Transcription de la partie consacrée aux confitures dans l'édition de Lyon, Antoine Volant, 1551.
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La seconde partie contenant la façon & maniere de faire toutes confitures liquides, tant en succre, miel, qu'en vin cuit.
Ensemble deux façons pour faire le syrop rosat laxatif. Et pour faire le succre candi, penites & tourrons d'Hespaigne.
Et premierement pour confire l'escorce, ou chair du citron avec le succre.CHAP.I.
VOUS prendres le citron tout entier, & selon la grosseur qu'il sera en feres six ou sept parts tout du long, que pour le moins chacun cartier ait le large de deux doigts : & quand toutes les pieces seront coppees, vous aures la aupres une
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terrine de terre, ou quelque autre vaisseau net, qu'il soit plein d'eau : & vous prendres voz cartiers, & separeres l'escorce de la chair, & feres que l'escorce ne soit pas guieres plus espeisse que ceste forme icy ou plus, ou moins : mais fault quelle aye toute la longueur du citron : & la jetteres dedens ladite terrine : & si voules confire la chair, aussi vous fault faire quelle soit plus espaise & carree de ceste façon : & tout incontinent quil sera trestout netoié (vous ne mettres pas a mal la semence ne le jus) vous osteres ceste eau, & en mettres d'autre fraiche : & y mettres une poignee de sel : & le laisseres la deux jours : & au bout de deux jours, vous changeres l'eau : & le refraicheres de deux ou trois autres : & puis luy remettres d'autre eau, & la laisseres tout le jour, & tous les matins changeres d'eau, jusques a neuf jours, luy renouvellant tous les jours l'eau : & le neufvieme le feres boullir sur le feu : la premiere foys boullira peu, & le feres boullir d'une autre eau : & boullira tant jusques a ce que vous cognoistres que avec une espingle se percera facilement. Mais avises vous que si vous bouillez la chair avec l'escorce, fault que vous ostes la chair à la premiere decoction :
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car elle se cuiroit trop : & quand le tout sera bien cuit de bonne sorte plus tost un peu ferme que trop cuit : vous le osteres du feu : & avec une cuylliere percee le mettres un peu esgouter l'eau sus un linge blanc : & feres qu'il soit un peu essuit le moins de monde : mais traites le doucement quil ne se brise : & quand vous cognoistres quil sera un peu essuit. & refroydé, vous prendres du succre ce que bon vous semblera, comme quoy : sil ya deux livres descorce, ou de chair, une livre de sucre : & faites que le succre soit beau, si voules faire quelque belle & bonne confiture : & feres fondre le succre avec d'eau, selon la proportion du succre faut mettre l'eau : & si le succre est beau, ne le faut point clarifier : & feres boullir ledit succre, ou miel, jusques à la forme d'un syrop bien cuit asses mediocrement : & gardes de le brusler : car si un personnaige n'est un peu excercité a la façon diceluy, il se brusles donques quand le succre sera cuit comme syrop : vous le laisseres refroider : & quand il sera froid, vous mettres le succre dens un vas ou l'escorce sera mis : & le laisseres jusques a l'endemain : & trouveres que l'escorce ou la chair a jetté l'humidité quil avoit au succre, tant que le succre se treuve humide comme syrop plein d'aquosite : & lors vous
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feres cuire le succre tout seul sans lescorce,jusques quil soit en forme de syrop bien cuit : & lors le laisseres refroider : & apres quil sera froid, vous le remettres dens son vas ou est l'escorce : & le laisseres la trois jours : & au bout de trois jours vous le retrouneres cuyre sil est besoing : & feres comme aves fait auparavant : & au bout d'un moys aviseres sil va bien.
Et notes que si vous le mettes dens un vaisseau de verre, il luy fait donner sa decoction parfaite : pource qu'il la gardera longuement ainsi. Et si vous le mettes dens un vaisseau de terre, il faut que la decoction qui sera au succre, ou au miel soit plus verde : & qu'il y aye plus d humidité, à cause que la terre pour envernissé que soit le vas, se consume continuellement, ce qu'il ne fait pas au verre.
Et la façon de cuire le succre en ceste confiture semblablement se fait ainsi à toutes les autres.
Et qui vouldroit confire des orenges, ou d'escorce de lymons au succre, il faudroit faire tout ainsi comme j'ay declairé aux citrons : mais qui vouldroit faire en miel, ou en vin cuit, il faudroit proceder autrement, comme vous verres au lieu de sa description.
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Pour confire la chair de courdes que lon nomme cocordat ou carabassat, qui est une confiture refrigerative, qui refraischit, & est de bon goust.CHAP. II.
PRenes des courdes longues ou rondes des communes, de celles que seront les plus dures, mesmes celles que lon garde pour graine ou semence, alors que est au demy Automne, que encores qu'elles soient cueillies d'un mois elles n'en sont que meilleures : & lors vous feres la division de la courde en tant de pieces, que bon vous semblera : & osteres l'escorce par dessus que est fort dure : car ne vous servira de rien : mais prendres la chair la plus ferme que pourres, & faites qu'elle soit asses espesse : & carree : qu'il aye pour le moins telle espesseur ou crassitude : & incontinent que toutes voz pieces seront ainsi copees de la largeur de quatre doigtz, & de longueur de cinq doigtz, vous les mettres dens une terrine envernissee, & feres un lict de sel, & un lict de cartiers : & faites que le sel soit bien pulverise : & quand le tout sera bien salé, vous le laisseres la par trois ou
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quatre jours : car le sel le rendra ferme, d'autre part luy attirera l'humidite superflue qui est en la courde, quand viendra à recevoir son sucre, le prendra plus facilement, & se rendra plus ferme & savoreuse. Non obstant ne faut aucunement que sente le sel, car ce seroit gasté tout. Et quand il aura parachevé ces trois jours dedens le sel, vous osteres le sel, & le laveres en dix ou douze eaues, tant que en goustant vous ne cognoistres qu'il sente aucunement le sel : ce fait vous feres, boullir voz cartiers avec de belle eau toute clare, & premierement quand il aura boulli un peu, vous jetteres cest eaue, à fin que sil y estoit demeuré du sel au dedens, que par moyen du lavement ne fut sortie, moyennant celle legiere ebullition sortiroit hors : & puis le feres boullir en autre eau claire, jusques à ce que en la perçant avec une espingle entrera facilement : & incontinent que les cartiers seront cuitz, vous le osteres du feu, & le mettres dens d'eau froide, le prenant avec une cuillere percee : & le lairres refroider, dens ladite eau froide : pource que l'eau ainsi freische rendra la chair plus ferme : & quand ilz seront du tout refroidis, vous les feres un peu essuier dessus un linge bien blanc : pource que si lon luy vouloit met-
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tre le succre, tout incontinent l'humidite qu'ilz ont estant grande, que la confiture ne sçauroit estre parachevée de long temps. Parquoy quand ilz seront bien essuitz, vous prendres du succre selon la proportion des cartiers, quil soit beau succre : & le feres fondre avec d'eau, tant de succre que d'eau : cela se fait communement : & feres cuire le succre en forme de syrop bien cuit : & quand il sera refroidi, vous mettres ledit succre mis en syrop dens les cartiers qui seront dens quelque vas : & le lendemain regarderes vostre confiture, & feres boullir ledit succre sans les cartiers (car si vous faisies cuire les cartiers, ou quelque confiture que ce soit avec le succre, ou le miel : la confiture viendroit tant endurcie comme de cuyr) jusques en forme de syrop bien cuit : & quand il sera refroidi, vous le remettres dens voz cartiers : & à la tierce ou quarte foys quand cognoistres que les cartiers ne rendent plus d'humidite : & en le regardant à la clarte lon les voit clairs & dyaphanes, lors vous les osteres de leur syrop : & feres mettre en pouldre de quelque succre qui soit beau : & feres un lict de cartiers, & un autre de succre : & le laisseres la seicher, lors les cartiers seront une crouste blanche de succre : & le
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dedens sera humide, & au goust sera souefve : & ceste confiture est bonne pour manger, en fait que concerne medicine refrigerative : & pour la suavité d'elle en manger pour mitiguer la chaleur exuberante du cœur & du foye.
Pour confire l'orengeat en succre, ou en miel, qui sera bon par excellence.CHAP. III.
PRenes des orenges, & les mettes en quatre ou six cartiers pour le moins qu'ilz soient mis à quatre : & osteres le dedens qu'il ny demeure que l'escorce, & la chair, & le suc, & la graine soient hors : & puis prendres voz escorces, & les feres tremper dens de bonne eau claire, & y mettres pour la premiere foys une bonne poignee de sel, pour cause que le sel emportera la superflue amaritude que est aux orenges : & laisseres lesdites escorces l'espace de 24. heures : & puis apres vous changeres l'eau, & y en remettres d'autre : & tous les jours changeres, jusques à neuf jours : & au bout de neuf jours vous les feres boullir avec d'eau de fontaine bonne, jusques à ce que vous essaires avec une espingle si elle y entre facilement : & lors quand vous cognoistres que l'espingle entre dedens l'es-
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corce legierement, lors vous les osteres du feu : & les prendres avec une cuilliere percee, & les mettres dedens d'eau froide : & quand ilz seront refroidis, vous les laisseres essuyer un peu dessus un linge blanc : & quand ilz seront un peu essuitz de l'eau, vous le mettres dens un vas ou de verre, ou de terre, qu'il soit plein des escorces : & à lors vous prendres deux ou trois livres de succre, selon la grandeur du vas : & si le succre est beau, ne le faut pas clarifier, mais le feres fondre avec d'eau, tant pesant de eau comme il y a de succre : & fondu qu'il soit, le feres cuire à la forme & à la cuite d'un syrop bien cuit pour la premiere foys : & puis vous le osteres du feu, & le laisseres refroidir : & quand il sera froid, vous le mettres dedens les escorces : & faites qu'elles trempent bien dens ledit syrop : & le lendemain vous mettres ledit syrop dens une poualle, sans les escorces, & le feres boullir jusques à ce qu'il soit cuit, comme vous aves fait auparavant, & les feres refroidir : & puis le remettres dens son vas ou est ledit orengeat, & le laisseres la par trois jours.
Et au bout de trois jours vous le feres cuyre comme aves fait auparavant : & quand verres que le syrop sera cuit, vous
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verseres dedens les escorces, & les feres boullir cinq ou six ebullitions, & non pas d'avantaige, pour cause qu'elles ne s'endurcissent : & puis apres les osteres du feu : & les laisseres refroidir : & puis remettres le tout dens son vas : & ne le bougeres d'un moys, ou environ : & si au bout d'un moys vous cognoisses quil soit besoing de cuire, le feres, ou autrement le laisses ainsi quil est.Et si voules apres que le tout est bien cuit y mettres dedens de canelle & gyrofle pistes ensemble, lors feres une confiture qui sera bonne en perfeiction.
Et si voules le faire avec du miel, prendres du miel la quantite que vouldres, & le mettres dens une poualle, & le faites la fondre jusques a ce que toute lescume soit sus : & quand vous verres que toute l'escume sera par dessus, & alors le laisseres reposer, jusques à ce qu'il sera froid : & alors avec une escumoire, ou cuilliere percee osteres toute l'escume qui est par dessus, & la jetteres la : & le miel qui sera bien dispumé le mettres dens les orenges, & en useres comme a esté dit du succre.
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Pour confire les orenges qui soient bonnes a manger dens un jour comme si elles avoient trempees quinze jours.CHAP. IIII.
PRenes les escoreces d'orenges, & incontinent les feres boullir dens de l'eau claire avec une bonne poignee du sel : & soit la quantite de sel selon quil y aura des escorces : & feres boullir tant que verres que leau sera iaulne : & puis vous ietteres ceste eau : & apres les laveres avec cinq ou six eaues, sans toutesfois les macerer, ne rompre : & quand ilz seront bien laves, vous les gousteres a la langue, pour veoir sil sentent point le sel : & lors les feres boullir avec d'eau claire, jusques a ce que lespingle y entre facilement : & lors les osteres du feu, & les mettres dens d'eau froide, & tourneres gouster sil ont point goust de sel : & sil en ont vous les laveres avec tant d'eau, jusques a ce que le goust salé ne y soit plus : & alors prendres voz escorces, & les mettres dessus de linge bien blanc, & les essueres le mieux & le plus que vous pourres, & essuitz qu'ils soient, vous prendres de succre, ou de miel la quantite selon les escorces, & les feres fondre & cuyre a sa perfection : & puis y mettres les escorces boullir
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un peu : & puis les osteres du feu, & le remettres le tout dens son vas quil soit plein, & le laisseres la : & sil est besoing, les cuires au bout de cinq ou six jours, si vous voyes que le succre, ou le miel soit en aquosite : car si le succre ou miel n'estoit cuit à la perfection, la confiture se corromproit : mais si dens le premier jour vous essuyes tresbien vos escorces, & que le miel soit bien cuit, ou le succre, dens le premier jour elles seront bonnes, autant comme si elles avoient este faites trois moys devant, vray est que de tent plus la confiture demeurera faite, alors meilleur elle devient, & plus amyable : car l'amertume que les orenges ont de leur naturalite, par la longue succession de temps demeurans avec le succre ou le miel s'adoulcissent, & se font meilleures & plus delectables à la bouche.
