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1420-Du fait de cuysine (Chiquart) (texte et traduction)

Traduction d'après l'édition de T. Scully

Le ravitaillement

Et premieremant Dieu premis a faire une teshonnourable feste en laquelle y soient roys, roynes, ducz, duchesses, contes, contessses, princes, princesses, marquis, marquises, barons, baronnesses et prelatz de mains estatz, et nobles /12v/ aussy grant nombre, faut, pour le ordinayre de la cuisine et pour faire la feste honorablement a l'onneur du seigneur qui fait ladicte feste, les choses que s'ensuivent.   Et premièrement Dieu ayant permis de faire une très honorable fête dans laquelle sont réunis des rois, des reines, des ducs, des duchesses, des comtes, des comtesses, des princes, des princesses, des marquis, des marquises, des barons, des baronnes et des prélats de maints états, et des nobles également en grand nombre, il faut, pour l'ordinaire de la cuisine et pour faire la fête honorablement, à l'honneur du seigneur qui organise cette fête, les choses qui suivent :
Et premierement : cent beufs de haulte gresse, cent trentaines de moustons aussi d'aute gresse, .vixx. porcs  ; et, pour chascun jour durant la feste, cent porcellos pititz, tant pour roustir come pour autres besoingnes, et .lx. gros porcs de haulte gresse salés pour larder et potaiger.   Et premièrement : cent bœufs de haute graisse, une cent trentaine de moutons également de haute graisse, 120 porcs ; et pour chaque jour durant la fête, cent petits porcelets, tant pour rôtir que pour d'autres préparations et 60 gros porcs de haute graisse, salés, pour larder et préparer des mets en potage.
Et pour ce soit le bouchier saige et bien advisié que il soit bien pourveau pour tant que, se ainsy estoit que /13r/ la feste durast plus que on n'entend, que on eust bien tost ce qu sera mestier  ; et aussi, soit que il y ait de sobres, n'en cureroit, car il ne perd riens.   Et pour cela, que le boucher soit prévoyant et attentif à ce qu'il soit bien approvisionné des sorte que, si la fête durait plus que prévu, on ait très rapidement ce qui sera nécessaire ; et aussi, s'il se fait qu'il y a des surplus, il n'aurait pas à s'en soucier car il n'y perd rien.
Et si fault avoir pour ung chescun jour de la dicte feste deux cent que caprilz que aigneaulx, cent veaulx, et .iim. chiefs de poullaille.   Et il faut avoir pour chaque jour de cette fête deux centaines tant de cabris que d'agneaux, cent veaux et 2000 pièces de volailles.
Et si fault que vous ayés voz poullaylliez soubtilz, diligent, saiges, qui hayent .xl. chevaulx pour aller en divers lieux pour avoir chevreaulx, lieves, conins, perdrix, faisans, petis oysseaux (ce que ilz en pourront avoir sans nombre), oyseaulx de riviere (ce que on ne pourroit finer), pijons, grues, heygrons et tous oyseaulx sauvaiges — ce que on trouveroit de sauvagine quelconque. Et a cecy ilz entendent par .ii. moys ou .vi. sep/13v/maines devant la feste, et que ilz soient trestouz venus ou aient transmis ce que ilz auront peu finer par trois ou quatre jours devant la dicte feste affin que les dictes venoysons se puessent feysuner et mectre une chescune a son droit.   Et il faut que vous ayez affaire à des fournisseurs de volaille ingénieux, diligents et prévoyants : qu'ils aient 40 chevaux pour aller en divers endroits afin d'obtenir des chevreuils, des lièvres, des lapins, des perdrix, des faisans, de petits oiseaux (autant qu'ils pourront trouver sans restriction), des oiseaux de rivière (tout ce qu'on pourra en trouver), des pigeons, des grues, desd hérons et tous les oiseaux sauvages — tout ce qu'on trouvera de quelconque sauvagine. Et  de ceci, qu'ils s'en occupent durant 2 mois ou 6 semaines avant la fête, et qu'ils soient revenus ou aient transmis ce qu'ils auront pu trouver trois ou quatre jours avant cette fête afin que ces venaisons puissent être faisandées et mises chacune en l'état approprié.
Et que ilz soient pourveuz pour ung chescun jour de la dicte feste de .vim. d'ués.   Et qu'ils soient pourvus pour chaque jour de cette fête de six milliers œufs.
Encour plus, pour la dicte feste fault estre pourveu de deux charges de grosses espices, c'est assavoir de gingibre blanc, de gingibre mequin, cynamomi, grane de paradis et poyvre.   J'ajouterai : pour cette fête, il faut être approvisionné de deux charges (292 kg) de grosses épices, c'est-à-dire de gingembre blanc, de gingembre de la Mecque, de cannelle, de graine de paradis et de poivre.
De menues espices : de nois muscates .vi. livres, de giroffle .vi. livres, de marcis .vi. livres, et de galinga .vi. /14r/ livres  ; encour plus, .xxx. pains descure, .xxv. livres de saffran, .vi. charges d'amendres, une charge de riz, .xxx. livres d'amydon, .xii. cabas de risins confitz, .xii. cabas de figues confites bonnes, .viii. cabas de prnes confites, ung quintal de dactilz, .xl. livres de pygnions, .xviii. livres de tornesaultz, .xviii. livres de organites, .xviii. livres de orpati, une livre de canfre, cent aunes d'estamine bonne et fine  ; et ces choses ne soient point fors que par le fait de la cuisine. Et encor mais, fault avoir pour la dicte feste .iic. boytes de dragié de toutes manieres et couleurs pour mectre sur les potaiges. Et se la feste duroit plus si soit on pourveu pour le plus.   De menues épices : de noix de muscade 6 livres (2,9 kg), de girofle 6 livres, de macis 6 livres et de galanga 6 livres : encore plus 30 pains de sucre, 25 livres de safran (122,3 kg), 6 charges d'amandes (876 kg), une charge de riz (146 kg), 30 livres d'amidon, 12 cabas de raisins confits, un quintal de dattes (48,95 kg), 40 livres de pignons (19,5 kg), 18 livres de tournesautz (8,8 kg), 18 livres d'orcanette, 18 livres de feuilles d'or, une livre de camphre, cent aunes (120 m) d'étamine bonne et fine ; toutes ces choses utilisées seulement pour l'art de la cuisine. J'ajouterai encore : il faut avoir pour la dite fête 200 boîtes de dragées de toutes sortes et de toutes couleurs pour mettre sur les potages. Et si la fête durait plus longtemps qu'on ait prévu, [il faut prévoir] le surplus.
Et pour le prouffit du seigneur qui fait faire la feste, et pour le plus tost et brief expedir la besoingne, /14v/ si mecte on les espices dessusdictes libre et necessaire pour la dicte feste en poudres, et chascune depart en grans et bons sacs de cuir.   Et en l'honneur du seigneur qui fait faire la fête, et pour accomplir le travail plus rapidement et sans s'attarder, on doit réduire les épices citées ci-dessus en poudre sans retenue et autant qu'il est nécessaire pour cette fête et répartir chacune dans de grands et bons sacs de cuir.
Et pour la dicte feste mieulx faire sans reprehensions ne faute, si se doivent asembler et mectre ensemble par trois ou par quatre mois devant la feste les maistres d'ostel, les escuiers de cuisine et le maistre queux pour ordonner, visiter et trouver bonnes et souffisans places pour faire les cuisineries, et qu'elle soit si grand et si belle que ilz s'i puissent faire grans drecieurs droubles en tel maniere que entre les drecieurs de bouche et les autres puissent estre a ayse les escuiers de cuysine pour tendre les meys et recevoir.   Et pour mieux préparer cette fête sans encourir de blâme il faut rassembler et mettre ensemble trois ou quatre mois avant la fête les maîtres d'hôtel, les écuyers de cuisine et le maître queux pour rechercher, visiter et trouver des lieux adaptés et convenant pour faire la cuisine, et que cette place soit assez grande et assez belle pour qu'on puisse y mettre de grands dressoirs doubles de telle manière qu'entre les dressoirs de bouche et les autres les écuyers de cuisine  puissent évoluer à l'aise pour passer les mets et les recevoir.
