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1505-Platine en françoys (texte) (91-102)

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LEs langoustes sont couvertes dune corste ou escaille fragile ont aucunesfoys en la mer dyndie quatre coudees de long ainsi que raconte le pline. Lyver les blece et affole, et pource lespace de cinq moys elles se cachent quon ne les peult trouver, et en ce mesme temps les escrevisses se cachent pareillement. En autonne & au prin temps elles sengressent, & principallement a la pleine lune ainsi que dit Phisologus. Pline dit que au commancement du prin temps se renouvellent & laissent leur vieillesse comme les serpens & prennent nouvelle croste & escaille. Elles ont deux cornes longues & deliees desquelles font grant guerre lune contre lautre, ont grant paour du polipe tellement quelles en meurent quant le voyent pres delles. Le congre pareillement est leur ennemy & les blesse souvent, elles vivent communement en lieux pierreux & sont au contraire des langoustes de terre en ce quelles ont les piedz devant longz plus que les derniers, cest une beste qui ne vault riens a manger se elle nest toute vive mise en leaue fervant. Aucuns les cuysent sur le gril, & les souffondissent de poyvrade, mais communement par deca se cuysent au four & leur estoupe lon lenbonnyl avec du coton ou destoupes a cause que ce quest dedens ne ysse dehors, apres quant est bien cuyte len luy rompt tous les os tant des jambres que de tout le corps & est la chair tout pure que len coupe menuement et mettent icelle en ung plat avec sa propre saulse & avec du vin aigre & despices, len la presente sur table. Est grosse viande & de dure digestion.

¶ Des escrevisses.

LEs escrevisses dit Isidore & aussi le pline sont ennemies des huistres pour ce quelles vivent diceulx par ung engin merveilleux. En ya toutesfoys deux gendres, les unes sont escrevisses de mer qui mangent come jay dit la chair des huystres, les autres sont moindres quon trouve par les fleuves. Sainct ambroyse dit pareillement que lesdictes escrevisses de mer

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vivent des huystres, mais pource quelles ne peuvent ouvrir par nulle force ceulx qui sont cloz, & silz sont ouvers est dangereux de mettre la patte dedans, elles prennent une astuce & les esprent sub=tilement jusques a ce quilz ouvrent leur coque & es=caille & quant elles voyent quilz ont ouvert ladite coque, lescrevisse mect cauteleusement une petite pierre entre les deux coques ou escailles a cau=se que ne se puisse recloure ne luy faire aulcun inconvenient a ses pattes, & par telle fraude & deception elles mengent les huystres a leur ayse sans dangier. En yver suyvent les rivaiges qui sont a labric & en lieu chault, et en este sen vont es lieux ubacz & couvers & aux gourgz parfons ainsi que escrit le pline, en yver sont affolees du froit & en autonne & prin temps sengraissent, & sur tout a la pleine lune, vivent longuement ainsi quil dit & ont toushuyt miez crocheuz, la femelle a la premier pie double & le masle simple oultre ce ont deux bras forchez & dantus, & le bras dextre est plus gros que les autres, bataillent & se assaillent entre eulx ainsi que les moutons courant lung contre laultre a belels cornes, sont bons contre la poincture des serpens. Les escrevisses de mer ainsi que les langoustes se caichent cinq moys, et au comancement du prin temps se renouvellent ainsi que les ser=pens de leur escaille. Les langoustes vivent en lieux piereux, & les escrevisses en lieux molz. les escrevisses & langoustes concoyvent par la bouche Aristote dit que lesdictes escrevisses nont point de sang & ont le dur par dehors & le mol dedans. A la rive de mer quest dedans le pays de Judee se trouvent des escrevisses petites lesquelles sappel=lent chevaliers a cause de leur velocite de cou=rir car ilz courent si tresfort quon ne les peult appercevoir. A livre naturel des choses se list que les escrevisses nourries de laict peuvent vivre sans eaue plusieurs jours, quant les escrevis=ses sont vieilles len trouve deux pierres blanches entremeslees de couleur rouge en leur teste lesquelles pierres dient estre de si grant vertu que selles sont donnes en beuvrage guerissent des ponctions du cueur. Solinus dit que en la mer occidentale ya descrevisses qui pren

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nent les hommes et les submergissent, et ont le dos si dur comme les cocodrilles. Les escrevisses quant sont cuytes changent couleur & deviennent rouges. Avicenne dit que ce qui est brusle desdites escrevisses est plus subtil que des aultres choses adustes ou bruslees & nectoye les dens, et lieve les lentilles du visaige, deseche les ulceres & vault a la rongne, & prohibist la fievre quarte, et les escrevisses du fleuce conviennent a ceulx qui sont grandement estenues et maigres : sont de difficile digestion & de grant nourriture, & leur decoction avec du miel extraict les espines et aultres choses poinctues infixes & mises a la chair, mais les escrevisses de mer sont plus subtilles, & leurs cendres sont bonnes aux fievres qui viennent de froit. Les escrevisses de fleuce resoluissent les grandes apostumes quant lon les mect sur icelles & leur chair convient aux tesiqueux proprement avec du laict danesse & aussi le just, & les cendres sont bonnes aux fixures de la part posterieure & aux morsures des escorpions & avec du miel aux morsures dung chien enrage donnees a boyre. Pareillement dit ledict Avicenne que selles sont pillees en eaue & huylle & len sen oingts ains que laxes des fievres viengne prouffite grandement. Oultre ce dit le pline que lesdictes cendres des escrevisses ensemble de luylle vault a mezellerie et les cendres seules donnees a boyre valent a ceulx qui sont en danger & paour de la morsure dung chien enrage. Et les escrevisses de fleuve pillees & beues tout frais avec de leaue valent contre tout venin et singulierement contre la poincture des escorpions avec du laict danesse ou des chievres, & les cendres dicelles gardees valent contre venin & morsures de chiens enrages. Et pour savoir la facon de les brusler & rediger en pouldre convient mettre lesdictes escrevisses toutes vives en ung chaulderon darain rouge et la dedans les faire cuyre jusques soyent redigees en cendres & lesdictes cendres sont tousjours bonnes aux choses cy dessusdictes & les peuz garder & conserver au besoing Pline dit que lesdictes escrevisses devinent & denoncent la tempeste de mer quest advenir, car

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lors elles prennent & se couvrent de petites pierres & establissent leur mobilite par la pesanteur de la pierre, dont quant les mariniers voyent ce faire, ilz ferment incontinent et atachent leurs nefz de plusieurs ancres, mais pour les apprester a venir a nostre propos elles se doyvent cuyre en eaue & vin aigre & beaucop de seil et illecques se doyvent boillir jusques a ce quayent jecte leur escume par deux foys en terre & soyent bien espurgees & lors quant seront asses cuytes tu les peuz mettre deadans ung plat et menger au vin aigre et se peuvent farcir lesdictes escrevisses evacuees de leur chair, son fait piller la dicte chair de leur queur & des bras & aussi des amandes raisins passis rouz doeufz fromage gratuze se le temps le porte & requiert persil marjolayne decouppez menuement et de ce farsim len remplist lesdictes escrevisses vuydes & soyent apres frites e huylle a petit feu, elles sont de griefve concoction ce nonobstant elles prouffitent aux esmaticques & tesiqueux.

¶ Des conques ou coquilles.

DEs conques ou des coquilles ya grant diversite tant en figure comme en couleur, car aucunes sont pleines & plates les aultres caves & creuses, les unes en facon de lune, les autres longues sur le ront les unes sont courbes, les autres eslevees sur le doz, les unes sont listes les aultres froncyes ployees dantees & crespes, les unes sont blanches les aultres noyres, les unes rouges les aultres de diverses couleurs coulouress, les unes sont grandes les aultres fort petites et moyennes, et par ainsi est grande la diversite dicelles. Jadis les romains prenoient grant volupte & plaisir esdictes conques ou coquilles. Les conques dont viennenet les marguerites ou perles ne different pas grandement aux conques et coquilles des huystes, et dit len quelles se remplissent seulement de lar dousee. Dont Jorat dit quilz yssent par nuyt de leaue & se ouvrent & concoyyvent de la rousee du matin. Le lieu plus fertil ou se trouvent les coquilles qui portent margue

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rites ou perles est en une ille de Indie nommee tabrobane quest la plus grande isle quon sache en quelque soit mer & est plus grande que toute france aussi sen trouvent en une aultre isle petite appellee torors au pres darabie & perce en la mer rouge et les meilleurs perles ou marguerites sont selon la quelite de la rousee quont prinse, car se la rousee estoit pure et nette & clere les perles seront ainsi pareillement pures & cleres si par le contraire semblablement, et les plus cleres perles se trouvent communement en la mer rouge. au temps de cleopatre selon que pline raconte furent deux marguerites ou perles merveilleusement grandes lesquelles provoquerent marc anthoine a luxure & a vaine superfluite & furent apres mises a lestatue & simulacre de la deesse venus a romme au temple pantheon quest encores au jour dhuy a romme aultrement appele nostre dame la rotonde. doncques lesdictes conques au coquilles nous satisfont & sont a nostre usaige en plusieurs choses tant a cause desdictes perles comme pour la chair dicelles a menger & pour maint usaiges quon fait desdictes coquilles cueilliers a manches dargent, pour les painctres aussi a tenir colleurs comme pareillement a cause des medicines quon en fait car galien met une reigle generalle de outes les coquilles ou des coques desdictes conques & coquilles que quant le brusle bien icelles deviennent ainsi que areine ou sablon et son les pille bien devement comme farin laquelle farine est fort bonne aux ulceres fraudulentes et cachees, et son la confit et mesle avec du vin aigre et de leaue ou avec du vin aigre et myel vault grandement aux apostumes purries, et les cendres desdictes conques coquilles ou coques len mesle communement avec oygnemens resolutifz et ensemble aulcunes graisses & valent grandement pource quilz resolvent merveilleusement bien. Pareillement lesdictes cendres ont vertu abstercive & pource sont bonnes pour nettoyer &blanchir les dens et ne font pas ce seulement pour abstercion mais pour la grosseur de leur substance, et qui en vault user pour ce faire ne convient pas quil les pille grandement mais a les mettre aux ulceres fraudulentes fault que soyent bien

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pilles. Dit encores plus fort ledict Galien que toutes ces coques ou coquilles bruslees & puis meslees icelles cendres avec du sel est medicine merveilleusement abstercive pour lesdites dens en deseichant les gencives diminuant la chair superflue & en guerissant et mondifiant les ulceres pourries qui pourroient estre esdictes gencives & en consolidant icelles avec leurs dens, en ce sacorde Diascorides de celles coquilles principallement que sont rouges lesquelles dit que son les prent & len remplist icelles de sel et puys apres len les met avec ledict sel dedans ung pot de terre & la dedans len les fait brusler consumer & rediger du tout en cendres et puis les pille icelles cendres grossement sont fort convenantes a nettoyer & emblanchir lesdictes dens, mais a nostre propos pour les apprester a menger tu les pourras cuyre ainsi que les huystres sur les charbons ou ains que avons dessus dit des coquilles et des mousles.

¶ De la purpure et murice.