Pour confire les noix ou autre confiture sans miel, & sans succre, qui seront aussi bonnes que avec le succre peu moins, & meilleurs que avec le miel : & toute sorte de confiture se peut faire en default de sucre ou de miel.CHAP. V.
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POurce que en plusieurs & diverses regions du monde y a faulte & abondance des choses que nature nous produit pour nous alimenter & secourir tant pour nostre vivre, que pour nostre delectation : & si en aucun pays ya abondance de succre, à l'autre en ya grande penurie : & si en une region ya abondance de miel, le succre y est cher : & a l'opposite la ou lon ne peut recouvrer ne succre, ne miel, le souverain soleil produit & alimente autres fruictz, que en les adaptant & changeant leur forme & qualite par diminution de l'une, & augmentation de l'autre, nous venons a satisfaire a nostre vouloir sensuel : comme font ceux qui en defaut du vin sont & composent certeines liqueurs mixtionees que leur servent de vin peu distant de saveur, odeur, qualite & suavite : tout ainsi ou le succre, ou le miel ne se treuvent, ou possible la faculté d'aucuns est exigue pour ne pouvoir fournir, à la mode que sensuit pourres faire toute sorte de confitures quelle que ce soit en forme liquide, que en la saveur & bonte ne sera guieres moindre, que en succre : vray est que elles n'auront pas telle suavite, qu'elles ont avec le succre, mais quant au miel le surpasseront.
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Pour faire le vin, cuit que Marcus Var=ro nomme Defrutum, & cest pour faire confitures en forme liquide.CHAP. VI
PRenes en temps de vendenges du moust de quelque vigne vielle, & des raisins bien meurs le plus qu'ilz pourront estre : & prendres dudit moust la quantite que vous vouldres, & le feres boullir dens une grande chaudiere, & incontinent quil commencera de boullir, ou faire son escume, faites que avec une cuilliere percee ou escumoyre ostes en toute l'escume par dessus, tant qu'il boullira tousjours faisant bon feu : & le feres tant boullir jusques à ce que des quatre pars les trois ou plus soient consumees, jusques qu'il viendra a la forme d'un syrop verdelet : c'est à dire mal cuit : & lors le osteres du feu, & le feres couler, & passer par une toile rare, ou par un tamis, ou sac que l'on passe la farine : & vous trouveres que au fond il sera un peu espes : & couleres le tout, & le garderes dens de vas de verre, ou de terre bien envernisee.Et pour confire des noix avec ce vin cuit prenes des noix verdes, & les plumes tresbien la quantite que vous vouldres : & quand elles seront bien plumees, vous les
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feres tremper en l'eau par le terme de neuf jours, leur renouvellant chacun jour d'eau : & au bout de neuf jours vous les feres boullir jusques à ce qu'elles soient moletes, & que se percent facilement avec une espingle : & quand elles auront boulli à leur devoir, vous les osteres du feu, & les mettres dens un beau linge blanc essuir : & quant elles seront à demy essuytes vous y mettres a chascune noix un tronçon de canelle, & deux clous de girofle, ou plus ou moins : que si vous en mettes, vous les rendres meilleures : & apres quand toutes vostres noix seront bien farcies de canelle, & de tous costez clavellees, vous les mettres dens un vas de verre, ou bien de terre : & qu'il soit plein des noix : & puis vous prendres vostre vin cuit, & en remplires le vas, ou le pot la ou sont les noix : & le laisseres par trois jours : & au bout de trois jours vous verseres le vin cuit qui est dedens le vas : & le feres cuire dens une poualle jusques qu'il soit à la mode quil estoit au paravant, quand vous le lui aves mis : car l'humidite qui estoit aux noix a descuit le vin cuit, que Marcus Varro appelloit defrutum : & quand vous aures ainsi cuit par deux ou trois fois vostre defrutum, le laisseres un peu verd, pour cause
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quil se desseiche tousjours : & sil estoit trop cuit, il se candiroit que seroit tout grenne, encor qu'il feut dans un vaisseau de verre.Et par ceste mode & façon vous feres toute confiture avec ce Defrutum ou vin cuit, lequel aussi sert en plusieurs autres condiments ou sauces que lon fait journellement aux maisons : mais il ne se peut faire qu'une fois l'annee.
Et notes que si le moust avoit esté fait demy jour, ou un jour entier, il ne vaudroit rien : mesmes il fault qu'il soit exprimé des raisins & à coup à coup, & à l'heure il faut qu'il soit mis dens le chauderon sus le feu : car il se tourneroit : que si demeuroit moins, le vin cuit n'auroit pas sa saveur, ne doulceur : mais il auroit saveur aigre comme se cestoit vin purifié & vieulx qu'il feut cuit : parquoy faites que incontinent qu'il sera extrait, qu'il soit boully.Et pour le garder dens de vas de verre ou de terre envernissee. Item le bien garder comme faisoient les anciens du siecle Romain, qui reposoient (avant l'invention du verre) dedens de potz de terre impicquez à la mode qu'il sensuit :
Prendres un pot de terre grand ou petit, ou une olle qui ne soient point envernissez, soient ou non : prendres de la poix,
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& un peu de suif de chandelle : mettres ladite poix& suif dens ledit pot ou olle : & la mettres sus le feu : & avec un baston ou au bout il y ait des estoupes estachees, & tourneres le pot d'un costé & d'autre, tant que le pot soit tout empoixé : & faites que la poix & suif soit bien cuit quasi bruslé, à fin que en l'esté il ne se fonde : & tournes tant d'un costé & d'autre que le pot soit bien imbibé de ladite poix.
Et faut entendre que d'un pot qui soit capace de vingtcinq livres, il y a asses de quatre onces de poix, & une once de suif pour le bien envernisser. Et alors au pot qui sera ainsi avec la poix par tout dedens bien plastré vous y pourres mettre le defrutum ou huylle tel qu'il vous plaire, que n'a garde que rien que vous y mettes penetre hors : car il tiendroit de l'eau fort : & l'huylle quand il est mis dens telz vaisseaux ne pleure jamais, ne fait semblant aucun par dehors que huylle, ne autre liqueur penetrante y soit mise : & garderes vostre defrutum ou vin cuit par une longue saison en fort integrite.Doncques si voules quelque autre confiture telle que bon vous semblera, la trouveres aussi bonne & louable faite du vin cuit, comme faite du succre, non com-
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prinses les autres commodites qu'il sert une foys l'an dens une maison.En d'aucuns pays de France le font tant consumer, qu'il est en forme solide, comme sil fut cotignac : & le nomme on de la reisine : mais il ne sert que pour faire quelques condimenz ou sauces servant aux cuisiniers : mais cestuy cy n'a pas sa decoction en forme solide : mais bien en forme liquide : & puis cestuy cy ne se doibt faire que du moust le plus clair & net, sans y mettre les grains, ne rien, or mis le moust tout seul, & fait des l'heure mesmes : car autrement ne se doit faire.
Pour faire laictues confites en succre.CHAP. VII.
PRenes des laictues par lors quand elles sont en graine : & prenes toute la plante, ou le tige, & le mondes tresbien, ne prenant autre chose fors la mouelle, que est de la grosseur du doigt indice, & de la longueur de tout le doigt : & les feres boullir avec eau de fontaine, jusques à ce qu'elles soient un peu molletes, que en les perceant avec une espingle elle y entre facillement ; & alors vous les osteres du feu : & les prendres avec une cuilliere percee, & les mettres dedens de l'eau froide, pour
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les un peu raffermer : & quand elles seront refroidies, vous feres escouler l'eau sus un linge blanc : & quand elles seront quelque peu essuites, vous les mettres dens un vas de verre, ou de terre envernissée : & laisseres un peu esgouter l'eau.En apres vous prendres trois livres de succre, ou autant pesant qu'il y a de laictues : & feres fondre ledit succre avec autant d'eau, ou peu ou moins, cela n'y fait rien : si le succre n'est blanc ou qu'il feust cassonade, vous le clarifieres ainsi.
La façon pour clarifier la cassona=de, ou le succre qui est noir, ou gasté tant pour la presente confiture, que pour toutes autres.
Vous prendres de succre la quantité que vous vouldres, & le feres fondre avecques d'eau, & mettres selon le succre l'eau, & le mettres sur le feu : & ce pendant qu'il est sus le feu qu'il chaufe pour boullir : vous prendres d'eau dens une autre vaisselle, ou poualle à deux ances ; & la quantite de l'eau soit deux pintes, ou une & demie, ou le poix de trois livres : & y mettres deux aulbins d'oeufz, & un peu de vin aigre blanc, comme le poix de trois drachmes
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& le mettres dens l'eau avec les aulbins d'oeufs : puis vous prendres un petit baston droit de demy aulne de long, & a un des bouts y estacheres de jonc d'esparte, de ce que lon fait des cabas pour les figues, ou quelque autre rameau : & viendres estacher : & puis batres l'eau ou est le vin aigre, & les blancs d'œufs : & batres continuellement l'eau tant qu'il en viendra esmouvoir une escume blanche s'eslevant en hault : & prendres de ceste escume avec ledit rameau, & la jetteres dedens la poualle ou est le succre, qui continuellement boullist : & quand vous verres que le succre en bouliant s'esleve en haut, & lors retourneres y jeter de ladite escume tant qu'il en y aura : & quant le succre ainsi boullant aura ennoircy l'escume qui se sera abaissee, lors vous osteres toute ceste escume qui naige par dessus le succre, & la jeteres hors et continuellement en boullant cueillieres l'escume : & apres aures un drap de layne blanche qu'il soit tout moullé en eau froide, & le adaptant avec un quarlet cloué, & les couleres gentilment dens un autre vaisseau : & le feres boullir jusques a sa perfection : & quand il sera cuit comme syrop ou plus, pource que les tiges de la laictue participent deux mesmes de grande humidité : &
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quand il sera ainsi cuit, vous le laisseres refroidir : & quant il sera froid, lors vous le mettres dens le vas ou sont les laictues, tant que lesdites laictues soient toutes submergees & plongees en succre : & la demeureront par l'espace de deux jours : & puis vous retourneres faire boullir le succre a part, sans les laictues : car il faut que lon ne les oste pas du vas dou elles sont : & quand le succre sera cuit plus que auparavant, le laisseres refroidir : & puis le retourneres remettre dens les laictues : & au bout de six jours vous retourneres faire boullir le succre, jusques à sa perfection : & quant il sera cuit, vous verseres dedens les laictues : & les feres boullir deux ou trois ebullitions sans plus : & puis le tout ensemble remettres dens son vas : & qu'il demeure ouvert jusques à ce qu'il soit froid : & puis le couvrires tresbien, & le serreres : & aures vostre confiture en perfection, que au temps des grandes & vehementes chaleurs est une confiture, qui refraichit les parties du corps trop eschaufees : & en fievre tierce, ou continue, ou quelque autre estrange alteration le personaige qui en prend se treuve grandement de sa personne alleigre : & de nuict quand lon est trop alteré de soif oste la soif sou-
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dainement, & fait dormir le malade proporcionement.
Pour faire la confiture des guignes ou agryotes, que les Italiens appellent amarenes, pour les accoustrer tant belles & souveraines qu'il est possible au monde, que quand auront esté faites un an, sembleront avoir estre faites du jour, et d'un supreme goust.CHAP. VIII.
PRenes des guignes des plus belles qui se pourront trouver, & que soient bien meures (car si elles ne sont bien meures, en les cuisant devers la fin n'apparoit que les os & l'escorce) & leur couperes un peu de la jambe : si vous cognoisses qu'elles les aient trop longues : & en prendres le poix de trois livres, plus ou moins : puis prendres de succre une livre & demy, & le feres fondre dens de jus ou suc d'autres guignes le poix de trois ou quatre livres dudit suc : & donnes vous garde, que tout incontinent que le suc sera extrait, soubdainement & sans delay vous le mettres sus le sucre, & sus le feu : & que le succre ne se fonde avec autre liqueur que avec le suc : & les feres boullir le plus tost qu'il sera possible : &
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quand il boullira, ostes toute l'escume qui sera sus : & quand vous aures bien osté toute l'escume, jusques à ce que vous verres vostre succre qui sera rouge, comme de la ou il est parti, & qu'il sera purifié du tout : lors incontinent sans l'oster du feu, ne luy faire perdre son ebullition, vous y mettres les guignes dedens boullir, sans le remuer ne peu ne prou, jusques à leur perfection : tousjours avec une espatule ostant l'escume qui est par dessus : & ne les osteres du feu que vous ne leur ayes donné sa parfaite cuite, sans les y plus retourner : & en prendres une goute dessus un quadre d'estain : & si voyes que la goute ne tombe ne ça ne la, lors il sera cuit : & incontinent quand vous cognoistres que leur cuite est parfaite, les mettres tout chaud dens de petiz vas d'un chacun de trois ou quatre onces : & aures voz guignes belles, vermeilles, entieres, & d'un merveilleux goust, qui se gardent longtemps.
