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1342-Le contrefait de Regnart (B1) (211-218)

 [211a]

aprez la Penthecouste, le roy Loys se parti de Paris pour aller outremer en la Terre Sainte, avec lui deux de ses freres, Robert, conte d’Artois, et Charles, conte d’Angiers.

En celle annee, fu cler devyé en l’ordre des Freres Prescheurs et de miracles[1] saint Pierre le Martir, de Mellan, lequel canonisa pape Innocent, le .xe. an de son eveschié.

  • 144

L’an .m. .iic. .lvii.[2], les pastouriaulx vouldrent aller oultremer par la conduite d’un homme que on appeloit maistre de Hongrie ; et comme ilz feissent monlt de maulx a clers et aulx Juifs, et monlt d’aultres abusions, et en ce faisant ilz allaissent par Paris et par Orleans, et tousjours multipliant de jour en jour, a la fin les bourgois allerent aprés ce maistre de Hongrie, et le tuerent a Mortemer, a deux lieues de Bourges 

Et tantost leur ost fust discipé, et s’en alla chascun a son repaire.

L’an .m. iic. .lii., ot a Paris monlt grant discencion entre les escolliers et les religïeux, de laquelle discension fut acteur maistre Guillamme de Saint Amour, lequel maistre composa ung livre contre les religieux especialment Mendians .

Il apella le livre Du desrenier Peril du monde.

Mais le dit livre comme contenant erreur et heresie fust condempné par le

[211b]

pappe Alixandre, et conmanda a ardoir ; et le dit maistre fut privé de tout previlege de clerc et de tout benefice eu et [a] avoir.

Et requist le pappe au roy de France que le dit Guillamme fust banny de son royalme et hors chassiez, laquelle chose du tantost faite comme le pappe l’avoit requis.

L’an mil .iic. .lxii., puis que le roy fu retourné en France de la Terre Sainte, pour raison de la mort sa femme, il maria Philipe, son filz, a Ysabel, la fille du roy d’Arragon, car Loys estoit ja trespassé.

Et le roy d’Arragon lui quitta tout ce qu’il avoit en Carcasonne, en Bigorre et en Barcelonne et en Cathelongne.

L’an mil .iic. .lxiii., Symon, le conte de Monffort, qui avoit a femme la sœur du roy d’Engleterre, pour ce qu’il estoit contraire aulx Anglois, quant aucuns ne sanbloient pas a estre raisonnables, fut ochis des Anglois.

  • 145

Aprez la mort Alixandre, fu pappe de Romme Urbain de Troyes, lequel donna a Charles, la conté d’Angers, et a ses heritiers jusques a la .iiie. generacion le royalme de Cecille et la duchié de Puille et toute la terre que avoit usurpee Mainffroy, le filz a l’empereur Frederic.

L’an mil .iic. .lxv., le dit Charles se parti de Marsseilles, et s’en ala combatre

[211c]

contre le dit Mainfroy.

L’an mil .iic. .lxvii., le roy Loys fist Philipes, son fils, chevalier, a Paris, le jour d’une Pentecouste.

Et l’annee aprés, Ysabel, qui fu femme au dit Philipe, ot ung enfant, qui fut appellé Philipe, lequel fut puis roy de France.

L’an mil .iic. lxix., le roy Loys et trois de ses filz prindrent la [croix], pour aller la seconde fois oultremer.

En l’an ensuivant, le saint roy Loys acoucha malade en Thimes[3].

Et quant il ot entroduit Philipe, son filz, du gouvernement du royalme, l’endemain de la Saint Berthelemy, il rendi sa sainte ame a Dieu, plaine de devocion et de vertus.

Et furent les os aportés a Saint Denis en France, la ou Jhesucrist, et en pluseurs aultres lieux a fait, monlt de miracles pour monstrer la sainteté de lui.

  • 146

En celle annee, morust Ysabel, femme au nouvel roy Philipe, et le conte de Poitiers, son oncle.

Et assés tost aprés, la contesse, fille au conte de Thoulouse, morust sans hoir de son corpz, et ainsi deux contés escheurent au roy.

Et fu couronné le dit roy Philipe a Rains, le jour de la my aoust .m. .iic. .lxxi.

En tint l’espee devant lui Charles le Grant, conte d’Artois, qui estoit son oncle.

L’an mil .iic. .lxxiiii., fut le conssille a Lyon sur le Rone, soubz pappe Gregoire .xe., lequel conssile dura des[4] le premier jour

[211d]

de may jusquez a la Macdaleine ; ou quel consille ot .vc., que evesques, que archevesques, et .lx. abbés mittrés.

Illecquez furent condempnés aucuns religieux Mandians et especialment les Sachés.

Et furent les bigames privés de tous benfices de clerc.

Et fut establi et ottroyé a .vi. ans a subsider de la Terre Sainte.

  • 147

L’an .m..iic. .lxxv., le roy Philipe print a femme Marie, la fille au duc de Brebant, laquelle fu couronnee en la chappelle royal a Paris, le jour de la Saint Jehan Baptiste, par la main de l’evesque ; laquelle chose ne pleut pas a l’archevesque de Sens.

L’an mil .iic. .lxxvi., morust roy Loÿs, l’aisné filz au roy Philipe, pour laquelle mort ung grant maistre de l’hostel du roy, qui avoit nom Pierre de la Broce, commença a machiner contre la roÿne et l’accusa au roy que par aventure elle desiroit la mort de ceulx qui n’estoient pas ses enffans, afin que les siens regnassent.

