. De ceste premiere charge y eut de ses ennemys portez par terre plus de trente. Le premier assault fur dur et aspre, mais en fin les Albanoys et arbalestriers se misrent en fuyte le grant galop cuydans gaigner Bassan dont ilz scavoient fort bien le chemin. Silz faisoient leur devoir de courir les francois faisoient devoir de chasser, toutesfois trop bien alloient les chevaulx legiers, & eust le bon chevalier perdu sa proye neust este ce pont que gardoit Bonnet, lequel avecques son compaignon Mypont et les gens quilz avoient deffendirent le passage aux ennemus, de facon que le cappitaineScandrebec congneut bien quil falloit combatre ou fuyr a ladventure, ce quilz aymerent mieulx eslire, et se misrent en fuyte a bride abature, mais si bien durent les esprons chaussez quil fut pris soucante albanoys et rente arbalestriers avecques les deux cappitaines. Le demourant sen alla a travers pays vers le trvizan. En la compaignie du bon chevalier puis six jours avoit este fait archier ung jeune gentil homme du daulphine nomme Guigo guyfray filz du saigneur de Bontieres, lequel navoit point plus de seize a dixsept ans, mais il estoit de bonne rasse, et avoit grant desir densuyvre ses parens. Durant le combat il veit celluy qui portoit lenseigne des arbalestriers de Rynaldo contarin qui cestoit gecte au dela dung fosse et se vouloit sauver. Le jeune garson se voulut essayer & passa apres luy, et avecques sa demye lance luy donna si grant quil le porta par terre et la rompit. Puis mist la main a lespee, et luy escryoit. Rends toy enseigne ou je te tueray. Lenseigne ne vouloit pas encores mourir, si bailla son espee et son enseigne au jeune enfant auquel il se rendit qui nen eust pas voulu tenir dix mille escus. Si le fist remonter sur son cheval et le mena droit ou estoit le bon chevalier qui faisoit sonner la retraicte, et y avoit tant de prisonniers quil ne scavoit quen faire. Bonnet veit venir de loing le jeune Bontieres, & dist. Monseigneur je vous pris voyez venir Guigo, il a pris ung prisonnier et une enseigne, et en ces parolles arriva. Le bon chevalier quant il le congneut fut si ayse quoncques ne le fut plus, et dist. Comment Bontieres avez vous gaigne ceste enseigne et pris ce prisonnier. Ouy monseigneur puis quil a pleu a dieu, il a fait que sage de se rendre, autrement je leusse tue dont toute la compaignie se print a rire, mesmement le bon chevalier qui tant avoit dayse que merveilles, et dist. Bontieres mon amy vous avez bon commencement, dieu le vous vueille continuer, aussi a il fait, car depuis par ses vertus a este lieutenant de cent hommes darmes que le roy de France donna audit bon chevalier apres ce quil eut si bien garde la ville de Maizieres contre les gens de lempereur comme verrez quant temps sera. Apres ces propos le bon chevalier dist a Bonnet a Mypont au cappitaine Pierrepont lors son lieutenant gentil chevalier, sage et hardy, et aux plus apparens. Messeigneurs il nous fault avoir ce chasteau : car il ya gros butin