Et pour tant se fault pourveoir de grans chaudieres belles et honestes pour cuire grosses chars, et autres moyennes a grant foyson pour potaiger /15r/ et faire les autres choses necessaires a la cuisine, et grandes poyles penderesses pour cuire poyssons et autres necessaires, et des oules grandes et communes a grant foyson pour potaiger et faire autres choses, et une .xiine. de mortiers biaus et grans  ; et avisie la place pour la sausserie  ; et si fault avoir une vintine de grans casses a frire, une .xiie. de grans tines, .l. jalles, .lx. cornues, cent seilles, .xiie. greilles, .vi. grans gratuises, cent cuilliers de boys, .xxv. poches perciees tant grandes comme petites, .vi. grappes, .xx. pales de fer, .xx. rustisseurs, tant chievres quant chapelles. Et si ne se fault mye fier a broches et a hastes de fuste, car vous gasteriés et pourriés perdre toutes voz viandes, mais fault avoir .vixx. hastes de fers qui soient fors et de .xiii. piés de long  ; et si fault d'aultres hastes, troys douzenes qui soient du long dessusdit mais non pas tant gros, pour roustir poullailles, pitis porcellotz et oyseaux de riviere : Si volucris verrat, qui torret eam procul errat  ; volucrem a torre procul de flumine torre. Et encor plus, quatre /15v/ douzennez de menues broches pour faire doreures et atelleth.   Et par ailleurs, il faut se pourvoir en grands chaudrons beaux et appropriés pour cuire les viandes grasses et d'autres moyennement grasses  à profusion, pour préparer les potées et faire les autres choses nécessaires à la cuisine, et de grandes poêles à suspendre nécessaires pour cuire les poissons et autres, et des marmites grandes et communes à profusion pour cuire au pot et faire d'autres choses, et une douzaine de mortiers beaux et grands ; qu'on soit attentif à la place de la sausserie ; et il faut avoir une vingtaine de grandes casseroles à frire, une douzaine de grandes cuves, 50 petites cuves, 60 cornues (récipients à 2 anses), cent seaux en bois, une vingtaine de grils, 6 grandes râpes, cent cuillères de bois, 25 poches percées tant grandes que petites, 6 crochets, 20 pelles en fer, 20 rôtissoires  tant des tournebroches mécaniques que des landiers à crochet. Il ne faut pas utiliser  des broches et des brochettes en bois car vous gâteriez et pourriez perdre toutes vos viandes, mais il faut avoir cent vingt brochettes de fer qui soient solides et de 13 pieds de long ; et il faut d'autres brochettes, trois douzaines, qui soient de la longueur dite ci-dessus mais pas aussi grosses, pour rôtir la volaille, les petits porcelets et les oiseaux de rivière : Si volucris verrat, qui torret eam procul errat ; volucrem a torre procul de flumine torre. (si l'oiseau est chez lui sur terre, celui qui le grillera s'éloignera ; si l'oiseau est de rivière, il sera grillé loin de la flamme.) J'ajouterai encore : quatre douzaines de petites broches pour faire les préparations avec dorure et hâtelets.
Et si fault avoir deux boces de vin aygre, l'une de blanc et l'autre de claret, chascune de .viii. sommes, et de verjust fin une bone boce de .xx. sommes, et une boce d'oly de .x. sommes.   Et il faut avoir deux tonneaux de vinaigre, l'un de blanc et l'autre de claret, chacun de 8 sommes (416 l), et un bon tonneau de verjus fin de 20 sommes (1040 l) et un tonneau d'huile de 10 sommes (520 l).
Et si fault mil chaerrestés de bonne leigne seiche et de charbon une grant grange pleine, et tousjours estre sogurs d'en avoir plus affin que faulte n'y ait.   Et il faut mille charretées de bon bois à brûler sec et du charbon, une grande grange pleine, et être toujours sûr d'en avoir plus afin qu'on n'en manque jamais.
Et pource que les ouvriers ne se repousent et que ilz n'aient de riens defaulte, faut delivrez finances a grant foison aux distz maistres de cuysine pour avoir sal, potagerie et autres choses necessaires qui pourraient faire mestier et desquelles je ne m'avise de present. /16r/   Et pour que les cuisiniers n'ait pas de répit et qu'ils ne manquent de rien, il faut donner de l'argent à profusion à vos maîtres de cuisine pour avoir du sel, des plantes potagères et les autres choses nécessaires qui pourraient être utiles et dont je ne me souviens pas maintenant.
Et pour faire honnestement, nectement et pour plus tost delivrer et expedir, si fault estre pourveu de tant grant quantité de veysselle tant d'or, d'argent, d'estain quant de fuste, c'est assavoir de .iiiim. ou de plus, en tant que quant on aura servir du premier meis que l'on ait pour servir du secund et que encor on hait de remenand, et entretant on puet laver et nectoier la veyselle employé audit premier mes.   Et pour faire convenablement, nettement et pour préparer et exécuter plus pormptement, il faut être approvisionné en grande quantité de vaisselle tant d'or, d'argent, d'étain que de bois, c'est-à-dire de 4000 ou de plus, en telle quantité que quand on aura servi le premier met, qu'on en ait pour servir le second et qu'on en ait encore de reste. Entre temps, on peut laver et nettoyer la vaisselle utilisée pour le premier service.
Et car en une telle feste y puet avoir de tres haultz, puissans, nobles, venerables et honorables seigneurs et dames qui ne manguent nulles chars, pour tant fault il avoir tant de poyssons de mer comme de eaue doulce, et tant fres comme salés, ce et tant de manieres comme s'en pourra finer.   Et parce que dans une telle fête il peut y avoir de très hauts, puissants, nobles, vénérables et honorables seigneurs et dames qui ne mangent aucune viande, pour cela il faut avoir autant de poissons de mer que d'eau douce, tant frais que salés, et ce d'autant d'espèces qu'on pourra obtenir.
Et pour tant que le daul/16v/phin est roy des autres poyssons de mer il se mectré premierement le daulphin, congres, mojons, merlus, soles, rogés, dorades, pleybs, turbo, langoustes, tont, esturjon, saumon, melletes, sardines, chatagnies, moles, anguilles, boz marins, ree, cepes, aranny marine, anchues, anguilles, tant freis comme salés.   Et parce que le dauphin est le roi des autres poissons de mer, on le mettra en premier. Dauphin, congres, mulets, merlus, soles, rougets, daurades, plies, turbot, langoustes, thon, esturgeon, saumon, melettes, sardines, oursin, moules, anguilles, bogue, raie, seiche, araignée de mer, anchois, anguilles, tant frais que salés.
Du poysson de eaue doulce : grosses troytes, grosses anguilles, lamproyes, umblos fendiz, gros lucs fendiz, grosses carpes fendisses, grosses perches, ferrés, pallés, umbres, moteilles, escrevises, et tous autres poyssons.   Du poisson d'eau douce : grosses truites, grosses anguilles, lamproies, ablettes en filet, gros brochets en filet, grosses carpes en filets, grosses perches, féras, palées, omble chevalier, barbots, écrevisses et tous les autres poissons.