LApurpure et le murex ou murice sont ennumeres et comprins a lappellation desdictes coquilles combien quil y ait de la difference comme verrons. Ilz se cachent environ lestoylle canyne & se congregent et assemblent au prin temps. La purpure a au milieu de ses fauces celle fleur jadys tant souhaitee pour taindre les draps et vestemens de soye principallement laquelle fleur resemble a la couleur dune rose rouge sur le noyr et cest ung bien peu de liqueur quelles ont en une voyne blaanche, le surplus du corps est forment sterille et vivent lesdictz purpures communemnt lespace de sept ans. Ceulx qui veulent avoir ladicte couleur rosee appelle pourpre travaillent bien a les prendre et a les avoir toutes vives, car selles sont mortes ladicte couleur rosee se pert et esvanouist. Toutes coquilles dit le pline croissent vistement & principallement les purpures lesquelles acomplissent tout leur croissement en ung an. Le temps plus util et adapte pour les prendre est apres lyssue de lestoyle canyne ou devant le

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prin temps et tant plus sont fraisches tant est plus grande la vertu du just, len les prent voulentiers avec odeurs puantes, et quant sont demy mortes et les les retourne dedans la mer elles retournent en vie. Dit oultre ce ledict pline que la purpure vault contre venin, et les cendres de leurs coques sont utiles avec du myel es ulceres de la teste son en frotte & oingt icelles, et pareillement guerissent les mamelles et tetines des femmes. Diascorides dit que leur vertu est saiche, & pource redigees en pouldre & mises sur les playes pourries des gencives les purgent et cycatrissent. Et se aulcune chair maulvaise surcroist ou survient son les poulverise dessus menguent icelle chair et purgent, et ce pareillement fait la coque bruslee. Je tiens toutesfoyx la couleur de la murice meilleur & plus belle et riche que celle de la purpure. Dit Isydore que ladicte murice est une coquille de mer, laquelle couppee alentour avec quelque fer gette dehors de belles lermes de couleur rosee desquelles len fait & tainct la pourpre. Pline dit que ladicte couleur est ou milieu des sauces ainsi que celle des purpures en une voyne blanche, les cendres pareillement de la coque des murices avec du myel valent es ulceres de la teste ainsi que celles de la purpure et les cendres seulles sont bonnes a froter les dens & avec du myel nettoyent & purgent les macules du visaige des femmes et fait lys le cuyr, et ces coquilles se cuysent tout ainsi que les aultres pour nostre menger.

¶ Des huystres.

IL convient dire et expliquer finablement des coquilles quont la coque a facon dung caillou comme sont les huystres lesquelz pource quilz excitent la luxure endormie & font a generation, ilz sont grandement requis & prises principalement envers gens qui vivent epulentement et delicieusement. Le premier qui trouva le vivier desdictes huystres fut Sergius orata non tant seulement a cause de la gueule mais pour lavarice & avoir revenues desditz

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huystres & les vendre, car en ce temps la ceulx qui avoient piscines gaignoyent beaucop ainsi que escript le pline. et par ainsi ledit sergius en fist ung en ung terreur appelle bayano pource que celle region est lymeuse & y viennent voulentiers et y naissent solles, passeratz de mer, coquilles, murices et huystres. Isydore dit quees huystres se trouvent les perles precieuses ou marguerites. Les escrevisses comme est dit dessus sont ennemies desditz huystres & les mengent & prennent leur chair quest dedans leurs coques par une voye exquise & subtille deception. Pline dit que lesditz huystres inclus & serres dedans leurs dictes coques nont point desentement, et dit quilz proviennent de la putrefaction du lymon de la terre & des lesperme . nont point dyeulx, sesjoyssent en leaue doulce & la ou plusieurs fleuves sasemblent, sengendrent en lieux pierreux, en la mer de Indye sen trouve dung pied de long, se remplissent, croyssent & descroyssent selon la lune ainsi que font toutes coquilles, mais pour les apprester a menger apres que soyent cuitz sur les charbons et leves de leur coque se pevent frire en huylle & suffondre despices et verjust. Aucuns les mengent simplement cuytz sur lesditz charbons et est viande friande a gens delicieux & libidineux, sont bons alestomach, lievent lennuy de menger, commeuvent luxure ainsi quest dit, mollifient le ventre, doulcement purgent la vessie, & approfitent aux distillations. La cendre de la coque est bonne a plusieurs choses ainsi que avons dit de celle des coquilles et conques.

¶ De la daurade.

DAurade est ung poysson qui fut aporte par deca a grans frais & despens par Sergio lequel a cause dudit poysson fut congnomine apres sergio orata et non sans cause, ledit sergio print si grant peine de laporter, car cest ung poysson qui est de louer tant a cause de sa bonne & agreable saveur et goust comme par volupte et plaisir de veoir. Marcial dit que a meilleure & la pls noble

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daurade qui soit est celle qui menge les coquilles lucernes se ladicte daurade est grasse elle est bonne boillie, et se elle est maisgre vault mieulx rostie et par dessus mettre la saulce verd.

¶ Du accipenser ou elope.

PLine dit que laccipenser estot jadis ung poysson noble sur tous aultres lequel fut aporte a romme a la seconde bataille quon fit contre ceulx de cartaige. Cest ung poysson qui ne se trouve guieres & est de grant pris et le seul des poyssons qui a lescaille par tout le corps envers la teste & au contraire & rebours des aultres qui lont envers la queue. Il nage encontre leaue, mais a present nest point en pris ne renomme aulcunement dont en suys fort esmerveille veu que anciennement en faisoyent si grant bruyt et extime, & le portoyent sur table au son des trompettes tous les serviteurs coronnes de verdure non mye aux tables communes ains seulement aux tabls palatines comme se ce fust viande des dieux.

¶ Du scaure.

DIt pline que ke orincipal des poyssons est donne a lescaure lequel est le seul des poyssons qui rumine sa viande et la mengue ainsi que font les beufz et vit des herbes, il se trouve peculierement en la mer carpathie et jamais ne passe de son gre le promontore troian quest empres asie, mais octavien prefect de romme laporta dillecques a nostre mer et le va mettre et expargir entre my dostie & le rivaige de la champaigne par tel edit qui nul ne leust a pescher ne prendre de cinq ans a ce quil peult mieulx multiplier. Apres ledict temps il sest trouve et prins frequentement en ladicte mer de ytalie empres dostie ne oncques par avant ny avoit este prins, dont on peult a ce veoir combien de choses se font par lindustrie des gens et tout pour la guelle que tant de saveurs diverses appete requiert et serche avoir tous les jours. Or Marcial dit que ledict escaure est meilleur a cause de ses entrail

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les quil nest a rayson de sa chair.

¶ Du loup de mer et de lalose.

ISydore dit que le loup de mer est ainsi appelle a cause de la semblance quil a de voracite a celluy de la terre, car tout ainsi que le loup de terre menge et devore les brebis, ainsi le loup de mer poursuit les poyssons dune gulosite insatiable Pline dit ce non obstant quil a peu de sagacite a pourveoir a son mal, mais il a grant force sa soy repentir, car sil est prins ala ligne il se sortist si tresfort quil rompt tout & se mettra davant en pieces quil laisse prendre & sil est circuy et prins du file Ovide dit que avec la queue il gratte et basche si tresfort le sablon ou larenne dessoubz ledict file quil se cache tellement la dessoubz que le file passe dessus sans le pouvoir atraper ne prendre. Dit encores le pline que tous poyssons sentent quant lyver est froit et uant leaue se glasse, mais ceulx qui sont estimez avoir une pierre en la teste comme les loups & autres telz poyssons doubtent et craingnent icelluy froit plus que nulz aultres. Nigidius dit que le loup corrode et mange voulentiers en yver la queue du mugil, et en este sont daccord. dit encores le Pline que le loup et le mugil oyent moult cler. Les loups qui sont appelles lanus sont grandement louez de blancheur et de molleisse de chair, et Varron et Pline dient que du froment la palme est donnee au terrouer de champaigne, du vin a salerne, de luylle a Cassinas, des figues au terrouer tusulan & de marceille, du Miel a Tarrante, du Loup celluy qui est prins au tybre principallement entre les deux pons ainsi que le romb au cyn de Ravenne et la murene au rivaige de Cecille. Or dit platine que le loup se doit rostir sur le gril sil est celluy que vulgairement on appelle alose levees les oreilles ou ganges et par ytelle part tirees dehors les entrailles, et quant soit rosty le convient suffondir de saulce vert, et se tu le veulx boilly le involuiras & couvriras de menger blanc appelle leucophaige lequel est dessus dict et declaire, et a une chascune facon se men

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ge doulcement. A menger cestuy pomponi qui demoure pres du tybre me convie souvent en mars, Avril, et May et toutesfoys ne nourrist pas fort congruement. philippe dit romain medicin de nostre temps fort singulier et qui est grant mirouer des choses anciennes dit que celluy poisson que noz predecesseurs louoyent si forment qui estait prins au tybre entre les deux pons nest pas lalose ains est lesturgeon, au regard de moy saulve meilleur judice je diroye que ne Platine ne Philippe entendent que cest que loup et errent facillement a cause de ce quilz nen nont point en leur pays et pource que nous en avons icy en languedoc en grant abondance je dis que nest pas alose ne aussi esturgeon car ung chascun est gendre de poysson diferent grandement lung de laultre. De ce que dit le platine de lalose et dapprester icelle il dit bien vray que ladicte alose sappreste ainsi, mais au loup ne convient pas celle confection et communement par deca les boillissent en eaue pure sil est de mer, et sil est destang ou de lac en vin ou la moytie vin et laultre eaue, et quant est cuyt avec du persil par dessus le presentent a table. Se peult aussi faire en la poille mys a belles petites darnes et le presenter a table tout chault avec lorange par dessus, ou sil est gras est bon mys en paste & cuyt au four avec des espices et du sel ce qui sera de besoing.

¶ Du mugil.

MUgil dit Ysidore est ainsi appelle pource quil est ainsi agille de son corps, et quant il cognoist que les pescheurs le veulent prendre et ont tendu les filliers incontinent il tourne arriere et saulte le file & passe oultre quon diroit peu moyns quil volle. Pline dit que cest chose pour rire quant a paour pour ce quil caiche sa teste seullement & cuyde que tout le corps soit caiche, en yceulx est tant de facilite en phenice & a la province de narbonne que se au temps damours len prent ung mugil masle & avec une ligne bien longue len lye icelluy par les oreilles ou baubes vers

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la gorge & puys len mect icelluy dedans la mer et avec ladicte ligne len le tire, les femelles suivront icelluy jusques au rivaige et tout ainsi feront les masles au temps que la femelle aura fait les petis son prent icelle femelle comme est dit du masle. Le mugil et loup sont communement en hayne & guerre lung contre laultre, & quant le mugil crainct la force et violence dung aultre poisson plus fort de luy il saillist sur les nefz ou gallees et sont de telle velocite & legierete maintesfoys quilz passent oultre les bateaux. Dit encores ledict Pline que le mugil congnoist la tromperie et deception quest en la viande de la ligne, mais il est si friant & couvoiteux de menger que avec la queue il bat tellement ladicte viande quil la fait cheoir. Or ledict mugil est ung bon poysson fort boilly ou rosti & quant est gras mys en paste & cuyt au four pareillement, & sil est beau & fort gras mys a belles darnes entrelardees de giroffles et icelles mises en une cassole ou test et illecques cuytes dedans le four sans autre chose fors du sel ce que sera besoing est fort bonne viande et delicieuse a menger.