Je suis este en plusieurs & diverses regions du monde, & ay hanté les uns & les autres que les faisoient d'une sorte, que les faisoient de lautre : que si je voulois escrire par tout la ou j'ay veu, le papier ne seroit asses suffisant : jeusse pensé que le pais d'Italie feusse le souverain pour ce faire : mais
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quand en cest endroit, au moins la ou j'ay veu, ilz en usent bien golphement : j'ay veu la façon de Thoulouse, de plusieurs de Bourdeaulx, de la Rochelle : brief de tout le pais de Guienne & Languedoc, & de toute la Provence, du Dauphiné, du Lyonois : mais je n'ay jamais trouvé de plus belles que ces icy ny meilleures : à Thoulouse les cuisent & recuisent quatre ou cinq fois, a Bordeaulx asses, & par tout l'Agenois : & à la fin quand elles ont cinq ou six mois, elles se gastent, se pourissent : les unes viennent seiches, car a les faire au vray, il se faut autre liqueur que le suc desdites guignes : car il les augmente en bonté, en espesseur, & en goust : que quand un malade en prend une, il luy semble avis, que c'est bausme, ou restaurant : & au bout d'un an elles sont semblables comme le premier jour qu'elles sont esté faites.
Pour faire la gellee des guignes, qui est aussi claire & vermeille comme un fin rubis, & de bonté, saveur, & vertu excellente, que les guignes se conserveront longuement en perfection, sans y rien adjouster que le fruict : & sera pour presenter devant un Roy,
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par leur supreme excellence. CHAP. IX.
PRenes des guignes des plus belles & des plus meures que se pourront trouver la quantité que vous vouldres, & ostes le pied, & les mettes dessus un tamys ou sac a passer la farine : & y mettres dessouz une terrine de terre : car il ne faut pas que le vas qui reçoit ce que se passe soit cuivre, erain, ne estain : pource que telz vas corromproient la bonté & la couleur du suc : & que au dedens dudit vas il y aie du succre pulverisé, selon la quantité que vous en vouldres faire : car il faut necessairement que le succre y soit, pour ause que si le suc tomboit dens la terrine tout seul : il se viendroit a tourner & congeller, & ne vaudroit rien : mais ainsi le succre le prend & vient acquerir la saveur & couleur.
Donques quand le tout sera bien passé qu'il n'y sera demeuré que les oz, & les escorces, vous verseres le tout incontinent dens une poualle sus le feu : & le feres boullir, & incontinent qu'il commencera a lever l'escume, vous la osteres toute studieusement avec une cuillere percee tant qu'il n'y demeure rien de l'escume.
Et notes que pour faire la gellee que
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soit belle & bonne en toute perfection, faut mettre petite quantite de succre, & grande abondance de suc de guignes : a celle fin qu'elles se congellent plus facilement : & le cuires à petit feu de charbon : & faites que le feu soit tousjours au milieu de la poualle : pour cause que ne se brulle : & luy donneres sa cuite comme il appartiendra.C'est assavoir que quand vous en prendres un peu avec une espatule, ou cuillere d'argent, & le mettres dessus un quadret, ou autre vaisseau d'estain : & si se tient tout rond sans tomber ne ça ne la, lors il sera cuit : & donnes vous garde aussi qu'il ne cuise pas trop : car il vaut mieulx que la gellee soit un peu verde, que trop cuite : car en la conservant le succre la desseiche, & cuite qu'elle soit, vous la mettres dens de petis vas de verre bas qu'ilz ne soient guieres profondz : & les laisseres refroidir, que si apres vous regardes à la clarté au soleil, ou a la lumiere, vous le trouveres tant beau comme un rubis. Et si vous en mettes à la bouche, cella vous donne un goust non pareil, & une saveur tant amiable, que confiture que vous ayes jamais gousté, Mais si les guignes ne sont asses meures qu'elles soient verdes ne peu ne prou, elle sera tant aigre, quelle vous causera stupe-
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faction aux dentz, & en lieu d'estre confiture amiable, elle se rendra insipide.Et en faut exhiber, ou donner à quelque Prince, ou grand Seigneur, ou autre quand seront fachéz de aucune chaleur, ou alteration estrange trouvera la confiture cordiale & delicieuse sans tare. Et si vous la faites ainsi que j'ay mis par escrit, indubitablement feres une gellee en toute perfection.
Un'autre mode pour faire gellee de gui=gnes, qui est plus delicate que la pre=miere, mais elle est plus chiere, & est pour grands seigneurs. CHAP. X.
PRenes de succre qui soit beau, & le mettes en pouldre grossement, & le mettres dens une poualle, & qui ait le poix de deux livres, & puis prendes de guignes que tant seulement le pied soit osté, le poix de six ou sept livres, ou bien huit, & les rompes, & froisses grossement avec les mains bien nettes, & les mettres dens la poualle ou est le succre : & les mettres sus le feu boullir jusques à la moytie, les remuant avec un baston net : & quand ilz auront boully ainsi, vous les couleres par un linge bien serré & bien net : & les exprimeres un peu : & pren-
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dres : ce que aura coullé, & le feres boullir dens une autre poualle à petit feu, le regardant continuellement s'il est cuit : car il se diminuera de beaucoup : & en prenant tousjours avec l'espatule ou le cullier d'argent pour voir s'il seroit cuit : & gardes de luy donner le feu par trop aspre ne violent : car ou il verseroit par dessus, ou il se brusleroit : & quand vous verres qu'il sera cuit, c'est assavoir une goutte mise sus un marbre, la goutte demeure ferme & ronde sans tomber, ne ça ne la : ou mise sus une piece d'estain, ou sus un couteau : & verres la goutte que sera aussi vermeille comme d'un parfait vin clairet : & lors quand elle sera cuite, vous la mettres dens des petiz vas de verre ou de boys à la mode que se met la gellee de coings. Et quand vostre gellee sera refroidee & rafermée, vous aures une façon & mode de gellee que n'est posible pour gellee de guignes d'en avoir de meilleure, ny de plus excellente en beaute & bonté : vray est que ceste yci est plus delicate & magnifique que n'est la premiere : combien que toutes deux ne sont point a mespriser, que quand vous aures suivy tout le monde, & aures experimenté toutes les modes & façons que vous aures peu voir ou par rapport d'autruy, ou par continuelle & longue
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experience, si est ce que vous n'en sçauries faire de plus excellente. Et si ce petit traité tombe entre les mainsde quelquun qui possible sçaura bien faire cecy, s'il n'est coustumier de mal parler, il ne sçauroit vituperer : car ceste mode est la plus souveraine de toutes celles que se font. non tant seulement en ceste cy, mais aussi à toutes les autres receptes que sont icy comprinses. Protestant que de tout ce que j'ay escrit de l'avoir le tout fait ou fait faire : & la plus grand part à ma prsence : il est bien vray que des huylles qu'ilz sont au premier livre, toute la quantite de l'ambre n'y estoit pas : mais de toutes les confitures qui sont desus escrites, & que s'ensuyvent le tout par fois, & en plusieurs & diverses regions les ay faites faire, & à ma presence : tesmoing en seront qui de ce siecle en tesmoigneront la verite : possible sera quelque bavard, qui ne me sçauroit imiter, qui est coustumier à mal parler, qui dira que cecy n'est pas grand cas : je le confesse, au moins je seray le premier, qui en ceste matiere de ce second traicté en nostre langue a montré le passaige, & a couppé la glace : aussi touts n'ont pas la cognoissance de ce faire & seront plusieurs personnages à qui la cupidite est grande
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de sçavoir faire plusieurs confitures, que seront satisfait en cecy : & qui bien en sçait faire une, en fera plusieurs : pourveu quil saiche bien conduyre & administrer le succre, ou le miel, en leurs donnant la cuite, telle qu'il appartiendra.
Pour faire la confiture du gyngembre verd, que combien qu'il soit dit gyn=gembre verd, si est ce qu'il se fait d'un gyngembre appelé mecquin, pource qu'il est de la Mecques ou Mahom=met est ensevely. CHAP. XII.
PRenes du gyngembre blanc, ou du mecquin, car il est meilleurs : & le faites tremper en eaue chaude, & luy renouvelles par trois jours l'eau : puis vous prendres de lexive faite de sermentz que soit asses forte, & feres bouillir ledit gyngembre premierement à peu de lexive : puis jetteres ceste lexive, & y en mettes d'autre : & le tasteres en le goustant, pour voir s'il a perdu sa force : car s'il n'est souvent bouilli avec ladite lexive, la force qu'il a & la cuite ne se peut perdre, sinon en bouillant souvent : car de soy mollifier il se mollifie facilement. Donques, quand il aura bouilli longuement dens la lexive, & qu'elle aura at-
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tiré la force du gyngembre, lors vous le osteres de sa lexive, & le mettres tremper dens d'eau claire, & le laveres fort, mais tout bellement sans le froisser : & quand il aura trempé par trois ou quatre jours, luy renouvellant chacun jour l'eau, à fin que la saveur de la lexive isse hors : & ce fait, vous le feres boullir avec d'eau claire : & que dens l'eau il y ait un peu de miel : & feres qu'il soit un peu mollet plustost ferme que mol : & jetteres cest eau, & le gousteres pour voir s'il sentiroit point la lexive, ou bien s'il auroit encores aucune acuite, que feusse par trop piquante : & si vous cognoisses qu'il y soit encores, vous le feres bouillir, jusques a ce qu'il soit de goust amaible : & alors vous le osteres du feu, & le mettres dessus de linge blanc a essuyer : & quand il sera essuit, vous le mettres dens un vas de terre bien envernissé, & mettres le vas enversé, à fin qu'il s'esgoutte de l'eau : & puis vous prendres du miel (car il faut qu'il soit conservé en miel, & non pas en succre) la quantité que vous vouldres : & le mettres dens une poualle, & le feres oullir deux ou trois ebullitions : & puis le osteres du feu, & le laisseres refroidir : & quand il sera froid vous luy osteres l'escume avec une cuilliere percée par dessus : & feres quil n'y demeu
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re rien de l'escume : & puis le miel qui sera bien dispumé vous le mettres tout froid dens le vas ou est le gyngembre, jusques à ce quil soit tout plein du miel. Et le laisseres la deux ou trois jours : & au bout de trois jours si vous cognoisses que le miel se soit decuit, & quil fut trop humide, lors vous pourres vuyder tout le miel, & luy bailler sa cuite un peu verde : & feres bouillir tout le gyngembre dedens deux ou trois ebullitions : & puis le remettres dedens son vas bien couvert. Et debves entendre, que en la composition de ceste confiture il y a de la perte & du gaing : & quand le tout est justement supputé, tout revient en la perte qu'il y est, c'est que la cuite que a le gyngembre qui participe d'espicerie, & sa force se perd, moiennant la decoction, & la lexive si l'on le confissoit ainsi, il feroit si fort & aigre, que lon n'en sçauroit gouster, en façon que ce feut : car la lexive nesi met par autre moyen, que pour luy destruire & attirer se force : & voila la perte qui est en luy : car si lon en vouloit gouster, il mettroit le feu à la gorge. Et du gaing qui se fait en luy, est tel : car c'est une espicerie qui est legiere, & soy enfle, & se remplit de miel, qui est grave & pondereux, & d'une cloche ou racine qui ne pesera
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que possible une drachme & demye : & quand il sera condit, il pesera environ une once. Et quant aux vertus du gyngembre verd il est propre pour les femmes que par la froideur de la matrice ne peuvent concevoir : & la semence genitale de deux conglobée ne peut retenir, mais coule, alors le gyngembre verd est propre, & à lestomach qui est par trop froid, & aussi aux vielles personnes qui sont desnaturées. Mais plus encores profite aux hommes, qui ne peuvent accomplir le devoir de nature, comme, De frigidis & maleficiatis, & impotentia coëundi, on en peut prendre, & le mettre dens du syrop fait de quelque bon succre, à fin qu'il soit plus amiable au goust, vray est qu'il ne sera pas si chauld.
Pour conserver leau du gyngembre, qui est pour faire bonne pouldre, pour faire souverain vin hippocras.CHAP. XII.
PRenes le gygembre, & le feres bouillir en l'eau claire, tant qu'il soit mollet : & faites que l'eau la ou il bouillira soit en grande quantite, à fin qu'il attire mieulx la force du gyngembre, tant que en goustant l'eau, vous la trouves qu'elle
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soit forte : & vous osteres ceste eau, & la mettres à part, & la feres boullir avec quantite d'autre eau, comme vous aves fait la premiere foys : puis vous prendres le gyngembre, quand vous verres qu'il sera bien cuit, & l'exprimeres fort : mais gardes vous de le rompre : & quand vous aures exprimé toute la decoction, que la force, & l'acuité du gyngembre sera dedens : lors vous prendres toute cette decoction, & la feres bouillir dens une grande chauldiere, jusques que toute l'humidite soit presque consumée : & la reste mettres dedens une terrine de terre essuit : que si vous le goustes, trouveres qu il tient toute la force du gyngembre : & pour en mettre avec la canelle de l'hyppocras luy donne une pointe qui n'est pas à mespriser : ou pour faire quelque saulce de espicerie. Et je n'ay pas voulu obmettre cecy, pource que la force du gyngembre est dens la decoction : & pour ne mettre à mal, je l'ay autrefoys fait faire à nostre Françoys Berard, qui puis la vendoit comme d'une espicerie toute nouvelle.