Et car en ceste feste il y a aucuns grans seigneurs ou dames comme dessus est dist qui ont leurs maistres queux aux quelx ilz commandent que pour eulx se appareillent et apprestent aucunes /17r/ choses, pour tant soit livré et administré audit maistre queux bien tost, amplement, a grant habundance et allegrement tout quanque il demandera et que luy sera mestier pour ledit son seigneur ou dame ou tous deux affin que il les puisse servir a son gre.   Et parce qu'en cette fête, il y a certains grands seigneurs ou dames, comme il est dit plus haut, qui ont à leur service des maîtres queux auxquels ils demandent que soient préparés et apprêtés pour eux certains plats, dès lors, que soit livré et procuré à chaque maître queux très rapidement, amplement, en très grande quantité et promptement tout ce qu'il demandera et qui lui sera nécessaire pour son seigneur ou  pour sa dame ou pour tous deux, afin qu'il puisse les servir à sa façon.
Et encor plus fault avoir .vixx. quintalz de fleur de fromaige  ;   J'ajouterai encore :  il faut avoir 120 quintaux (5 874 kg) de fromage de la meilleure qualité ;
de telle blanche, bonne et fine six centz aulnes pour couvrir dreceurs, poissons, chars et roustz  ; et .lx. aulnes de telle de lin pour faire les coulleurs de les gelees  ; et de drapt blanc prin pour faire les couleurs semblables ou couleur de hipocras, pour faire une .xiie. de couleurs.   De la toile blanche, bonne et fine six cents aunes (720 m) pour couvrir les dressoirs, poissons, viandes et rôtis ; et 60 aunes (72 m) de toile de lin pour servir de filtres pour les gelées ; et du drap blanc fin pour servir de pareils filtres ou de filtres à hypocras, pour faire une douzaine de passoires en tissus.
Et si fault deux gros couteaulx a deux mains pour despicel les beufs, et une /17v/ .xiine. de couteaulx de dreceur pour drecer  ; et encoure plus, .ii.xiines. de couteaulx pour chappler les potaiges, les faces, et pour appareillier poullailles et poissons  ;   Et il faut deux gros couteaux à deux mains pour dépecer les bœufs et une douzaine de couteaux de service pour dresser ; et encore plus 2 douzaines de couteaux pour découper les potées, les farces et pour préparer volailles et poissons ;
encour plus, dymie douzene de rappez pour nectoyer les dreceurs et les postz, et ung cent de vans pour porter les chars a les tines et jalles, tant crues comme cuistes, que on rapporte et apporte aux dreceurs, et aussi pour apporter les charbons, pour les roustz et la ou il sera necessayre, et aussi pour porter et recueillir la veysselle.   Encore plus une demi-douzaine de racloirs pour nettoyer les dressoirs et les tables à trancher et une centaine de paniers d'osier pour porter les viandes, tant crues que cuites, aux tonneaux et aux petites cuves, qu'on rapporte ou apporte aux dressoirs, et aussi pour apporter le charbon, pour les rôtis et là où ce sera nécessaire, et aussi pour porter et recevoir la vaisselle.
Et se ainssy estoit que la feste se feist en yver il vous fault pour la cuyse pour chescune nuit .lx. torches, .xx. livres de bugie, .lx. livres de chandelles de supp pour visiter la boucheroe, patisserie, poyssonnerie et tout le fait de la cuisine. /18r/   Et s'il était ainsi que la fête se fasse en hiver, il vous faut pour la cuisson de chaque nuit 60 torches, 20 livres de bougies, 60 livres de chandelles de suif pour contrôler la boucherie, pâtisserie, poissonnerie et toute l'activité de la cuisine.
Et sur le fait de patisserie si fault avoir ung hostel bel et grant au plus pres de la cuysine que faire se pourra pour deux fours beaux et grans pour faire pastelz de chars et de poissons, tartres, flons et talmoses, ratons et toutes autres chouses que sunt necessaires pour le fait de la cuisine.   Et pour faire la pâtisserie il faut avoir un bâtiment bel et grand au plus près de la cuisine que faire se pourra avec deux fours beaux et grands pour faire pâtés de viande et de poisson, tartes, flans, talmouses (tartes au fromage), ratons (pâtisserie au fromage) et toutes autres choses qui sont nécessaires pour l'art de la cuisine.
Et pour ce fault que lesditz ouvriers soient pourveu de avoir .xxx. sommes d'olve de farine pour les bessoingnies dessusdictes, et soient segur d'en avoir plus se la feste duroit plus.   Et pour cela il faut que lesdits ouvriers soient assurés d'avoir 30 sommes (1560 l) de fleur de farine pour les préparations évoquées ci-dessus, et qu'ils soient sûrs d'en avoir plus si la fête durait davantage.
Et car, par le plaisir de la benoiste et saincte Trinité, laquelle sans faillir de tous biens nous doint largement, nous haurons bonnes et belles et grandes provisions pour faire grandement nostre feste, si nous est necessaire de avoir /18v/ maistres queux et ouvriers pour faire mes et entremés pour ladicte feste  ; et se ainsi estoit que l'on n'en feust pourveu desditz queux et ouvriers, si en transmectés on querre es lieux ou l'on en pourra finer affin que la dicte feste se face bien grandement et honnourablement.   Et parce que, par le plaisir de la vénérée sainte Trinité, laquelle, sans faillir, nous procure largement  tous les biens, nous aurons de bonnes et belles et grandes provisions pour faire somptueusement notre fête, il nous est nécessaire d'avoir des maîtres queux et des cuisiniers pour faire les plats et entremets pour cette fête ; et s'il fallait qu'on n'ait pas assez desdits queux et ouvriers, qu'on en envoie chercher dans les lieux où l'on pourra en trouver, afin que cette fête se fasse avec grandeur et honorabilité.
Or avons noz maistres ouvriers necessaires a la dicte feste, si reste de les ordonner, les ungs pour servir en chars et les autres en poissons  ; et soient bien advisiez de faire en poissons couleurs semblables aux couleurs qui seront aux chars en ung chescun mes, lesquels seront devisez.   Maintenant que nous avons les maîtres, nos cuisiniers nécessaires à cette fête, il reste à les affecter, les uns pour servir la viande, les autres pour le poisson ; qu'ils soient bien attentifs à faire pour les poissons des sauces aux couleurs semblables aux couleurs [des sauces] qui accompagneront les viandes, pour chaque service, lesquels seront prescrits.
Et si prendrons pour primier servir les grosses chars, c'est assavoir beufs et mouston  ; et ceulx qui despeiceront le beufz si facent belles et /19r/ grandes pieces royaulx, et ceulx qui feront celles des moustons si les facent tout du long du mouston sans en oster nulle chose for que un pou de coul.   Et nous prendrons pour le premier service les grosses viandes, c'est-à-dire les bœufs et les moutons, et que ceux qui dépèceront les bœufs fassent de grands et beaux morceaux royaux, et que ceux qui découperont les morceaux de moutons le fassent dans la longueur du mouton sans enlever aucune partie sauf un peu de cou.
Et a servir celles dictes pieces de beuf et de moustons soient mises en ung grant plat d'or sans mectre autre chose.   Et que, pour servir lesdites pièces de bœuf et de mouton, qu'elles soient disposées dans un grand plat d'or sans rien mettre d'autre.
Et en ung aultre grant plat soient serviz tout de costé de la saleure selonc le temps en quoy l'on sera, c'est assavoir au temps d'ivers des eschines de porcs, andoilles saucites, et cotelletes de porc sauprises. Et pour la dicte premiere assise la porree verde, et n'est necessaire de servir d'autre sauce fors que de mostarde.   Et qu'en un autre grand plat soient servies à côté de la salaison, selon la saison où l'on sera, c'est-à-dire en hiver, des échines de porc, des andouilles en sauces et des côtelettes de porc salées. Et pour ce premier service, la porée verte et il n'est pas nécessaire de servir d'autres sauces que la moutarde.
Et avec ce, si soit servir d'ung broet blanc sur chappons ensemble le grein que l'on [a] avecques. /19v/   Et avec cela, que soit servi un brouet blanc sur chappons, accompagné du grain que l'on a avec.

