Le poème, quant à lui, est généralement désigné sous le nom de rime, que nous avons déjà rencontré chez Chrétien et chez Rutebeuf ; le verbe qui en est dérivé, rimer, ou l’expression faire des rimes signifient tout simplement ‘faire des poèmes’, ‘versifier’.
Le choix de ce mot est symptomatique de l’importance que la poésie médiévale accorde à la rime : celle-ci apparait à l’époque comme une réelle obsession des poètes, qui avaient bien perçu que la rime était l’essence même de leur poésie.
Ainsi, si nous reprenons les vers déjà cités de Rutebeuf, nous avons déjà la clé des mots rimer (‘composer un poème’) et œuvrer (‘faire le travail d’un ouvrier’, d’où ici ‘faire le travail d’un poète’) :
Ainsi fist la bien eüree
(Bien dut s’arme estre asseüree)
Dont Rutebuez a fait la rime.
1994 Se Rutebuez rudement rime
Et se rudesse en sa rime a,
Preneiz garde qui la rima.
Rutebuez, qui rudement euvre,
1998 Qui rudement fait la rude euvre,
Qu’asseiz en sa rudesse ment,
Rima la rime rudement.
Car por nule riens ne creroie
2002 Que bués ne feïst rude roie,
Tant i meïst hon grant estude.
Se Rutebuez fait rime rude,
Je n’i part plus, mais Rutebués
2006 Est ausi rudes coume bués.
Rutebeuf, La vie de sainte Elyzabel, v. 1991-2006
Tout comme le mot trouveor, le mot troveure (« trouvure ») apparait au XIIe siècle pour désigner le poème, ou plus généralement une composition littéraire, mais son emploi est limité et le mot n’apparait pas dans les arts poétiques.