Ce Pierre haioit la roÿne pour ce qu’elle ne vouloit pas que sa femme fust en sa compagnie, car ceste femme se conparoit aulx grans dames, et pour ce, la roÿne n’avoit cure d’elle.

Et enquist le roy dilligamment

[212a]

se la royne estoit coupable de ce que le dit Pierre lui avoit mis sus, mais elle fut trouvee innocent.

L’an .m. .iic. .lxxviii, l’endemain de la feste saint Pierre et saint Pol, le dit Pierre de la Broce  fu pendu en la presence des gens, qui ne s’en pouoient assés esmerveillier comment si grant homme et de si grant auctorité vint a tel fin.

Entre les aultres choses que on lui mettoit sus, unez lettrez furent trouvees scellees de son scel, esquelles estoit contenu trayson, laquelle il ne pouoit nyer.

  • 148

L’an ensuiant, fut esleu pappe Martin, qui avoit esté apellé Symon ; entre lequel et Gregoire en eult quatre aultres.

Cellui qui fu aprés Gregoire fu pappe Pierre de Charentais[5], de l’ordre des Freres Prescheurs, qui fu appellé Innocent le quint, et ne vesqui que deux mois.

Aprés lequel fut ung Espagnol, qui fu appellé Jehan .xxie., et comme ce Jehan eut trouvé es estoilles que il devoit longuement vivre, car il estoit assez lettrés, soudainement une maison qu’il faisoit faire es estoilles va cheoir sur lui, et fut tout froissié et cassé que le .vie. jour il va morir.

Et ainsi fut deffraudé de son intencion.

Aprez lui fu pappe Jehan Gaceteau[6], qui puis fut appellé Nicolas le tiers.

Ce Nicolas fist priver le roy Charles de la senatoire de Romme 

[212b]

et du royalme de Cecille.

Mais le roy respondit qu’il l’avoit conquis a l’espee, et a l’espee le gaigneroit qui lui vouldroit oster.

Ce Nicolas vesqui encor .iii. ans, et aprés lui fu pappe Martin.

L’an .m. .iic. .iiiixx., le roy d’Arragon, qui avoit a femme la sœur Mainfroy, le filz de l’empereur Federic, atout grant ost entra en Cecille, et ot monlt grant guerre entre lui et le roy Charles, au quel il mettoit sus qu’il tenoit le royalme qui estoit sien a cause de sa femme.

Et celle annee, le pappe envoya en France Jehan Chollet, cardinal, pour preschier la Croix encontre le roy d’Arragon, et pour mener l’ost des Croisiez en Arragon, pour delivrer le roialme a Charles, le second filz du roy de France, au quel le pape l’avoit donné.

Celle annee, au retour d’Arragon, le roy Philipe morut a Nerbonne ; et fut le corpz aporté a Saint Denis, et le cœur aulx Freres Prescheurs, a Paris.

  • 149

L’an mil .iic. .iiiixx. et .i., Acre fut prinse des Sarrasins, et la eult mont de Crestiens ochis.

En celle annee, Charles frere au roy Philipe, print a femme la fille au roy Charles de Cecille ; et laissa le dit Charles tout le droit qu’il avoit en Arragon.

Et le dit roy lui donna en resconpensacion du royalme, pour

[212c]

le mariage de sa fille, la cité d’Angers et la cité du Mans.

L’an mil .iic. .iiiixx. et .iii., Edouart, roy d’Angleterre, quitta au roy Philipe quancquez il tenoit de luy, et lui rendi son fié, car il cuidoit que par force d’armes il peust recouvrer tout ce qu’il avoit de lui et tenoit du roy Philipe ; et ainsi conmença guerre en Gascongne.

  • 150

L’an mil .iic. .iiiixx. et quatre, aprés ce que le siege de Romme eult vaqué .ii. ans, .iii. mois, fut eslut pappe du consentement de tous les cardinaulx ung hermite, qui avoit nom Pierre de Miron[7], et fut appellé Celestin quint.

Mais assés tost aprez, par la sugescion et barat de Benedic, ung cardinal, ledit pappe se demist.

Et ce Benedic fu pappe et fu appellé Boniface le .viiie

Si fut adonc monlt grande discorde a l’Eglise, car aucuns disoient que le pappe ne se pouoit demettre.

Et ainsi ils le crierent encores vray pappe, et non pas Boniface.

Mais Boniface le fist enclore en une maison pour ce que le peuple ne peult assés avoir a lui.

Et la le saint homme fina ses jours.

L’an mil .iic. .iiiixx. .vi., le conte de Flandres, qui avoit nom Gay[8], se rebella contre le roy Philipe, en lui renunchant foy et hommage ; pour lquelle chose mont grant guerre conmença en Flan-

[212d]

dres entre le roy et les Flamens.

En celle annee fu si grant habundance d’eaue et de pluie, ou mois de decembre, a Paris, que les deux pons rompirent.

L’an mil .iic. .iiiixx. et .vii., le conte de Bar, qui avoit la fille du roy d’Engleterre a femme, gasta la terre au conte de Chanpagne, encontre lequel fut envoyé Gautier de Chatillon, qui forment gasta la terre au dit conte, pour laquelle chose le dit conte s’en retourna pour deffendre sa terre.