Un brouet de Savoie

Et encour plus ung /21v/ aultre potaige c'est assavoir ung broet de Savoye pour donner entendement a celuy qui sera enchargié de ce broet cy de prendre sa poullaille et le grein selon la quantité que on luy ordonnera que il en doibt faire et appreste sa poullaille et mecte cuire nectement et du grain selonc la quantité que on luy ordonnera faire de potaige et mecte boullir avecques sa poullaille et puis prenne une bonne piece de bacon meigre en bon endroit et les nectoiés bien et adroit et puis le mectés cuire avecques la poullaille et grein dessusdit et puis prennés de servi pierrasi ysope et margeleyne et soient tresbien lavees et nectoyes si s'en face une bugecte sans chapplez et tout ensemble et puis se mecte boullir avecques ledit potaige et avecques le grein et selon la quantité dudit boullon si prennés une grande quantité de persy bien nectoyé et lavé et se broyent bien et adroit ou mortier et estre /22r/ bien broyés advisés vostre grein affin qu'il ne soit tropt ou pou cuit et salé et puis selon la quantité du boullon se hait de gingibre blanc de granne et de poivre ung pou et mectés destramper de la mie du pain avecques ledit boullon tant que il en y ait assés pour le lier et estre destrampé appoint et soit pilé et broyer avecques ledit persy et espices et soit trait et estaminé avecques ledit boullon et s'y mectés de vin et de verjust selon ce qui est necessayre. Et de toutes les choses dessus dictes si en mectés si appoint que il n'en y ait ne pou ne tropt. Et puis ce fait si mectés boullir en une grande belle et necte oulle. Et se ainsy est que le potaige soit tropt vert sy y mectés ung pou de saffran si sera sur le verd gay. Et quand sera a drecier /22v/ si mectés vostre grein par les platz et dudit boullon par dessus.   Encore plus : une autre potée, à savoir un bouillon de Savoie. Pour l'expliquer à celui qui sera chargé de ce bouillon-ci et de prendre sa volaille et son grain selon la quantité qu'on lui dira qu'il doit en faire. Qu'il prépare sa volaille. Qu'il la fasse cuire proprement. Et son grain, selon la quantité de potée qu'on lui dira de faire, qu'il le fasse bouillir avec sa volaille. Puis qu'il prenne un beau morceau de viande de porc maigre [prélevée] au bon endroit. Nettoyez-les bien convenablement. Puis mettez-le cuire avec votre volaille et votre grain. Puis prenez de la sauge, du persil, de l'hysope et de la marjolaine. Qu'ils soient très bien lavés et nettoyés. Qu'il s'en fasse un bouquet sans les couper, tout ensemble. Puis qu'il mette bouillir avec sa potée et avec son grain. Selon la quantité de bouillon, prenez une grande quantité de persil bien nettoyé et lavé. Qu'ils le broient bien et convenablement dans un mortier. Une fois bien broyés, goûtez votre grain, qu'il ne soit ni trop ni trop peu cuit et salé. Puis, selon la quantité de bouillon, qu'il ait du gingembre blanc, de la maniguette et un peu de poivre. Faites détremper de la mie de pain avec ce bouillon jusqu'à ce qu'il y en ait assez pour l'épaissir. Une fois détrempé comme il faut, qu'il soit pilé et broyé avec votre persil et vos épices. Qu'il soit allongé et passé par l'étamine avec votre bouillon. Mettez y du vin et du verjus en quantité suffisante. De toutes ces choses évoquées ci-dessus, mettez-en convenablement, de sorte qu'il n'en ait ni trop peu ni trop. Cela fait, faites bouillir dans une grande et belle marmite propre. Et s'il se fait que la potée est trop verte, mettez-y un peu de safran, cela tirera vert le vergay. Au moment de servir, mettez votre grain dans les plats et votre bouillon par-dessus.

Le second service de rôtis

Pour la secunde assis roustz de toutes manieres pour servir honnourablement a table royal comme roys roynes ducs duchesses et tels puissans nobles et venerables seigneurs comme dessus est dist. /26r/   Pour le second menu, des rôtis de toutes sortes pour servir honorablement à une table royale comme [celle de] rois, reins, ducs, duchesses et autres nobles puissants et seigneurs respectables comme il est dit plus haut.
Et pour servir plus honorablement si fault servir de gros roustz mis a part c'est assavoir ung capril entier ung porcellet entier une grande longe de veau une grande longe de porc et de espaules de moustons mises en ung grant plat d'or.   Et pour servir plus honorablement, il faut servir distinctement de beaux rôtis, c'est-à-dire un chevreau entier, un porcelet entier, une grande longe de veau, une grande longe de porc et des épaules de mouton mises dans un grand plat d'or.
Et apprés poullaille mise en grant plat d'or c'est assavoir oysons gras chappons de paillier faysans perdrix conins pijons et heygrons et de cecy soit mais que d'ung que d'autre tant grant foyson que le plat soit bien pleine et heslevé hault. Et si advise on la sauce audit roust sur ce est assavoir pour les oysons et chappons de paillier la jance pour les faisans perdrix porcellos et connis la cameline pour les caprilz roustiz le verjust verd pour le gras porc le saupiquet et pour les pijons le sel minut. /26v/   Et après des poules mises dans un grand plat d'or, c'est-à-dire des oisons, de gros chapons de grain, des faisans, des perdrix, des lapins, des pigeons et des hérons. Qu'il y en ait autant des uns que des autres, à profusion, que le plat soit bien garni et rempli très haut. Que l'on soit attentif à la sauce des rôtis, c'est-à-dire pour les oisons et les chapons de grain, la janse ; pour les faisans, perdrix, porcelets et lapins, la cameline ; pour les chevreaux rôtis, le verjus vert ; pour le porc gras, le saupiquet et pour les pigeons, le sel fin.

