Les fantasies de mere Sote.
Cum privillegio regis
[1]
¶Ensuyt le privillege donne a pierre gringore dit mere sotte.
FRancois par la grace de dieu roy de france au prevost de paris, baillif de roue, seneschal de lyon et a tous autres justiciers et officiers ou a leurs lieutenans salut Receue avons humble supplication de pierre gringore conenant quil sest applicque a Ditter et composer ung livre intitule les fantasies de mere sotte ou il a vacque par long temps, et tant en ce faisant que aussi a faire pourtroire et tailleur plusieurs hystoires pour la decoration dudit livre & conformes aux matieres contenues en icelluy Ledit supplyant a emplye son temps & despendu de grans deniers, lequel livre ledit supplyant tant pour recouvrer partie de ses mises et vacations que pour donner plaisir et recreation aux lysans et escoutans les faictz contenus oudit livre il feroit voulentiers imprimer, mais il doubte que incontinent ladicte impression faicte que autres que ceulx a qui il en aura donne la charge le voulsissent semblablement faire imprimer et que par ce ilz emportassent le proffit de son labeur & vacation et que dicelluy il fust prive se par nous ne luy estoit pourveu et subvenu de nostre gracieux et convenable remede humblement icelluy requerant Parquoy nous ces choses considerees non voulans audit supplyant demourer inutil son labeur et vacation a icelluy avons donne & octroye, donnons et octroyons de grace especial par ces
[2]
presentes conge, licence, permission et octroy que luy seul puisse par telz libraires que bon luy semblera de nostredicte ville de paris, lyon, rouen ou autres faire imprimer ledit livre par luy dicte et compose intitule les fantasies de mere sotte durant le temps et terme de quatre ans prochain venans Et sans ce que autres libraires ne autres que ceulx qui auront de luy charge & licence se puissent ingerer imprimer ne faire imprimer ne vendre ledit livre ledit temps durant Si vous mandons et commectons par ces presentes et a chascun de vous sur ce requis endroit soy et comme a luy appartiendra que de noz presens grace conge, permission & octroy vous faictes souffrez & laissez ledit supplyant et ceulx a qui il aura donne charge de faire ladicte impression de sondit livre jouyr & user plainement et paisiblement Et faisons inhibicions et deffences a tous autres libraires et autres quelzconques sur grosses et grandes peines a nous appplicquer et de perdre tout ce quilz y mectront quilz ne ayent a imprimer ne faire imprimer ne vendre ledit livre ledit temps durant sans lexpres vouloir et consentement dudit supplyant Car ainsi nous plaist il estre fait. Donne a Paris le .xxviie. jour Doctobre Lan de grace Mil cinq cens et seize, et de nostre regne le deuxiesme. Par le roy a vostre relation.
Ainsi signe Des landes.
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[illustration]
[4]
[illustration]
CE qui ma fait en ma fantasie mettre
Plusieurs propos tant en prose que en metre
Cest que en leglise ay veu [ses]mes erreurs
Et sur les champs gens differens erreurs
Lors les lyens de julius rompirent
Dont serfz de mars en plorent et souspirent
Durant ce temps lansquenetz et gascons
Vuydoient tonneaulx, quartes, potz et flaccons
Laigle je vis porteur de doubles testes
Voller par tout et sans faire conquestes
Les ours aussi ravissans et rapteurs
Se disoient lors des princes correcteurs
[5]
Les albanois qui haulx chappeaulx portoient
Par mons et vaulx nuyt et jour estradoient
Je vis alemans flamens et hennoyers
Qui aux angloiys se rendoient souldoiers
Les espaignolz qui possedoient castille
Prindrent navarre et naples par castille
Le porc apic fist paix en plusieurs cours
Puis la mort vint qui le mist en decours
La salmendre eut premier an de son regne
Autant dhonneurs comme en mer a darene
Et le lyon sur la terrasse assis
Se monstra preux, gay, constant et rassis
Le tygre estoit a toute diligence
Contre ennemys prest faire resistance
Le cerf vollant sur pegasus volloit
De nuyt et jour en tous lieux vigilloit
Dedans ung pre se resposoit prudence
Qui en sa main tenoit par excellence
Trois trefles vers laquelle voulentiers
Oyoit conseil de doctes conseilliers
Dieu permit lors dominer sur la terre
Lhumble leon prest dapaiser la guerre
Que discord met entre les preux chrestiens
Voulant tascher a corriger payens
Cest que leur loy soit abollie, estaincte
En conquerant la noble terre saincte
Car pour ce faire a pardons ardonnez
Dont les humains peuvent estre guerdonnez
Quant ilz mourront ou quilz auront victoire
Selon les faictz est loeuvre meritoire.
[6]
¶Lacteur
APres grant dueil joyeusete acourt
Paix vient apres, noises, discordz, contens
Tel a le bruyt pour aucun temps acourt
Qui son plaisir le plus souvent a court
Les ungs y sont joyeulx autres contens
Il me suffit, mais ainsi que jentens
Deu naturel en fin fault que livrons
Allez de biens aurons et peu vivrons.
¶Tant de discordz nous avons veuz venir
Depuis dix ans et regner sur la terre
Quil nous en doit a present souvent
Et que fortune a fait plusieurs bannir
Les mutillant par ennuyse guerre
On appetoit facon et moyen querre
Desheriter lung lautre par envye
Lenvieux meurt, mais envye est en vie.
¶Leglise avons par fureur veue en armes
Et l noblesse eglise corriger.
Journees gaigner puis perdre les alarmes
Grans interditz sur princes et gensdarmes
Mauldire tost absouldre de liger
Princes mourir les subgectz en danger
Tout conquerir et faire a nostre poste
Mais au partir fallut compter a lhoste.
¶On a tant fait daccordz dappoinctemens
[7]
Crye la paix, mesmement feux de joye
Et en passer lectres et instrumens
Puis tout soubdain faire crys vehemens
Meurtrir, tuer, gens par champs et par voye
Passer la mer et les montz de savoye
Dont le soleil en est retrograde
Par foy mentye accor est degrade
¶Puis peu de temps mort a prins gens subit
Les grans seigneurs ont este en danger
Tel sest vestu dung precieux habit
Qui estoit fol de mauvais acabit
Voulant raison abolir, estranger
En soy vantant quil se vouloit venger
Sans que jamais on luy fist mal ou tort
Droit escript paix, et lenvieux la tord.
¶Plusieurs mignons avons veuz resjouys
Contrefaisans leurs langaiges et termes
Noz ennemys enmpetueux ouyr
Venir ves [eux], puis de crainte fouyr
Habandonner artilleries et armes
Dautres aussi, preux, vaillans, hardys, fermes
En demonstrant leur treshaulte proesse
Sans cueur francoys destruicte estoit noblesse.
¶Quatre vieillars avons veuz radotez
Qui ont eu bruyt, il fault noter ce compte
Dont les trois sont trespassez nen doubtez
[8]
De grans deniers aux humains on coustez
Car leurs subgectz leur ont fait maint mescompte
Quant est du quart on en tient peu de compte
Malheureux est, jamais beau fait ne fit
Deniers mal prins font bien peu de proffit.
¶Les justiciers nous avons veuz contrainctz
De juger gens a peines execrables
Comme volleurs et gens suyvans leurs trains
Rostir tous vifz parquoy se sont restraintz
De plus piller ne faire cas damnables
Force a voulu muer loix pitoyables
A la riqueur ainsi quon appercoit
Le fol ne croit, juc a ce quil recoit.