Pour faire d'une racine confite qui est Hyringus, qui aura toutes les vertus, bontes & qualites que a le gyngem=bre verd : & sera de goust plus souef=
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ve, & sera tout semblable du gyngembre verd. CHAP. XIII.
PRenes de racine de Hyringus, que lon nomme en nostre langue Panicault & en langue Françoise Hyringue, & le feres cueillir l'hyver, car à lors toute la vertu est en la racine, & feres qu'ilz soient des plus grosses racines que se pourront trouver : & les plumeres avec un ganivet, ou quelque cousteau qui soit bien trenchant : & quand vous aures superficiellement osté ceste petite peau qui est par dessus, vous le couperes à petites pieces, & prendres les pieces que vous cognoistres que feront plus tortues, comme de la longueur d'un demy doigt : & gardes vous, que vous n'ostes pas le cœur qui est dedens : car vous diffameries vostre confiture : & quand vous aures bien nettoyé voz racines, vous les feres boullir avec d'eau : & y mettres dedens deux ou trois cloches de gyngembre conquassée, & feres tant boullir voz racines, jusques à ce qu'elles soient à suffisance bien molletes : & ce fait, vous les osteres du feu, & les feres un peu essuyer avec quelque linge blanc : & puis les mettres dens un pot de terre, ou de verre. Et puis prendres du succre la quantite que vous cognoistres qui
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sera convenable, pour les conserver, & le feres bouillir en l'eau, & le cuyres en forme de syrop. Puis prendres de bon gyngembre, deux onces, de poyvre blanc une once, & le tout soit mis en pouldre subtile : puis prendres voz racines de hyringus, & les mettres toutes dens une terrine : & faites que ne soient pointhumides d'eau : & prendres ceste pouldre, & synapiseres par tout, tant que toute la pouldre y soit, au moins selon la quantite des racines : & puis quand vous aures bien saulpoudrez, vous les remettres dedens leur pot, ou vas, & y mettres le succre que aures cuit en forme de syrop. Et si au bout de trois ou quatre jours vous voyes que vostre syrop aie attiré quelque humidite des racines, & qu'il soit quelque peu decuit, vous ne le feres pas cuire : mais vous le mettres par quelques jours au soleil, ou dens quelque estuve, pour luy consumer ceste estrange humidite : car si vous faisies cuire le succre, tout la pouldre yroit, & en bouillant perdroit sa vertu : & par ainsi vous aves d'une façon de gyngembre verd, qui n'est guieres different du gyngembre verd : & si trouveres plus de goust amyable, & plus de vertu que au naturel : & n'est pas si facheux a faire, ne de tant grand despense.
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Pour faire des amandes confites des verdes, par lors qu'elles sont demy meures, qui est un confiture fresche & delicate. CHAP. XIIII.
PRenes amandes fresches par lors qu'elles sont tendres & verdes, le nombre ou quantite que vous vouldres, & faites les plumer gentiment, & le plus subtilement que vous pourres : & faites qu'il en y ait quelques unes avec les fueilles : & quand elles seront plumées, vous les feres bouillir avec d'eau claire, jusques à ce qu'elles soient tendretes : & puis quand elles seront cuites à leur devoir & suffisance, vous les osteres du feu, & les osteres de l'eau chaude, & les mettres dens de l'eau froide, pour les un peu rafermer : & puis les feres tresbien essuyer avec quelque linge bien blanc & net : & quand seront essuytes, non pas du tout, vous les mettres dens n vas tel que bon vous semblera, & le mettres enversé, pour & a fin que s'il y avoit par trop de humidite qu'elle s'esgoutte : & puis vous prendres du succre la quantite selon les amandes : car s'il y a deux livres, d'amandes, quand elles seront boullies, il vous faut une livre, & demie de succre, lequel vous feres fondre avec une livre, & demye de bonne eau
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de fontaine : & s'il est beau, il ne le vous faut pas clarifier : & le feres cuire, jusques en forme de syrop, que en mettant une goute dessus un marbre, la goute se tient ferme sans verser ne ça ne la, ne fumer : & lors que vous cognoistres que le succre sera cuit comme il appartiendra : vous le osteres du feu, & le laisseres refroidir qu'il soit du tout froid : & puis remettres le vas ou sont les amandes, & le laisseres pour deux jours entiers, & au bout de deux jours vous tourneres faire cuire le succre en forme de syrop : & quant il sera froid, vous le tourneres mettre dens les amandes, & le laisseres pour quatre ou cinq jours : & au bout de cinq jours vous tourneres faire boullir le succre, jusques à sa perfection de syrop : & puis quand il sera froid, vous le tourneres remettre dens son vas : & vous garderes bien que ne fassies nullement boullir les amandes avec le succre, pour cause que à une partie des amandes qu'il y a des feuilles verdes de l'amandier qui s'y tiennent & sont primes, foybles, & de subtile substance, que si venoient a boullir avec le succre, le succre les viendroit à la premiere ebullition brusler & seicher : mais tant seulement ne faut boullir que le succre tout seul, & ne le luy mettre qu'il ne soit froid : si
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vous voulés faire vostre confiture que soit bonne, & louable, & plus savoureuse que delicate. Sont d'aucuns que luy veulent changer leur qualite, en les faisant de complexion temperée, & plustost tendent à chaleur du premier degre, que froides, luy mettant à chacune une piece de canelle, & un ou deux cloux de gyrofles, que est cause que la confiture est plus excellente, & de meilleur odeur. L'on les peut faire qui veut sans canelle ne gyrofle, ou avec l'un ou l'autre, tout ainsi que sera la volunte de celuy ou celle qui en vouldra avoir.Et ceste confiture si elle est faite avec espiceries, lors elle sera plustost nombrée pour une viande delicieuse a manger à toutes heures, que autrement : car guieres ne sera administrée en medicine, or mis que par lors elle est confite avec toute son escorce qu'elle participe de quelque aigreur ou acetosite : qui est cause que en cas de alteration elle se pourroit exhiber : mais cella ne vient pas souvent, mais plustost pour les manger a plaisir, tout ainsi que l'on fait des autres confitures que journellement selon les diverses qualites & complexions des gens que se sont qui les veult dune sorte, qui les veult dune autre, par toutes façons que l'on le sçauroit fai
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re, elles ne peuvent estre que bonnes, soit en succre, en miel, ou vin cuit, que nous appellons Defrutum : parquoy qui vouldra le fera faire à sa volunte, en vin cuit elles sont bonnes.
Pour faire gellée de coings d'une souve=raine beaute, bonte, saveur, & excel=lence, propre pour presenter devant un Roy, & qui se garde bonne lon=guement. CHAP. XV.
PRenes des coings desquelz que vous vouldres, sur tout qu'ilz soient bien meurs & jaunes, & les mettres en cartiers, sans les plumer : (car ceux qui les plument, ou les pellent ne sçavent pourquoy ilz les font : car l'escorce augmente l'odeur) & de chacun coing en feres cinq ou six pieces : & osteres la greine, car ilz gelleront bien sans cela : & ce pendant que vous les coupes, mettes les dens une bassine pleine deau, car incontinent quilz sont hachiez, ou coupez, s'ilz ne trempoient dens l'eau, ilz viendroient noirs : & hachez qu'ilz soient, les feres bouillir avec grande quantite d'eau, jusques à ce qu'ilz soient fort bouilluz, que presque ilz se froississent : & puis quand ilz seront bien cuitz, vous couleres ceste eaue
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par un linge neuf qui soit espes, & exprimeres fort toutes la decoction tant que faire se pourra : & puis prendres ceste decoction : & s'il y a six livres de decoction, vous prendres une livre & demi de succre de Madere, & le mettres dedens la decoction, & le feres boullir sus les charbons à feu moyen, tant que vous verres, que vers la fin il se consumera beaucop : & alors luy feres petit feu quil ne se brusle des costes, qui causeroit mauvaise couleur à la gellée : & puis quand il sera pres de cuit, & pour cognoistre sa parfaite cuite, vous en prendres avec une spatule, ou une cuilliere d'argent, un peu, & le mettres sus un quadret : & si voyes quand il sera froid, que la goute se oste toute ronde sans soy tenir ne ça ne la, lors elle est cuite, & la osteres du feu : & attendres que l'escume qu'il fait par dessus soit posée : & puis tout chauld vous le mettres dens les boytes de boys, ou de verre : & si vous voules escrire quelque chose, ou tailler au fond de la boite, le pourres faire, car il se verra facilement : car la couleur sera tant dyaphane, que resemblera un rubis oriental, tant sera de couleur excellente, & de saveur encores plus, que l'on en peut exhiber aux malades, & à ceux qui sont sains.
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Autre façon pour faire gellée de coings plus belle beaucoup & plus precieu=se, esgale en saveur : vray est quelle est beaucoup plus chiere, mais qui en vouldroit pour princes, ou grandz seigneurs, n'en faudroit point faire d'autre, que de ceste cy : car elle sur=passe tout : icy ne faut user d'avarice nullement, mas de prodigalite.CHAP. XVI.
PRenes des coings au nombre de douze ou quatorze, & les plumes & pelles bien & subtilement, & les divises en huict, ou dix parts, & les nettoieres tresbien de leur graine : & quand il seront ainsi divisés & coupés, faites les boullir avec grande abondance d'eau : & quand les coings seront pres que cuitz, voys y mettres dedens boullir trois ou quatre livres de succre qu'il soit beau en pain : & les feres boullir encores d'avantaige, en y adjoustant de l'eau, à fin qu'il bouille mieux : & quand il auront tresbien boully jusques qu'ilz soient touts en paste, vous les couleres par quelque drap bien net & blanc, sans l'exprimer : & ce qui sera coullé, vous le feres boullir dens une
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poualle sus les charbons à petit feu : & quand verres qu'il sera fort consumé, devers la fin vous essayeres en regardant souvent avec une cuilliere d'argent, ou une spatule bien nete s'il est point cuit, & s'il est bien coagulé : & si vous voyes quand vous en aures mis un bien peu dens quelque vas d'estain, ou quadret, s'il est gellé, ostes le du feu, & bailles luy la cuite hardiment un peu forte, que encores que vous voyes quil soit tenace, ou visqueux, ne pour cela : car apres quelque temps, il se decuit, & revient en sa bonne forme, qu'il se coupe comme une gellée de piedz de veau : & alors vous la mettres dens des boites de bois, ou de verre : & que les armoyries, ou devises heroiques telles que bon vous semblera y mettre qu'elles apparoistront.
Ilz sont d'aucuns qui y mettent des muscillaiges de la greine des coings, pour les faire geller : mais il n'y faut rien, car la chair est de mesme nature & qualite que la semence : car il n'y en faut point. Aussi sont quelques uns que pour leur donner couleur y mettent de sandal rouge, ou de bresil avec eau rose. Je vous dy qu'il n'y faut ne sandal, ne bresil, car de luy mesme il sera rouge comme une fine escarlate, ou rubis oriental : car devers la fin quand il com
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mence à soy consumer, & soy espessir, il devient de soy mesme rouge : car souvent pour y avoir adjousté telles reveries devers la fin, cela se convertit en noirceur, & se brusle, & vous vient à diffamer vostre gellée : mais telles additions ne se font que à gents inexprimentés, que guieres n'ont pratiqué telz condimenz. Parquoy gardes vous de y mettre autre chose que le succre, & les coings, si vous voulés faire à perfection ceste gellée propre & convenable pour presenter devant un Roy : vray est qu'elle ne rendra pas tant comme la premiere, pour cause que demeure du succre beaucoup dens les cartiers des coings : mais de excellence & beaute vrayement il surpasse toutes les gellées qui se pourroient faire au monde.Mais quant à ce que mon dire soit veritable, je m'en remes à ceux qui si entendent, & qui en ont fait par plusieurs foys de ceste façon, mesmes en a esté fait pour le feu Roy François premier de ce nom, & puis pour monsieur le Cardinal de Clarmont, en son vivant legat d'Avignon, qui estoit pour lors, & au jugement des voyans lon n'en vit jamais de tel : & de tel en feut fait present à feu monseigneur le grand maistre de Rhodes, qu'en venant de Rhodes passoit en Avignon l'an mil cinq cents
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vingtsix, & despuis en ça la notable & non pareille cité de Lyon en a emporté & en porte le bruit & renommée, mesmes jusques aux femmes.
Autre façon pour faire gellée de coings en roche, que sera de goust meilleure, & de plus grande substance, que n'est point moindre aux autres, tant en beaute, bonte, valeur, & excellece que les autres. CHAP. XVII.