Celle annee, le jour de la Saint Jehan Baptiste, le roy Philipe mena son ost en Flandres et asiega Lille, laquelle se rendi, et le conte demanda treves.

Si s’en tourna le roy.

En celle annee, saint Loys fut canonisié du pappe Boniface ; et le livre .vie. de Decretales desclaire que le pappe de Romme se peut demettre, pour ce que son estat soit plus assené[9], car pluseurs tenoient qu’il n’estoit pas vray pappe, et que cellui ne se peust deposer qui estoit devant appellé Celestin.

L’annee aprés, l’endemain de la Saint Bertholomy, le corpz saint Loys fit eslevé.

Celle annee, Philipe, le filz au conte d’Artois, morut et fust enterré aulx Freres Prescheurs, a Paris.

L’an mil .iic. .iiiixx. et .ix., le roy de France et le roy

[213a]

d’Angleterre compromirent sur le pappe Boniface de la paix entrefaire ; et le pappe ordonna que le roy d’Angleterre, ad ce que la paix fust plus estable et ferme, prist a femme Marguerite, la sœur au roy de France, et le filz au roy de France eust la sœur au roy d’Engleterre, quant elle seroit en eage.

Et ainsi fu fait.

En celle annee, s’assenblerent, pour faire aliance, a Vaucoulour, et le roy Philipe, et le roy d’Alemaingne.

L’an mil . iiic., comme la ville de Bruges et pluseurs aultres villes de Flandres se fussent rendues au roy Philipes, et le dit roy leur eust donné a gouverner ung chevalier qui avoit nom Jacques de Saint Pol, oncle la royne, et il les traitast plus asprement qu’ilz ne voulloient, ceulx de Bruges se rebellerent de nuit et tuerrent ainsi comme tous les François qu’ilz trouverent en la ditte ville ; mais le dit chevalier eschappa, et ne fu pas ochis.

Et ainsiques la ville de Bruges avecques tout le pais de Flandres se rebellerent de rechief contre le roy Philipe.

En celle annee, fut merveilleuzement grant allee de pelerins a Romme de toutes pars de la chrestienté, pour ce que l’an centisme il y avoit indulgence plainiere.

  • 151

En l’anne ensuiant, conmença a avoir

[213b]

monlt grant discorde et discencion entre le roy Philipe et le pappe, car Boniface vouloit a lui soubsmettre quant a la temporalité le roy de France ; pour laquelle chose le roy fut fort indigné et envoia par devers le pappe, en lui requerant que la constitucion qu’il avoit sur ce faire et aucunes aultres il retraitast.

Mais le pappe ne voult ouÿr la requeste, laquelle veant le roy que le pappe estoit ahurté contre lui, si va deffendre que or ne argent ne fust porté hors de son royalme.

Si fu le pappe plus courouchié que devant, et envoya au roy ung solempnel mesage que on appelloit Jacques des Normans, que le roy voulsist souffrir or et argent porter, ainsi comme on soulloit, hors du royalme.

Mais ce mesage le roy ne faut oyr, ainsi comme le pappe ne avoit voullu ouyr son mesage, et lui conmanda que dedens trois jours il issist hors de son royalme, ou aultrement il seroit arresté.

Aprés ce, le pappe voulant faire contre le roy aucunes sentences et conte le royalme, il semont et adjourna en publique stacion tous les prelatz du royalme de France personnellement et tous les maistres en Divinité, en Decret et en Loix qu’ilz venissent presenter devant lui.

Mais

[213c]

le roy leur deffendi qu’ilz n’y allaissent pas et appella contre le pape, proposant contre le pappe aucuns articles qui sentoient heresie, desquelz le conssile jugeroit.

Et fut le dit appel leu par ung chevalier qui avoit nom Pierre Flote, et les articles levees et leues en l’eglise Nostre Dame de Paris.

Et ainsi tous les prelats et tous les colleges du roialme de France se tindrent et se conssentirent au dit appel.

Et ce ouÿ, le pappe donna sentence de deposicion contre pluseurs des dits prelats.

Mais ceste sentence ne fut point mise a excecucion pour cause de l’appel fait devant.

Adonc le roy, doubtant que aucunes sentences ne feussent faites contre son royalme, faisoit garder tous les destrois et toutes les entrees du roialme, et cerchoit on tout homme qui entroit ou royalme ; et se il portoit lettres, on les lisoit.

L’annee ensuiant, fut envoyé a Romme de par le roy ung chevalier de Prouvence, qui avoit nom Guillame de Noncachet[10], lequel chevalier par l’ayde d’aucuns nobles du pays entre a toute la baniere desployee en Avignon, ou le pappe estoit, et vint a la chambre ou le pape estoit, et tantost toute la gent du pappe s’en fouist, excepté ung cardinal et ung homme lay.

Et quant le pappe fust arresté,

[213d]

ceulx qui estoient en la compagnie du dit Guillame de Noncachet[11]vont ravir et prendre tout le tresor et aucunes bulles d’or que ilz trouverrent avec le pappe.

Laquelle chose, veans ceulx de la ditte ville, que les estranges prenoient quanques ilz trouvoient et nul profit ilz n’en avoient, si conmencerent le dit chevalier, veant la commocion du peuple, et soy doubtant de mort, monlt hastivement monta sus ung cheval, et s’en fouy.

En l’ayde du pappe vint ung grant homme de Romme, atout .iiiic.

hommes armés, qui enmena le pappe a Romme.