¶Las nous voyons en la foy catholicque
Gens desrigler qui est ung piteux cas
Le sainct esprit par la voix angelique
Nest plus patend mondanite practique
Dedans les cueurs delecteurs sonne cas
Volupte veult par escus et ducas
Regime avoir deglise sans subgectz
Oyseaulx de proye vallent bien peu sans gectz.
¶Les folz voyons corriger les gens saiges
Villains se font appeler escuyers
Gens sacrez font vilz naturelz ouvraiges
Les vicieux ont bruyt par grans deniers
Moynes, abbez chevauchent gros coursiers
[9]
Gens darmes sont sur les mulles montez
Cueurs feminins abolys eshontez
Larrons puissans greffiers sans justes taulx
Jeunes enfans mal regis, mal domptez
Et sans besoing on fait plusieurs assaulx.
¶Sans aulmosner riches sont desvoyez
Hommes prudens sans faire œuvre voyez
Et vieilles gens nayment religion
Les serviteurs desobeyr oyez
Riches ne font daulmosnes mencion
Mondains entre eulx meuvent contencion
On voit seigneurs sans vertu ne equite
Les fors puissans regnent sans chastete
Evesques sont negligens, paresseux
Les povres fiers, despitz et orgueilleux
Ung bien y est nous avons begnin roy
Sans discipline est peuple cauteleux
Et le commun veult corrompre la loy.
¶Ay je donc tort se je me fantasie
Quant je congnois telz choses, et regarde
Quil ny a nul present qui rassasie
Son cueur despit, et si mort de sa darde
Renverse humains el les tresperce et darde
En tous climatz a son fer agu mis
Penser devons que dieu a ce permis
Pour corriger noz faultes et forfaitz
De noz amys faisons noz ennemys
[10]
Bon nest porter trop pesant ou fort faix
¶Le resumer je ne me puis saouller
En esperant quon y prenne exemplaire
Car on ne voit riens stabille soubz ler
La ou il plaist a fortune voller
Monstrer se veult despite ou debonnaire
Notez quel fait ce que dieu luy fait faire
Non autrement, croire en ce point le fault
Saige est ui nest ne trop froit ne trop chault.
¶Les nobles preux selon noblesse nez
Le plus souvent endurent de grans maulx
On en congnoist qui sont bien fortunez
Veu en avons captifz de emprisonnez
Aussi daucuns nont gueres ny assaulx
Ceulx que on congnoist joyeulx et liberaulx
Ont bien souvent de la paix la conduicte
Selon le maistre on voit la mesgnie duicte.
¶Princes chrestiens voyons present unir
Dont adviendront des biens innumerables
Mais que chascun laccord vueille tenir
Et envyeux des nobles cours bannir
Deboutant ceulx qui sont irraisonnables
Expulser gens plains de plaisirs damnables
Qui ont desir en follye samuser
Jeunesse doit de vieil conseil user.
[11]
¶Qui le conseil de saige homme refuse
Merveille nest se en ce monde sabuse
En commectant peche abhominable
Vivre ne peult longuement quant il use
De son vouloir, car sa vie est confuse
Et sur luy vient maint cas esmerveillable
Ainsi quon voit par fantasie ou fable
Que lyre on peult en lescript de ce livre
Gens inconstans ne scauroient long temps vivre.
¶Qui veult regner longuement en honneur
Il luy convient les ditz du saige lyre
Avoir tousjours Jesus dedans son cueur
Et sil est fier non auxiliateur
A ses subgectz doit appaiser son yre
Ung homme yre qui veult peche eslyre
Laissant vertu na bon bruyt merite
Car yre empesche de dire verite.
[12]
[illustration]
UNg grant seigneur regna tout ainsi comme
Limperateur, car il fut prudent homme
Par le moyen dung saige clerc son maistre
Comme on le peult par fantasie congnoistre
Son hault renom par tous climatz volloit
Le cas est tel ainsi comme on parloit
[13]
De son povoir magnanime et prudence
Vertueux faitz estoit en la presence
Une princesse en aquillon regnante
Qui une fille avoit doulce et plaisante
Gente de corps tresbelle de visaige
Son doulx regard esmouvoit le couraige
Des regardans prendre delict charnel
Verite est, je treuve le cas tel
Que icelle fille avoit contre nature
Mange tousjours viande et pourriture
Metz tresinfectz sans tenir long blazon
Nourrye nestoit que dordure et poison
La fille fut a lempereur menee
Luy obeyr tout determinee
Cest assavoir dacomplir son plaisir
Quant il la vit esmeu dardant desir
Fut desirant de prendre son delict
Humainement couche dedans son lict
Et ce voyant son maistre prudent, saige
Le reprint lors ainsi que avoit de usaige
En luy disant que ce sa vie touchoit
Et se une foys avec elle couchoit
Il en mourroit voire soubdainement
Limperateur sesbahyt grandement
Du prompt parler du saige, et a grant peine
Croire vouloit que telle fille humaine
Si luminante en beaulte si pompeuse
Fust au toucher si ordre et dangereuse
Et ny veoit aucun cas apparent
[14]
Mais le clerc saige ostant ce different
Requist mander ung homme condampne
A souffrir mort, conge luy fut donne
De sesjouyr, et de passer le temps
Avec la fille ainsi comme jentens
Incontinent que sa bouche approucha
Pour la baiser mort au lieu trebuscha
Dont lempereur de ceste grant merveille
Sesbahit fort, onc nen vit la pareille
De son recteur tint lors je vous promectz
Compte plus grant quil navoit fait jamais.
¶Fantaisie sur ceste histoire
NOus figurons cest empereur puissant
A ung chrestien en vertu florissant
Prest de scavoir maint cas esmerveillable
Lequel combat la chair, le monde et dyable
Pource quest plain damour de charite
Sans ce quil soit contre nul irrite
Et si parler de la royne voulon
Qui avoit bruyt tresgrant en aquillon
Soustenir fault quel est signifiance
De grans tresors et biens en habondance
Que lhomme pevent spirituellement
Livrer a mort et corporellement
Car les grans biens font de chair nourriture
Par quoy sesmeult la fragille nature
Dhumanite qui va mauvais chemin
[15]
La fille estant nourrie dinfect venin
Pour gloutonnie ou se nourrit luxure
Nous la prenons a lame est aigre et sure
Avoir ne fault a elle intelligence
Le clerc aussi pour la nostre conscience
Qui contredit a toutes voluptez
Obediens soyons donc reputez
Obtemperons a nostre bon vouloir
Desir charnel mettons a nonchalloir
Considerons que sommes viande a vers
Le malfaicteur pour ung homme pervers
Obstine fol adveugle tellement
Quil ne luy chault pecher publicquement
Et ce voyant le seul dieu plasmateur
Permet la mort dicelluy malfaicteur
Qui prend plaisir en ses charnelz delis
Gens vicieux en fin sont abolis.
Lacteur.
