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qui sont doulces, car les aspres stiptiques & constipatives lon mengeue plus seurement a la secunde et tierce table. Il ya toutesfoys plusieurs especes de pommes desquelles nous parlerons en leur lieu. Maintenant je entens a dire de celles seulement que lon mengeue au commancement de table qui doyvent estre doulces & meures pource quelles meuvent & laschent le ventre & lestomach & ne sont pas nuysibles.
¶ Dyascorides toutesfoys dit que les pommes deste & nouvelles engendrent fleumes & excitent les ardeurs et chaleurs du fiel, meuvent les inflamacions & ne conviennent point est parties nerveuses. Ce non obstannt Galien dit quil ya aulcunes pommes doulces et odorantes que quant sont meures & gardees en yver tollissent les inflamacions & aydent grandement a ceulx qui sontdangereux destomach qui vomissent incontinent ce quilz ont menge, & si donnent bon appetit. Les pommes qui sont aspres et aygres & pleines de just il ne approuve aulcunement. Or la nature de toutes pommes est froyde & moiste & lon le peult congnoistre facilement pource que le just sen aygrist. Et pource ont aulcuns voulu dire que ceulx qui ont bon estomach en peuvent menger seurement au commancement de ladicte table, car elles humectent le ventre & refreschent les entrailles.
¶ Serapion toutesfoys conseille que lon ne les continue pas grandement pource quelles hastent & font descendre la viande de lestomach, ains que la digestion soit faicte, & engendrent la colique & douleur des nerfz, toutesfoys se tu cuys lesdictes pommes sus les charbons & lieves apres lescorce & le noyau de dedans et les menges avec du sucre, sont asses meilleurs & plus saines que aultrement, et donnent appetit & font bon ventre. Se nous voulons conserver & garder lesdictes pommes il les nous fault diligemment cuyllir sans macule & les mettre en quelque lieu obscur ou le vent ne touche point, & illec dessus quelques tables ou postz ou ait de la paille les mettre gentement par dessus, & faiz tant que pourras que le pie desdictes pommes soyt desoubz, & la quant seront assises ne les touches point jusques a ce que en vouldras menger, & se veulx les peulx couvrir & mettre par dessus ung petit
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de la paille & se garderont bien. Il ya toutesfoys aulcunes pommes rondes qui ont la chair dure & nont guieres just, comme pommes de capandu & daultres qui sont bonnes & saines, & telles sans peine se gardent tout lan. Aulcuns ya ce dit Paladius qui cueillent les pommes avec leur pie & petit rameau, & icelluy pie mettent dedans la poix boullante & puis sur une table couverte des fueilles de noyer les font seicher, et la se garderont bien dessus lesdictes fueilles dudit noyer.
¶ Des poyres.
DIascorides dit que la nature des poyres est stiptique, & pource pilees & mises sur quelque maladie avertissent & deboutent toutes humeurs impetueuses a ce occrrantes, & estanchent le sang fluant du nes ou des playes. Des poyres en ya de doulces, daspres, et daigres, les doulces pource que sont aquatiques & de saveur suave et doulce. Et pource que tiennent du froyt & du chault moyennnement comme sont ces petites poyres premieres que lon appelle a cause de leur odeur poyres muscatelles, a la premiere table sont a donner et aultres poyres semblables. Les stiptiques & aygres desquelles ya grant habondance, a la secunde ou tierce table fault reserver, car si lon les mengeoyt au commancement pource que estanchent & serrent le ventre ne seroyent pas saines. Lon dit fermement que les poyres nourrissent plus le corps de lhomme que quelconque aultre fruyt comprins a la nomacion des pommes, come dessus est dit.
¶ Avicenne dit que lesdictes poyres engendrent ventosites & induysent a colique, & pource est bon de les menger ensemble du coriandre, fenoil ou anys qui lyevent & expellissent les ventosites, ou pouvons obvier ausdictes incomodites si nous bevons apres de bon vin, principalement vieulx & odorant. Et les meilleurs poyres ainsi quil dit sont celles qui sont plus odoriferantes & plus doulces, et aussi cuytes sont meilleurs que crues, & les pouvons faire cuyre utilement avec de lanys fenoil et succre. Il ya des poyres sauvaiges qui sont plus stiptiques que nulles aultres. Le poyrier a certes grantz
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vertuz, non seulement a cause du fruit mais encores a cause des racines & fueilles, que si sont cuites avec des bouletz tollissent tout venin qui pourroyt estre en iceulx ne lesditz bouletz ainsi cuitz peuvent faire mal a ceulx qui les mengeront, et les fueilles seules cuytes & boulies gueris sent les playes. Et les grains & semences des poyres pillees avec du piel & baillees a jeung sanent & guerissent la douleur du foye. Et se tu veulx conserver lesdictes poyres & toutes aultres pommes metz les en quelque chambre clouse qui ait les fenestres vers septentrion dessus quelque table ou ait dela paille par dessus, & la tu mettras tesdictes poyres que lune ne touche laultre entre ladicte paille affin que par la grant humeur & froydeur quelles ont ne se gastassent & pourrissent. Aulcuns ya qui les servent entre le froment, aultres les mettent au miel dans ung pot que lune ne touche laultre. Encores se tu veulx pourras partir lesdictes poyres par le milieu & lever le dur & grains qui sont dedans & puis les faire seicher au soleil, & apres ung jour & une noyt les fault faire tremper dedans de leaue sallee & froyde, & puis encores les macerer par deux jours a leaue pure. Et finablement les mettre dedans du moust ou du vin cuyt & la se servent tan que lon veult, et peult on fayre ainsi des pommes.