Mais si tost comme il y fut, une fievre le prist, et ne vesqui que cincq jours.

Et tantost dedens .vi. jours, les cardinaulx esleuront[12] frere Nicole, evesque d’Ostienne, qui fut appellé Benedic, et fut de l’ordre des Freres Prescheurs.

L’an .m. trois cens et deux, ou mois de septembre, le roy envoya en Flandres le conte d’Artois atout grant ost de gens a cheval et a piet ; et quant il fu venu devant Tournay, les Flamens lui vindrent a l’encontre.

Et comme le dit conte fust ung pou trop hatif et ne crut pas bien aultrui conseil, il advint, aussi comme Dieu le vault, que il et la plus grant partie des

[214a]

nobles de France furent ochis des Flamencs en la ditte bataille.

  • 152

Aprés la mort pappe Benedic, puis que le siege de Romme ot esté sans pappe pres de deux ans, finablement les cardinaulx, l’an mil .iiic. et quatre, la veille de la Pentecouste, ilz eslurent Bertran, l’archevesque de Boubinaus[13], et fut appellé Climent le quint.

Et comme les cardinaulx cuidassent que le pappe deust aller passer les mons et tenir sa court a Romme [comme] ses devanciers avoient[14], au contraire le pappe leur manda qu’ilz venissent a lui ; laquelle chose ilz firent.

Et ainsi tint le pappe sa court par deça les mons, ne oncques puis ne fust a Romme.

En ce temps, avoit en la court au roy Philipe ung chevalier de Normandie, lequel on appella Enjotran[15], du quel el roy creoit plus que de nul autre son conseil.

Ce chevalier combien qu’il fust de petit lieu quant de lignage, toutesvoiez il eult monlt grant prosperité de fortune ung grant temps, tant que le roy Phelipe vesqui.

Avecques il avoit si grant assés par devers le pappe qu’il faisoit ce qu’il vouloit du pappe et du roy.

Et tant qu’il fist ung de ses freres premier evesque de Canbray et puis archevesque de Sens en Bourgongne ; ung aultre

[214b]

sien frere il fist evesque de Beauvais ; et si en fist ung aultre cardinal de Romme qui estoit son cousin.

En ce temps, l’an .m. .iiic. et six, tous les Juis qui estoient ou roialme de France furrent mis hors.

Et l’annee aprez, les Templiers furent prins a ung jour, de laquelle prinse ilz ne se donnoient de garde, car ilz estoient bien si puissans et si grans gens que on ne les eust pas pris legierement.

La cause est pour quoy ilz furrent prins, selon ce que les Grans Maistres recongnurent, fust car quant on recevoit aucun frere, tantost que on lui avoit mis le mantel, il faisoit la profession et juroit qu’il garderoit les secrés du Temple, et, ce fait, on le menoit a part, et, la croix mise devant lui, on lui faisoit renoier Dieu, Jhesucrist, et crachier contre la croix, et puis baisoit le dessoubz de cellui qui le rechevoit, et, ce fait, on lui donnoit congié qu’il feist son ordure et sa laidure avecques les hommes masles.

Ces choses et pluseurs aultres confesserrent les ditz Maistres et pluseurs aultres des ditz freres de la dite ordre, ou par paour de tourmens, ou par aultre maniere.

Mais assez tot aprés, ilz rappellerent ce qu’ilz avoient recongneu, et que la dite ordre estoit bonne et sainte, et que oncques ces ordures n’avoient esté

[214c]

faites.

Dont il en y ot ars cincquante a Paris en ung jour ; et assez tost aprez, la dite ordre fut abatue par le pappe Clement, et leurs biens donnés aux Hospitaliers.

  • 153

L’an mil .ccc. et .xviii., fut esleu empereur Henry, conte de Luxembourc, et fut confermé a Poitiers par le pappe Clement.

L’an mil .iiic. et .xiii., a la Pentecouste, fist Phelipe, le roy de France, ses .iii. filz chevaliers, a lquelle feste fut Edouard, roy d’Engleterre, et d’aultres princes et nobles gens sans nombre.

Et le mercredi aprés, ces deux roys et ces trois enffans du roy Philipe prindrent la croix pour aller oultremer, et avec eulx maint aultre gent ; et fu faite si grant mocion par toutes les villes et cités du royalme de France que ce estoit une grant merveille de devocion et de la grant voulenté que tout le peuple avoit de visiter le Saint Sepulcre et les aultres lieux ou Nostre Seigneur avoit converssé en terre, et avoient grant doeul de ce que la Sainte Terre estoit es mains des ennemis de Nostre Seigneur Jhesucrist, et pour concquerre leur heritage de Paradis.

D’autre part, pappe Clement donna une grant indulgence a ceulx qui n’y porroient aller, mais qu’ilz donnaissent de leur argent.

Celui qui donnoit ung denier avoit ung an de pardon ; qui donnoit

[214d]

.xiii. deniers, il avoit .xii. ans, et qui donnoit autant comme ung homme pouoit despendre en alant oultre, il avoit plaine indulgence.

Establi le dit pappe des gens ou il se fioit pour recevoir les offrances, mais nul ne pourroit estimer les deniers qui furent offers pour le pardon acquerir par toute crestienté par l’espace de cincq ans.

Et quant les cincq ans furent passés et les bonnes gens furent prests pour aller oultremer et pour acomplir ce qu’ilz avoient promis et voué, la chose fut delaissiee.