¶Princes seigneurs conseillez vous aux saiges
Par ce moyen maintz dangereux passaiges
Eviterez, mais se autrement le faictes
Sur vous, voz gens viendront pertes, dommaiges
Dame et de corps, ditz serez plains doultraiges
Derreurs, de horreurs, de mauvaistiez infaictes
Des haulx seigneurs on cronique les gestes
Apres leur mort on les lyt a toute heure
Le bon renom ou le mauvais demeure
¶Au temps present tresgrande mesprison
[16]
Commettre on voi qui entend bien le cas
Car on congnoist qua tort et sans raison
En paliant usant de beau blason
Emposonnez ont este maintz prelatz
Princes, seigneurs cuidant prendre soulas
Sont mors soubdain, mes motz bien practiquez
Dangereux sont francois ytaliquez
¶Voyons nous pas regner aucunes femmes
Lasches de cueur si viles si infames
Que devant eulx voient filles violler
Pensez y bien ilz damnent triples ames
Dedans ce monde et en lautre en ont blasmes
En puanteur se veullent consoller
Leur chair, leur sang voient meurtrir affollee
Pour or, argent, vins et nouvelle viande
Nul bien ne vient dune femme gormande.
¶or voyons nous tracasser macquerelles
Sur le pave offrant filles pucelles
Pour violler par officiers marchans
Juges prudens qui scavez choses telles
Pugnir devez leurs faultes criminelles
Et les chasser hors des villes aux champs
Car ceulx qui sont de leur bouche approchans
En leur touchant tuent les ames et corps
De folle amour en fin viennent discors
¶Femmes voyons qui les femmes decoivent
[17]
Et les maris souvent sen appercoivent
Bien peu leur chault son fait telle entreprinse
Ilz sont certains que telles femmes boivent
A leurs despens, touteffois ilz recoivent
Aucuns deniers, ce leur esprit aguise
Cupido vient son brandon sec atise
Venus le suyt une grant flamme alume
Feu nest si cler qui a la fois ne fume
¶Femmes qui sont ainsi determinees
Sabandonner pour plaisance mondaine
On les estime arides chaminees
Ou busches sont par brazier effumees
Fumees gectans en puanteur villaine
Voullans humer a venimeuse alaine
Luxurieuse en cueur qui les honnit
Tous obstinez pescheurs dieu les pugnit.
¶Ceulx qui veullent plusieurs pechez commettre
Luxurieux et faire violence
Devant leurs yeulx le saige homme fault mettre
Icy se prent pour la nostre conscience
Si vous supply se aucun y a qui pense
De faire mal les ditz du saige notte
Bien est heureux qui chez soy a bon hoste
¶Des fantasies et variabletez des filles.
[18]
[illustration]
UNg grant seigneur fantasieur rememora la fragillite femenine regardant la formosite beaulte et pulchritude dune seulle fille qui avoit considerant quelle devoit parvenir a son royaulme & seigneure. Tant aymoit sadicte fille que impossible est a pere desirer plus lhonneur, le bien, sante et prosperite de son enfant. Si pensa en soy mesmes que pour la garder plus seurement luy feroit preparer dedans son chasteau une chambre bien acoustree. Ce quil fit, et esleut cinq preux chevaliers ses feaulx a qui il bailla la
[19]
garde de sadicte fille affin se quelque envieux ou decepteur par parolles souefves ou blandies venoient pour la decevoir, suborner ou prendre aforce quilz y fissent resistance. Encore pour estre plus fors et hardis a ce faire les fit armer de precieuses & vertueuses armes. Les chevaliers ainsi noblement acoustrez par le voulour de leur prince et seigneur luy firent promesse garder sa fille nuyt et jour a leur povoir laquelle promesse pleut tresfort audit seigneur, mais encore pour leur donner meilleur couraige ordonna en oultre que a lentree de lhuys de la chambre fust pendue une lampe qui rendoit continuelle clarte affin se quelcun venoit nuytamment pour la suborner que les chevaliers ne eussent excusation de lavoir laisse ravir hors de la chambre. Puis de rechief establit quil y auroit pres de son lict ung chien bien aboyant et rebelle afin que se quelcun se vouloit latirer ou musser secretement et les chevaliers fussent endormis il les resveillast par hurlemens, crys ou abboys. En ceste chambre ladicte pucelle fut mise et nourrie delicativement, touteffois elle desiroit a veoir choses mondaines et joyeuses, car apres ses repaps et repos ne souhaitoit que faire a son plaisir et fantasie disant en ceste maniere.
De quoy me sert la mondaine richesse
Estre paree acoustree gentement
Quant je ne suis avec gens de noblesse
Pour vivre en joye et parfaicte lyesse
Prenant plaisir, soulas, esbatement
Nourrie je suis delicativement
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Mais sans cesser nature me admoneste
Fille seullete a maint penser en teste
¶Cupido vient son arc bende desbende
Sur moy tirant sagettes empennees
Venus me dit que hommaige je luy rende
Nature veult que a leur vouloir entende
Aussi leurs lois treuve bien ordonnees
En attendant filles sont guerdonnees
Mais que men chault ma jeunesse se passe
Lennuy trop long beaulte humaine efface
¶Aux nopces voy dames et damoiselles
Qui passent temps en banquetz et convys
Mon desir est de mesbatre avec elles
Pour passer temps et ouyr des nouvelles
Du dieu damours dont font souvent devis
Helas helas certes il mest advis
Que par trop suis subjecte, brief je vois
Que ce quon ayme on pert souventesfois
¶Lacteur.
CEste fille estant en ceste pensee penetrative mettoit souvent la teste hors de la fenestre desirant veoir aucun grant prince, seigneur ou chevalier pour passer temps et deviser ensemble affin de recreer son esperit qui se fantasioit, mais quant avoit long temps fische son regard sur les plains chemins et sentes mesmement sur boys, prez, landes, taillis & voyes obliques et ne voyoit aucun a qui elle peust dire ses gra
[21]
cieuses complainctes et amoureux pensers et desirs affectueux se retiroit comme fachee, ennuyee & fantasiee. Aucunesfois se gectoit sur ung lict cuidant prendre repos, mais impossible luy estoit, et breif elle ne scavoit quelle contenance tenir. Apres elle se mectoit sur ung banc ou elle contemploit et regardoit plusieurs tapisseries ou estoient figurees et painctes anciennes et nouvelles hystoires, maus peu y prenoit de plaisir par quoy incontinent esmeue dardant desir retournoit a la fenestre pour faire regards lubriques esperant que quelcun passeroit par la a qui elle racompteroit ses complainctes, car cueur courrource ou ennuyeux est se luy semble descharge quant il a dit a quelcun sa pensee. Sur ceste fantasie passa par la ung grant et puissant prince qui venoit de lesbat & si tost quelle lapperceut pensa comment elle pourroit trouver facon quil adressast son chemin vers elle considerant que ce neust pas este son honneur de lappeller. Si luy sembla pour le plus couvert quelle chanteroit une chancon et que ainsi comme loyseleur par son flaiol ou pipe decoit loyseau et le prent a la pipee ainsi par son chant attrairoit a son amour ledit prince esperant que se il estoit joyeulx et recreatif prendroit son chemin vers elle et la pourroient ensemble deviser de choses humaines et naturelles & estoit la chanson telle.
¶Chanson e nfacon de rondeau.
PEnsive suis frappee dung subtil dart
Et nay science ou abilite de art
Doster mon cueur damoureuse poincture
Se ne compaitz a ma dame nature
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Qui mon esprit nuyt et jour brusle et art
¶En plisueurs lieux je gecte mon regard
Et si ne voy nul qui me dye dieu gard
En ce beau lieu ou prens ma nourriture
Pensive suis.