La trimolette

Pour la tremolette donner a entendre a celluy qui la fera prennés du mons des feies de la poullaylle selon la quantité qu'il en sera grant foyson et les appareillés tresbien et nectement et les mectés en ung pot et du boillon du beuf ou de mouston pour les reffaire et puis les embrochiés en de petites broches de bos et puis les mestés roustir sur /34v/ belles brases. Puis prennés du pain selon la quantité de la sauce que devés faire et le trencher par belles charfees et les mectés roustir sur le gril et puis quant voz pain sera bien roustir si prennés du boillon du beuf ou de mouston la quantité que vous vouldrés et soiés advisé du sel qu'il ne soit tropt salé et puis prennés de bon vin et de verjust et parmy le boullon mectés cela et le pain trampé dedans en une belle cornue ou selly. Et puis apprés prennés voz mons et feies et les mectés ou mortier et les broiés tresbien et les destrampés ou boullon en quoy vostre pain trempe et puis tirés du mortier voz mons et feies et les mectés ou boullon ou vostre pain trempe. Et puis prennés des espices gingibre blanc cynamomy granne de paradix ung pou de poyvre et que il ne passe pas tropt noix muscates maci et giroffle et de cestes espices advisés bien que de chescune vous n'y mectés que par mesure et puis le mectrés boullir en une oulle belle et necte et puis mectés dedans du succre et non pas tant qu'il /35r/ oste le gust du verjust car il ne doibt pas estre sur le doulx. Et puys apprés apportés sur le dreceur voz perdris rousties la quantité que vous en haurés et puis viennent les maistres d'ostel pour deviser quantes l'on en mestra en ung chescun plat pour servir roys ducs contes c'est assavoir six perdrix en ung plat en l'autre .v. en l'autre .iiii. et en l'autre .iii. et par dessus de ladicte tremollete. Et puis apprés soient tresbien pourveuz de .iic. chief d'estoudeaux et poullailles jeunes pour en servir adés aut deffault de les perdrix.   Pour apprendre la trémolette à celui qui la fera. Prenez du gésier, des foies des poules selon la quantité qu'il y en aura, une grande quantité. Préparez-les très bien et proprement. Mettez-les dans un pot avec du bouillon de bœuf ou de mouton pour les faire gonfler. Puis embrochez-les sur de petites broches de bois. Puis faites-les rôtir sur de belles braises. Puis prenez du pain en fonction de la quantité de sauce que vous devez faire. Tranchez-le en belles tranches. Faites-les rôtir sur le grill. Puis, quand votre pain sera bien rôti, prenez du bouillon de bœuf ou de mouton, la quantité que vous voudrez. Soyez attentif au sel, qu'il ne soit pas trop salé. Puis prenez du bon vin et du verjus. Mettez cela avec bouillon, et le pain trempé dans une belle cornue ou dans une seille. Puis après prenez votre gésier et vos foies. Mettez les dans un mortier. Broyez-les finement. Détrempez avec le bouillon dans lequel votre pain trempe. Puis tirez votre gésier et vos foies du mortier. Mettez-les dans le bouillon ou votre pain trempe. Puis prenez des épices : gingembre colombin, cannelle, maniguette, un peu de poivre (qu'il ne domine pas trop), noix de muscade, macis et clous de girofle. Soyez bien attentif à ces épices, que vous n'en mettiez que modérément de chacune. Puis vous ferez bouillir cela dans une marmite belle et propre. Puis mettez dedans du sucre, mais pas au point qu'il couvre le goût du verjus, car il ne doit pas tirer vers le doux. Puis après, apportez sur le dressoir vos perdrix rôties, la quantité que vous aurez. Puis les maîtres d'hôtel viennent pour déterminer combien l'on en mettra sur chaque plat pour servir les rois, les ducs, les contes, c'est-à-dire six perdrix sur un plat, 5 sur l'autre, 4 sur l'autre et enfin 3. Par-dessus, la trémolette. Puis après, qu'ils soient bien pourvu de 200 pièces de jeunes coqs et jeunes poules pour en servir en cas de pénurie de perdrix.

Les poireaux blancs

Pour faire les porriaux /37v/ blancs si face cil qui en haura la charge qu'il hait ses porriaux et si les trenche menuz et les lavés tresbien et mecte boullir. Et si prenne ung bon tropt d'eschine de porc salé et si le nectoie tresbien et mecte boullir avecques et quant ilz seront bien boullis si les tirés hors sur tables belles et nectes et que ilz gardent bien le boullon en quoy ilz hauront boullir et que il y a une bonne morterie de amendres blanches et puis prennés du boullon en quoy ont boullir lesditz porriaux et y traysent ses amendres et si n'a assés dudit boullon si prenne du boullon du beuf ou du mouston et se garde qui ne soit tropt salé et puis apprés mectés vostre broet boullir en oulle belle et necte. Et puis prennés deux couteaux beaus et nectz et chapplés vostres pourreaux et puis les prennés et broyés au mortier et estre broyés si les mectés en vostre boullon d'amendres que eaue mi bulli. Et elle estre bullies quant viendra au drecier si mectés vostre grein en beaux plateaux et puis dudit boullon desdiz pourreaux mectés par dessus. /38r/   Pour faire les poireaux blancs. Que celui qui en aura la charge fasse en sorte qu'il ait des poireaux. Qu'il les coupe finement. Lavez-les très bien. Qu'il les fasse bouillir. Qu'il prenne un bon morceau d'échine de porc salé. Qu'il le nettoie très bien. Qu'il le fasse bouillir avec. Quand ils seront bien bouillis, retirez-les [et déposez-les] sur des tables belles et nettes. Qu'ils gardent bien le bouillon dans lequel ils auront bouilli. Qu'il y ait un plein mortier d'amandes blanches. Puis prenez du bouillon dans lequel ont bouilli les poireaux. Mouillez-y vos amandes. S'il n'y a pas assez de bouillon, qu'il prenne du bouillon de bœuf ou de mouton. Qu'il prenne garde qu'il ne soit pas trop salé. Puis après faites bouillir votre brouet dans une belle marmite propre. Puis prenez deux couteaux beaux et propres. Découpez vos poireaux. Puis prenez-les et broyez-les dans un mortier. Une fois broyés, mettez-les dans votre bouillon d'autant d'amandes que d'eau, à mi-cuisson. Une fois bouillies, quand viendra le moment de dresser, mettez votre grain sur de beaux plateaux. Puis mettez par-dessus du bouillon de poireaux.