Mais le pappe retint l’argent, et le marcquis, son nepveu, en ot partie.

Et le roy et les aultres qui avoient la croix prinse demourerent par deça, et les Sarrasins sont encorez a leur bonne paix, et croy que encores poeuent ilz bien dormir asseur.

En celle annee, morut le glorieux empereur Henry, la mort du quel fu monlt plainte par toute crestienté, car on tenoit que s’il eult vesqui son droit eage, il eust ramené la chose de l’Empire en bon estat.

  • 154

En ce temps deux chevaliers freres qui avoient nom, l’un Gautier d’Aunoy, et l’autre Philipe d’Aunoy, ou mois de may, furent trouvez en avoultrie, l’un avecques

[215a]

Marguerite, royne de Navarre, et femme a Loys, l’aysné filz de Philipe, roy de France, et l’autre avec Blanche, femme Charles[16], le frere au dit roy de Navarre ; pour lequel crisme, les deux chevaliers furent escorchiés tous vifs et leurs genitoires coupees, et puis furent traynés et pendus, et les femmes morurent en prison en grant doulleur.

L’an mil .iiic. .xiiii., morut pape Clement a Carpentras, et vacqua le siege plus de deux ans.

Finablement par la discrection Philipe, le conte de Poitiers, les cardinaulx furent enclos en la maison des Freres Prescheurs de Lyon ; et le samedy avant la Saint Laurent, l’an mil .iiic. xvii. fut esleu pappe Jacques du Port, cardinal, qui avoit esté evesque d’Avignon, et fut appellé Jehan .xxiie.

L’an dessus dit mil .iiic. .xiiii., morust a Fontainebliaust le roy Philippe qui fut appelé Bel.

Et fut enterré son corpz a Saint Denis en France, et son cœur en l’abbaye de Poissy, laquelle il avoit fondee en l’honneur de saint Loys, jadis roy de Franc.

Et regna son filz Loys aprez lui.

L’an .iiic. .xv., Engueran, de quoy nous avons fait mencion cy dessus, qui gouvernoit tout le royalme de France et estoit le second aprez le roy, fut accusé

[215b]

par devers le nouvel roy de maintes accusacions, aus quelles il ne respondy pas souffisanment, si en fut pendu au gibet de Paris, la veille de l’Ascencion Nostre Seigneur.

En celle annee, fut grant famine, deffaulte de selet grant mortalité.

  • 155

L’an mil .iiic. .xvi., le samedy aprés Pentecoustes, morut le roy Loys, et fut enterré a Saint Denis en France.

Et pour ce qu’il morust sans avoir hoir masle de son corps, Philipe, son frere, qui estoit conte de Poitiers, regna pour lui.

Ce Philipe estoit homme monlt atrempé.

Et combien qu’il trouvast monlt de discorde en pluseurs parties du royalme, toutesvoies par son sens et par sa discrection tout fu ramené a paix et a concorde, et cesserent guerres et batailles par tout le royalme, siques il sembloit que le tempz Octovien, l’empereur de Romme, soubz lequel Jhesucrist nasqui, fu retourné.

L’an mil .iiic. .xviii., advint en France que Dieu voult oster la pestilence de la famine et de la mortalité qui avoit ja duré plus de deux ans, sique, entour la Pentecouste, le blé et le vin vindrent a si grant marchié que ce ne pooit estre sans grant miracle.

Le septier de blé qui avoit esté vendu a la mesure de Paris cincquante solz paresis le lendemain de Pente-

[215c]

couste, il vint a .xxii. solz parisis.

  • 156

L’an mil .iiic. .xx., je ne sçay par quel esprit, ot en France si grant commocion de pastoureaulx et d’autres menues gens qui disoient qu’ilz voulloient aller outremer, que ce fust une grant merveille, et comme leur nom[bre] crut de jour en jour jusquez a tant qu’ilz furent en la Langue d’oc.

Illecquez ilz firent aucuns dommages aulx Juifs et en tuerent aucuns.

Et quant ilz vouldrent aller oultre, soudainement ilz evanouyrent comme fumee, et ala chascun ou il lui sambla bon.

L’an mil .iiic. .xxi., en Acquitaine et en une grant partie de France, tous les meseaulx furent ars, car renomee estoit par le monde, ne sçay dont elle vint, premierement que ilz voulloient empoisonner toutes les fontaines et tous les puich[17] dont les Crestiens usoient, et avoient fait conspiration, car ainsi les autres seroient meseaulx, ainsi comme ilz estoient, ou ilz morroient par leurs poisons.

Et estoit commune renommee qu’ilz avoient devisés entr’eulx les royalmes et les provinces.

Et devoit l’un estre roy de France, l’autre d’Engleterre, l’autre conte de Valois, et les aultres eussent seignouries, selon ce qu’il appartenoit.

Si fut lonc tempz que nul n’osoit boire de eaue, fors que de fontaine, et disoit on que les Juifs furent consentans aulx meseaulx de ce malefice

[215d]

faire, pour quoy il en y ot pluseurs ars avecques les meseaulx.

Et faisoit le commun peuple justice sans appeler prevost ne baillif.

Et quant on avoit enclos en leurs maisons eulx et leurs bestes et leurz garnisons, on boutoit le feu dedens.

  • 157

En celle annee, Jehan de Poully, maistre en divinité, troubla forment l’Eglise par une erreur qu’il sema en l’Université de Paris par une determinoison qu’il fist.