¶Je vouldroye bien ouyr quelque brocart
Dung gay amant, secret, plaisant, gaillart
Qui fust hardy dassaillir ma closture
Preste seroye en faire louverture
Car trop mennuye actendant ce hazart
Pensive suis
¶Lacteur
TAndis que ceste fille amoureuse et plaisante verbioit la chanson predicte Le prince qui venoit de lesbat ouyt la resonance de la voix humaine et eut fantasie le plus secrettement quil se peust faire approche pres le lieu ou estoit la dame esperant jouyr delle, car il prenoit singulier plaisir a ouyr son chant armonieux Si approcha si pres quil apperceut que les cinq chevaliers armez qui avoient a garde estoient endormys et en estoit cause la dame, car elle les avoit nourris & repeuz au paravant de viandes exquises, vins fumeux et delicatz qui les contraignit a dormir Ce qui enhardit et donna couraige au prince dapprocher pres delle en telle maniere quil povoit facillement deviser a son plaisir et contempler sa beaulte, et incontinent la re
[23]
garda de ses yeulx impudicques, et elle dung regard attrayant, ainsi furent tous deux pasmez en lamour lung de lautre Touteffois le prince et seigneur parla a elle luy disant sa fantasie qui fut telle.
CUeur feminin celluy seroit heureux
Qui jouyroit de vostre plaisant corps
Mon vouloir est par faitz chevalereux
Vous conquerir comme vray amoureux
De ceste tout vous transporteray hors
Mais icy sont cinq chevaliers tresfors
Vous preservant et une lampe ardante
Mesmes ung chien jen suis assez recors
Bien abbayant cest cela qui mespante.
¶Or y je espoir ma maistresse et ma dame
Que sil vous plaist de vous je jouyray
Icy navez aucun reconfort dame
Finesse nest que ne treuve une femme
Saillez dehors je vous resjouyray
Aymez moy donc et je vous serviray
Car fort me plaist vostre noble noblesse
Passer le temps par tout vous meneray
Icy perdez vostre fleur de jeunesse.
¶Se possible est trouvez facon, maniere
De vous oster de ce lieu solitaire
Et nous ferons ensemble bonne chiere
Car sans doubter serez mamye tres chiere
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Mon plaisir est a vostre vueil complaire
Ce lieu est clos, ce ne vous scauroit plaire
Vous ny avez passetemps ny esbat
Laissez le tost, et nou deux yrons faire
En autre part ung amoureux sabat.
¶Lacteur.
CEste fille oyant le grancieux devis du prince et regardant so namoureuse contenance mua couleur et fut incontinent ravye et frappee de son amour, se delibera de obtemperer a sa voulente, touteffois fut par aucune espace de temps toute fantasiee, puis apres parla a luy gracieusement ainsi quil sensuyt.
PRince puissant mon pere ma cy mise
En me baillant cinq chevaliers pour garde
Folle seroye de sens peu rassise
De le courcer, vela ou je regarde
Et touteffois aussi lheure me tarde
Que ne suis hors dicy, car je congnois
Que la fain fait saillir le loup du boys.
¶Jay grant desir de veoir choses mondaines
Rire, chanter, passer temps et mesbatre
Les filles ont des fantasies soubdaines
Il est bien fol qui cela veult debatre
Icy croupir a la cendre ou a lastre
Sans sesjouyr cest rompement de teste
[25]
Acomplir fault raisonnable requeste.
¶Cinq chevaliers qui ont garde de moy
Jay endormys par mon chant gracieux
Or ne soyez plus de rien en esmoy
Vous jouyrez de mon cueur precieux
La lampe ardante illuminant ces lieux
Verrez souffler, et ce chien qui abboye
Mettray a mort quon ne ous pye et voye.
¶Lacteur.
Ceste fille fantasiee dune amour libidineuse sans regarder la fin de son œuvre ne considerer lentreprinse quelle faisoit regarda les cinqchevaliers tous armez endormys. Et incontinent delibera de estaindre la lampe, ce quelle fist, puis print ung glaive duquel furieusement occist son chien qui abbayoit Incontinent sen alla avecques so namoureux qui layma dune amour deceptive Et furent par aucune espace de temps ensemble en lieux deshonnestes et publicques acomplissans leurs voluptez et desirs charnelz en deshonnestes parolles et villains atouchemens. Le jour ensuyvant fut faicte grande clameur par le palais royal pour la perte dicelle tant que les nouvelles en vindrent jusques a son pere. Et quant il fut certain de labsence et perte de sa fille quil aymoit de vraye amour se courrouca tresfort en disant.
[26]
O Que as-tu faut fille mal conseillee
Qui as souffert estre ravye, pillee
Sans te vouloir nullement revencher
De mon palais royal es exillee
Par lieux vagans ainsi que desriglee
Vas tracassant, en meurtrissant ta cher
Je te aymoye tant jestoye ton pere cher
Ta gloire pers, ton bruyt seffacera
Qui honte craint sans honneur ne sera.
¶Ton vicieux depart si fort margue
Quil men survient pensee si ambiguë
Que aucunesfois te couhaitte ta mort
Mais tout soubdain pitie me redargue
En me disant que pensee si ague
Doys expulser, vela qui me remort
Et mesmement fragilite qui mort
Le feminin est cause de ce blasme
Trop aise fait varier mainte femme.
¶Tu passoyes temps en mon palais royal
Du bien souvent dung vouloir cordial
Revisiter doulcement te venoye
Des biens avoyes, et par especial
Mamour qui est ung don si liberal
Que qui lacquiert il vit sans fin en joye
Et maintenant fault il que dire je oye
Grace obtenir es reputee indigne
Le malheur vient a cil quil le machine.
[27]
¶Lacteur
LE pere de la fille tout fantasie resida en son palais delicieux courrouce & marry contre elle Et ce voyant ung preux chevalier qui avoit ladministracion et gouvernement de la justice imperialle adverty de loffense que la fille avoit commise en contemnant son pere et loultrecuidance du prince descepteur et rapteur dicelle se arma de precieuses armes & courut legierement apres eulx et en fist telle poursuyte quil les trouva joinctz & unys ensemble. Quant le prince apperceut le chevalier il tira son glaive et se mist en deffence Car le chevalier monstroit semblant et maniere quil le vouloit combatre vertueusement & venger le pere de loultrage que le prince luy avoit fait en luy ravissant et subornant sa fille excusant sa fragillite. Tant combatirent lung contre lautre que en fin le prince fut vaincu par le chevalier et luy couppa la teste, puis ramena la fille au palais de son pere qui fut long temps sans oser regarder la face de sondit pere Mais continuellement gectoit regretz et souspirs, fondante en larmes, comblee de dueil, taincte de courroux, pasmee de gemissemens en disant.
JAy cource trop mon pere qui ma faicte
Dont me repens de voulente parfaicte
Ma coulpe en batz, fort me desplaist loffense
Maintenant suis gastee, pollue, infaicte
Totallement et de vertu deffaicte
Incessamment a mon meffat je pense
[28]
Me prsenter par devant la presence
De monseigneur ne me oste touteffois
Il me desplaist de linobedience
Et me repens de mon inscipience
Mon peche grief considere et congnois.