¶ Du romb.

LE romb est ung poysson plat ainsi que le passerat de la mer et la sole. Au livre naturel des choses est escript que le romb est ung grant poysson fort et astut, mais tard et pigre, et chasse tout ainsi que la rayne de mer, car quant il est caiche au lymon trouble il meult seulement les esles et quant il voit aprocher les poyssons incontinent les prent et devoure de son astuce et sagacite, est grant argument veu comme il soit le plus grave & pesant de tous poyssons len trouve souventesfoys dedans son ventre le mugil qui est si veloce et legier, celluy qui est prins a la mer adriatique principalement au syn de Ravenne est estime le meilleur & le plus doulx a menger de tous aultres, et jadis noz grans peres & predecesseurs ne le metoyent sinon es tables des princes. Juve

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nal en ung de ses vers mect une merveilleuse grandeur de romb, et aussi marcial lequel dit que le romb estoit plus grant & large que la poille ou devoit estre cuyt. Le romb lye en ung panier ou atache a la pinate peuz cuyre en ung chauderon & sera plus facille a rompre et convient quil boille a petit feu, & cuyt que soyt avec de la saulse blanche appelle leucophage devant exposee ensemble des espices pourras & seurement et doulcement menger.

¶ Du sturgeon.

ME semble proprement que je chemine par tenebres quand des poyssons que jay a dire doresnavant ny a nul aucteur certain ou du nom ou de la nature, et cecy est plus a imputer a la negligence & ignorance de nos predecesseurs que nest a moy. Je useray doncques necessairement de nouveaulx vocables de poyssons affin que les gueules deliceiuses ne puissent dire que ayt tenu en moy que nayent entiermenet prinse leur honneste volupte. Or doncques lesturgeon est ung poysson fort grant lequel ne se trouve ne habite se nest en fleuves grans et larges, ne peult longuement vivre en estangz sil ne passe en eaues doulces de fleuves, il mengue peu & forment riens & luy souffist pour son nourrissement la seule serenite et tranquillite de lair, et pource a il petit ventre & ses entrailles bien petites au regart de sa grandeur, le foye est assez grant & si doulz que a peyne se peult menger sans abhomonation destomach na point de bouche et celle partie est entiere que aux autres bestes occupe la bouche & na sinon ung petit trou qui est cloz dessoubz le gorgeron & quant veult louvrist a la serenite de lair, il sengraisse plustost au vent marin, & quant court laquillon se tient au parfont, mis dedans du laict vit longuement comme se fust dedans leaue. Or prins ledict esturgeon tu le cuyras non pas incontinant mais ung peu apres en eaue & autant de vin blanc ou vin aigre & te souviengne dy mettre du sel veult estre autant cuyt comme la chair du veau, et se doit menger a saulse blanche appelle leuco

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phage ainsi quest dict dessus ou a laylle ou moustarde. De lesturgeon se fait saleure appelle spinelle pour ce que se fait de lespine et dos dudict esturgeon, & saches que lesturgeon est bon quant est mys en darnes et est entier & rouge, quant len cuist icelluy au gril le convient inspargir et arroser frequentement de vin aigre et huylle a cause que ne seiche trop, et quant verras que la chaleur aura penetre le peuz oster du feu et suffondir du remanant du vin aigre et huyll e et presenter ainsy a table, ainsi appreste est esperon de beuveurs.

¶ De la lombryne.

LOmbryne est ung poysson qui nest mye de oublier ne de mespriser, il est semblable au corveau de mer, se doit apprester & cuyre tout ainsi que lesturgeon ne veult pas estre toutesfoys si fort cuyt pource quil est plus tendre que nest lesturgeon.

¶ Du dantu ou pagre.

LE dantu a son nom conforme pour ce quil a grans dens plusieurs et dures desquelles il mengue et froise les huystres ou autres poissons et souventesfoys avec lesditz dens il blesse les pescheurs, et est semblable a la daurade et se cuist comme lesturgeon.

¶ Du varrolle.

VArrolle est ung poysson petit de quattre ou cinq livres communement lequel poysson len peult cuyre sans lever lescaille ne entrailles sur le gril ou en luylle dedans la poille, mais se tu le veulx apprester sur le gril souviegne toy de linspargir continuellement de bi naigre de huylle et de sel, il veult estre fort cuyt a cause de sa grande humidite.

¶ Du Corveau de mer.

LE corveau de mer est ung poysson fusc sur le noir a la semblance forment touchant celle du corveau de la terre, et pour ceste cause il est

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ainsi appelle combien que Isydore dit quil est ainsi appelle a cause de sa voix qui yst du cueur & grunnist du parfond de la poictrine, et sa voix le manifeste & souventesfoys le fait prendre. Il a sur le dos des esles bien longues & si a une pierre en la teste laquelle lieve la douleur du coste ainsi que afferme palladius, et ce son la porte en ung aneau et la pierre touche la chair. Il est ennumere entre les bons poyssons, il se peult cuyre ainsi que le varrolle fort grant ou petit, sil est frit il le convient suffondir de saulse ou y ait ung peu dail ou moustarde.

¶ De la solle.

LA solle est ung poysson large & court subtil & delie a semblance dune solle et je croy que a ceste cause il est ainsi appelle. Le livre naturel des choses dit quil est appelle solle pource quil demeure voulentiers au soleil empres la rive des fleuves, & dit quil a grant teste & large orifice & la coyne noyre & lubrique comme une anguille, a le foye merveilleusement doulx & fort bon a menger. Pline dit que la solle est ung poysson plat ainsi que le romb, et selon tous medicins est fort bon & sain a menger a gens malades entre les autres poyssons de mer pouce quil est moyns fleumatic que les aultres, et avec ce est fort agreable de saveur, il se doit frire en la poille et puis le fault suffondir de persil menuement decouppe ensemble du verjust ou du just dorange, ce poisson est enumere entre les bons poyssons, & plusieurs dient que cest la perdris de mer, ne nya poysson meilleur ains fait la mouhe a tous les aultres, et de fait sont regarde bien ledict poysson & sa bouche len trouvera quil fait ladicte mouhe et tient ainsi sa bouche & levres a travers tant vif comme mort comme sil faisont la mouhe aux aultres.

¶ Des plannes ou palmites.

PLatine dit quil cuyde que les plannes soyent petites lombrines qui ne different en aultre chose que en quantite pource que les palmites sont ung peu longuettes & fusques

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sur le noir & ont la queue subtille, ague, & forchee, & sont sans esquaille, et se cuysent et apprestent ainsi que lesturgeon, et selle est petite se doit frire & inspargir de persil & just dorange.

¶ Du sarvolin.

LE sarvolin est ung poysson qui se lieve sur le dos et encline la teste, il est rouge dehors & est blanc par dedans et a ceulx qui en mengent donne bon goust et saveur, il se peult cuyre en telle facon quon veult, sil est grant il est bon boilly & menge avec la saulse leucophage, se il est moindre & rosti requiert avoir saulse vert.

¶ De la trillie.

TRillie est ung poysson qui a la teste courte et grosse et la queue vient en aguysant & en poincte, se doit rostir entier sans esventrer ne vuyder et inspargir deaue & de sel, durera par huyt ou dix jours sil est mys en ung plat et couvert dung aultre, et soit conspergie de ladicte eaue sel et selmeure.

¶ De la carpe.

LA carpe est ung poysson qui a lescaille sur la couleur dor et demeure voulentiers aux lacz et es estangz ou fleuves, et est ainsi appelle pource que en prenant elle parist, et quant sa nature luy donne que les oeufz sont ja aptes a mettre dehors elle vient au masle et avec la gorge & doulce alayne demonstre audict masle quil luy ayde a parir et expellir sesdictz oeufz, lors le masle en lieu de semence gette du laict lequel aldicte carpe prent en sa gorge et incontinent apres elle expellist lesdictz oeufz desquelz yssent de petis carpotz, car aultrement ladicte carpe ne pourroit expellir lesditz oeufz se paravant ne prent ledict laict du masle en sa gorge. Ce poysson a plusieurs astuces pour evader et eschapper du file quant len cuyde prendre ycelluy, & quant il est dedans le file il serche tout a lentour pour trouver quelque trou par lequel elle puysse yssir dehors, et quant elle nen peult trou

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ver elle esforce de toutte sa pouissance saulter en lair liberallement & passer dessus le file. Aucunesfoys se prent & tient aux herbes affin que le fille passe par dessus sans la pouvoir tirer et aultres plusieurs astuces a par lesquelles elle evade et eschappe destre prinse. La teste de cestuy poysson selon laugmentation de la lune & diminution croist ou decroust : & encores que ce soit en otous poyssons il est en cestuy plus que aux aultres. Len donne la palme aux carpes de saune & sont tenues les meilleures quon sache elles sont fort bonnes boillies et rosties en toutes facons, mais communement len boillist les grosses a belles pieces & les menge len a saulce leucophaige ou a lorange, et les petites sont bonnes frites. ¶ Du Rouget. LE rouget est ung petit poysson ainsi nomme pour ce quil est en ce point touge. Magnini dit que cest le meilleur et le plus sain poysson de tous les aultres pource que sa chair est blanche assez delyee subtile & frangible, de bonne saveur & de odeur delectable, & sa substance est pure et parfaicte. En la mer de la province de narbonne sen trouve assez il est meilleur rosty ou frit que nest boilly, et est meilleur boilly en vin avec aucunes semences ou herbes repugnantes a la viscosite et frigidite dudict poysson que nest boilly simplement en eaue.

¶ De la salpe.

LA salpe est ung poysson moyen de peu de saveur et sent la saulvaigine et est coulore au milieu & au travers de luy, ce poysson pour ce quest grandemen ventru bien vuyde par incision si petite que se peult faire requiert estre rosti suffondu de saulse vert.

¶ De lescorphion.

LEscorphion est ung poysson noir qui a sur le dos espines fort combles avec lesquelles bien souvent blesse les pescheurs, celluy qui est grant requiert estre boil

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ly et le petit rosty.

¶ Du Cephalo.

CEphalus est ung poysson de bonne saveur au moys de septembre et est sur le blanc & asses grant, il est plain sur le doz et sa teste est courte et grosse, celluy qui est grant cuyras au chaulderon, le petit au gril le inspargissant continuellement deaue et sel a cause que ne se deseiche trop. Le grant mengeras avec leucophaige. Le petit avec leaue et le sel.

¶ Du passerat de mer.

LE passerat de mer a prins sa denomination a cause de la similitude de celluy de la terre, ilz ne se different guieres si nest en la teste, boilly que soit linspargiras de persil, & rosty du just dorange.

¶ Du Camari de mer.

CAmary de mer sont petis poyssons de mer qui ont la teste tendre. Boyliis que soyent les suffondiras de fenoil et vin aigre.

¶ Des cappes.