L’erreur qu’il sema est ceste : que ceulx qui se conffessoient aulx Freres Prescheurs ou aulx Freres Mineurs, combien qu’ilz eussent previlege et auctorité du pappe ou des evesques d’ouyr conffession et d’absouldre, il convenoit, ce disoit le dit Maistre, que ceulx qui s’estoient conffessés aulx ditz Freres se conffessassent de rechief a son curé de ceulx meismes pechiés desquelz ilz s’estoient confessez ausditz Freres, et aultrement ilz ne pouoient estre absolz.

Mais le pappe Jehan fist comparer[18] le dit Maistre en sa presence, et lui demanda le pappe, se le pape ou l’evesque pouoit luyr conffessions des paroissiens a ung curé.

Et le dit Maistre recongnut que oyl, et puis que ung homme s’estoit conffessés de ses pechiés au pappe ou a l’evesque, il ne convenoit point qu’il se conffessast de rechief a son curé.

Aprez,

[216a]

le dit Maistre fut convaincu que, se ung aultre prestre de l’auctorité au curé poeut ouyr les confessions, pour quoy ne les poeult il aussi bien ouyr de l’auctorité du pappe et de l’auctorité de l’evesque, car le dit Maistre ne poeut nyer que les evesquez n’aient plus grant auctorité sur les parroisiens des curés que n’on[t] les curés, et poeuent absouldre d’aucuns pechiés desquelz ne porroient absoldre les curés, se les evesques ne leur commettent.

Et ceulx qui sont conffessés au penanchier du pape ou de l’evesques, c’est certain qu’il ne convient point qu’ilz se conffessent a leurs curés.

Ainsi le pappe destruit cest erreur et conmanda au dit Maistre qu’il retournast a Paris et qu’il retournast[19] en sermon plublicquement et es escoles ceste erreur.

Et ainsi le fist, combien qu’il lui despleust forment.

Adonc le pape determina du consentement des cardinaulx, aussi comme il apert par la bulle du pappe, que ceulx qui se conffessent ausditz religieux sont aussi bien absoubz de leurs pechiez comme se ilz s’estoient conffessez a leurs curés propres.

Et excommenia le pappe tout homme qui croiroit le contraire.

Celle annee, le roy Philipe morust et fust enterré a Saint Denis en France.

  • 159

Aprez la mort Philipe, regna sur les François Charles, son frere, qui estoit conte de la

[216b]

Marche, car son frere Philipe ne laissa point d’hoir masle de son corps.

Ce Charles, au conmencement de son royalme, tint monlt bien justice et fist trayner et puis pendre ung grant baron de Gascongne, que on appeloit Jourdain de Lisle, lequel Jourdain estoit renommé de meintes oppressions de vierges, de roberies, de murdres, de rebellions contre le roy.

En ce temps, les Escochois desconfirent les Anglois.

En ce temps, le duc de Lenclastre, oncle du roy d’Angleterre, et pluseurs aultres nobles d’Angleterre furent accusés et convaincus de traison en la presence du roy, pour laquelle chose il fut condempné et decapité.

Au conmencement du royalme, Charles, comme sa femme eust esté longuement en prison pour ce qu’elle avoit esté accusee d’avoultrie, si comme nous avons touchié prez cy devant, et comme le dit chevalier[20] ne voulsist sa femme reconsillier, a sa requeste le pappe Jehan deffit le mariage, et lui donna congié d’en prendre une autre.

Si print Marie, fille Marie, empereis de Romme.

En ce tempz, mil .iiic. .xxiiii., la femme du roy Charles, fille Henry, l’empereur, morut de enffant a Ysodun, et fut enterree aulx Prescherresses, a Montargis.

Adonc fut faite dispensacion du pappe Jehan que le roy peust prendre a femme sa cousine germaine,

[216c]

c’est a sçavoir Jehanne, jadis fille au conte de Evreux, lequel conte avoit esté propre frere au dit roy Charles.

  • 159

En ce temps, en la court du roy Charles, avoit ung homme que on appeloit Pierre Remy, qui estoit venu de pauvre lieu et de petitte gent ; nonpourquant, il gouvernoit le roy et le royalme, et en faisoit tout son voulloir ; et assez plus en estoit fiers et hardis, et se maintenoit plus grandement que mestier ne fust.

En ce temps, sourdy une guerre assés dommageuse en Gascongne pour l’occasion d’une ville nouvelle que on appelle Saint Sardas[21] la Bastide.

Aucuns afferment que celle estoit fondee au droit du roy de France ; et les aultres afferment que elle estoit fondee au droit du roy d’Angleterre.

Et comme le seneschal du roy d’Angleterre fust entré en la ditte ville, il fist tuer ceulx qui avoient la ditte ville saisie ou nom du roy de France, laquelle despleust au roy de France.

Si manda au roy d’Angleterre qu’il convenoit que ceste injure lui fust amendee.

Et comme le roy d’Angleterre ne quist que fuittes et dilacions, ne ne venist, ne n’envoiast par devers le roy de France, son seigneur, du quel il tenoit et tient toute la terre de Gascongne, combien qu’il eust esté semons et ajourné par pluseurs fois, pour laquelle

[216d]

injure et contumace, selon le jugement des barons de France, Gascongne fut forfaite, si envoia le roy de France en Gascongne pour mettre la terre en sa main et en sa seignourie Charles, son oncle, conte de Valois et d’Angers, chevalier de grant sens et de grant puissance, qui avoit esté en mains fais d’armes en divers royalmes.