¶Meurtriere suis et de moy larronnesse
Jay lapme ardante et luminant sans cesse
Soufflee, estaincte, et cinq preux chevaliers
Contrainctz dormir. O povre pecheresse
A tousjours mais doys lamenter sans cesse
Gectant larmes par cens et par milliers
Secrete mort souffriroye voulentiers
Tant doubte et crains lyre de mon chier pere
Car il navoit privez ne familliers
Qil aymast mieulx que moy, mais les sentiers
Que jay suyvis me font grant vitupere.
¶O que as-tu fait ? ton pere te desprise
De ton malfait tu as este reprise
Repense toy donc, helas amende toy
Considerant comme as este surprise
Et le rapteur qui ta ravye et prise
Succombe est caus as de prendre esmoy
Mon pere plus ne tient compte de moy
Sa fille suis, fille que dois tu dire
Offense as pere empereur et roy
Ou te est tu mise, en trespiteux arroy
Las je crains trop de mon geniteur lyre.
[29]
¶Lacteur.
Ceste fille de cueur contrit plongee en larmes soy repentante de la faulte que avoit commise envers son pere ne scavoit quelle contenance tenir, mais tandis que elle gectoit ses cris, regrets et plaintes estoit pres dicelle ung prudent conseiller de so npere qui eut pitie de ouyr telles lamentacions & saprocha pres delle en la reconfortant doulcement Et si sa coustume estoit telle destre mediateur de faire paix a ceulx qui avoient offensee la sacree majeste imperialle Si promist a la fille de faire sa paix envers son pere pourveu quelle fust deliberee de ne le plus offenser Ce quelle promit dung ferme propos. Ainsi ledit mediateur trouva facon et maniere de avoir acces au pere delle, et apres quilz eurent devise de plusieurs choses ladvertit comme sa fille se repentoit de son malfait promectant ne loffenser jamais luy supplyant que se fust son plaisir luy pardonner ses meffaitz. A la priere duquel mediateur son pere luy pardonna et l areceut comme devant Et oultre pour luy faire plus de plaisir la maria a ung tresillustre, noble et puissant prince voulant pour la solennite du mariage faire grande assemblee de princes, seigneurs, chevaliers, escuyers, dames et damoiselles et faire preparer ung excellent banquet. Or advint que lespousee estoit assise en une chaire richement paree actendant lesditz princes & seigneurs pour recevoir ses estraines ainsi quil est acoustume de faire Par quoy son pere se delibera de luy faire present dune riche robe appelle pomite bordee de lectres dor et estoit lescript tel. Je tay pardonne ny re
[30]
tourne plus. Ung roy qui estoit present aux nopces luy donna une couronne ou estoit escript. Et moy ta dignite. Le chevalier ou propugnateur qui lavoit ostee des mains du rapteur luy donna ung anneau ou estoit telle escripture. Je tay aymee appres a aymer. Du mediateur qui fit la paix envers son pere receut ung autre anneau ainsi escript. Que ay je fait, combien, pourquoy. Le filz du roy luy presnta ung autre anneau ainsi escript Tu es noble, ta noblesse ne contempne pas. Son propre germain luy donna ung autre anneau dont lescripture estoit telle. Vien a moy, ne ayes paour, je suis ton frere. Son espoux la voulut douer dung signet dor ou estoit escript. Maintenant est conjoincte garde toy de plus pecher. La fille du seigneur ainsi acoustree de vestemens et joyaulx se gouverna sagement avec son espoux et garda les dons que on luy avoit donnez jusques a la mort par ce moyen fut aymee de tous & fina ses jours en paix.
¶Sens moral a lhistoire precedente.
ON pourroit entendre par ceste exemple et prendre ce grant seigneur pere de la fille pour le roy celeste, cest assavoir dieu le createur qui est roy des roys et segneur des seigneurs cest nostre pere qui a puissance sur nous, car il nous a creez. La fille seulle heritiere du royaulme de son pere peult signifier lame raisonnable & les cinq chevaliers noz cinq sens de nature. Les armeures dont sont armes signifient la vertu que lhomme recoit quant il prent le sainct sacrement
[31]
de baptesme institue et ordonne par le precurseur de nostre saulveur et redempteur Jesuchrist et conferme par icelluy jesus, et lesquelz cinq sens sont la veue, louye, lordorement, le goust et le tast qui sont commis pour garder lame raisonnable contre la chair, le monde & le dyable La lampe ardante est la voulente de dieu qui est que lame raisonnable soit ardante en son amour faisant bonnes œuvres et operations affin quelle ne consente a peche. Le petit chien se prent pour la conscience qui doit resister ou recalcitrer contre les pechez, mais nous voyons que lame voullant veoir les mondanitez humaines nappete que de saillir hors des limites de raison, ce quelle fait incontinent quelle commet quelque chose contre le divin commandement et est incontinent subornee du prince que prenonns icy pour le dyable prince denfer rapteur qui la reduit a la voulente infernalle et par ainsi la lampe de bonnes œuvres est estaincte, et le petit chien bien abbayant qui est nostre conscience meurtry et tue. Par ce moyen ou propugnateur signifie nostre saulveur et redempteur jesuchrist qui veult combatre pour lame raisonnable, car il ny a point dautre qui combate pour nous fors dieu nostre seigneur Le chevalier qui batailla contre le duc sentend que dieu batailla pour nous contre le dyable et a vaincu le rapteur en ramenant la fille au palais de son pere qui est le palais celestiel Le saige mediateur qui fist la paix entre lempereur et sa fille figurons a jesus comme dit lapostre qu le mediateur du dieu et homme fut jesus en prenant nostre humanite lequel jesus est filz de dieu comme dit le psalmiste
[32]
Tu es mon filz je tay ennuy engendre. Pareillement le cousin ou frere germain de lame raisonnable figurons a jesus nostre redempteur. Aussi lespoux de lame a nostre saulveur et redempteur jesuchrist lequel lespousa en vraye amour de fidelite. La fille est reconsillee a son pere, cest a dire nostre ame est reconsillee a u pere celestiel et appellee a paix. De luy avons receuz les dons dessusditz, premierement la robe polimite Cest assavoir sa digne chair Car par flagellation, crueur et plusieurs autres tourmens la robbe polimite Cest a dire la robbe de humanite dont nostre saulveur et redempteur jesuchrist aorne descripture sanguine sestoit vestu et estoit lescript tel. Je tay rachaptee de mon propre sang precieux, et ne te demande pour tout mon salaire que ne retournes plus a peche. La robe polimite de joseph nestoit taincte que de sang sainct, cest assavoir de sang de bestes irraisonnables, mais la mienne est taincte et abruvee de mon propre sang tire de mon corps par crueur. Cestuy jesucrist nostre roy nous a donnee une glorieuse couronne quant souffrit estre couronne ainsi quon peult apercevoir par lescript pose en la couronne de la fille de lempereur, qui est, & moy ta dignite. Ce fut pour nous chose digne & precieuse quant il voullut aller pour nous au lieu de tourment portant couronne despines sur son chef Aussi jesuchrist est nostre propugnateur, batailleur & deffendeur qui nous a donne ung anneau cest le pertuis de sa main dextre & peult on apercevoir que a juste cause y estoient escriptz telz motz, je tay aymee aprns a me aymer. Nous povons bien entendre que jesus nous a aymez en tant quil a lavez noz pechez par son sang respendu, aprenons
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doncques a laymer, et se nous laymons bien nous ferons ses commandemens. Jesuchrist aussi est nostre saige mediateur qui nous a donne ung autre anneau cestassavoir le pertuys de sa main senestre ou est escript Que ay je fait, combien, pour quoy je me suis humilie prenant la forme de serviteur Pour quoy me suis-je fait homme sinon qaffin que je rachetasse par les payes de mes mains lhomme perdu ? Jesuchrist filz de leternel roy est nostre frere qui nous a donne le tiers anneau, cestassavoir le pertuys de son pied dextre ou est escript Tu es noble ne contemne point ta noblesse. Certainement jesuchrist est nostre germain & nous a donne le quatriesme anneau, cest assavoir le pertuis du pied senestre auquel i lest escript. Approche nayes paour je suis ton frere Jesuchrist aussi est nostre espoux, il nous a donne ung signet auquel lheritaige de nostre ame son espouse est baillee, cest a dire les palyes de son coste parce de lance ou estoit tel escript. Tu es conjoincte a moy par misericorde ne vueilles plus pecher. Estudions tandis que sommes en ce mortel monde a bien garder les joyayulx que ostre redempteur jesuchrist nous a donnez affin que nous puissons dire. Sire tu nous as baillez cinq tallens en vecy cinq autres que nous avons gaignez par yceulx. Et ainsi sans faulte apres la mort corporelle pourrons acquerir eternelle gloire.