Le brouet de poisson à l'allemande

Pour ung broet d'Alamagny de poyssons pour le faire prennés vostres amandres selon la quantité de la potagerie que vous est ordonnee a faire et les faictes tresbien trier nectement que il n'y demeure ne caly ne ordure et les lavés en belles cornues .iii. ou .iiii. fois en belle et necte eaue tede et puis les faictes tresbien broier et les destrampés a la puree des pois blancs et quant elles seront tresbien broyés si prennés de la puree et du vin blanc et du verjust selon la quantité du boullon et que fere se doibt et vostres espices /51v/ bon gingibrre granne et ung pou de giroffle et de cynamomy pou et n'en y mectés pas tropt et pour luy donner couleur un petit de saffran. Et selon la quantité que en haurés prennés des ongnions et les pelés et lavés et puis les chapplés bien prin. Et quant vostres amendres seront passees par l'estamine bien et appoint si les mectés boullir en une belle grande clere et necte oulle et y mectés du sucre grant foyson selon la quantité dudit boullon et du seul aussy et se advisés du tropt. Et puis prennés de bel oylle nect et bien affiné et souffrisés voz oyngnions bien et appoint et puis mectés voz oingnions bullir avec vostre potaige. Et quant se viendra au drecier si prennés vostres poyssons frit et mectés par beaux platz et dudit boullon par dessus et sy /52r/ n'y oubliés point la dragiee que s'y appartient.   Pour un bouillon de poisson d'Allemagne. Pour le réaliser, prenez des amandes à proportion de la quantité de mets qu'on vous a demandé de préparer. Faites-les trier très minutieusement, de sorte qu'il n'y subsiste ni écaille ni souillure. Lavez-les dans de belles cornues, trois ou quatre fois dans une belle eau propre et tiède. Puis, faites-les broyer très finement. Détrempez-les dans de la purée de pois blancs. Et quand elles seront très bien broyées, prenez de la purée, du vin blanc et du verjus à proportion du bouillon et en fonction de la quantité que l'on doit préparer, des épices : bon gingembre, maniguette, un peu de girofle et de cannelle (n'en mettez pas trop) et un peu du safran pour lui donner sa couleur. En fonction de la quantité que vous aurez [à préparer], prenez des oignons. Pelez-les, lavez-les, puis coupez-les très finement. Quand vos amandes seront passées par l'étamine bien et comme il faut, faites-les bouillir dans une belle grande marmite propre et nette. Mettez-y du sucre en grande quantité, à proportion de votre bouillon ; du sel aussi — faites attention de ne pas en mettre trop. Puis, prenez une belle huile claire et bien affinée. Saisissez vos oignons bien comme il faut. Puis faites bouillir vos oignons avec vos autres ingrédients. Quand viendra le moment de servir, prenez votre poisson frit, disposez-le dans de beaux plats, avec votre sauce par-dessus. N'oubliez pas les dragées, comme il y convient.

Un chaud manger

Encor plus ung chaut mangier et pour donner entendement a celluy qui fera le chaut mengier partir qui autrement s'appelle morterieulx si prenne de la char du porc grant foyson selon la quantité que lui sera ordonnee a faire et sy la nectoye et lave tresbien et mectent cuire et y mectent du sel et quant elle sera cuicte si la tirés dehors sur belles et nectes postz et si en hostés la pel et les ossés et puis la hachés tresbien minut. Et puis prennés de beau pain et mectés /77v/ tremper a vostre beau boullon de beuf et avecques cela prennés des espices et mectés dedans gingibre blanc granne de paradis et du poyvre et non pas tropt et du saffran pour lui donner couleur et le coulés et mectés du verjust et y mectés du vin blanc et cela coulés tout ensemble et puis le mectés boullir en ung beau pot sur belle brase clere. Et puis le grein mectés souffire en une belle poelle et de bon saing blanc et le souffrizés bien et adroit et ce estre souffrit sy y mectés ung pou dudit boullon et puis prennés des oefs selon la quantité du potaige qu'il y a et y coullés de moyeufs d'oefs pour le lier qui soient estaminés a l'estamine. Et quant ce viendra a apporter au dreceur pour servir si face qu'il hait ung grant plat plain de poudre de cynamomi et de succre /78r/ bactu grant foyson parmi et quant se viendra au drecier si mectés voz faugrenon en vostre plat et de la dicte poudre cruvissés la moytié dudit potaige et l'autre moytié laissés descouverte et ainsi il sera parti.   Encor plus : un chaud manger. Pour expliquer à celui qui fera le chaud manger parti, qui s'appelle également mortadelle. Qu'il prenne de la viande de porc à profusion, en fonction de la quantité qu'il lui sera demandé de faire. Qu'il la nettoie et la lave très bien. Qu'ils fassent cuire. Qu'ils y mettent du sel. Quand elle sera cuite, transvasez-la sur de belles tables propres. Ôtez-en la peau et les os. Puis hachez-la très finement. Puis prenez du beau pain. Faites-le tremper dans votre beau bouillon de bœuf. Avec cela, prenez des épices. Mettez dedans : du gingembre blanc, de la maniguette, du poyvre, mais pas trop, du safran pour lui donner de la couleur. Versez-le. Mettez du verjus. Mettez-y du vin blanc. Versez tout cela ensemble. Puis faites le bouillir dans un beau pot sur une belle braise claire. Puis faites frire le grain dans une belle poêle, avec de la belle graisse blanche. Faites-le bien frire et convenablement. Une fois cela frit, mettez-y un peu du bouillon. Puis prenez des œufs, en fonction de la quantité qu'il y a de potée. Versez-y des jaunes d'œufs qui soient tamisés dans une étamine pour le lier. Quand viendra le moment de l'apporter au dressoir pour servir, qu'il fasse en sorte qu'il ait un grand plat plein de poudre de cannelle et de sucre battu à profusion au milieu. Quand viendra le moment de dresser, mettez votre faux-grenon sur votre plat. Couvrez de cette poudre la moitié de la potée. Laissez l'autre moitié découverte. Ainsi il sera parti.