PRenes des coings le nombre que vous vouldres, dont de tant plus il en aura, de tant plus il sera meilleur : & pelles le bien, & netoyes, & les mettes en pieces telles que bon vous semblera : & les feres boullir avec abondance d'eau tant qu'il suffira : & quand seront bien cuitz à perfection, vous les couleres tresbien par un linge de toille qui soit bien net, & l'exprimeres fort : & mettres ladite decoction cuite à part sus le feu : & ce pendant qu'elle cuit, vous prendres un coing qui soit bien meur & bien jaulne, & le plumeres tresbien, & ne prendres que du costé devers la peau : car de la partie qui est proche de la greine ou semence est graveleuse : & quand il sera bien mondé, vous le mettres par petites pieces quar
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rées comme des deitz, ou aussi grosses en la forme qui sensuit, un peu plus espesses : & les feres boullir dens une petite poualle avec d'eau, jusques qu'ilz soient cuitz, & mollets : & alors qu'ilz seront ainsi cuitz, vous verseres le tout dens la decoction, & feres boullir le tout ensemble, jusques à ce qu'il soit en forme de gellée, que quand vous essayeres avec une cuilliere d'argent s'il est cuit en la forme des autres, vous l'osteres du feu, & le laisseres un peu repouser, pour cause s'il avoit fait escume, de la sortir tousjours peu à peu avec une cuilliere d'argent : car pour fin qui soit le succre, à cause de l'acetosite du coing, le succre se purifie & fait son escume par dessus : & quand il aura posée son escume, lors vous le verseres dens des boites de verre, ou de bois entaillées & insculpées ainsi que bon vous semblera : & verres vostre gellée en toute bonte & beaute merveilleusement bonne.
Pour confire petiz limons & orenges tous entiers des nouveaulx, quand ilz sont en verdure : qui est un confiture fort delectable & savoreuse,
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qu'on en peut user ainsi que lon vouldra. CHAP. XVIII.
PRenes des orenges, & des limons tendres, qui sont verds, ausquelz encores l'acetosite ne la semence n'apparoit nullement, le nombre que vous vouldres : aussi y mettres des petits brots, ou getons tendres que l'arbre produit un chascun an nouveau, qui est demy feuillée : & les feres tremper dens d'eau de fontaine, ou de bon puis, les lymons & orenges par l'espace de neuf jours, & les petits getons par l'espace de quatre jours : & au bout de leur terme les feres boullir avec d'autre eau. Et avises que vous ne failles de changer l'eau tous les jours : & à la premiere ebulition qu'ilz feront mettes y une poignée de sel : pour & à fin, que sil y avoit encores de l'amaritude, que moyennant le sel l'emporteroit, & se rendroient plys amyables : & quand elles auront bien boully, que seront cuitz : mais gardes vous de ne boullir les getons quand le demeurant, pource qu'ilz sont tendres, ne soubtiennent pas tant de decoction, & soient pourris de cuire : mais les mettres devers la fin, & quand le tout sera proportionnement cuit selon qu'il appartiendra : lors vous les osteres gentiment du feu,
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& les remettres dens de l'eau froide pour les refroidir : & quand ilz seront froidz, vous les osteres de l'eau, & les esgouteres, & les mettres dens un vas de verre, ou de terre bien envernissé. Et puis prendres du succre la quantite selon que il y aura des orenges, & les feres fondre & cuire, jusques en forme de syrop bien cuit pour ceste premiere fois : & quand il sera cuit, vous le osteres du feu, & le laisseres refroidir : & quand il sera froid, vous le mettres dens les orenges, getons, & lymons, & feres que le succre en sirop les couvre : & les couvrires tresbien d'un parchemin : & au bout de deux jours vous verseres le succre dens une poualle, & le tourneres faire boullir tout seul, jusques qu'il soit comme il estoit au paravant, que est forme de syrop : & le feres refroidir : & quand il sera froid, vous le remettres dans les orenges, lymons & getons, & les laisseres la cinq ou six jours, ou peu ou moins, les revisitant tous les jours : & retourneres cuire le succre comme aves fait auparavant : & à la derniere fois gardes vous de les faire cuyre avec le succre : car les escorces des lymons & des orenges se viendroient a endurcir comme cuyr : mais tout froid, on doit mettre le syrop ou le succre.Et quand il ne sera plus besoing de cuire
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le succre, que verres que la confiture sera parachevée de faire, faites la mettre dens des vas de terre qui soient bas, qu'ilz n'aient pas plus de haulteur que deux travers de doigt : pource que toute la forte de la confiture se voie, & que en la prenant : elle ne se despiece, comme en ces pots de Valence d'Espaigne, ou de ceux qui se font de la terre de Secile, ou en autre vas telz que bon vous semblera. Et notes que aussi bien les pourres vous confire avec du miel, ou du vin cuit, qui se nomme Defrutum, mais pour parler à ce que concerne la pure verite, avec le succre c'est une notable confiture non pas tant seulement ceste cy, mais toutes autres quelles que ce soient : car la liqueur en est plus noble, & plus delicieuse : avec le miel c'est chose grossiere & rustique : & avec le vin cuit c'est chose serville à d'aulcuns plus amoureuse que le miel : mais despuis qu'il faut parler à la verite, nul ne fait doubte, que toute confiture quelle que ce soit, obtient le principat entre toutes les matieres de liqueur conservatrice : & on les fera ainsi que l'on vouldra, quant à moy je donne la louenge a celle qui est faite au succre.
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Pour confire des coings à cartiers dens un jour, qu'ilz se conserveront lon=guement, qui seront d'un merveilleux bon goust, qui pourront servir pour deux intentions, c'est assavoir pour medicine confortative & restrictive, & pour en manger à plaisir à toutes heures. CHAP. XIX.
PRenes des coings des plus meurs, & des plus jaulnes que se pourront trouver, & les mettes en quatre cartiers, ou si vous voyes qu'ilz soient trop lours à quatre, divises les en six, ou en huit, tout ainsi que bon vous semblera, & pelles les bien, qui n'y apparoisse rien de l'escorce, ne de la greine, en sorte qu'ilz soient bien netoies : & incontinent faites les boullir avec quantite d'eau, tant qu'ilz soient bien & fuffisamment cuitz, que quand vous les perceres avec une espigle, qu'elle y entre asses facilement : & puis incontinent que vous verres qu'ilz seront bien cuitz : & faut qu'ilz soient plus cuitz que mal cuitz : vous prendres du succre selon la quantite des coings : & vous mettres le succre, & le mettres dedens les coings boullir ensemble. Et s'il n'y avoit asses d'eau, vous en mettres d'a-
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vantage, à fin que le succre estant aygueux, ou en plus grande aquosite, penetrea plus faclement dens les coings, que s'il y avoit faute d'eau, que le succre feut trop cuit, le coing ne se cuyroit que superficielement, & dedens seroit tout blanc.Parquoy feres boullir le tout ensemble à petit feu de charbons, jusques à sa parfaite cuite : que quand en mettres une goutte, ou deux sus un plat d'estain, vous verres qu'il sera gellé : & faut que leur donnes la cuite d'avantaige un peu plus forte : car apres le coing participe de naturelle humidite qu'il se descuit apres quelque peu : & puis de lui mesmes se reduit à son naturel : & qu'il soit vray, quant il est parachevé de cuire, il est visqueux que l'on ne le sçauroit tailler avec un couteau : puis au bout de cinq ou six jours, ou de trois jours sans plus, vous le couperes comme une gellee : & ce fait, quant il sera cuit comme je vous dy, vous le mettres dens des vas, qui soient bas, ou bien les pourres mettre dens des boites larges, que soient basses : & la ne le faudra oster, sinon que quand on en vouldra manger : & quelque fois quand vous vouldres prendre un cartier, trouveres un morceau que vous sera un baulme. Et avant que les remettre dens la boite, pourres
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mettre de la canelle, & du gyrofle tout entier à chacun cartier deux ou trois. Ou pour mieulx faire, pourrres mettre en pouldre, le gyrofle & canelle, & les asperger par tout : & en mettres selon la quantité de la confiture : qui en veut faire autrement, le peut : mais ceste mode est la plus meilleure & plus expediente, que qui le vouldroit confire à la mode des autres confitures, il faudroit cuire le succre un jour, & l'autre non, ce seroit plus longue saison à les faire : & si est ce qu'ilz ne seroient pas si bons. En lieu de succre se font merveilleusement bons avec le vin cuit, à la mode qui sensuit.
Pour confire les coings à cartiers avec le vin cuit, qui ne soont guieres diffe=rents du succre : mais il les faut faire en temps de vendenges : & se garde=ront un an ou deux en bonte & va=leur : & la sauce, ou condiment ou ilz sont cuiz est merveilleusement bon toute l'année à manger & faire sau=ces. CHAP. XX.
PRenes des coings le nombre de vingt, ou plus ou moins, & les feres mettre à quatre cartiers : & les pelleres & netoieres
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en touts endroitz, tant du costé de l'escorce, que du costé de la greine : & quand ilz seront bien netoiez, vous les feres bouillir dens une chaudiere avec du moust, qui soit fait du jour mesmes, & de bons raisins & bien meurs, quil ne feussent point verds, ne aigres. Mais avises vous que au paravant vous ayes le moust dens le chauderon : & que luy faites bailler une ebullition, pour au paravant oster l'escume : & quand vous aures bien osté toute l'escume, vous y mettres quant & quant touts les coings à cartiers, & les feres tant bouillir, jusques à ce qu'il soit tout diminué. Et notes que de dix potz de moust il faut qu'il revienne à trois. Et par ainsi vous le feres tant bouillir avec les coings, que quand vous en mettres avec une cuilliere dens un plat un cartier : & que vous le diviseres par le millieu, il ne sera pas blanc, ny aigre : mais il sera doulx & visqueux, & coagulé : lors vous le feres oster du feu, & mettres le tout ensemble dens quelque grand pot de terre, que aures une confiture qui sera rouge comme une jacinthe, & doulce comme succre : & si la donnes a gouster à quelquun, ne sçauroit discerner si cest succre, ou non : car de la seveur & senteur du miel en est loing : & le feres couvrir tresbien : & quand
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ilz seront parfaits de cuire, vous pourres prendre les cartiers avec une cuilliere percée, & les mettre dens un plat : & à chacun des cartiers mettres de gyrofle, & de la canelle : ou pour mieulx, pourres separer les cartiers du vin cuit, & les mettre à part : & le vin cuit vous servira à plusieurs gentillesses, vous servant en cas de necessite en tous les lieux, ou le succre defaut : or mis pour boire avec l'eaue : car le succre est tempéré : & le vin cuit, ou defrutum est chauld : mais au reste il tiendroit le lieu du succre : & s'il est gardé par un an tout entier, il se candit comme s'il estoit succre : vay est que le succre est blanc, & le vin cuit est de couleur de miel candit.
Pour faire du codignat qui est dune sub=stance grande, & de saveur bonne : & plus profitable que nul des au=tres : vray est qu'il n'est pas si dele=ctable, mais aux effectz & operati=ons il est meilleur. CHAP. XXI.
PRenes des coings douze, & les faites cuire au four dens une piece de cuyvre ou une bassine large basse : & faites que les coings soient bien meurs & jaunes : & quand ilz seront bien rostis au four tant quilz se-
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ront bien cuitz, vous les osteres du four, & les plumeres gentilment : & puis les feres passer par une toille neufve estroite, & bien serrée, tant qu'ilz en passent la plus grand part : & quand vous verres que le tout sera bien passé, vous prendres de la chair qui est passée, & la poiseres, que s'il en y a quatre livres, vous prendres trois livres de succre mis en pouldre, & le mettres avec la chair qui est passée : & feres cuire le tout dens une poualle sur le feu avec des charbons : & que le feu soit au fond : & aures un bistortier, ou un baston rond, & tant qu'il cuira, incessamment ne feres que le remuer pour paour qu'il ne soit bruslé : & pour cognoistre quand il sera cuit, vous en mettres avec le bistortier sus un plat d'estain, & regarderes si la chair est ferme, & si se oste rondement sans adherer au plat : alors il sera cuit : & apres qu'il sera cuit, vous le mettres tout chauld dens des boites ou de bois, ou de verre, ainsi qu'il vous plaira.
Pour faire une autre façon de coings a cartiers avec le succre, qui seront encores meilleurs & plus beaux que mulz des autres. CHAP. XXII.