¶Lacteur.
PRinces puissans se voullez garder filles
Ne les souffrez parler toutes seullettes
Avec mignons, car ilz sont difficielles
A les garder pose quelz soient subtilles.
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Par beau parler a vices sont attraictes
De les laisser enfermees seullettes
Nest point requis, nature les esmeult
Qui saigement nourrir ses filles veult
Faire leur fault quelque science apprendre
Pour se occuper, car fille par ce peult
Passer le temps sans envers dieu mesprendre.
¶En femme oysive est laschete diffame
Tant noble soit, car ainsi que jentens
Le fresle corps qui est subgect a lame
Ne veult souffrir quon le deprime ou blasme
Lame et le corps font noises et contemps
Mais dieu pugnit tout a heure et a temps
Quant il congnoist que lame est obstinee
Et quel sen part faire sa destinee
Avec le duc, cest le prince infernal
Se el se repent bien tost est ramenee
Soubz le povoir puissant imperial
¶Le corps subgect a lame est sans doubtance
Et nous voyons lame se assubgectir
A nostre corps, ayons donc congnoissance
Du hault povoir de lame, repugnance
Faisons du corps a mal veult consentir
De ce corps peult mortalite sortir
Et nostre ame est sans doubter immortelle
Ne perdons pas gloire perpetuelle
Pour satiffaire a chose transsitoire
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Dieu nous a fais de forme naturelle
Et si aurons se a nous ne tient s floire.
¶le doulx jesus plusieurs joyaulx nous donne
Que nous devons garder soigneusement
A nostre vueil ses biens nous habandonne
Quant le prions tous noz meffaitz pardonne
Il est puissant, sapient et clement
Obeyssons a son commandement
Puis quil nous peult en leternel demaine
Place donner, laissons la vie mondaine
Qui passe ainsi comme vent ou fumee
Certains voye vault mieulx que lincertaine
Dur est laisser la chose asouctumee.
¶De justice et misericorde.
Princes seigneurs doyvent bien regarder
A quelz recteurs baillent gouvernement
De leurs subgectz, silz le font autrement
Lyre du ciel ne pourront evader
Or voyons nous advocatz proceder
En jugemens causes irraisonnables
Or qui vouldroit a telz gens accorder
On gecteroit des jugemens dampnables
Juges soyez des povres pitoyables
Qui ont bon droit abregez leurs proces
Car si souffrez que par vous ayent exces
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Chambre prenez avecques tous les dyables.
¶Or voyons nous juges vindicatifz
Qui par despit font plusieurs jugemens
Obeyr fault a leur commandemens
Quant sont despitz, rebelles et hastifz
Les autres sont mornes, songears pensifz
Qui ont le cueur a traper pecune
En commettant plusieurs cas excessifz
Pour seslever sur le roue de fortune
Aucuns ont bruit qui tiennent e la lune
Eviter fault de telz gens les chaleurs.
Tout en ce point que aveugles des couleurs
Veullent juger se a quelcun ont rancune
¶Nous en voyons qui sont si paresseux
Que abusent gens par leurs subtilz blazons
Vingt ou trente ans gardent en leurs maisons
Porces en sacz, telz gens sont vicieux
Chascun congnoist qui laissent mourir ceulx
Qi ont bon droit en grant necessite
Prenans presens comme malicieux
Pour differer de juger verite
Lhomme qui est de grant auctorite
Et au povre a debat proces ou plet
Si par argent ou par amys complet
A juges faulx il sera herite
¶Paresseux sont quant ilz ne daignent lyre
[37]
Aucun proces sil y a conjecture
Jugemens fontsouvent a ladventure
On doit doubter de telz justiciers lyre
Princes gardez telz justiciers eslire
Car aucun bien nen vient a la parfin
Ilz craignent trop de la verite dire
Contre parens ou quelque amy afin
Or ny a il si ruse ne si fin
Se muny est de bien meuble ou de terre
Quil ne luy faille avoir proces ou guerre
Et fust il pape, empereur, rou, daulphin.
¶Le juge doit bein observer la loy
Sans la casser, mais juger justement
Ne souhaicter ny aumer ardamment
Bagues, joyaulx, or, argent ny alloy
Quant jugeras les hommes pense a toy
Que dieu tout bon misericordieux
Est aux humains, helas cest nostre foy
Et sans laquelle on ne parvient aux cieulx
Juge est esleu en ces terrestres lieux
Et tu scais bien que dieu plain de concorde
Te doit juger, se fais misericorde
Il mest advis que tu en vauldras mieulx
¶Exemple de misericorde et de justice
[38]
[illustration]
UNg juge en fantasiant ordonna telle loy que qui prendroit une femme a force ou violence il seroit a la voulente de la partie offensee declairer le violateur estre digne de mort ou le prendre a mary sans douaire. Le cas advint que deux filles estoient couchees ensemble seulles en une maison et avoient oublye a penser a la fermeture dicelle. Durant le temps quilz estoient en leur premier somme arriva ung jeune filz qui les trouva seulles, se delibera davoir leur compaigniecharnelle, et ainsi quil sefforcoit de ce faire
[39]
sesveillerent toutes esmeues et estonnees Le jeune filz leur declaira son vicieux desir, mais pour priere quil leur sceust faire ne se voulurent consentir a sa voulente desordonnee, il leur fist plusieurs doulces requestes et promesses dont tindrent peu de compte, & quant il vit quil ne les povoit attraire a sa voulente par beau parler leur fist plusieurs menasses, mais il perdoit temps ? Quant il vit quil nen povoit jouyr par beau parler ne menasser et que lune senfuyt en une garde robe il trouva moyen de lenfermer Ce temps pendant alla vers lautre et la viola Et ce fait sadressa a lhuys de ladicte garde robe que lautre fille tenoit ferme contre luy, si le rompit, entra dedans et pareillement la viola, puis se partit & sen alla a son adventure sans redoubter son enorme peche Or est ains ique lesdictes deux filles toutes deschevelees, plorantes et gemissantes la perte de leur pucellaige quilz ne povoient recouvrer Allerent faire leurs complainctes devant le juge Lequel du cas adverty mesmement du nom du violateur y envoya ses sergens qui firent la dilligence de le trouver et le amenerent decant le juge Et icelluy interrogue sur ce cas confessa sans jehaine ne troture avoir commis la defloration. Le juge demanda a lune des filles quelle estoit sa voulente. Sa responce qut quelle vouloit quil fut mys a mort selon la loy. Pareillement le juge demande a lautre fille quelle estoit sa voulente. Sa response fut quelle estoit contente le prendre par mariage selon que la loy lavoit ordonne. Celle qui pourchassoit sa mort dist au juge. La loy veult et ordonne que quiconques prent une fille par violence il doit estre mene a lexe
[40]
cution patibulaire Cest a dire au lieu determine pour souffrir mort, si vueil que cestuy violateur y soit mene et execute comme il est dit en la loy. Lautre fille luy respond. Il est vray que la loy dit et determine que tu ayes ta demande, mais aussi qui vouldra garder la loy jauray la mienne, et pource que ma peticion ou demande est plus petite et charitable il me semble que le juge donnera sentence pour moy si demande le benefice de la loy. Le juge ouyt le differant des parties en considerant la fragillite humaine meu de pitie et misericorde permist a la fille qui vouloit avoir a mariage le violateur le prendre a mary selon la loy, ce qui fut fait et depuis le gouvernerent vertueusement et regnerent paisiblement jsuques en l fin de leurs jours.