Et comme le dit Charles fut entré en Gascongne, aucunes villes et cités se rendirent a lui sans nul contredit, et s’en alla tousjours concquerant et mettant la terre en la main du roy de France, jusques a ung chastel grant et fort qu’on appelle La Riolle, ou quel estoit Haymes, frere au roy d’Engleterre, lequel Haymes, comme il ne peut resister a si grant force, il rendy le chastel, sauve sa vye et que on le laissast aller en Angleterre.

Laquelle chose luy fut ottroyee, et tantost le chatel fut garny des gens du roy de France.

Et adonc Charles s’en retourna en France.

  • 160

En ce temps, le pappe conmanda aulx evesques et aulx religieux qui avoient auctorité de preschier, publiassent[22] en leurs sermons les procés qu’ilz avoient faitz contre Loys, duc de Baviere, lequel s’estoit fait couronner et se faisoit appeler roy des Rommains, laquelle

[217a]

chose, selon ce que le pape maintenoit, que il pouoit ne ne devoit sans consentement de lui.

Et, comme il l’eust semons et fait ajourner qu’il se conparut pardevant lui, le dit Loys n’y vault obeyr.

Le pappe l’excommunia et le priva de tout le droit que il disoit avoir au royalme d’Alemaigne et en l’Empire, et deffendi le pappe que nul ne obeyst a lui comme roy ou empereur.

En ce temps, le pappe fist preschier que quicunques se iroit conbatre contre Galliathe et ses freres, jadiz filz de Matheu, viconte de Melan, lesquelx condempnés[23] conme hereses, il avroit aussi tresgrant indulgence comme ceulx qui se vont conbatre contre les mescreans.

En ce temps, pappe Jehan, du consentement des cardinalx [condempna] l’erreur et l’heresie de ceulx qui dient que Jhesucrist tant comme il fut en terre devant sa Passion ne les apostres nulle riens n’eurent terminé qui leur fust.

Et de ceste erreur issoit une aultre, que ilz disoient que nient avoir sinplement, ne ne especial, ne en general, ne en proppre, ne en commun, est plus grant perfection que avoir aucune chose en commun.

Et ceste erreur aussi fut condempnee.

  • 161

L’an mil. iiic. .xxv., la royne d’Angleterre, la sœur au roy de France, avecquez

[217b]

lui, Edouard, son aisné filz, vint pour traittier de la paix entre les roys.

Et comme le roy d’Angleterre eust dit et mandé par pluseurs mesages que il vendroit au roy de France en[24] certain lieu de son royalme et s’esteroit a droit[25] selon ce qu’il sembleroit, il mua son propos et n’y vint pas.

Et comme il ne voulsist plus riens tenir du roy de France, il donna a son aisné filz la duchié d’Acquitaine et de Gascongne, lequel en fist tantost homage a son oncle le roy de France.

En celle annee les Flamens prindrent le conte de Flandres, leur seigneur, et le tindrent en prison par pluseurs mois et tuerent une grant partie de sa gent, et les aultres s’en fouïrent, entre lesquelz ung chevalier nommé Jehan de Neelle s’en fouy comme preux[26].

  • 162

En celle annee, fut en France si grant secheresse qu’il n’estoit memore de plus grant.

Mais le temps d’yver aprés fu si angoisseux de froit et de gelee que la riviere de Saine fut si prinse et si forment que la glace pardessus on roulloit les tonneaulx tous plains de vin.

Et quant il print a desgeller, les pierres de glace furent si grans que elles rompirent les deux pons de Paris et pluseurs autres en pluseurs lieux.

Et puis le premier desgiel, les gelleez revin-

[217c]

drent, et furent Saine et les autres eaues engellees, mais non pas si fort comme devant.

  • 163

En celle annee, dix jours devant Noel, morust noble prince Charles de Valois, conte d’Angers.

L’an mil .iiic. .xx. .vi., conspiracion fut faite contre[27] Edouart, roy d’Angleterre, en telle maniere.

Le dit roy avoit ung consseillier en son hostel, que on appelloit Hue le Despensier, par lequel le roy se gouvernoit et du quel le roy creoit plus le conseil que de nul aultre qui dust en son royalme.

Et comme la royne d’Angleterre ne portast pas bien ce conseillier, elle se departi de France par la conté de Henaut et prist des gens d’armes de France et de Henaut grant foison, entre lesquelz fut ung nommé Jehan de Henaut, frere au conte de Henaut ; et ainsiquez toute sa gent entra en la mer pour passer en Angleterre.

Et quant le roy ouy dire que elle venoit a armes, il n’ot nulle bonne suspicion de sa venue especialement, car le roy lui avoit mandé par pluseurs mesages, quant elle estoit en France encores, qu’elle retournast en Angleterre ; mais elle n’avoit voulu obeir.

Lors pensa le roy qu’elle avoit amené ses gens pour soy vengier du dit Hue le Despensier, lequel le roy avoit

[217d]

monlt chier, comme dit est.

Si vint le roy au port ou il cuidoit que la royne deust arriver, mais d’aventure, ung vent sourdi en la mer qui mena la royne a ung aultre port plus prez de Londres, en laquelle cité la royne entra, si tost comme elle fust a terre seiche.