PRenes des coings des plus meurs & plus jaulnes qui se pourront trouver,
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le nombre de quinze ou seize, & les plumeres gentilment de l'escorce & de la greine : & incontinent quand se plumeront, les mettres dedens une poualle pleine d'eau, qu'ilz ne s'ennoircissent : & quant vous les aures trestous plumez, vous les feres boullir avec abondance d'eau, & quand ilz seront bien cuitz, que en les essayant avec une espingle qu'elle y entre facilement, lors vous les osteres de l'eau, & les mettres dedens un grand plat d'estain, & les laisseres un peu esgouter : & puis prendres de succre le poix de six livres, & que soit en pain : & le feres fondre dedens la decoction ou les coings ont bouilly : & retourneres tout sur le feu, & feres bouillir premierement le succre avec la decoction, jusques a ce quil vouille : & quant il commencera de bouillir : l'escume quil fera vous l'en osteres avec une escumoyre, ou une cuilliere dargent : & quant vous cognoistres que le succre bouillant avec la decoction soit bien purifié de l'escume, lors vous mettres les cartiers des coings dedens, & feres cuire tout ensemble, jusque à sa perfection : & pource que la decoction sera coagulante participant d'une gellée, vous cuires le tout ensemble, jusques qu'il soit en forme de syrop fort cuit : mais gardes vous que ne le
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remues pour rien quand ilz cuiront, à fin de ne les rompre : & alors qu'ilz seront cuitz comme je vous ay dit, vous les osteres du feu : & mettres les cartiers dens un pot large, qui soit bas : & le laisseres par deux jours : & que le sucre cuit avec sa decoction y soit : & au bout des deux jours vous prendres les cartiers, & verres s'ilz sont fort humides : & les feres recuire jusques à perfection de syrop, comme vous aves fait au paravant : & puis les remettres dedens leurs vas : & les laisseres par cinq ou six jours : & au bout de six jours si vous voyes encores que les cartiers abondent de humidite, pour ne cuire tant la decoction qui se pourroit embrunir ou acquerir quelque maulvaise qualite, vous cuires les cartiers avec d'autre succre, & cuires jusques que les cartiers soient du tout cuitz : & vous osteres les cartiers de ce succre : & leur mettres à chacun de canelle, & du gyrofle à vostre plaisir : & quand touts seront bien aromatisez, vous cuires la premiere decoction en forme de gellée : & puis y mettres les cartiers des coings que sont esté paracheves de cuire au sucre dernier : & puis les remettres dedens des vas qui soient bas, à fin que quand vous en vouldres prendre, qu'ilz ne se rompent : &
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si vous voules qu'ilz soient plus faciles a les prendre, faites les mettre dedens des boytes larges de Lyon, que quand vous en vouldres prendre, se coupperont touts ensemble, comme la plus belle gellée que se pourroit trouver : & en goust seront non pareilz, & delicieux pour presenter à sains & à malades : ne se pourroit trouver confiture de plus grande exquisition, ne meilleure : si l'on les vouloit pour malades, ne faudroit pas que la canelle ne gyrofle y feut, pour cause de sa chaleur : lautre succre dernier sera bon a faire de gellée.
Pour confire l'escorce de buglosse, que les Espagnolz nomment lengua bo=vina, qui est une conditure cordiale, qui preserve le personnaige de venir hetique, ou hydropicque, & tient le personnaige joieux & allegre, chasse toute melancholie, resjeunit l'homme, retarde la vieillesse, fait bonne couleur au visaige, entretient l'homme en sante, preserve l'homme cholerique a tencer. CHAP. XXIII.
PRenes de l'escorce de la buglossse au mois de Decembre, du temps qu'elle
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n'a guieres de feuilles : car si vous la cueilles du temps quelle est fort feuillée, ou en fleur, elle ne vaudroit rien : car toute sa vertu est au tige, & aux fueilles : quand elle sera cueillie, vous prendres des plus grosses racines : & ne prendres que l'escorce tant seulement, & la nettoieres tresbien, & laveres sans la rascler, le moins que vous pourres : & en feres de pieces larges, de toute la largeur de l'escorce, & de moyenne longueur : & quand elles seront bien netes & mondifieez, vous les feres cuire avec suffisance d'eau de fontaine : & quand elles seront bien cuites de bonne sorte, comme l'on cuit une autre confiture, vous prendres les racines avec une cuilliere percée, & les mettres dedens un vas qui soit large & bas de deux doigts de travers : & l'eau ou elles auront cuit ne la verses pas : car une partie de la vertu d'icelle y gist : parquoy prendres du succre à suffisance, & le feres fondre, & liquefier en ladite concoction : & le feres cuire, jusques à perfection de syrop bien cuit. Que si vous voies que moyennant la decoction le succre soit noir : & que le syrop en soit plus laid, vous feres clarifier le succre : ou bien si bon vous semble, ne y mettres point ladite decoction : vray est, que si le succre n'est liquefié à ladite decoction, que sa
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vertu est diminuée : donques feres cuire le succre en forme de syrop bien cuit : que quand il sera bien cuit à sa proportionée decoction, vous le laisseres bien refroidir du tout froid : & le verseres dens l'escorce, & qu'elle trempe toute dens le syrop : & le laisseres l'espace de 24. heures : & au bout de 24. heures vous osteres le syrop, & le feres bouillir davantaige en l'escumant : & feres que pour ceste foys il ne cuise que à la forme de syrop simplement : & apres qu'il sera cuit, l'osteres du feu gentilment, & le laisseres refroidir : et quand il sera du tout froid, vous le remettres dens l'escorce, et le laisseres pour deux ou trois jours, ou quatre : & si au bout du terme prefix vous voyes qu'il soit besoing de le cuire, vous le cuyres : mais donnes vous garde que vous ne mettes pas le succre qui soit chauld, ne faire boullir nullement l'escorce avec le succre : car elles viendront dures comme de cuyr bruslé : parquoy donnes vous en garde : & quand vous cognoistres que vostre conditure sera parachevée, la feres remettre dens des potz bas, pour en prendre mieulx à plaisir : & pour mieulx colloquer les escorces au large, aussi qu'elles se verront mieulx & plus propices pour en user.
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Pour faire poires confites.CHAP. XXIIII.
PRenes des poires des meilleures que se pourront trouver des petites, ou des muscadeles, ou formigoles, bref de celles que lon sçaura selon le pais & region que lon cognoistra plus conformes a conditure : & en prendres la quantite que vous vouldres : & les plumeres, & netoyeres le plus subtilement que vous pourres : & si vous cognoisses que le pied soit trop long, vous en couperes un peu : mais il vaut mieulx que le pied soit plustost long que court, pour les prendre mieulx à plaisir : & quand vous les pelleres, quant & quant jettes les dens l'eau fresche, à fin qu'elles ne s'ennoircissent : & quand seront du tout mondées, lors vous les feres boullir la ou bon vous semblera avec de bonne eau de fontaine, ou la milleure que se pourra trouver : & les feres boullir jusques à leur parfaite suffisance, que en les piognant avec une espingle, l'espingle y entre facilement : & quand ainsi seront cuites, vous les osteres du feu, & les osteres avec une escumoyre, & les faites refroider dens d'eau claire : & puis les mettres dessus un linge bien blanc, & bien net : & les laisseres un
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peu essuyer de soy, & puis quand elles seront essuytes, vous les mettres dens quelque vas de terre bien envernissé, ou dens un pot de verre, & mettres le vas enversé, à fin que s'il y avoit demeuré quelque peu d'eau, qui se feut esgouttée, se puisse mieulx esgouter : & puis prendres de succre à suffisance, selon que à l'œil verres qu'il sera besoing, & le feres fondre avec autant de eaue que de succre, ou peu ou moins cela n'y sert de rien : & quand il sera fondu, vous le clarifieres, s'il est besoing : ou sil est succre en pain, & qu'il soit de Madere, & principalement lequel il ne le faut pas clarifier : car il a de costume d'estre plus blanc : pour cause que quand le succre se fait, lon met le molle de terre dessus un vas : & la poincte va dedens la ou il y a un petit pertuis, ou toutes les feces, & l'humidite du succre se vient a escouler : & au dessus qui est large, est le plus purifié : & quand il commence a estre sec, lon luy met dessus une piece d'argille seiche, pour le couvrir & pour luy attraire l'humidite. Parquoy donques prendres du costé large, & quand il sera fondu, vous le feres cuire en forme de syrop, un peu plus que syrop : & quand il sera cuit, vous le laisseres un peu refroidir : & quand il sera froid, vous le mettres dedens les poi-
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res : & si vous voyes que les poires soient trop cuites, vous mettres un peu le succre qu'il soit chaud, à fin pour le raffermer : & quand ledit sucre cuit en syrop aura demeuré avec les poires dens leur vas l'espace de deux jours, vous feres recuire le succre, jusques qu'il soit en forme de syrop : & quand il sera du tout froid, vous le remettres dedens son vas ou sont les poires : & le laisseres la quatre jours : & au bout de quatre jours vous verseres tout le succre dens une poualle, & les poires dens un plat, ou une terrine, & à chacune poire y mettres un clou de girofle ou deux, & de la canelle : & puis ce fait, remettres dedens son vas les poires : & puis feres recuire le succre à perfection de syrop : & quand il sera cuit, vous le remettres dens les poires, & fermeres tresbien le pot : & aures par lors de une souveraine confiture pour presenter devant un prince.
Pour faire le succre candi, qui sera tres=beau. CHAP. XXV.
PRenes de succre en pain, ou de cassonnade que soit belle & blanche (car de belle marchandise se fait de bel ouvrage : & de laide ou meschante, meschant ouvrage) le poix de neuf livres, ou environ : & le
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feres fondre, & liquefier avec quantite d'eau a suffisance : que si vous semble que le succre ne soit asses beau, vous le feres clarifier jusques à ce qu'il soit purgé des feces, que quand il sera clarifié, vous le couleres tresbien : & puis le feres cuire, jusques à ce qu'il soit en forme de syrop bien cuit beaucoup plus, & non pas de guieres : car il se candiroit en forme de sel : & incontinent qu'il sera cuit, vous aures des pots de terre qui ne seront point envernissés faitz touts expressement : & y feres dedens un petit arbre de boys de sapyn, ou de cannes de petits bastonz mis par dedens, a celle fin, que le succre se candisse par tout, pour cause du milieu : & quand les bastons seront bien adaptez par tout dedens, à lors vous mettres le succre tout chaud dedens le pot : & y mettres son couvercle par dessus, qui sera de terre : & puis l'estacheres tresbien, & le aluteres gressement d'argille, non pour autre cause, fors que pour luy conserver sa chaleur plus longuement : & tout incontinent vous le mettres dens le fumier quil soit chauld en quelque lieu couvert ou obscur : que si vous voyes que le fumier ne soit asses chauld, vous le chauferes avec d'eau chaulde : & faites que le fumier soit bien profond : & que les pots soient au mil-
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lieu du fumier, & les couvrires tresbien : & les laisseres la par l'espace de neufs jours & neufz nuitz entiers : & au bout de neuf jours vous yres oster les potz du fumier, & les descouvrires, & verseres le syrop qui est dedenss, qui n'est pas candit : & verres que de neuf livres de succre en y aura cinq ou six de candies, possible peu, ou moins : & quand vous aures tresbien escoulé le syrop, vous feres chaulfer de l'eau que soit bien chaulde : & le laveres subitement, luy donnant deux ou trois tours, en rejencent abillement, pour & à fin que le syrop qui si tient ne le rendit facheux : & puis l'eau de la laveure la mettres avec le syrop.Et notes que quand le vouldres faire, ne s'en peult faire guieres moins : il se peult bien faire, mais autant couste peu, que prou. Aussi il faut entendre, que s'il y demeuroit plus longuement que de neuf jours : & le fumier fut chauld, le succre se viendroit a descandir : pour cause que le fumier participe de fumeuse humidite, que peu penetre par dedens, & demeure autant à soy deffaire, comme il a demeuré à soy candir.Notes que si voules que presque tout le succre soit candit que vous y mettres, ou que peu s'en faille, faites cuire le succre en forme de syrop simplement, & que le pot
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soit de terre que ne soit guieres cuite : & que quand vous le mettres dedens, que ne faut pas que le pot soit lavé, ni touché eau : car le pot ne boit tant seulement que l'humidite estrange qui est au succre. Aussi il faut que telz potz soient faits ezpressement : car apres que l'on veut oster le succre qui est candi tout à une piece, apres que le syrop en est dehors : il faut mettre le pot dessus le feu sus les charbons, & le tournant quelque peu jusques a ce que vous sentires bransler le succre : & alors casseres le pot, & prendres le succre qui sera tout candit : & ne s'en peut faire guieres moins que de huit ou neuf livres. Et par tout se peut faire : mais un tas de bavars que dient que de cassonade laide se fera de beau succre candi, ce sont abus : quia, ex non Musico non fit Musicus, Que si vous voules dire que de cassonade que ne sera guieres belle se fera de beau ouvrage, je le confesse, mais comment ? ainsi. Que soit prinse une quantite de cassonnade, & bien clarifiée, & cuite en forme de syrop, qui ne soit guieres cuit, puis mis dedens un grand pot de terre, qu'il y ait un pertuis comme lon met a une barrique, ou à un ponson aux fondz : & laisser ledit syrop dedens tel vas long & hault, selon la quantite du succre : le laisseres
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la par l'espace de quatre ou cinq jours : & au bout de cinq jours vous escouleres par le pertuys qui est au fond toute la moytie du syrop, ou d'avantaige : & ce que demeurera, sera beau : car le succre est au contraire du miel : car le plus beau du succre est par dessus, comme fait l'huylle : & du miel le plus beau est au fond : & par ce moyen de cassonnade laide se feroit d'ouvraige qui seroit asses beau, mais il se descherroit de beaucoup. Et voilà la mode de faire le succre candi tel que lon fait à Gennes, & à Venise. Et je l'ay fait faire en ce pays dens la graignons des olives, apres que l'huylle est extrait, lequel s'est trouvé tresbeau, tout semblable à celuy que lon apporte de Venise.
Pour faire le pignolat en roche. CHAP. XXVI.