LEs cappes sont especes de conques & se doyvent cuyre a la poille sans eaue ne aultre chose, & quant les conques ou coques se commenceront a ouvrir a cause de la chaleur inspargiras du verjust ensemble ung peu de poyvre pille & du persil decouppe menuement et mesleras ensemble, apres incontinent les mettras en ung plat & les laisseras illecques par ung jour ou une nuyt en eaue sel affin quilz laissent lamertume quest naturellement en eulx.

¶ Du merlus.

LE merlus est est ung poysson de mer & na guieres descaille & est forment semblable au luz ou bechet. En la mer par toute la province de Narbonne sen trouve beaucop, cest ung poysson doulx a menger & se peult boillir, mais mys a belles

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petites darnes & frut en la poille est meilleur & se mengue communemetn avec le just de lorange, aulcuns le mengent en saulse genestine et le gardent deux ou troys jours.

¶ Du lus ou bechet.

 LE lus ou bechet est ung poysson de fleuve qui a large gorge & les dens agues & devoure les petis poyssons auquel la perche armee de son escaille & aureilles ou ganches tresaspres resiste tellement que ledict lus ne la peult avoir des aultres poyssons mengue assez & de sa propre espece, & aussi mengue les crapaulx & aultres bestes venimeuses et toutesfoys len dit quest sain a gens malades. Le livre naturel des choses dit que le lus ou bechet est le loup des fleuves lequel sil a leaue du fleuve & viande souffisant a sa vie par succession de temps il devient merveilleusement grant & long, sa viande est poysson & toutes choses qui respist comme raynes & aultres bestes venimeuses, il menge et devoure ung poysson forment aussi grant que luy et le tue premierement, apres il menge la teste & quant a digere icelle il mengue ensuivant le surplus, il a au cerveau une pierre semblable au cristal quant est fort vieulx. Aristote dit quil concoit quant le vent de septentrion court & semblablement font tous autres poyssons longs, & dit encores ledict aristote que la femelle quant veult faire lespetis elle monte tant quelle peult contre mont leaue & se eslongne du masle a cause quil ne menge ses petis. Pour laprester de menger le convient premierement esventrer et vuider et le bien parboillir, & quant soyt cuyt luy fault oster lescaille avec la peau & le menger avec la saulse leucophaige ou avec laillee ou moutarde. Il ya aucuns qui le mettent et font confire entre deux platz sur les charbons avec du beurre et verjust : et se le lus ou bechet est petit le pourras rostir se tu veulx & menger au just de lorange. Ce poysson est le moins insalubre et dommageable entre les aultres.

¶ Des truites.

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LA truyte est ung poysson ainsi que dit le livre naturel qui habite es fleuves doulx qui descendent des montaignes a grant impetuosite. Ont escaille ainsi que le saulmon & la chair forment semblable mais plus comestible & cecy en este seulement du moys de juillet jusques en novembre. En yver la chair est blanche ainsi que aux autres poyssons & lors est de moindre saveur, il a sur sa peau et sur son dos des taiches et macules jaunes et rouges et par ainsi sont de variable couleur par dehors ainsi forment que la perche et par dedans en este principalement sont rouges. Aucuns dient que tandis quelles sont petites & jeunes elles vient et se nourrissent seulement en eaue doulce & sappellent truytes, mais quant elles sont vielles et parcrues & descendues jusques empres le port de mer et ont beu et gouste de leaue salee de ladicte mer se sont saumons laquelle chose nest pas esprouvee de tous ung chascum toutesfoys desdictz poyssons ou soit la truyte ou le saumon est moult delicieux & savoureux a menger. Or pour apprester lesdictes truytes quant sont grandes les convient premierement mettre a belles pieces et saler icelles et faire cuyre en ung chaulderon tellement que lincision soit au dessus affin que le sel puisse bien tenir & y mettras de leaue & vin aigre modereement que ne surmonte la chair plus hault de deux dois et quant les auras escumees de rechief les feras boillir doulcement a petit feu, et quant soyent cuytes et estendues a la pignate inspargiras despices doulces dessus affin que se sechent et essuyent aulcunement et les mengeras a saulse leucophage bien gingenbree. les petites truytes bien cuydees & escaillees toutes entieres decoupperas & fendras doulcement a dextre et a senestre en facon de lozanges des la teste jusques a la queue & mettras du sel dedans icelles incisions & les laisseras presser entre deux tableaux par deux heures puis involuies de farine les friras lentement avec huylle, cuytes en ceste facon se gardent quatre ou cinq jours mais en quelque sorte que souent apprestees sont agreables a menger & de griefve concoction.

¶ Des tanches.

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TAnche est une poisson de fleuve ou destang asses commun & notoyre a tous & se nourrist au limon de laterre ainsi que languille, aussi est il forment de telle coleur fusque et sur le noir, ung chascun est de doulce saveur mais de mauvaise digestion. Je crois que ce que nous appellons maintenant tanche noz predecesseurs appelloient mene laquelle mene ou tanche se elle est rosse & grande la peuz boillir & menger confite en verjust espices persil menuement : decouppe ou aultrement selle est grosse bien escaillee taillee & ouverte par le mylieu de leschine revoluiras icelle & mettras le dedans dehors rompant aucunement les costes dicelle & decouppant les entrailles et avec six oeufz et persil decouppe poyvre pille et quelque peu dail decouppe menu et ung peu de saffran mesle tout ensemble len en fait farsim lequel on mect dedans ladicte tanche ainsi ouverte comme est dit le dedans dehors. Aucuns ya qyu adjoustent audit farsim des prunes seiches damassaines ou des cerises aigres ou des raisins passes ensemble des pignons mondez & des oeufz batuz & cecy mis dedans ladicte tanche font cuyre ycelle lentemnt a petit feu sur le gril, & quant est cuyte le surfondissent deaue sel vin aigre huylle saffran & moust ou vin cuyt. Quant elle est petite semblablement la fendras comme est dit dessus et inspargie de la farine la friras en huylle, et quant sera frite la suffondras de verjust ou just dorange. En quelque facon quelle soit cuyte encores quelle soit agreable a menger nya riens pire.

¶ De la perche.

LEs meilleures perches sont au lac verbane ou celles que le fleuve pode produit, En sone pareillement en ya de bonnes. Sont ainsi je croy appellees pource que ont le goust et saveur des pesches. Cest ung poisson petit de diverse couleur et legier a courir et lescaille & les peites esles agues et aspres desquelles armes se deffent contre les gros poyssons. Dont Alexandre dit que quant la

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perche voit le bechet venir encontre delle elle lieve ses esles & par ce point evadist, est suave & doulx a menger & sur tous aultres poyssons de fleuve ou destang il est sain aux malades. Les plus grandes bien esventrees & vuydees cuyras avec toute leur escaille en eaue & en vin aigre et quant soyent cuytes & mondees ainsi quavons dit par avant au chapitre du lus & bechet les presenteras a table. Les petites bien vuydees et escaillees cuyras a luylle ou sur le gril inspargissant pardessus deaue & de sel.

¶ De la lamproye.

LEs lamproyes sont fort semblables aux anguilles elles sont toutesfoys plus courtes & ont des pertuys deca & dela soubz les aureilles. Au tybre de romme sen prennent de fort belles & grandes dont nature a ce bien ordonne davoir illesques produit ung tel poysson delicieux & asses grant ou sont les gueules voraces qui se combatent a force dor & dargent a savoir qui lemportera & jay veu acheter a romme bien souvent une lamproye .v. .vi. & vii. ducas & naguieres que jen veis offrir a ung maistre dosstel de cardinal .xx. ducas dune & ce a cause dung autre qui semblablement la vouloit avoir & celluy qui en donna plus lemporta & ce fist il pour la gueule deliciceuse & friande, & si grant audace luy fut agreable & pource que le maistre dostel avoir evite larrogance pompe & superbe je ne veulx pas dire folye de son maistre il luy donna cent ducas affin que une aultre foys sil se trouvoit en ung tel cas & bataille il ne defaillist & tombast par peur & coardise de cueur. Cecy ne veult pas jhesucrist qui nous a propose & monstre batailler par vertus non pas par flagices & vices de gueule, mais il mest plus seur retourner a ma cuysine a mon propos que dire ne proposer telles choses. Ordoncques pour faire paix je veulx bailler la souppe aux chien pour cause quil ne me morde ou certes la lamproye confite asses meilleur que ladicte souppe. doncques ostees les dens & la langue de la lamproye & tyres les entrailles par la partie posterieure, tu laveras bien icelle en eaue chaulde & garderas daffoler la peau en aucune

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part, et conserveras le sang de ladicte lamproye duquel tu feras son condiment et saulse comme tu veras cy apres, & mettras en sa gorge une noix muscade, et aux pertuys dessoubz les oreilles des cloux de girogle entiers, apres remoillee & myse ladicte lamproye dedans une cassole la feras bien cuyre a petit feu au four ou ailleurs avec demie once de bon huylle ung peu de verjust de bon vin blanc & du sel ce que sera de besoing, & quant commencera boillir tu poindras & feras des pertuys empres la teste & environ des t rous qui sont pres dicelle, & exprimeras avec les mains et feras venir ledict sang envers la teste pour le faire yssir par lesdictes poinctures que auras fait avec quelque couteau & par la feras tout couler ledict sanc dedans ladicte cassole et cecy se peult faire sembalement ains que bouillisse. Or maintenant feras sa saulse en ceste facon. Et auras des amndres noisilles ou avelaynes & les rostiras & quant soyent nettoieez des cendres les pilleras ensemble unetostee de pain bruslee ung peu & des raisins passis & quant soyent pilles avec du verjust moust ou vin cuyt dissoluiras tout et feras passer par lestamine en ung catin y adjoustant tousjours ung peu de gingembre girofle & cynamome et le sang de la lamproye duquel est dit dessus que devoyes garder et tout cecy infondiras dedans ladicte cassole & laires cuyre & boillir avec ladicte lamproye jusques quelle soit bien cuytte. Aultrement se peult aprester et rostir a la broche et mettre par dessoubz quelque paielle ou lichefroye pour recevoir le sang et graisse qui cherra dicelle et avec ce pourras faire semblable saulce quest dessus dicte : ou seulement la presenter a table apres que soit bien cuytte avec ledict sang et graisse que aura distille et au jus de lorange, & la manger avec ce tout chault. Aulcuns ya qui cuysent les petites lamproyes sus le gril a petit feu les espergissant et remoillant continuellement de huylle, verjustsel et espices tou adjoinct et mesle ensemble.

¶ Du barbeau.

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BArbeau est ung poysson de fleuve lequel en quelque facon que soyt cuyt nest pas enumere entre les bons poyssons, ses oeufz sont pernicieux principalement au moys de may.

¶ Du temule.

TEmule est ung tresbon poysson et en quelque facon quil soyt cuyt tousjours est bon, toutesfoys il requiert plustost estre frit que aultrement.

¶ Du congre.