Elle parla si sagement et si debonnairement aulx bourgois de Londres et aulx barons, en les informant qu’elle avoit amené ces gens d’armes pour le bien et pour l’honneur du royalme, si se consentirent toutes les dittes gens a la royne.

Adonc s’en alla la ditte royne a tout son ost la ou le roy, son seigneur, estoit, avecques lui Hue le Despencier.

Mais ainsi comme le roy et Hue le Despensier  s’en alloient d’un lieu en aultre plus seurement, ceulx qui estoient de par la royne prindrent le roy et le Despencier ; et des qu’ilz veirent le roy prins, ilz le mirent en prison fermee, et deputerent bonnes gardes des plus grans d’Angleterre.

Et la fut condempné le dit Hue le Despencier en telle maniere.

Premierement on lui osta les boyaulx de son ventre et les fist on ardoir devant lui ains qu’il morust.

Aprez, on lui osta la teste, et le pendit on.

Et puis on divisa son corps en quatre parties qui furent pen-

[218a]

dues es quatre principalles villes d’Angleterre.

On osta aussi la teste a ung evesque qui estoit amy de Hue le Despencier, et aussi au pere du dit Hue.

Ces choses faites d’un commun assentement des evesques et des barons, les Anglois couronnerent a roy l’aisné filz du roy d’Angleterre, c’est a sçavoir l’aisné des enffans, et deposerent le roy, son pere, pour ce qu’il ne gouvernoit pas bien, selon ce qu’ilz leur sembloit, le dit royalme.

  • 164

L’an mil .iiic. .xxvii., Charles, roy de France morut, et fut la veille de la Purificacion Nostre Dame.

Et fut son corps divisé en trois parties.

Le corps fu mis a Saint Denis en France ; le cœur aulx Freres Prescheurs, a Paris, et les entrailles aulx nonnains de Poissy.

Et pour ce qu’il n’avoit point d’hoir masle de son corps, le royalme eschey a son germain cousin, Phelipe, conte de Valois et d’Angers, lequel fut filz de Charles de Valois cy dessus nommé.

Et ce Philipe fu couronné a Rains, l’an mil .iiic. .xxviii., le dimence aprez Pentecouste.

Pardevant ce Philipe fut acusé Pierre Remy dessus dit, qui estoit tresorier et maistre gouverneur du royalme de France.

Especialment il fut accusé qu’il avoit soustrait les biens du roialme et appropriés a soy indeuement, si fut arresté et mis en prison.

[218b]

Et, il estant en prison, sceues les grans rentes et possessions qu’il avoit, sans les meubles de vaisselle d’or et d’argent et de pierres precieuses et les grans garnisons qu’il avoit sans nombre, fut trouvé en argent monnoyé par cincq fois cent cincquante mile livres.

Et pour ce que le dit Pierre Remy ne respondy pas souffisanment aulx articles proposees contre lui, il fu condempné, et pendu au gibet de Paris, l’an dessus dit, le lendemain de la Saint Marc L’euvangeliste, dont la parolle commune fu bien verifiee :

Qui plus hault monte qu’i[28] ne doit

De plus hault chiet[29] qu’il ne vouldroit.

Assez lui vauldroit mieus avoir gardé et vescu en son petit estat que tant amasser et si hault monter, et puis si povrement fenir et si honteusement morir.

Et pour ce, dit saint Pol l’apostre[30] :

22405       Qui voeult estre a Dieu[31] amys

22406       Et soy a droit a lui vouer,

22407       Cellui estat ou Dieu l’a mis

22408       Il doibt tenir sans desvoier.

                   Hec via ambulate in ea etc.

22409       Iceste est de Dieu la voye[32].

22410       Qui la tient point ne se desvoye[33].

22411       Or lui prïons qu’il nous y tiengne

22412       Et en s’amour tousjourz maintiengne,

22413       Par quoy puissons si bien fenir

22414       Qu’en sa glore puissons venir !

                   Amen !

 

[1] Raynaud corrige en fist mont de miracles.

[2] Raynaud corrige en .li.

[3] Raynaud corrige en Thunes.

[4] Ms. les.

[5] Raynaud corrige en Tarentaise.

[6] Raynaud corrige en Gaetan.

[7] Raynaud corrige en Murrone.

[8] Raynaud corrige en Guy.

[9] Ms. assent.

[10] Raynaud corrige en Nogaret.

[11] Raynaud corrige en Nogaret.

[12] Raynaud corrige en esleurent.

[13] Raynaud corrige en Bordeaux.

[14] Raynaud corrige en avoient fait.

[15] Raynaud corrige en Engueran.

[16] Raynaud corrige en a Charles.

[17] Raynaud corrige en puis.

[18] Raynaud corrige en comparoir.

[19] Raynaud corrige en condempnast.

[20] Raynaud corrige en roi.

[21] Raynaud corrige en Sardas.

[22] Raynaud corrige en qu’ilz publiassent.

[23] Raynaud corrige en il avoit condempnés.

[24] Raynaud corrige en un.

[25] Les deux derniers mots sont doublés dans le ms.

[26] Raynaud corrige en peureux.

[27] Ms. entre.

[28] Raynaud corrige en qu’il.

[29] Ms. chier.

[30] Cf. Cor., VII, 24 & Phil., IV, 11. On lit après ce mot Jehan Duboys.

[31] Raynaud corrigeen de Dieu.

[32] Raynaud corrige en est bien.

[33] Ms. n’est desvoyé.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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