¶Exposition et sens moral a lhystoire prealleguee.
ON pourroit fantasier et entendre par ce juge nostre saulveur & redempteur Jesuchrist qui a deffendu tout peche mortel sur peine de mort eternelle Car sa loy est telle comme ung chascun chrestien scait ou doit scavoir Le violateur signifie lame dung chascun pecheur Car si tost quelle part du corps humain elle treuve deux filles, cest assavoir justice et misericorde quelle ravit et prent Puis toutes deux viennent devant le juge ou est amenee lame du pecheur. Justice alleuge contre lame du pecheur quelle doit estre condamnee a souffrir mortet peine eternelle selon la loy. Mais
[41]
misericorde divine allegue que par contriction, confession et satisfaction lame sera saulvee. Et pource estudions a plaire a dieu affin que ne soyons jugez selon la rigueur de justice, mais saulvez par sa misericorde sil ne tient a nous Car le juge qiu est nostre redempteur jesuchrist ne refuse misericorde a ceulx qui luy demandent de bon cueur.
¶Lacteur.
AU temps present regnent violateurs
Dont on ne fait quelque pugnition
Illes en font bien peu de mention
Car force argent ont de riches rapteurs
On les pourvoye a daucunsserviteurs
Qui sont daccord de les croire pucelles
On voit assez de mondains decepteurs
Filles gaster par blazons et cautelles
Et sans penser aux offences mortelles
Desir pervers commys et grief malice
Mais en la fin la divine justice
Le pugnira silz font plus choses telles.
¶Pose que christ misericorde face
Aux penitens et estende les mains
Justice veult pugnir pecheurs humains
En leur monstrant espouventable face
Violateurs justice vous menace
Hels il est tant de filles gastees
Que on peult trouver en la publicque place
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Gentes de corps, parees et eshontees
Nen faictes plus, trop en est de notees
Bien est requis que notez ceste clause
Que des pechez quilz font vous estes cause
De leur salut ilz sont par vous ostees
¶Vierge gastee on ne peult reparer
Fille heureuse est qui virginite garde
Des biens aura sans doubte quoy quil tarde
Dieu permect delle se separer
Mais place au ciel luy vouldra preparer
Et lespouser comme sa chiere amee
Honneur est prest la vestir et parer
El sera fille a justice clamee
Mais sans doubter la fille diffamee
Pour son plaisir desplaist si fort a dieu
Quil ne la peult veoir en place ne lieu
Non plus que font mauvais yeulx la fumee.
¶De vaine gloire et oultrecuidance.
ES courtz des roys et des princes royaulx
Sont plusieurs gens en honneur eslevez
Tenans termes vaniglorieux, haulx
Qui des seigneurs sont amys et privez
Or ont plusieurs ainsi que vous scavez
Tresgrant besoing que des princes ayent grace
Leurs gouberneurs ne veullent quon leur face
Silz nont argent de grace sont privez.
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¶Si grant plaisir prennent a recevoir
Que voulentiers les gens escorcheroient
En esperant de leur substance avoir
Ou autrement le seigneur ne prieroient
Robe et pourpoint, ou manteau souffriroient
Vendre plus tost quilz ne happassent dons
Tendans la main pour avoir grans guerdons
Ou autrement nul plaisir ne feroient.
¶Actendans sont drappiers, merciers, grossiers
Pour recevoir draps de laine et de soye
Haulbins, courtaulx, haquenees et coursiers
Mulles, mulletz quilz prennent a grant joye
Les officiers baillent or ou monnoye
Autrement nont office cest lasaige
Autant leur est le fol comme le saige
Par ce moyen maint juge se desvoye.
¶Quant tresoriers ont fait quelque deceptes
Et ne pevent plus parvenir a leur cas
Que compte fault rendre de leurs receptes
Terme ont souvent de compter pour ducas
Ce temps pendant ilz font quelque cabas
Ou le seigneur par accident se meurt
Mais touteffois il fault garder le heurt
Plusieurs en sont tumbez du hault en bas.
¶Conclusion vous povez bien entendre
Que gens de court mectent tout leur plaisir
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Tendre la main, tousjours sont pretz de prendre
Car vaingloire appetent de saisir
Tant amasser nayez plus de desir
Par ce perdez lheritage des cieulx
Car ceulx qui font dor et dargent leurs dieux
Despendre tout nauront ja le loysir.
¶Exemple de vaine gloire.
[illustration]
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UNg grant seigneur regna qui print sa fantasie sur toutes choses a regarder la beaulte des dames Et pource que souvent frequentoit en ung temple fist faire trois statues feminines et les fit mectre debout commandant a tous es subgectz les adorer. La premiere statue ou ymage avoit la main estendue vers le peuple tenant ung anneau dor ou estoit escript. Je suis noble vela lanneau. La seconde statut avoit une barbe doree et ung escript en son front qui estoit tel. Je suis barbue sil y a aucun qui soit chauve vienne a moy & prenne ma barbe et mon poil. La tierce statue avoit ung manteau de pourpre sur sa robe et estoit escript sur so nestomac en lectre dor. Je suis qui ne crains omme. Ces trois statues estoient de pierre et couvertes de vestemens humains. Ce grant seigneur qui avoit mys sa fantasie a les veoir fist ung edict que celluy ou ceulx qui prendroient lanneau, barbe ou manteau desdictes ymages seroit condamne a souffrir mort ignominieuse et detestable. Apres ledict fait et publye a son de trompe advint que ung homme inique, maivais, oultraigeux et obstine entra au temple ou estoient les statues, et voyant lymage qui a tous presentoit lanneau luy ravit et osta de son doy, et non content de ce alla a la seconde statue et par violence luy osta la barbe dor quelle avoit Et derechief pertinax en son oppinion se transporta vers la tierce statue et luy osta son manteau Ce fait se partit du temple et myt lanneau en son doy, la barbe en son menton, vestit le manteau et se pourmena en cest estat pour son plaisir par la ville.