COngre est ung poysson de mer long ainsy forment que la murene mais le congre est plus grant de corps ainsy que dit le livre naturel des choses, il sengresse quant fait grant vent & sa chair est fort doulce a menger, il a grant inimicice a la murene & aultres poyssons & est si robuste qui lascere & mect a pieces a force de ses dens le polipe. Pline dit que le congre est ung poysson long comme languille ou la murene et noye par une inflection & reflection de corps comme fait le serpent en terre. Aux moys dyver les congres se caichent entre my les spelonques & cavernes, & pource lon ne les peult trouver ne prendre se nest en este. Ilz ont deux esles en lieu de piedz ainsi que les anguiles, et pour les apprester a menger les convient mettre par lopins et les cuyre tout ainsy que avons dit dessus des anguilles en metant tousjours entremy lesdictz lopins quelques fueilles de saulge ou de lorier.

¶ Du lyon langouste ou escrevisse de mer.

Isidore dit que le lyon de mer est ainsi appelle a cause de la semblance quil a a celluy de la terre, car il a sa couleur forment sur le rouge a la saamblance du lyon de terre. Ambroise dit que le lyon est terrible en terre & doulx en la mer, mais pour lapprester a menger luy convient clore la bouche avec du coton ou estoupes & le trou quil a dessoubz la queue & le faire cuyre lentement au four bien chault sasns eaue huile ne aulcun seing, aulcuns ya qui le metent emmy

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des charbons vifz & le virent & retournent souvent a cause quil ne brusle, se peut aussi cuyre en eaue & vin aigre comme les escrevisses du fleuve, veult estre toutesfoys plus cuyt pource quil est plus gros & plus dur. Semblablement se peuvent cuyre les langoustes qui sont du gendre des escrevisses & plus grandes que les lyons de mer.

¶ Du saulmon.

SAulmon dit Phisiologus est dit a saulter pource quil saillist les buyssons & les roches qui luy viennent encontre & font empeschement a aler la ou il veult. Et quant il veult saulter il prent sa queue avecla gorge & la tient fermement jusques aye sailly la ou il veult aler. Oultre ce dit phsiologus quil ne vault guieres en couleur ne en saveur jusques aye gouste leaue de la mer, a quoy faire se parforce il tant que peut et va contre limpetuosite du fleuve & ne cesse jamais jusques a ce quil aye gouste & soyt refait de ladite eaue. Apres il sen revient & tourne en son lieu premier & propre domicile. Le livre naturel des choses dit que le saumon est ung poisson qui croist grandement en longueur & grosseur & est fort robuste, mais il est grief et pesant & toute lagilite quil a est a cause de sa puissance force & vertu plus tost que nest de legierete de son corps. Pline dit quejadis estoit prefere a tout poisson de fleuve, et principalement en guyenne ou habonde grandement en la riviere de garonn, sa chair est rouge & combien que soyt doulce & agreable merveilleusement a menger si saoule elle bien tost ceulx qui en mengent. Dit envores ledit pline quil nepeut guieres vivre en eaue doulce des estangs sil na liberte de passer aux undes doulces des fleuves. Et quant il trouve en son passaige daulcun buysson alencontre ou aultre chose dempeschement il joinct sa queue avec la teste, et a une reflexion de corps il volle & passe oultre la ou il veult, & cecy fait il semblablement quant se sont prins & circonde du fille. Or comment que soyt cest ung poisson plaisant a menger & ferme, & resemble plus au goust de chair quant lon le menge que quelconque

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aultre poisson. Et en quuelque facon quil soyt apreste il est tousjours bon & agreable, combien quil soyt de grosses & dure digestion.

¶ Des lasches.

UNg fleuve appelle trasimenus produit grant habondance de lasches, & se peuvent frire ou rostir sur les charbons ou sur le gril, & et requierent saulce ou verjust.

¶ Des lacterins.

CEulx que le commun peuple appelle lacterins je les appelle lacteolins a cause du laict & blanche couleur quilz ont, et sont si clers quon y peut veoir tout oultre, se prennent en mer ou aux lacz, & fritz se doyvent surfondre de saulce verd ou verjust.

¶ Des rovillons.

LEs rovillons sont semblables aux trillies, au lac dalbe en ya beaucop, et naissent principalement au tybre, sont petis & non guieres bons, saprestent comme les lacterins.

¶ Des aguilles.

LEs aguilles est ung poisson quest a la semblance dune aguille, en quelque facon que soyent cuytz sont asses bons et non guieres.

¶ Du tordre de mer.

LE tordre de mer est dit pour la semblance quil a celuy de terre, en quelque facon que soyt cuyt rosti, sur tout requiert moustarde.

¶ Des sardelles.

SOnt fort loues les sardelles au lac de benaco, et frites avec verjust oujust dorange sont bonnes.

¶ Des carpions.

JE me merveille du pline veu quil fait souventesfoys mencion du lac de benaco pres de veronne quil ne face mencion des carpions, desquelz ledit lac est singulierement exaulce. Ilz se cuysent en toutes sortes, mais pour les conserver & garder

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longuement incontinent quilz sont prins les convient mettre en saleure par deux jours, apres les frire bien en bonne huyle que soyent bien cuytz, et en ceste facon se garderont par ung moys, encores que ne soyent pas si sains ne si bons, & plus longuement si les veulx recuyre. Pareillement les aultres poissons cuytz en ceste guise se conserveront, mais non pas si longuement. Te dois garder toutesfoys que lespine quil porte en la teste ne te plesse pource quelle est pernicieuse comme se fust envenimee.

¶ Des ceches ou calamars.

CEulx qui appellent les ceches calamars, plus proprement & trop mieulx les eussent appelles ancres, veu quilz ont la teste en facon dune tynnete ou lon met lancre. Et pource quilz sont noirs & gettent souvent leaue noire ainsi que ancre, les gros se coppent a menus loppins, & les convient boillir et apres les frire ung peu, & par dessus mettre des espices et persil decoppe bien menu, et avec dujust des oranges les menger.

¶ Du daulphin.

LE daulphin est ung poisson noble & le plus legier de toutes les bestes, non seulement de celles de la mer mais aussi de tous oyseaulx, ainsi que dit le pline au livre naturel, & va plus viste que ne fait ung dard ou une fleche. Et sil navoit la gorge si parfont dedans le museau au millieu forment du venter, il ny auroit poisson qui evadist ne eschapast sa grant legierte, a ce nature a bien pourveu, car ilz nepeuvent riens happer silz ne se tournent a lenvers, ilz vienent aulcunesfoys si acop du fons de la mer jusques au dessus, & saillent dune force si treshault quilz passent bien souvent & transvollent les voyles des nefz. En dix ans a fait toute sa croissance & trois cens vit, ainsi que dit pline. Il a la langue contre la nature des aultres poissons, mouvable, courte & large, ne differe guiere a celle du porceau, & a voix forment gemissant comme ung homme, le dos courbe & le museau

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syme & camus. Et a ceste cause selon que dit Pline il congnoist merveilleusement et entend quant lon lappelle symon, & prent plaisir estre ainsi appelle, il est fort amiable aux gens & se resjoyst grandement de ouyr chantz & melodies, dont ung harpeur nomme Arion fort singulier en son art ainsi que racontent les poetes eschappa les mains de ses ennemys qui le vouloient occire dedans la nef & ilz leur pria ainsi quil mourust quilz le laissassent jouer ung cop de sa harpe, laquelle chose impetree si tresdoulcement commanca a jouer quil fist arriver & amonceler grant co(mpaignie desditz daulphins au son de sa dite harpe, lors se geta il dedans la mer. Et incontinent ung desditz dauphins le receut & soustint sur son dos & lemporta de fait jusques au rivaige de mer & luy sauva en ce point la vie, car ilz ayment naturellement les hommes, & viennent souventesfoys au devant des nefz & saultent & sesbanoissent empres icelles. Pline raconte merveilles de lamour quilz ont envers les gens, & principalement aux enfans jeunes, & met plusieurs & beaulx exemples. Et entre les aultres dung enfant qui aloit aux escoles au temps de cesar auguste, lequel lesbatant bien souvent empres le rivaige de mer, par le cry & voix de symon il faisoyt maintesfoys venir a soy ung beau daulphin aulquel il gettoit de son pain. Et tellement continua longuement a ce faire qui attira ledit daulphin a son amour en telle facon quetoutes & quantesfoys qui arrivoit illecques & appelloit ce dit nom de symon il arrivoit subitement, combien quil fust au fons de la mer bien cache & loing de ce lieu, & mengeoit du pain en sa main & se joingnoit empres luy en luy offrant et baillant son dos pour monter dessus. Et a cause que ses esles poinctues lesquelles a sur son dos ne luy fissent mal ou dommaige les reduisoyt a soy, tellement que lenfant monta au dessus, & le daulphin lemporta en laulte mer densant & soy jouant avec luy. Et apres en ce mesmes lieu ou lavoit prins le va retourner, & cecy fist il par long temps jusques ledit enfant par aulcune maladie que luy survint va mourir, dont le daulphin venant bien souvent audit lieu comme avoit de coustume ne trouvant

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plus don doulz chaveucheur et enfant qui du pain a menger luys souloit maintesfoys donner, telle facon de dueil & melancolie le surprint quil en va expirer, que en piece lon ne cuideroyt. Daultres exemples en raconte lesquelz ainsi quil dit auroit honte de raconter silz neussent este ditz & affermes par les lettres de Mecenates de flavian et flavy, alphy et de plusieurs aultres. Aristote dit desditz daulphins quant ilz meurent que plusieurs aultres surviennent & y acourent, & sil meurt le portent au parfont de la mer & lensevelissent a cause que les aultres poissons ne les mengeussent. Mais pour nostre menger & usaige lesditz daulphins ne competent guieres, pource que sont de digestion difficile et grosse humeur & de grande superfluite, ainsi que dit Magnini. Et si en voulons user il dit que ne les devons mye cuyre ne menger incontinent quilz sont prins, ains les devons garder par aulcuns jours jusques a ce que leurchair soyt mollifiee sans corrupcion de leur substance, et sont meilleurs ung peu saupiques que ne sont quant il sont tous frais, & fris ou rostis que ne sont boillis. Et boillis en vin ensemble aulcunes semences ou herbes repugnantes a leur viscosite & frigidite que ne sont boillis simplement en eaue.

¶ Poissons en gellee.

LA gellee se fait deaue, vin, & vin aigre, & pour la garder longuement y convient mettre beaucop despices, du just de merlus ou de bechet bien gras exventre et vuyde seulement a toute son escaille se fait bonne gellee. Mais ce poisson doit estre cuyt a petit feu avec de leaue seulement que a peine soyt couvert le poisson. Et cuytz & leves du chaulderon tu laisseras la peau de rechief ung peu boillir, & le surplus que convient faire & observer feras tout ainsi quest dessus dit au chapitre de la gellee de la chair. Coaguler & congeler forment a ceste facon pourras tout aultre poisson, principalement les boillis tant demer que des fleuves.

¶ Que convient menger a la tierce table.