Un fortifiant

Et pour donner entendement /93v/ a celluy qui fera le restaurand sy face qu'il hayt une belle et grand anmolle de voyre double et sy forte comme trouver se pourra et puis qui la lave et raince tresbien et soubtillement et estre bien lavee si la assiee sur ung trencheur de boys ou postete petite et sur celle la faces tenir bien fort a cordetes et lieures. Et puis face qu'il hait ung gros chappons de pailler tresbon ou .ii. selon la quantité qu'il vouldra fayre du restaurand et se l'esplume nectoye et lave tresbien et puis l'esgouctent tresbien de eaue et estre bien esgoutee si le haschez tresbien minuz la char et les os aussi tout ensemble puis le mectés dedans ladicte amille et dimy pitit voyre ou environ de bone eaue rose et aussi autant de belle eaue fresche et ung /94r/ pitit grannet de sel et une unce ou plus de fines perlles qui soient mises en ung tres petit saquelet fait de joliz et nect drappellet de soye forte ou de lyn et aussy de tresbonnes virtueuses vaillans et dignes pierres precieuses c'est assavoir dyamens marguerites rubis saphirs troqueyres emyraudes curaux ambres jaspios jacintos cacedoynes gamahus cristalx calcedonios maragdos sardonix sardios crisolites birilles thopazios crisopasos et amestitos et de toutes autres pierres precieuses bonnes et virtueuses touteffois de celles tant seulement desquelles le medicin ordonnera et soient mises ensemble en ung autre petit saquellet ainsi fait de drapeau linge blanc en nect et aussi fortet pourtant qu'il ne rompist point affin que lesdictes pierres ne se puissent mesler avecques ladicte char de chappons dessusdicte et encour plus /94v/ avecques .lx. ou .iiiixx. ou plus pieces de fin or ducatz et joyaux et autres pieces que soient pas dedevant tresbien lavees en .iii. ou en .iiii. eaues tiedes et tresbien essuyees et panees a ung canton d'une mappe de lin tresbelle blanche et necte et puis une chescune desdictes pieces d'or repleyt en rion affin qu'elles puissent entrer a aise par l'enche ou goullete de ladicte anmolle dessusdicte et sy les y mectés soubtillement et doulcement et qu'elles tombent sur la char dudit chappon affin qu'elles ne despiecent la dicte anmolle et puis l'estoupés tresbien affin qu'elle ne souspire riens. Et estre ce fait aussi faictes puis qu'il y ait une olle clere belle et necte assez grande en laquelle on mecte a aise ladicte anmolle et soit liee l'enche de ladicte anmolle a deux batonnet et lesditz batonnet soient liees a la /95r/ dicte olle affin que quant l'eaue de ladite olle boudra que les ondes et bourboys de ladicte eaue ne puissent faire remuer vaciller ne gecter hors de l'olle ladicte anmolle et puis emplissés la dicte olle de belle eaue fresche et puis la mectés sur beau feu de charbon et si la faictes tousjours cuire et faictes aussi qu'il y ait a cousté une autre oulle pleyne de belle eaue et qu'elle soit tousjours tresbien boullant affin que quant bouldra l'olle en quoy est ladicte anmolle que elle se replaine tousjours de la dicte eaue boullant car qui y mectroit de eaue fresche la anmolle se romperoit et seroit perdue la peyne de ce que seroit fait. Et quant ledit restaurant sera bien cuit sy face qu'il hait ung trosset de postz bonne et si l'eschauffe a pres du feu tresbien et quant elle sera assez essuite et eschauffee si hait aussi une petite mappe et aussi l'eschauffe bien et puis la mectés en pluseurs droubles sur ladicte postz chaude et puis trayés tout soubtillement ladicte ammolle de l'olle en laquelle elle est et /95v/ si la siee sur ladicte mappe et postz chaude et la laysse ylec refroydir jusques que il la puysse a son aise tenir sans se cuire. Et quant elle sera ainssi assez reffroydiee si face qu'il hait une bonne estamine nove belle et necte en laquelle l'on n'ait encor riens fait et la mectés sur ung beau plat d'or et y voyde son restaurand qu'est en ladicte anmolle et se on ne la veult voyder tost face qu'il hait ung joli et nect crochellet de boys et le fiche dedans ladicte anmolle et tire dehors ce que leans est et quant tout sera dehors si prenne ses sequellés de pelles et pierres precieuses et les pieces d'or dessudictes et puis ce que demourera estorse bien fort et appoint en ladicte estamine et estre tresbien estrainct et receu audit plact d'or si le revoyde en une belle casse d'or et puis le porte ou malade lequel le reçoive et use a l'ordonnance du medicin. /96r/   Pour bien conseiller celui qui confectionnera le fortifiant : qu'il face en sorte d'avoir une belle et grande bouteille ventrue en verre épais aussi résistante qu'il pourra en trouver. Puis qu'il la lave et la rince très bien et minutieusement. Une fois qu'elle est bien lavée, qu'il la dépose sur un tranchoir en bois ou sur un petit tréteau. Qu'il l'attache bien seré là-dessus avec des cordelettes et des liens. Puis qu'il face en sorte d'avoir un bon gros chapon de grain, ou 2 selon la quantité de fortifiant qu'il voudra faire. Qu'il les plume, le nettoie et le lave très bien. Puis qu'il égoutte parfaitement. Une fois bien qu'il est bien égoutté, hachez-le bien finement, la chaire comme les os, tout ensemble. Puis mettez-le dans votre bouteille avec une petite moitié ou à peu près de bonne eau rose, la même quantité de belle eau fraîche, une petite pincée de sel, une once ou plus de perles fines qui soient retenues dans une très petit sachet fait d'un joli petit morceau de toile de soie ou de lin propre et résistante, ainsi que de très belles pierres précieuses pleines de vertus, de valeur et qualités, c'est-à-dire des diamants, des perles fines, des rubis, des saphirs, des turquoises, des émeraudes, des coraux, des ambres, des jaspes, des jacints, des calcédoines, des émeraudes, des sardonyx, des sardoines, des chrysolithes, des béryls, des topazes, des chrysoprases, des améthistes et toutes les autres belles pierres précieuses pleines de vertus, seules toutefois celles que le médecin prescrira. Qu'elles soient mises ensemble dans un autre petit sachet également fait de toile de lin blanche et propre, assez résistant pour ne pas se rompre, afin que vos pierres ne se mélangent pas avec votre viande de chapon. Et puis encore : avec 60 ou 80 ou plus de pieces d'un ducat en or fin, des joyaux et d'autres pièces qui n'y soient pas déjà, bien lavées avec 3 ou 4 eaux tièdes, essuyées avec le coin d'un très belle nappe de lin blanche et propre. Puis que chacune de vos pièces d'or soit repliée en rond de manière qu'elles puissent entrer facilement par l'étranglement ou le goulot de votre bouteille. Mettez-les y délicatement et doucement, qu'elles ne tombent pas sur la chair de votre chapon, qu'elles ne brisent pas votre bouteille. Puis bouchez-la bien qu'elle ne laisse aucunement échapper d'air. Puis, cela fait, faites en sorte d'avoir une assez grande marmite belle, claire et propre, dans laquelle on puisse mettre facilement sa bouteille. Que le goulot de votre bouteille soit fixée à deux bâtonnets. Que ces bâtonnets soient attachés à la marmite de telle manière que, quand l'eau de votre marmite bouillira, les remous et les bouillons de votre eau ne puisse pas faire bouger, vaciller ou basculer votre bouteille dans votre marmite. Puis remplissez votre marmite de belle eau fraîche. Puis mettez-la sur un beau feu de charbons. Faites-la cuire sans interruption. Faites aussi en sorte d'avoir à côté une autre marmite pleine de belle eaue, qu'elle soit toujours bien bouillante, de sorte que, quand l'eau de la marmite dans laquelle se trouve votrre bouteille bouillira, elle puisse toujours être emplie à nouveau de votre eau bouillant, car si on y mettait de l'eau fraîche, la bouteille éclaterait et tout le temps que l'on y aurait consacré serait perdu. Quand votre fortifiant sera bien cuit, qu'il face en sorte d'avoir un bout d'une bonne planche, qu'il la mette parfaitement chauffer près du feu. Quand elle sera bien sèche et chaude, qu'il ait aussi une petite nappe, qu'il la mette également bien chauffer. Puis mettez-la en plusieurs épaisseurs sur votre planche chaude. Puis retirez délicatement votre bouteille de la marmite dans laquelle est se trouve. Qu'il la dépose sur cette nappe et cette planche chaudes. Qu'il la laisse refroidir là jusqu'à ce qu'il puisse la tenir aisément sans se brûler. Quand elle sera suffisamment refroidie, qu'il face en sorte d'avoir une bonne et belle étamine neuve et propre dans laquelle on n'ait encore rien tamisé. Mettez-la sur un beau plat en or. Qu'on y déverse le fortifiant qui est dans sa bouteille. Qu'il en extraie ce qui se trouve à l'intérieur. Quand tout sera extrait, qu'il prenne les sachets de perles et de pierres précieuses, les pièces d'or dont il est question ci-dessus. Puis qu'il essore parfaitement et convenablement ce qui restera dans l'étamine. Une fois que ce sera bien essoré et recueilli dans ce plat en or, qu'il le transvase dans une belle assiete en or. Puis qu'il le porte au malade. Que celui-ci le prenne et en consomme suivant la prescription du médecin.