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Quant le seigneur fut adverty du cas se courroucea tresgrandement a lencontre du malfaicteur qui avoit contemne son commandement. Si envoya ses souldars et sergens qui le trouverent et lamenerent par devant luy. Quant il fut devant le seigneur il ne fit pas grant compte de sa prinse, mais le regarda dung couraige fier & hardy. Le seigneur qui estoit prudent et vertueux le redargua quil avoit contre son edict prins les anneau, barbe et manteau des statues qui estoient au temple. Le malfaicteur requist quil fust ouy en ses deffences, ce que le seigneur luy permist ainsi que juge rassis et modere. Le rapteur ou larron fist telles excuses Quant jentray au temple la premiere statue avoit la main tendue vers moy tenant en icelle ung anneau comme se elle voulloit dire. Prens cest anneau, et touteffois je ne me ingereay pas de le prendre jusques a ce que jeusse fait lecture de lescripture qui estoit telle. Je suis noble vela lanneau, si me sembla que sa voulente estoit que jeusse ledit anneau par quoy je le prins et mis en mon doy. Apres je vins a la seconde statue qui me sembla fort estrange a cause quelle avoit la barbe dor, et comme tout pensif rememoray que son pere ne porta jamais telle barbe, car je lay veu et congneu plusieurs fois, si consideray quel ne devoit presumer de soy estre plus grant que son pere et me sembla que selon raison estoit utille et convenable luy oster sadicte barbe, mais nonobstant telle consideration je ne luy voulus point oster jusques a ce que je eusse fait lecture de lescript qui estoit en son front qui estoit tel. Je suis barbue, et sil ya quelcun qui soit chaulve vienne a moy et prenne ma bar
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be et mon poil. Or peulx tu scavoir et congnoistre que je suis chaulve. Et si te vueil bien advertir que je luy ay ostee ceste barbe pour deux choses. La premiere affin que ladicte statut fust semblable a so pere et que pour si riche barbe elle ne fust orguilleuse et fiere. La seconde estoit affin que je parasse et accoustrasse de son poil precieulx et riche ma teste qui est chaulve. Au regard du manteau que jay oste a la troisiesme statue je ne lay pas fait sans grande consideration Car jay pense en moy mesmes que lymaige est de pierre, or naturellement la pierre est froide si ma semble que si elle avoit le manteau dor qui aussi est froit de soy ce seroit adjouste froidure sur froidure qui cuaseroit aucune pourriture et putrefaction a la statue ou audit manteau. Et encores pour telles considerations je ne luy eusse point oste, mais quant je vis lescript de son front qui estoit tel. Je suis qui ne crains homme du monde je euz dueil de lorgueil qui estoit en elle et luy ostay le manteau affin que elle se humiliast. Les excusations de rapteur ouyes le seigneur luy fit response telle. Mon amy il est commande et crye par la loy que nul ne fust si hardy doster, ravir ne despouiller les statutes dont tu estois bien adverty et pour ce que tu te est entremis des choses qui ne te appartiennent en contempnant mes editz et loy nonobstant tes excusations je donne par jugement et arrest au jourduy que tu soyes pendu et estrangle en ung gibet tant que mort sensuyve. Incontinent vint lexecuteur de justice qui executa larrest prononce et ainsi ledit rapteur fina ses jours.
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¶Sens moral sur ladicte hystoire.
ON pourroit appliquer ce grant seigneur a nostre saulveur et redempteur Jesuchrist Et les trois ymaiges a leglise, noblesse et marchandise du labour qui se delecte a les aymer ainsi quil est dit. Mes delices sont estre avecques les filz des hommes par quoy si nou vivons sainctement et justement dieu demourera avecques nous. Par la premiere statue qui a la main estendue nous devons entendre les marchans ou laboureurs de ce monde. Et quant ilz vont es cours des princes ou devers les juges ilz ny sont prisez ne bien venus se ilz nont tousjours la main tendue pour bailler et silz sont prestz de bailler les gens de court et juges sont plus deliberez de recevoir. Mais se il advient davanture que les princes et seigneurs ou la court souveraine en soient advertis et les en reprennent et redarguent ilz se excusent en disant. Puis je pas prendre en bonne conscience ce que on me presente et donne liberallement Je ne les contrainctz point a ce faire. Par la deuxiesme statue qui a barbe dor sont demonstrez et signifiez plusieurs grans et riches gens en ce monde qui ont acquis vertueusement rischesses sans fraulde dol ne tromperie et sont plus riches que ne furent jamais leurs parens ne leurs peres. Et ce voyant les envieux de ce monde taschent a leur ravir oster et tollir leurs biens, leur richesse et leur substance
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Cest assavoir la barbe dor qui signifie leur richesse, en disant Cestuy cy soulloit estre povre et miserable ayons ses biens, aprenons a entendre quil a forfait contre la sacree majeste du prince ou le metons en proces devant juges favorables trouvans moyen par phas ou nephas que luy puissons oster sa barbe dor, cest assavoir son or et argent et de sa barbe en faisons cheveulx pour parer nostre chef. Il sentend de son avoir ferons nostre propre et en jouyrons comme se leussons gaigne loyallement. Telz tyrans et mal faicteurs sont chauves, cest a dire ilz nont nulles richesses Mais en veullent avoir ne leur chault comment et vivre sans prendre peine ne labourer en desprisant ceulx qui ont des richesses les voulant avoir par force. Par la troisiesme statue qui a le manteau dor devons entendre les gens uqi sont constituez en dignitez et offices comme les prelatz & gens de justice qui ont loix a garder, lesquelz doivent assembler les vertus et gecter les vices dehors, mais les mal faicteurs ne veullent croire en leurs ditz et ne pevent endurer destre reprins ne souffrir descipline et qui plus est se enorguillissent contre leurs prelatz et anciens les menassant et disant. Nous ne voullons point que nul regne par-dessus nous, & mesmement font derrision et mocquerie diceulx ainsi que les juifz moquerent nostre seigneur et ne tenoient compte de ses preschemens ne miracles par luy fais ne de ce quilz les reprenoit en rompant la loy Car ilz conspirerent sa mort Telz murmurateurs et conspirateurs sont pendus au gibet denfer ou ilz meurent de mort par le jugement de dieu comme le malfaicteur larron est comdampne pour son
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larcin et contemnement de loy a souffrir la mort corporelle. Estudions doncques a garder la loy affin que ne soyons pugnis corporellement en ce monde & eternellement en lautre ce que ferons facillement sil ne tient a nous.
¶Lacteur
IL est requis davoir juges prudens
Pour gouverner le peuple sur la terre
Car la justice en soy nullement ne erre
Ses termes sont communs et evidens
Mais justiciers es villes residens
Recoivent dons des povres maintesfois
Comme motifz de plusieurs incidens
Telz juges sont discipateurs de loix
Prince puissant se aucuns tu en congnois
Dessus la terre ilz en soient dehors mis
Repute les comme tes ennemys
En leurs erreurs soustenir ne les dois.
¶Se ung justicier veult donner sa sentence
Ou son arrest jamais seul ne doit estre
Avec luy doit vis-à-vis apparestre
Pour luy donner conseil dame prudence
Mais larrest dit qui fera dilligence
Lexecuter requis est le scavoir
Faire se doit tousjours par attrempance
Et avec soy dame prudence avoir
Et pour encor mieulx faire son devoir