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ASses est dit que fault mengera la premiere & seconde table, doresenavant nous convient dire & ce briefvement que fault menger en la tierce, comme par une fin & conclusion du feel de nostre estomach, doncques sil advient que a la premiere ou seconde table lon aye menge chair rostie ou boillie selon le temps, pour la tierce & fin de table nous donnerons convenablement pommes ou poires, principalemnt aigres & stiptiques pour rebouter les exalacions & fumosites montans au chef & au cerveau par cause des viandes prinses aux deux premieres tables. Les pommes ou poires doulces ainsi quil est dit en leur lieu et chapitre servent trop mieulx a la premiere table, et ne sont mye a propos maintenant. En ya qui approuvent merveilleusement ainsi que Nicander le rayfort, pource que prins apres toute aultre viande ayde grandement a faire bonne conncoction en penetrant au fons de lestomach et amoindrissant le flegme, en reboutant les vapeurs au chef eslevees et purgeant les reins et vessie. Et daultre part est il fort salutaire contre plusieurs venins, comme des boletz, moucerons, & a poinctures descorpions & serpens tant a grande & puissante force & vertu, principalement le saulvaige que les Romains appellent remorache, que sil est mys dessus ung escorpion a tout son escorce il le occist incontinent. Menge a la premiere table nest mye si sain & louable selon tous medicins, pource quil ne souffre demourer la viande en lestomach a cause de son ague & chaulde vertu, il engendre eructacions & empesche la concoction & fait voulentiers vomir. Lon dit aussi & est vray que ung peu de formaige dur selle fort bien lestomach & prohibist & garde que les exalacions ne montent a la teste & cerveau, tollist aussi lennuy des viandes grasses. Les tables delicieuses mengent voulentiers de la dragee, cest adire anys, fenoil & coriandre confis en sucre, tant pour les causes dessusdites comme pour volupte et plaisance et proffit & sante de la gorge & teste. Mais le commun & menu peuple use simplement du fenoil

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sans aulcune confection de succre, lequel ainsi que avons dessudit en son lie & chapitre a de fort belles et singulieres vertus. Les chastaignes au temps passe estoyent grandement prisees pour menger a la tierce table, celles principalement de tarente & de naples, ainsi que au jourduy nous disons de celles de millan et de genes ou du pays de valentinois ou daulphine, lesquelles sont grosses, bonnes, savoreuses & tendres a broier. Toutes chastaignes selles sont bien machees & moules aux dens & princes & avalees dung bon & puissant estomach nourrissent fort, engraissent, & semblent quelles donnent appetit. Elles sont meilleurs cuytes soubz les cendres & charbons que quant sont boillies ou sur la flambe rosties en la poille percee, car ainsi cuytes leur turgidite inflacion & vertu stiptique est forment reparee & adoulcie, prinses en succre ou en miel diminuissent forment la flegme, adoulcissent la gorge et la toux. Oultre les choses dessudites tous coings & migrannes principalement aigres, & generalement toutes choses stiptiques & restrictives sont condescentes et convenables pour la tierce table, mais en temps de poisson convient bailler pour tierce table des amandres, avelaines, noix, ou noislles pource que repriment a cause de leur siccite la froide & moiste nature des poissons. Plusieurs sont qui a la fin de table quelques viandes quilz ayent menge prenent & usent peculierement dune toste de pain, laquelle chose est saine & apporuvee par tous medecins.

¶ Du vin.

UNg souper ou disner sans boyre non tant seulement est mal agreable, mais aussi intuil malsain & domageable. Ne la viande est tant couvoitee ne joyeuse a ceulx qui ont fain comme est le vin a ceulx qui ont grant soif. Et pource dit Magnini quil est bon que le vin soyt mesle ensemble la viande laquelle chose nempesche mye le nourrissement, ains ayde beaucop a icelluy pource que le vin est grandement nutritif & restauratif, & nourrist le

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gierement, conforte la chaleur naturelle, lesperit, & eschauffe tout le corps, lesquelles choses font beaucop au nourrissement. Il est doncques necessaire de humecter la viande tant a cause de refrigerer le polmon comme a cause que ce que avons prins & menge soyt mieulx subige & pistry dedans nostre corps & soyt par ainsi mieulx destrempe & plus facilement cuyt & digere, car le vin ainsi que dit Androchides escrivant a Alexandre cuydant reprimer son entemperance de boyre, nest aultre chose que sang de la terre, lequel beu a vertu de eschauffer & humecter, & infus par dehors de refrigerer & seicher. Il seroyt fort long & ennuyeux principalement veu et considere que cest chose asses commune descrire la facon de faire le vin, car ung chascun pays selon sa coustume, qualite, contree & region le fait a son gre & maniere de faire, ne la facon dung pays ne seroyt mye bonne en ung aultre, car aulcune region est chaulde, laultre froide & laultre est moyenne participant des deux extremites. En ung pays se fait plus tost, en aultre plus tart, en aulcunes pars le font demourer par long temps en la cuve, en aultre ny demourera que ung jour ou demy, & tout ainsi parreillement des aultres choses, ung chascun fait selon son estre le mieulx quil scet faire & peut, et la ainsi experimente destre meilleur. De rechief en aulcuns pays les vins sont trop fortz, es aultres trop simples & debiles. Et en ya aulcuns moyens qui sont merveilleusement bons, en aultres pays ne si peut faire que vins blancs, en aultre que vins rouges. Et ya encores aulcuns pays que ny peut croistre ne avenir par cause du grant froit & gellee qui occist toutes les vignes ou certes les raysons ny peuvent meurer. Et tout ainsi pareillement au contraire peux dire du paus trop chault vers mydi que a cause de la grant ferveur du soleil tout y seiche & meurt ne ny peut croistre vin quelconque. Aussi ledit vin qui est chault naturellement seroit fort contraire, a telles gens meridienalz & pernicieux. Dont en lieu de vin ilz boyvent juilletz & eaues succres pour leur refraischir lestomach & entrailles qui bruslent & ardent a cause du fervent et

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continuel soleil qui les nourrist grandement. Et en ce nature a bien pourveu quilz ont par de la habondance de cannes succrees, du just desquelles ilz font du succre et bons brevaiges pour eulx refraichir. Et pour ceste cause veu et considere la variacion des contrres seroyt chose vaine & superflue bailler certains doctrine de faire & composer ledit vin, & daultre part aussi forment nya personne qui de ce faire selon son pays nen sout asses endoctrinee. Nous dirons toutesfoys aulcunes mixtions que mettent le Pline, Columelle et aultres pour donner divers goustz aux vins. Et premierement les grecz quant ilz font & parent leurs vins ilz y gettent & mettent la moistie ou la tierce part de vin cuyt, car ilz dient que le vin dur en est fait souef quant lon y met avecques ce deux godes de farine dorge & que y aye este par une heure, & cela mesle la lie duvin cuyt avecques laultre. Ou aultrement et mieulx, quant une charretee de grappes aura este mise en la cuve lon y mettra une bonne quantite de miel cuyt fondu et escume au feu, et si lon y adjoust avecques le miel pouldre de poyvre le vin en sera plus puissant. Et si tu y adjoustes cloux de gyrofle ou aultre chose odorante le vin emportera telle odeur, & en ceste maniere pourras faire quant le vin est dedans le tonneau & boult sans lesdites grappes. Aulcuns ya qui mettent dedans ledit vin du fenoil & de la sarriete dung chascun selon ce quil appartient & puis le meslent tout. Aultres ya qui mettent dedans la cuve bois & rameaulx de myrtre pardix jours ou environ et le laissent reposer puis le coulent. Et par ainsi semblablement se on veult donner aulcune saveur estrange & agreable au vin lon y peut mettre ce que lon veult dedans ung petit sachet lie a fil ensemble une petite pierre pour donner poix, & cecy faire demourer dedans le moust au tonneau et essayer chascun jour ledit vin, et quant aura de la saveur ce que vouldras le peux lever, cest choses esprouvee que le fenoil donne bonne saveur et odeur au vin. Lon fait

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aussi vin nouveau estre ainsi comme vieil si lon met dedans iceluy des amandes ameres, et herbe aluyne, gomme de pin, & fenegreg fris ensemble selon celle mesure que conviendra & appartiendra, & de ces choses lon mettra ung godet en ung barril. Selon ce que dit Isac le vin donne bonne nourriture au corps & luy rend sante se on le prent selon ce quil convient et nature peut porter. Et ainsi prins attrempeement il conforte la vertu digestive tant a lestomach que au foye, car il est impossible que laction de la vertu digestive soyt confortee sans force de chaleur naturelle. Et lon ne trouve ne viande ne breuvaige qui tant conforte & augmente la naturelle chaleur ne la croisse tant que fait ledit vin pour la familiere & grande similitude que le vin a a nature, et pource est il tost converti en naturel et tresnet et pru sang. En vieilles gens le vin est selon medicine pource que la chaleur du vin repugne a la froideur des anciens, et il est es jeunes gens pour viande, car la nature du vin est semblable a leur nature. Mais aux juvenceaulx & petis enfans il est pour viande & medicine, car combien que leur chaleur soyt forte en substance si nest elle pas toutesfoys en perfection pour labondance de leur humeur. Et pource le vin donne a leur naturelle chaleur acroissement & nourriture, et leur seiche leur humeur & ce leur est a medicine. Et devons savoir que en yver & en paus & contrees froydes lon doit boyre le vin plus pur que en aultres contrees chauldes. Et en este lon doit boyre le vin bien mesle deaue et aussi en regions chauldes, car ainsi attrempe il refraiche & amoitist le corps a cause de leaue qui est meslee. La diversite du vin generalement est en troys manieres, lung est vin frais & nouveau environ ung an, laultre est vieil de trois ans ou plus et laultre est moyen de deux ans ou environ. Le vin frais & nouveau est chault au premier degre & appartient a froideur & humeur. Et pour ce est il de plus grant nourriture que les aultres & engendre mauvaise humeurs & merveil

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leux songes, ventosites destomache et des entrailles. Et pource dit Galien que le vin frais et nouveau quiconque soyt na force de conduyre ne de mener la viande par le corps, & si nest mye bon a provoquer lorine. Et pource complexions froides et moistes le doyvent laisser et fouyr, et sil est necessite lon doit eslire le plus cler & que soyt plain deaue naturelle, et quil soyt de long temps estraint du pressouer. Le vin vieulx est c hault & sec au tiers degre & tient aulcune chose damertume. Ce vin icy nourrist peu & monte legierement a la teste & trouble lentendement par laguillon de sa poincture, par especial si lon en boyt trop et lon y mesle peu deaue. Et pource ceulx qui ont foibles nerfz si le doyvent laisser & sen abstenir & quin ont le sang agu, car illeur nuyst trop silz nont grant humeur au corps qui leur resiste. Galien dit que le vin vieulx est moult convenant a ceulx qui ont en leur corps grant habondance dumeurs. Le vin moyen est vin bon par especial celuy qui est attrempe, et celuy est chault & sec au second degre, et pource on le doit choisir & eslyre et laisser le tresvieil et le noueau qui na pas laisse encores a boillir, & la lye nest encores descendye au fons & nest pint encores esclarcy ne modifie, & ne flamboye ne reluyst dedans le verre ou tasse. Apres nous devons savoir que la couleur odeur & saveur, force, liqueur, et foiblesse diversifient le vin, sa qualite & son action. Lacouleur en general est quattre manieres blanche & noire, & cestes icy sont simples, rouge & doree, & ceste icy sont des aultres composees. Mais sans cestes cy il en ya des aultres, lune entre blanc & verf appelle glauce, & laultre appelle rosee entre rouge & blanc, et si ya pale & soubzpale qui sont de couleur doree & citrine. Et ces couleurs sont ainsi faites, car le vin de grappes blanches est premierement blanc pour cause de son aquosite, cest adire pource que il tient de leaue crure pour le deffault de la chaleur naturelle. Mais quant il envieillira comme dung an sa chaleur sera confortee et son humeur sera