Une purée verte

Encour plus une puree verde pour malades d'espinars et percin et pour donner entendement a celluy qui la fera si face qu'il hait de bonnes et belles espinars et de percin selon la quantité qu'il devré faire de ladicte puree et si les nectoye et lave tresbien puis les mecte boullir et estre assés boullies si les tire dehors sur belles et nectes postz et si les hasche tresbien minuz et les esgoucte bien de eaue et puis hait une oulle belle clere et necte et y mecte souffrire bien et appoint en ung pitit de sel et de bonne eaue boullie ce que en sera mestier. Et s'il n'a dudit oyle d'amendres fait si prennés grand quantité d'amendres bonnes et doulces et les nectoiés tresbien et lavés en troys ou en .iiii. eaues tedes et puis les mectés essuier et esgouter sur table belle et necte et quant elles seront bien essuyés si les portés rom/100r/pre sur les belles pierres en lesquelles l'on fait l'oylle de nois et face faire l'oyle desdictes amendres et estre fait si les mectés en une tresbelle et bonne anmolle en quoy il le tieingne et puis face souffrire sesdictes espinars bien et doulcement. Et quant elles seront assés apprestees si le faictes savoir au medicin si en service on le seingeur.   Encore plus : une purée verte d'épinards et de persil pour les malades. Pour l'expliquer à celui qui la fera. Qu'il fasse en sorte d'avoir de bons et beaux épinards et du persil en fonction de la quantité qu'il devra faire de cette purée. Qu'il les nettoie et les lave très bien. Puis qu'il les mette à bouillir. Lorsqu'ils ont été suffisamment bouillis, qu'il les tire hors [de l'eau] sur de belles tables à trancher propres. Qu'il les hache très menu. Qu'il les égoutte bien de leur eau. Puis qu'il ait une marmite belle, propre et nette. Qu'il les y fasse sauter bien et à point avec un peu de sel et de la bonne eau bouillie, autant qu'il en faudra. S'il n'a pas de l'huile d'amandes préparée [au préalable], prenez une grande quantité d'amandes bonnes et douces. Nettoyez les très bien. Lavez les en troys ou en 4 eaux tièdes. Puis mettez les à sécher et égoutter sur une table belle et propre. Quand elles seront bien sèches, donnez les à rompre sur les belles pierres sur lesquelles on fait de l'huile de noix. Qu'il fasse faire de l'huile à partir de ces amandes. Une fois fait, mettez-les dans une très belle bouteille ventrue propre en quoi on la conserve. Puis qu'il fasse sauter ses épinards bien et délicatement. Quand ils seront bien préparés, faites-le savoir au médecin, qu'on en serve au seigneur.

Une mousseline de pommes

Encour plus emplumeus de pomes pour donner entendement a celluy qui le fera sy prennés de bonnes pomes barberines selon la quantié que l'on en vouldra faire et puis les parés bien et appoint et les taillés en beaulx platz d'or ou d'argent et qu'il hait ung beau pot de terre bon et nect et y mecte de belle eaue necte et mecte boullir sur brase belle et clere et mecte boullir ses pomes dedans. Et face qu'il ait de bonnes amendres doulces grant quantité selon la quantité des pomes/103v/ qu'il ha mis cuire et les plume nectoie et lave tresbien et mectés broyer au mortier qui ne sante point les aulx et si les broie tresbien et les arouse du boullon en quoy cuisent lesdictes pomes et quant ledictes pomes seront assés cuictes si les tirés dehors sur belle et necte postz et de celle eaue colle ses amendres et en face lait qui soit bon et espés et le remecte boullir sur brase clere et necte sans fumee et bien petit de sel. Et entretant que il bouldra si hache bien menut ses dictes pomes a ung petit et nect coutel et puis estre hachiés si les mecte dedans son lait et y mecte du succre grant foison selon ce que il y a desditz emplumeus de pomes et puis quant le medicin le demandera si le mectés en belles escuelles ou casses d'or ou d'argent. /104r/   Encore plus, mousseline de pommes : pour faire comprendre à celui qui le fera, qu'il prenne de bonnes pommes barberines selon la quantité qu'il voudra faire. Pelez-les bien et finement, coupez-les sur de beaux plats en or ou en argent. Qu'il prenne un beau pot en terre solide et bien propre ; qu'il y mette de la belle eau pure ; qu'il la fasse bouillir sur de la braise belle et vive ; qu'il mette à bouillir ses pommes dedans. Qu'il fasse en sorte d'avoir de bonnes amandes douces en grande quantité, en proportion des pommes qu'il a mis à cuire ; qu'il les monde, les nettoie et les lave très bien et qu'il les fasse broyer dans un mortier qui ne sente pas l'ail. Qu'il les écrase très finement, qu'il les arrose de l'eau dans laquelle cuisent lesdites pommes, et quand les pommes seront assez cuites, qu'il les sorte sur une belle planche propre, qu'il fasse couler de cette eau [sur] des amandes et en fasse un lait qui soit bon et épais ; qu'il le remette à bouillir sur de la bonne braise vive et sans fumée et [sur] un tout petit peu de sel. Pendant qu'il bout, qu'il hache finement ses pommes avec un petit couteau propre et lorsqu'elles sont hachées, qu'il les mette dans le lait ; qu'il y mette du sucre en grande quantité, à proportion de la mousseline de pommes. Et puis, quand le médecin le demandera, mettez-les dans de belles écuelles ou des plats d'or ou d'argent.

Édition

Scully, Terence (éd.), « Du fait de cuisine par Maistre Chiquart 1420 », in Vallesia 40 (1985) 101-231.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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