PRenes des pignons q'uilz soient bien mundez de leur escorce : & puis les feres un peu torrefier, quilz soient secz avec du son : ou prendres les pignons avec leurs text, la quantite que vous vouldres, & les mettres dens un panier : & le pendres pres des landyes au feu de loing : & le feres la demeurer trois jours, par moyen de la chaleur du feu il penetre peu à peu tant quilz
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se treuvent qu'ilz sont rostis : & alors vous les faites extraire, & les mundes tresbien : & en prenes le poix de deux livres & demie, & les mettes la tous prestz. Puis vous prendres une livre de beau sucre de Madere, ou sucre fin, & le feres fondre avec de l'eau rose à suffisance : & le feres cuire jusques qu'il soit en forme de Electuaire : s'il est d'hyver ou temps humide, le feres cuire quelque peu davantaige : & s'il est d'este, ne luy donnes que simplement sa cuite, que sera quand vous verres qu'il ne montera plus en hault : & que en bouillant il ne meine plus de bruit, qui est signe qu'il ny a plus d'humidite, bref quil soit cuit en forme d'electuaire, comme j'ay dit : & apres qu'il sera cuit, vous m'osteres du feu, & mettres la poualle dessus quelque baril, ou autre lieu, que le cul de la poualle s'enfonce qu'elle tienne ferme : puis avec un pylon de bois qui soit long, ou un bistortier le remueres fort, & continuellement le battres sans intermission, jusques à ce qu'il sera blanc : & quand il commencera à soy refroidir quelque peu, vous y jetteres dedens un blanc d'œuf, ou la moytie : & puis le tourneres battre fort, & le remettres un peu sus les charbons, pour raffermer l'humidite que auroit fait le blanc d'œuf : & quand
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vous verres qu'il sera bien blanc, & retourné cuit à sa premiere mode : lors vous aures les pignons qui seront bien secz, & tresbien mundez : & les mettres tous en un coup dedens le succre, & avec le bistortier le mesleres fort, jusques à ce que les pignons avec le succre soient bien meslez, tenant tousjours le succre sur le feu de charbons, à fin qu'il ne se refroidisse trop tost : lors vous prendres un couteau de bois large, qui sera à la mode d'un couteau de cordonnier, & en prendres des pieces de la grosseur posant environ une once & demye, ou au plus deux petits onces, & les estendres tout bellement dessus de papier, jusques qu'il soit froid du tout, & puis y mettres quelque feuille d'or non pas du tout, mais quelque peu : & ce pignolat est de tel que racompte Hermolaus Barbarus patriarche d'Aquileie à Pierre Cara jureconsulte de Mila, quand il dit :Tum illati pugillares ex nuclei pineis & saccharo pastilli. Par une epistre qu'il luy envoye, laquelle nous avons traduit, & l'avons inserée à la fin de nostre livre.Et deves noter, que en lieu la ou lon ne pourroit trouver des pignons, que lon eust des amandes plumees, & les unes myparties, les autres quadriparties : & puis mises
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avec le sucre, & en faire du pignolat. Et si cas avenant que l'on eusse peu de pignons avec les amandes ainsi divisées servent comme pignons en goust, & peu different de vertu. Et par ainsi si voulez faire du fenoil qui est greiné ou fleuri, que lon garde aux maisons, cueilli du temps de vendenges, que quand le sucre est prest a y mettre les pignons dedens, lors qu'il est chauld & batu tout blanc, lon peut plonger le fenoil avec tout le baston dedens : et semblera avis qu'il soit de manne, ou de neige, tant beau et bon sera : et cela se pourra faire tout à un coup : mais il faut que avant que vous veuilles mesler les pignons avec le succre, & feres d'une pierre deux coups : de la façon de ce pignolat a esté fait à Savonne pour la segnora Benedetta seur du marquis de sinat, l'an mil cinq cens quarante neuf, ordonné par moy.
Pour faire tartre de massapan, que Hermolaus en l'epistre sequente nomme Martios panes, qui se peuvent cuire dens la maison, ou en quelque lieu que ce soit facilement, comme verres en ladite epistre. CHAP. XXVII.
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PRenes des amandes plumées bien nettes une livre, faites les piler fort dens un mortier de marbre avec demi livre de succre de Madere : & quand le tout sera tresbien pisté ensemble, vous y mettres un peu de l'eau rose, en les pillant, pour cause qu'elles ne rendent huylle : & quandelles seront tresbien pistées, vous en feres de petits tourteaulx, ou de petites tarteletes toutes rondes estendues dessus des oblies : & que soient primes : & pourres faire de petites quadratures en ceste forme sus les dites oblies : & puis les feres cuire au four. Et quand elles seront demy cuites au four, vous aures du succre en pouldre, & le pasteres avec blancz d'œufs, peu du suc des orenges : & feres qu'il sera fort liquide : & quand la tartre sera presque du tout cuite, vous la sortires du four, & avec une plume luy mettres par dessus de ce succre liquefié : & puis retourneres la tartre dens le four tant seulement pour prendre couleur : & quand sera cuite, la trouveres avoir un goust fort delectable & savoreux : car quand il y a du
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succre en plus grande quantite, la rend pasteuse, et fascheuse a manger, et en est moins delectable. Et si vous voules la faire cuire dens la maison, & à toutes heures bien facilement, vous feres chaulfer au feu la palete de fer, que lon tient au foyer pour le feu : et feres qu'elle soit rouge : à lors vous mettres la tartre, ou les petitz biscuitz faits de ladite paste : & les mettres dessus une escabelle, ou dessus la table : puis prendres ladite palete toute rouge, & l'approcheres de ladite tartre, la passant legierement par dessus sans la toucher, jusques à ce que vous verres qu'elle prendra couleur : et quand elle sera cuite de ce costé la, lors vous la tourneres de l'autre costé, & la feres cuire ainsi : et quand elle sera cuite, vous luy donres sa couleur, comme il est dit au paravant : et en la cuisant de ceste façon, elle est meilleure que au four, pource que ne sent point aucune fumée.Et ceste façon de la cuire ne se fait que en cas de necessite : laquelle est plus tost cuite que formée. Et ceste icy la nommoit Hermolaus Barbarus pains Martiaulx, qui servent pour medicine, & pour delicatesse a manger à toutes heures : quelques uns possible se mocqueront d'avoir voulu descrire chose si exigue, que tous apotichaires
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sçavent : mais plus tost je l'ay voulu mettre par escrit pour le commun populaire, & pour les dames qu sont cupides de savoir : et pour toutes manieres de gens : et aussi que sont plusieurs de la pharmaceutrie, que combien qu'ilz saichent beaucoup, bien cecy leur est ignoré.
Et notes si vous voules faire une tartre, qui soit d'un tresbon goust et fresche, faut que vous la faites quand les amandes sont fresches, & nouvelles prinses à l'arbre, par lors si vous goustes de l'une, & de l'autre, vous trouveres une grande difference de goust et de bonte.
Pour faire les penites, que nous appel=lons succre panys, que combien que Bulchasis Arabe de son temps fort experimenté l'aye laissé par escrit se=lon sa mode, toutesfois pour la vraye & parfaite façon vous les verres icy. CHAP. XXVIII.
COmbien qu'ilz soient plusieurs consurmez en l'art de pharmaceutrie, & que possible ont vescu soixante ans, ils n'ont jamais veu comme les penites se faisoient : car la plus grand
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part d'eux les achatent des grossiers : aussi que pour leur industrie est une chose facheuse & laborieuse a faire : car un ou deux ne le peuvent faire, quand il vient a les tirer que pour satisfaire à quelques jeusnes qui nouvellement sont entrés en la cognoissance des compositions, qu'ilz le puissent faire par le moyen de cest escrit, sans nullement faillir : & notes bien comme vous les feres : car si vous les faites ainsi, vous n'en faillires jamais un : & avant que venir à la description, jevous ay voulu mettre cest avertissement.
PRenes de succre en cassonade qui soit mediocrement belle, faites la fondre & liquefier avec d'eau à sa quantite suffisante, comme d'une livre & demie : & faites la boullir : & quand commencera de boullir, faites la couler gentilment qu'il n'y demeure point aucune paille de cannes, que voluntiers se tiennent a la casonnade : & puis retourneres dedens la poualle ladite casonnade & la feres cuire à toute sa derniere cuite, que est telle que quand vous verres qu'il sera cuit en forme de electuaire, vous luy diminueres le feu : & puis vous aures un verre d'eau tout plein la tout prest, & un fuseau dedens, que quand vous vouldres essaier si le succre est cuit, vous
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tremperes ledit fuseau de boys dens le succre : & puis tout soubdain le mettres dens le verre d'eau, pour le refroidir : & puis vous mettres ledit fuseau dens la gorge pour essuier : que si vous sentes entre les dens que le succre soit tenace qu'il se tienne aux dentz, il n'est pas cuit : & le faut prouver & essayer bien souvent : car s'il y demeuroit un tour doeilz tant seulement apres la perfection de la cuite, il se brusleroit & seroit gasté : mais vous tourneres essaier avec le fuseau, le mettant dedens le succre qui boult : & puis le mettres soubdainement dens le verre d'eau le garoullant pour le refroidir : & puis tout à coup aux dents : que si vous voyes qu'il se rompe tout facilement en pieces, comme un verre, ou une piece de glace, lors tout soubdain & sans tarder ostes le du feu : & luy laisses un peu abaisser l'escume, comme par l'espace d'avoir di un Ave Maria, sans plus : puis tout soubdain & sans dilaier vous le jetteres dessus le marbre qui sera un peu oingt d'huylle, & bien peu qu'il ne le sente : que si n'aves marbre, sus une table de noyer : mais gardera sa chaleur trop longuement : & quand il sera mis dessus le marbre, il s'estandra par tout, lors vous le remettres tousjours en un monceau : & puis quand vous verres
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qu'il sera un peu en masse molle, vous le prendres tout chauld, que à peine le peult on endurer : & le mettres sus le croq de fer qui est fait expressement : & la vous le tireres le plus long qu'il se pourra faire : & en le tirant, il ne faut pas craindre la chauld : & ne faut oindre les mains de rien, fors les mettre sur la farine de l'amidon : & quand vous le tireres, faites que au commencement que vous ne le tires que à la pointe des doigtz : car si vous en prenes à plein poing, il vous demeurera tout à la main : & le croq n'en a point : qui est cause quil se pannisse entre les mains : mais si vous en prenes peu, il s'estendra, & s'eslongera tout ainsi que vous vouldres : & quand vous verres que en le tirant il ne sera bein blanc, vous le tourneres tirer un peu d'avantaige, luy mettant par dessoubz le croq une eschaufete avec du feu : & faut que quand l'un le laissera, que l'autre le preigne pour solaiger les mains de la chaleur : car le succre porte de soy une chaleur vehemente, qui dure longuement : doncques quand vous verres qu'il sera bien blanc, lors vous le fileres peu a peu de la grosseur ou primeur que vous vouldres faire : & estendres des fueilles de papier du long emblanchies de farine fine, ou d'amidon : & quand il sera du
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tout tiré & fillé : si vous voules qu'il soit pannissé dens une heure, vous le mettres dens une boite large, & puis l'approcheres du feu, ou le mettre en part qu'ellese puisse bien chaufer de tous costez, ilz seront pannissés dens demy heure, ou mettre sa boite pendue dens un ponson vuide, & mettre dens le ponson une eschaufete de feu que se chaufe bien : & le ponson que soit bien couvert : & ilz seront en demie heure pannissés. Et notes que il ne s'en peu faire à chacune fois que deux livres, ou deux livres & demie, au plus loing, & plus fort que soit & il n'y faut mettre n'y adjouster chose que soit au monde, ne miel, ne huylle, comme font quelques resveurs & ignorantz : car ne les fait que ennoircir & faire sentir mal : & quand ilz sont faitz long temps, ilz deviennent comme roux & moittes, que est une chose qui les denigre : mais qui les vouldra faire qu'ilz soient beaulx en toute perfection, il n'y faut autre chose fors le succre en cassonnade, ou d'un pain de succre la pointe : pource que n'est pas si ferme comme seroit le cul, qui est tousjours plus solide.Et debves entendre, que si vous le voules faire de quelque beau succre en pain, il se feroit bien : mais non pas si facilement, comme ilz se feroit de cassonnade : car la
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viscosite qui est en elle, ce que n'est pas au succre fin, la rend plus tractable, & plus facile a tirer, que tant plus lon le tire, & tant mieulx s'enblanchist. Bulchasis en serviteur estoit d'advis de chacune livre de succre de y mettre une once de miel : mais sauf sa perpetuelle memoire sont estéz quelques uns qui en cest endroit l'ont voulu ensuyvre, & ont fait des penites que estoient laides & de mauvais goust : & sont esté d'autres que quand estoient pres de leur cuite, qui y mettoient d'huylle d'amandes doulces, que quand ilz estoient parachevez, ilz sentoient le rance : & en lieu d'estre lenitifz du gosier, ilz le venoient a faire cuire, pour cause de l'huylle : doncques quand vous vouldres faire de belles penides ou penites, selon la susdites description, les feres à toute perfection.
Pour faire syrop rosat laxatif, que une once sera merveilleuse operation, & sans violence, que lon en pourra bail=ler à une femme enceinte es premiers & derniers moys, en tout eage, & en tout temps sans dangier nul que ce soit. CHAP. XXIX.