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amenuysee & sera fait dune couleur soubzblanche. Et se il envieillist plus deux ans & il acomplisse sa digestion & sa chaleur naturelle soyt venue en son estat il devient de couleur cytrine. Aussi vin fait de grappes rouges quant il est encores cru a son commancement sa premier couleur sera ainsi comme blanche se il escume. Et quant il sera dung an il sera de couleur rosee, car sa chaleur & sa digestion sera confortee. Et sil a passe deux ans et sa chaleur et digestion soyt acomplie il aura couleur rousse. Mais se le vin est de noires grappes il sera premierement tresnoir pour sa terrestre partie qui ya dominacion & la petite digetion de sa chaleur. Et se il pase ung an sa chaleur & digestion sont confortees & la terrestre descend en son lieu & il commance a esclaircir, il vient a couleur moyenne entre rouge et noir. Et si il passe deux ans la chaleur aura acomply sa digestion & sa perfection, et la terrestre sera descendue au fons et il sera cler de rouge couleur. La diversite en la saveur est pource que lung est doulx, laultre poignant & agu, laultre fort & laultre dessavore. Le vin doulx si est chault au second degre & sec au premier & approche a humeur, et pourtant il est gros & peu proffitable fors que tant que il lasche le ventre, car toute chose doulce a vertu laxative & colative. Et ce vin icy sil trouve au corps aulcune chose contraire a son occasion, cest quil soyt empesche daler hors il eschauffe et boyle au corps & montre a la bouche de lestomach, & se convertist en humeurs coleriques, engendre soif & ventosites qui enflent, et opilacions au foye & en la rate, & fait avoir et engendrer la pierre aux reins, specialement quant il trouve les membres dispostz a telz maulx ou que la vertu digestive soyt foible. Et pource sen doyvent garder & abstenir ceulx qui sont de grasse nature & plains dumeurs, car par sa groseur il opille legierement les subtiles et estroictes veines du foye, mais il ne nuyst point au pomon ne a ses veines. Et quant le vin doulx sapproche a rougir & a clarte & que lon en boyt si comme il

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appartient & quil souffist a nature, il est lors convenant a personnes qui lievent de maladie, ausquelz convient grant nourrissement. Mais le vin pontique & agu qui poinct & est brusque, tel vin est plus dur, plus pesant & plus cler, & de plus tardive digestion, et passe par les veines a greigneurs peines que le doulx, car le doulx est plus chault & a plus plaisant saveur, mais lagu a plus de terrestre & aspre saveur, et a peine peut il percer les veines, ne fait point sur ne aler en chambre, nongendre pas bon sang, mais il conforte le ventre & boyaulx. Le vin simple petit et dessavoure est meilleur que le pontique & agu, car il attrempe au regard du pontique, & est bon a gens de chaulde complexion, par especial a lestomach, toutesfoys il nourrist peu & fait tost uriner. LE vin tresfort est le plus chault de tous & de plus forte operacion & monte plustost au cerveau, et fait boillir e eschauffe les humeurs du corps, dont la fumee monte de lestomach au cerveau & trouble lentendement. Et pource il convient que les gens de chaulde complexion sen abstiennent silz ny meslent de leaue largement et quilz en prennent a mesure selon que convient a leur eage & selon les contrees ou ilz sont & le temps & leur coustume, car il dissoult grosses humeurs et nettoye les voyes & veines de pouriture et clarifie le sang. Ce vin est tresbon a vieilles gens pour la semblance de la union des superfluites de leur corps, par especial quant il est bien espure, car il conforte leur chaleur & dissoult labondance des humeurs crues. La diversite du vin pour cause de liqueur est car ou le vin est subtil et plain deaue, ou il est gros & terrestre ou il est moyen. Le vin subtil & aqueux est toustemps trouve avecques blancheur & clarte, & pource est il legierement digere en lestomach, & ne transperce pas les veines & fait bien pisser. Et pource il est bon a gens qui sont en fievre, car il neschauffe pas trop & ne monte point a la teste ne nuyst au cerveau. Le vin terrestre & gros est contraire au vin aqueux & subtil, car il griefve lestomach et est de malle digestion, & a peine peut il aler

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par les veines, & fait a tart pisser, & ne monte pas legierement au chef pour sa grosseur et pesanteur, & pource il nen yvre pas si tost. Mais le vin moyen & odorant perce legierement le sens odoratif en la pellete du cerveau pour sa legierete. Le vin qui est odorant monstre que sa liqueur est subtile & attrempee & nette de toute ordure & bien digere, il engendre cler sang & net et de grant louange, il conforte le corps & resjouyst le cueur, & oste toute tristesse de lame, car il nettoye le sang de toute pourriture qui est au cueur & entour icelluy. Et pource le vin est convenable a tous eages & a toutes complexion se on le prent par raison & selon le temps, car comme dit Celsus ainsi que lon menge plus en yver et boit lon moins et plus pur, ainsi en este lon boit plus largement et plus limphe a cause de tollir la soif seulement & ne brusle point avec ce le corps. Daultre part ainsi que au prin temps ostant du menger nous mettons au boyre aulcunement lymphe, tout ainsi en autonne usant ung petit plus de viande bevons moins & non mye si fort lymphe. Oultre ce aux vieulx convient bailler le vin plus pur, & aux enfans plus lymphe, & aux jeunes & adolescens moyennement. Aussi fault regarder ainsi quil est dit dessus la qualite du pays & du corps, car ceulx qui habitent en pays froit doyvent boyre plus pur et plus limphe que ceulx de plus chault pays, et moyennement caulx qui habitent moyen pays et attrempe. Les sanguins aussi doivent boyre aulcunement doulx & trempe. Les coleriques peits vins. Melancoliques gros vins & peu lymphes. Flegmatiques vins austeres & aspres. Mais pour parler indistinctement le bon vin naturel qui communement est sur tous aultres approuve doit estre entre vieil & nouveau esgalement, & que sa substance soyt clere & nette, et sa couleur blanche tenant une partie du rouge, aye bonne flaireur et souefve, et sa saveur ne trop fort ne trop foible, mais entre doulx et amer & verdelet. Cest le vin qui convient a la nature de lhomme qui la veult saine tenir,

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car qui boit tel vin tempereement selon son estre & selon ce que sa nature demande & peut porter gardee lusance, le pays, & le temps comme avons dessus dit. Engendre bon sang & bonne couleur rompt la grosse flegme & la resoluist, & met hors la colere rouge par lorine et sueur, et eschauffe la colere noire & la fait yssir & dissoluist les matieres coagulees, et encores plus clarifie lengin & entendement, appaise lire & lieve tristesse, donne joye & liesse, force & eloquence, incite luxure & expellist les immondices, donne audace deboute avarice & cruaulte, induist a liberalite et pitie, e a brief parler le vin rend lhomme vertueux tant a lame que au corps. Et pource lon voit communement ceulx qui ne boyvent vin estre molz, lasches et femenins, ces grans proprietes a la vin prins modereement en temps & heure et par mesure. Et se on le prent a heure non deue come a jeung sur toutes choses fait venir gouttes pource que le vin quant vient a la forcelle ny demeure pas tant quil soyt cuyt, mais sen va par les membres tout creu & fait venir gouttes ainsi quest dit et aultres maladies asses ; Pareillement quant lon le prent intempereement cest quant lon sen yvre, il estaint la raison de lame racionale & toute la clarte et lumiere & rend lhomme bestial & irrasonnable, concupiscible, ireux et inobedient a raison, tellement que le corps demeure semblable a la nef qui est sans patron ne gouverneur dedans la hault mer et fault quil obeisse a ce quil ne doit et quil loue ce qui nest de louer, fait parler iniquement & intempereement avec une ire folle, superbe & temente. Et finablement fait faire choses non licites, & comme adulteres & infames homicides ainsi quil appert du roy Alexandre qui vouldra lire son hystoire. Et prins ainsi indeuement il gaste lecerveau et les nerfz, et est cause souffisant de paralysie, de goutte, de poplexie, de stupeur, tremblement, palissement, doublance des choses, puantise daleine, chastiement des yeulx, & sterilite denfans, & fait lhomme devant son temps devenir chauve & chenu,

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envieillir et devant son heure mouri, dont certes a telz vauldroyt mieulx boyre de leaue encores que ne soyt si bonne et saine que le vin, et le membre plus greve par trop boyre est la cervele, pource sen doivent garder ceulx principalement sont lont foible. Et pource tous ceulx a qui le vin fait si legierement mal deussent user apres quilz ont beu de coingz, pommes, olyves, du pain moille en eaue froide, & de toutes aultreschoses qui avallent les fumees. Et si par aventure lon est desja yvre & prins du vin pour soy desenyvrer boyvent souvent du vin aigre mesle en eaue froide et peu ensemble, et flaire souvent la camphore et eaue rose, & mette ses piedz en eaue froide et mengeusse de la mye du pain en verjust. Et qui veult asses boyre sans en yvrer si use de la semence des choux commin, amandres parees, sel, aluyne seiche, rue ameos en leaue froide a jeung. Et saches que ceulx qui ont la cervelle froide se doyvent garder de boyre vin fort mesle en eaue, car il en yvre plustost que ne froit sil estoyt tout pur, ainsi que dit Avicenne. Et encores se doyvent plus garder de boyre vins mesles pour cause des diverses dumees qui luy remplissent & troublent les cervelles. Or il ya aussi du vin de malle odeur lequel assemble & retient la grosseur de sa fumosite grevance et indigestion, et tel vin engendre malle nourriture, fait gros sang trouble & obscur, & est cause aussi de grant tristesse, mais il ne monte pas tant au chief que les aultres. Du vin pesant qui a horrible saveur si tu men crois netoucheras, car il est tresmauvais & griefve fort le cerveau pour lorribilite de sa saveur, il fiert lentendement et blesse les nerfz du cerveau et pelletes dillecques, engendre tresmauvais sang par especial quant est agu.

¶ De leaue.

LEaue que nous devons user principalement encores que Platine nen

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face aulcune mencion si nest elle pas doblier, car certes elle nous est par tout necessaire & si fait beaucop a sante & a volupte quant elle est bonne pure & lealle, et non seulement nous est necessaire pour attremper nostre pain, mais encores nous sert elle pour limpher nostre vin en este principalement, & aussi pour cuyre & aprester maintz potaiges & leguns, lesquelz sans avoir bonne eaue ne vauldroyent tiens ne ne se pourroyent cure ne bien aprester, ains seroyt tout empire et dessavore par fault de ladite eaue. Pource doncques nous devons savoir & entendre que leaue oeuvre au corps de lhomme en deux manieres. Lune a porter la viande & a la menuyser pour aler par tous les membres. Laultre si est pour mettre a neant la mauvaise chaleur qui vient es corps des hommes par viandes chauldes quilz prennent ou par plusieurs aultres choses, elle ne nourrist point le corps selon tous medicins & philosophes, neantmoins est elle necessaire a nature humaine ne sans icelle pourrions vivre aulcunement. En ya en plusieurs facons qualites & manieres, mais leaue quest a nostre usaige & fait maintenant a propos doit estre clere & nette, & que naye aulcune saveur odeur ne couleur, car ces trois choses et qualites ne peut avoir sans mesleure daultres choses, et pourtant doit estre seulement nette & clere en toutes manieres & doit courir sur sablon, & tant quelle y court plus longuement tant vault mieulx, et doit courir vers soleil levant, & tant comme elle court plus se espurge mieulx et quelle soyt au soleil ou au vent toute descouverte. Et sans ceste eaue que nous avons nommee dient les philosophes que leaue de pluye qui est nettement recuillie & qui est cheute des haultes nues est de toutes aultres eaues la meilleur porce quelle est subtille, car pour sa subtilite nous voyons quelle se corrompt plus tost & plus legierement que les aultres. Et se peut congnoistre laquelle est plus subtille & plus legiere en ceste maniere. Prenez deux draps de cotton qui soyent dung poix & baignes lung en une eaue & laultre en laultre & les faites seicher au soleil, & celuy qui poisera moins

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eaue ou aura este mille sera plus legiere et vauldra mieulx. Aulcuns poisent les eaues en balances laquelles vaint diligence Pline naprouve aulcunement, mais il dit que la plus certaine et subtillevoye de congnoistre la plus legiere sainge & meilleur, est quant une eaue seschauffe ou refroidist plus promptement & legierement que une aultre, cest signe quelle vault mieulx & est plus salutaire a nature humaine. Puis que savons laquelle est meilleur pour user, maintenant convient dire aulcunes choses pour ceulx qui la boyvent seimplement. Et saches quil nest mye sain la boyre a jeung ou quant lon est travaille, ainsi est fort dangereux & chose pernicieuse, dont si lon en veult lors ainsi boyre je conseille quilz mengent ung peu par avant. Toutesfoys ceulx qui sont sanguins et ont grant chaleur au ventreil & gens qui sont yvres quant ilz ont soit la peuvent plus hardiement boyre non mye trop ensemble, car en boyre beaucopa une foys est malle chose & dangereuse, car elle pourroyt amortir la chaleur naturelle, si come dit Avicenne. Et qui en vouldroyt beaucop boyre si le face plus tost quant aura beaucop menge & la boyve deliement & non pas engorgeement. Leaue tyede donne talent de vomir & lieve la & lieve lappetit de menger. Et leaue qui est bien chaulde fait mal a lestomach, mais fait aler a chambre.

¶ De leaue pour laver les mains apres quon a disne ou souppe.

APres nostre refection il est bien ceant sain et honneste davoir de leaue pour laver noz mains, tant a cause de nettete comme pour sante de nostre corps, car il ayde a la digestion entant que fait retirer la chaleur dedans le corps et fortifie icelle par cause de ladite eaue appliquee a noz mains par dehors, aulcuns approuvent leaue tyede et les aultres la froyde & naturelle. Communement quant ya gens de bien convies il est bien honneste et ceant avoir quelque bonne eaue odo

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rante desquelles je prefere a toutes aultres, leaue naffe qui est faite des fleurs des orangiers a la lambic, principalement celle qui tombe & distile premierement pource quelle est parfaite & ne sent point du brusle comme fait la derniere. Apres leaue naffe je loue grandement leaue du myrte quest semblablement faite des fleurs dudit myrte, & est saine grandement & bien sufflerant. Aultres eaues ya come eaue des roses qui est bient doulce saine & agreable, eaue daspic mais est trop forte & chaulde selle nest meslee ensemble leaue des roses & attrempee avec icelle ou avec quelque aultre, car elle est si penetrative que par peu quon y mette elle surmonte toutes aultes & si a trop forte odeur & penetrante. Il ya aussi des aultres eaues artificielement faites qui sont fort bonnes & de fort bonne odeur, & principalement une eaue quon fait quperlative au moys daoust dont la recepte est telle. Premierement convient prendre troys poignees de lavande, deux de saulge menue, une de mente & autant disope, deux de savoree, une de prodomme & autant de marjoleine et semblablement de rosmarin et autant de serpollet, deux poignees de fleur de seuz & douze escorces dorange, & tout cecy metes ensemble & faites tremper par .ix. jours en bon vin blanc & quon change tous les jours ledit vin blanc, & a la fin desditz .ix. jours faites tout distiller en la lambic & leaue qui en yssira metez en quelque ampolle de verre & y mettes puis une unce de cloux de girofle dedans quelque petit sac de cuyr & serres bien apres ladite ampolle & la mettes au soleil tout ledit moys daoust, et sentira meilleur que eaue naffe ainsi quon dit ne que eaue muscade. Aultre eaue lon fait qui est bien bonne & saine & est plus legiere a faire, & la peux faire en tous temps que vouldras, & est telle. Premierement te fault avoir ung pain demy cuyt tout chault partant du four et louvriras par le millieu, et auras ton alambic et y mettras deux pichiers de bon vin blanc et plongeras les deux parties de ton dit pain dedans ledit vin blanc, & apres les lairras nager par dessus le dit vin blanc dedans la lambic, puis auras

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du girofle deux unces et le desrompras ung peu & grossement, et le mettras par dessus les deux parties de ton pain, & ainsi clorras ton alambic & feras ton petit feu, & verras distiller bonne eaue sur odeur de girofle laquelle est fort bonne & confortative, tant pour son laver comme a boyre, a gens principalement froitz, dibilites, & qui ont dissentere & flux de ventre. Ces eaue & aultres sont bien bonnes saines & honnestes a donner a laver quant lon a gens conviers, mais pource que sont de grant pris & penibles a bailler ce non obstant ne fault pas pour nostre sante et nettete de corps cesser a laver tousjours noz dites mains apres nostre refection. Et si ne pouvons avoir comme vouldrions desdites eaues toutes les jours, ayons au moins & lavons noz mains deaue commune & naturelle, car certes elle fait grandement a nettete de nostre corps & a la digestion dicelluy.

¶ De reprimer & mitiguer noz perturbacions.

EN si grant nombre de institucions precepcions & enseingnemens encores nest proprement riens fait que soyt a volupte et sante, si nous ne demonstrans briefvement la raison dapaiser & mitiguer noz perturbacions, car cest ce qui meut bien souvent & oste nostre pensee & raison de son propre siege & lieu, tellement quil est lors necessaire quant lesperit est ainsi trouble que le corps soyt contraint de quelque dommaige & bien souvent de grief inconvenient. Les fontaines doncques & principes de toutes noz perturbacions dont viennent & procedent maintz ruisseaulx & forment sans nombre, doyvent premierement estre congneux. Et pource devons noter que nous avons deux biens oppines, desquelz lung est present laultre quon attent apres ung peu a venir. Le premier est volupte sesjoyssant dopinion de quelque grant bien present. Et le second est cupidite quon peut appeler couvoitise & ung ardant & desordonne appetit de quelque grant bien oppine qui est a venir ainsi que dit le Tulle. Daultre part aussi il ya deux maulx oppines lesquelz pareillement & par une

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mesme raison sont notes et semblablement distinguis come les devant ditz, cest paour et maladie. Paour du mal quest advenir, et maladie ou douleur du mal present. Appeter toutesfoys ou desirer quelque chose raisonnablement est chose propre & appartenant a ung homme saige. Et quant se fait modereement se peut appeler voulente & honneste desir, celuy que nous verrons aultrement faire nous le dirons proprement & appellerons libidineux, car ilest commeu dung ardant & vicieux appetit. Au superieur & premier quest volupte nous ascrivons & baillons joye commeue & excitee en raison. Et au subsequent qui est cupidite nous ascrivons & baillons exultant letice excitee dune couvoitise effrenee & demesuree. Mais certes tout ains que malveillance sesjouyssent du mal daultruy & delectacion par tous les sentemens diffuse & espandue en jactance sont submises & subgettes a volupte comme parties au gendre. Tout ainsi ensuyvent cupidite & ung homme libidineux, ire, enragement, hayne, desamitie, discorde, & indigence. Mais maladie qui est contraction desperitz en contredisant la raison est distinguie en ses parties, comme envie, emulacion, obtrectacion, misericorde, langueur, pleur, mereur, misere, douleur, lamantacion, solicitation, modestie, affliction & desperacion, desquelles perturbacions aulcunesfoys en sourt & precede la mort quant le cueur est suffoque serre & oppresse, et se commeue & incitee la concursion du sang & des espertiz par cause de paour. Daultre part celle paour est deviter & de fouyr qui vient de humble examinacion ou mortification avec une debile & dissolue raison des maulx advenir, car ce baille & impose paresse, terreur, crainte, papour, exanimacion, conturbacion, formidacion aux cueurs & pensees des Philososphes obtemperans aux commandemens. Mais certes a tous ces maulx dessusditz de nostre ame et esperit lesquelz sont denomines a la semblance des corps malades nous remedierons aportunement si nous effacons & ostons par attrempance, force, modestie & prudence noz immoderees appeticions, ainsi comme sang corrompu redondant flegme ague

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colere ou melancolie dont viennent & naissent maintes maladies aux corps humains. Lors nempeschera point nostre honneste volupte ne nostre bonne sante, avarice, ambicion, luxure, effeminacion, improbite, protervite, friandise, violence, lascivite, importunite, procacite, fraudulente malice, furiosite, difformite, termente povrete, folie, desesperacion, desquelles choses nous sommes forment agites & vexes si nest que nous soyons fors & confians, plaques & appaises en nous mesmes, tellement que par molestacions ne deffaillons ne par crainte ou paour soyons rompus de nostre bon propos aulcunement, ne ne hardons ne bruslons en desir attendant quelque chose par grant souhait ne aussi par veine letice ou alacrite tressaillons desordonneement en joye delaissant equite, pudicite, raison, vergongne, foy, pitie, constance, honnestete, saine pensee, et bonne esperance. Mais si nous tenons fermement nostre veue & droit aspect en toutes ces parties tellement que raison soyt constante & tousjours ferme & permanent enson siege, nous vivrons certes sans moleste ne aulcune perturbacion. Et quelque cas que fortune envoye ou apporte nous le prendrons doulcement et souffrirons paciemment, laquelle chose qui saura faire ne evitera pas seulement maladie & plusieurs aultres maulx dessusditz mais toutes aultres perturbacions, et en ce point sera bien eureux. Et par lecontraire, si nous sommes troubles & abstretz de entiere et certaine rayson nous ne perdrons pas constance et honneste volupte seulement, mais aussi sante pareillement, & finablement declinerons a grant honte et deshonneur, ainsi que dit & tient plus a plain le Tulle en son quart livre de ses questions tusculaines.

¶ Cy finist Platine lequel a est translate de latin en francoys, & augmente copieusement de plusieurs docteurs, principalement par messire Desdier Chrispol prieur de saint Maurice pres montpelier. Et imprime a Lyon par Francoys fradin pres nostre dame de confort. Lan mil cin cens & cinq. Et le dixhuitiesme jour Davril.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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