PRenes de roses rouges de celles qui ont la couleur cerusée, que participent de
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blanc & rouge, que nous dison, color saraceus, qui est incarnat : & en prendres le nombre de neuf cents, & n'y aura seulement que les feuilles, ou les boutons qui sont à demy espandis, ou ouverts : & apres que les aures tresbien desfueilléez, qu'il en y ait plus tost dix cens que neuf : & nettoyées qu'elles soient, vous les frotteres un peu entre les mains à fin que s'il y avoit quelque bouton qui feut entier, que par ce moyen il se deffist : aussi que l'eau chaulde le penetre plus facilement : & a lors vous mettres toutes les roses dens une cruche de terre envernissee que soit grande : & puis vous aures de l'eau de fontaine, & la feres bouillir : & quand elle sera bouillante, vous la verseres dedens la cruche : & avec un baston les remueres fort, à fin que l'eau bouillante soit bien meslée avec les roses : & quand il y aura asses d'eau, que couvrira toutes les roses, vous les laisseres tremper par lespace de vingtquatre heures dens ladite cruche : & au bout de vingtquatre heures vous verseres le tout dens une poualle, ou chaulderon : & les feres bouillir deux ou trois ebullitions : & puis vous couleres la decoction, & l'exprimeres le plus fort que vous pourres avec un pressoir, ou entre deux bastons tant qu'il ny demeure que les roses toutes seiches & blanches : & la decoction qui sera ver-
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meille comme vin, et odorante comme eaue rose, vous la mettres dans une fiolle, et aures encores d'avantaige cinq centz roses desfueilléez comme celles au paravant : et les mettres dens ladite cruche : puis vous prendres ladite decoction qui est dans la fiole, et la feres chaufer pres a boullir : et quand sera bien chaulde, vous la verseres dedens les roses : et si n'y avoir asses de la decoction, y pourres un peu mettre d'eau bouillante, et laisseres tremper par autres vingtquatre heures : et au bout de vingtquatre heures vous le feres boullir un peu : et puis couleres la decoction, et la presseres le plus fort qu'il vous sera possible : & quand le tout sera coulé, vous prendres une livre de succre de dixhuit onces, & le mettres dedens la decoction sans clarifier : & le feres boullir jusques à ce qu'il soit en forme de syrop un peu mal cuit : car les roses participent de viscosite, que sont le syrop espes : & quand il sera cuit, vous le osteres du feu : & quand il sera froid, vous le mettres dens un vaisseau de verre, ou de terre envernissé : & il suffit d'en prendre une once le matin qu'il fera une operation merveilleuse & louable.
Et sont d'aulcuns qui le enrichissent avec du rhabarbe : & par lors il fait son operation
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plus louable, & est nommée Catarticum imperiale, que vaut autant a dire, comme medicine laxative pour Roys ou Empereurs, & se met ainsi.
Prendres de rhabarbe qui soit bon le poix de quatre onces, de cinamome bon une drachme : & feres le tout mettre en pouldre : & quand le syrop sera pres que de cuit, vous prendres ladite rhabarbe, & la mettres dans une piece d'estamine claire, & la estacheres avec un filet pendu dedens quand le syrop boullira : & l'esprimeres souvent : & quand le syrop sera cuit, vous mettres le syrop dens son vaisseau : & puis pendres la rhabarbe dedens ledit syrop, & le fermeres tresbien : de ce syrop doivent user les seigneurs qui ont domination sur quelquun, qui ne sont mie maistres de leur cholere : car une once de ce syrop la evacuera par un long temps guerissant la fievre tierce, & la preservant d'icelle : & est nombrée entre les medicines royales, que se peuvent prendre en seurete. Aussi l'on en peut faire d'une autre sorte, qui est aussi bon, et de si bonne operation.
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Autre façon pour faire le syrop rosat laxatif, qui fait une operation ouable. CHAP. XXX.
PRenes des roses rouges comme des premieres de la couleur, ou des rouges : mais elle n'ont pas tant de maraitude, la quantite que vous vouldres, & les mettres dans un mortier de marbre, & les pilleres fort, tant que vous pourres : & puis en tireres du suc tant qu'il en pourra sortir : & quand vous cognoistres qu'il y pourroit avoir deux livres & demie de suc sans le purifier, vous prendres une livre de belle casonnade bien nette du poi de seze onces : & le feres boullir tout ensemble sans rien l'escumer : & le feres cuire jusques qu'il soit en forme de syrop : & quand il sera cuit parfaitement selon ce lui luy appartiendra, vous le osteres du feu, & le laisseres refroidir : & le mettres dans son vaisseau, & en pourres prendre une once comme du premier. Que si vous voules qu'il soit plus excellent, & son operation soit plus magnifique, & pour personnaiges genereux, vous prendres du rhabarbe qui soit bien bon une once, de cinamome deux scrupules, de spicænardi le poix de quinze grains : le tout soit pulverisé ensemble bien subtilement, qu'il ne s'esvente : & quand le
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tout sera bien pulverié, vous le mettres dedens le pot ou est le syrop rosat, & le mesleres fort ensemble avec une spatule, ou une cuilliere d'argent tant qu'il soit bien meslé : & quand vous en vouldres user, faites remuer fort le pot : & en prendres une bonne once, & le detremperes avec un bouillon de poulet sans sel, ou de quelque eau cordiale : & le prendres le matin en jeun, il fera une operation sans vous fascher de rien, & vous fera faire cinq ou six celles sans vous fascher nullement, ny donner douleur d'estomach, ny de ventre, ny de cœur : que apres que il aura fait son operation, vous vous sentires tant alleigre & alleigé, que vous naves jamais prins medicine laxative plus amiable, ny que plus aye fait de bien, & de profit.
Les grandz seigneurs ont de costume de prendre tout ainsi qu'il s'ensuit, & fait une non pareille operation, chassant la melancholie, & maintenant l'homme perpetuelement alleigre & joyeux. Prendres demie once de sene oriental, & le conquassez fort, & le faites boullir dens le bouillon d'un poulet qui soit fort boulli : dens ledit bouillon dissouldres une once de ce syrop rosat : alors vous porres dire, que vous ne printes jamais medicine laxative, que plus vous aye fait de bien, ny plus resjouyt que cestuy syrop icy,
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lequel j'ay fait faire & fais pour personnaiges d'honneurs & delicatz.Pource que à la composition de ce syrop est une mode qui est facile : mais possible que peu en usent, je l'ay fait user souvent mesmes à Savone pres de Gennes par plusieurs gentilz homes, qui de leur naturel veulent user medicamentz solutifz, qui sont de benignite : & entre tout le faisoit bien messer Antonio Vigerchio espicier de Savone, home de bien, auquel veritablement en la faculte de la pharmeceutrie luy est deue la palme, ou le laurier, combien qu'il est allé de vie à trespas. René le pillier verd à Lyon du temps que je y estoys l'an mil cinq cens quarantesept de peste, qui estoit un personnaige qui en cest estat la faisoit en home de bien : à Aix en Provence surpassera tous ceux que j'ay hanté vagant par le monde exerceant & cognoissant la qualite des gens, le pur & syncere Joseph Turel Mercurin : combien que François Berard Salonnois, qui vient à imiter le siecle doré, qui à toute perfection, fait & accomplit ce q'uil fait. J'ay cogneu à Marseille pour une cité qui est abondante de tous simples medicaments, & que premier abordent la, je n'oserois dire les meschancetes qu'ilz se commettent en la com-
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position de la medicine : peu en exempter, & pire se feroit, s'il n'estoit la perspicace & sçavoir Hippocratique de maistre Loys Serre, que si Herasistratus estoit en presaiges, l'advoueroit pour le sien : de Monpellier cité fameuse est locupletée d'un nombre de sçavans personnaiges en la parfaite faculte de medicine, que en y a qui à toute perfection parachevent & la font : aussi que la y a de present personnaiges ou toute la doctrine de medicine est curieusement excercée & d'entre eux sont plusieurs qui continuellement labourent, redigent par escrit pour perpetuer leur memoyres à jamais : comme sont Antonius Saporta filius, que je ne sçay si l'ame de Hippocrates seroit point transformée en luy : de M. Guillaume Rondelet, a qui Aelianus Massarius, ou Dioscorides le lentilleux luy auroient point laissée par une divine mutation deEuphorbi en luy : et Honnorius Castellanus qui est encores au soleil levant : car il n'est permis a excerceants la faculte latrice de rien rediger par memoire qu'ilz ne soient au soleil couchant. En la universite d'Avignon sont plusieurs, qui font tout le contraire que Christus nous a commandé, quand il disoit que l'on se preparast thresor au ciel, ou les larrons ne desrobent point : ne si fait banque
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faillie, ne se pourroit il pas adapter de faire, que cas par l'estude des lettres que leur nom seroit immortel ? quand Homere parloit & les autres de l'ame au ciel, ne se pouvoit il pas entendre, Strenuorum immortale nomen ? mais vrayement ilz preferent la richesse de ce miserable monde, qui tost perit à celle que par les lettres seroit à tout jamais par durable. Mais ilz sont comme Tantalus, tant tant, & si n'ont rien. Mais nous reviendrons au chemin d'où nous sommes venus, pour donner advis à quelques uns, qui auront cognoissance de plusieurs gents : & laissons à part ceux qui ont sçavoir & pouvoir, qui aiment mieulx un escu, que s'ilz avoient prins peine d'escrire une heure : ce que je cognois plusieurs qui ont le sçavoir pour le faire : mais la richesse les aveugle, & pensent avoir bonne raison, & ilz seront bien deceuz. Peribit memoria eorum fine sonitu, non pas d'erain. J'ay autrefois practiqué en la cité de Bourdeaux, de Thoulouse, Narbonne, Carcassonne, & la plus grand part au pays d'Agenois : Agen mesmes la ou, la faculte de Medicine estoit souverainement faite, & a esté resuscitée en son plus haut degré, non pas tant seulement la Medicine, mais tout Philosophie Platonique, depuis la venue de Julius Cæsar Squa
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liger, que je ne scay si son ame seroit point le pere de l'eloquence Cicero, en la parfaite & supresme poesie un second Maro, en la doctrine de Medicine deux Galiens, de qui je me tiens plus redevable, que de personnaige de ce monde, & plus de precepteurs meurs auxquelz perpetuellement ne fais que vacquer. La non pareille cité de Lyon estoit ny a guieres pourveue d'un notable personnaige de incomparable sçavoir, qui est Phil. Sarracenus, qui des miens premiers principes moy ja aagé l'avois instigué, que j'ay ouy dire qu'il s'est retiré à Ville Franche : Illi nec invideo : mais il me semble que veu sa doctrine, qu'il ne devoit aller la : car leur regne ne sera guieres durable. En passant à Valence Allobrogum un bien excellent apotichaire de qui ne me souvient du nom, qui en lettres mathematiques je ne say si je feus esbays de voir dens son cabinet ce que voyoit Aristippus, quil veit au rivage de Syracuse, ou ailleurs, quand il eut tout perdu son bien par mer, qu'il veit des lignes, & des quadratures, ou une pergula de Archimedes, tant trouvis l'engin subtil : de la science de medicine je n'y cogneuz aucun : vray est que à Vienne je veis aucuns personnaiges dignes d'une supreme collaudation : dont l'un estoit Hieronymus Monttus home digne
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de louenge, & Franciscus Marius jeusne home d'une expectative de bonne foy. Devers nous ne avons que Franciseus Valeriola, du quel en nostre preface avons fait mencion, que pour sa singuliere humanite, & pour son sçavoir prompte & de memoire tenacissime me contrainct de le rememorer. Icy ou je fais ma residence je suis logé pour la faculte de quoy je fais profession entre bestes brutes, & gents barbares, ennemys mortelz de bones lettres, & de memorable erudition. Pour ne prolonger par trop ce petit livre, je feray fin du tout, promettant que cecy est aggreable de la loclupleter par plusieurs autres choses dignes de commendation.Pourtant amy lecteur si tu voys quelque matiere, laquelle ne te soit agreable, ou par novité te faille retirer le front, je te diray ce qu'ay veu engravé en marbre.Credis sum Pythio vera magis tripode. Vray est qu'il ya beaucoup de choses, que sont chieres & difficiles a faire : mais si tu veux dens ton cerveau calculer, ne trouveras chose que ne soit que par trop facile a faire : mais qui vouldroit user d'une par trop severe avarice, il pourroit bien estre, que l'intention de quoy l'on pretenf seroit frustrée. J'ai obmis plusieurs autres distil-
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lations tant d'huilles, que d'autres liqueurs, que pour ne donner trop grande facherie, je les ay laissé : aussi plusieurs sortes & façons de faire confitures, & condiments, que seroit possible que plusieurs s'en facheroient, mais je vous dy, que si quelquun a parfaite intelligence de sçavoir cognoistre la maitrise de bien & devement gouverner le succre, il mettra tous fruitz en parfaite confiture : & par l'opposite, que si tu ne sçais bien cognoistre l'effect du succre, quand il est liquefié, tu mettras tout à perdition, que moiennant nostre doctrine il sera conduit, que le personnaige qui jamais ne l'auroit mis en besongne l'administrera aussi bien que celuy qui l'aura pratiqué toute sa vie. Vray est, que celuy qui a versé plus longuement, il fera mieulx son cas par asseurance, que le nouveau, comme il est bien de raison. Donques il vous plaira de recevoir en gre ce petit Livre, que je vous presente par estreines de nouvellete.
FIN.