¶ Des raisins.
LE raisin sur tout aultre fruit est fort habondant en humeur, je noseroye dire que le raysin viengne de arbre, pource que la souche du raysin nest pas proprement arbre, aussi dire que soyt fructier est luy fayre injure, tiengne pourtant comme une chose precieuse & singuliere ung lieu moyen entre arbre & fructier.
¶ Dyascorides dit que le jus des fueilles de la vigne vault grandement a ceulx qui ont ulceres es parties basses & aux entrailles & a ceulx qui crachent le sanq & qui se guementent de lardeur de lestomach, et aussi est bon es femmes enceintes qui ont perdu lappetit. Et les lermes du serment de ladicte vigne qui sont ainsi que gomme coagulee dessus les branches si lon la
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boyt avec du vin guerist la gravelle. Et si lon en oing les endertres & toute aultre roigne, pareillement guerist, il fault toutesfoys par avant laver icelluy menbre & lieu avec du sel nytre & duyle continuellement & raire les poilz qui y seront. Et si des gouttes et sueur qui sourdent et tombent des sermens au prin temps tu en oingz les verrues lentigles & aultres taches & macules du visaige les lieveras, ou aussi du jutz des raisins nouveaulx si aymes mieulx.
¶ Columelle dit que si lon veult fayre que les raysins nayent point de grains par dedans, lon doyt fandre & partir le malloil ou leserment que lon veult planter par le mylieu, tellement que lon ne rompe point les germes ou brotons qui saillent, & puis lon doyt lever & tirer gentement de chascune partie dudit serment toute la moelle qui est dedans & apres adjouster lesdictes parties bien apoint & lyer ensenble & garder de fouler lesditz germes ou brotons puis les planter dedans la terre bien fumee & larouseras gentement avec deaue jusques sera prinse, et quant sera grande produyra les raysins sans grains. Or il ya plusieurs especes de raysins appelles diversement selon chascune region qui seroyt long a raconter. Les raysins & figues bien meures entre tous aultres fruitz que lon mengeue sont moins nuysibles selon que dient les docteurs, & mengees a la premiere table ne peuvent forment nuyre. Le raysin bien meur & qui soyt este pandu par troys ou quatre jours est doulx et agreable grandement a menger & refresche le corps & nest point fastidieux, engendre bon sang & cler & conforte le foye sur tous fruitz. Les menger frais troublent lestomach & enflent le ventre & nuysent a la teste, & en menger trop engendre une maladie que lon dit lytarge. Quant lon mengeue lesditz raysins lon ne doyt point macher les grains ne avaller tant que lon peult, car sont de griefve digestion & mal nourrissans. Les raisins se peuvent garder en plusieurs sortes, avec du vin doulx ou les pandre a une perche, mais fault adviser quant lon cueilt lesditz raisins que nait point pleu par avant par troys ou quatre jours, ains soyent bien secz et entiers, et que ne soyent guieres meurs
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ne sarres, car les plus clers de grains sont les meilleurs & ne se pourrissent pas si legierement comme quant ung grain touche lautre. Et les mettras essuyer au soleil par ung jour ou deux, apres les mettras dedans quelque chambre qui ne soyt ne trop chaulde ne trop relante, car la chaleur les fait seicher & passir, & la relanteur les fait pourrir, et ny ait pas grant vent dedans la chambre si nest vent doulx & atrempe, comme la bize vens marins leurs sont fort contraires et les font pourrir. Aucuns en ya qui les gardent entre my les grains & grappe desditz raisins, mais menges apres troublent la teste & lestimach, tousfoys uks restanchent le ventre, & sont utilz a merveilles a ceulx qui crachent le sang. Aultres ont deaue de riviere & la font boulir jusques soyt diminuee a la tierce part, & ont ung pot neuf et mettent ladicte eaue dedans avec les raisins sains & entiers & couvrent & serrent apres ledit pot avec du plastre ou aultrement que nul air y puisse entrer, & ce pot icy mettent en quelque lieu froyt & clos que le soleil ny entre point, & toutes & quantesfoys lon veult lesditz raisins lon les trouve vers & frais & leaue de dedans est bnne a malades. En ya qui les gardent seulement dedans ung pot de terre, & sont bons & donent appetit de menger. Pour faire les raisins passis & confis fault faire de la lescive bien clere, laquelle selon Columelle doyt estre faicte des cendres de serment & celle lescive fault faire boulir, & quant commencera a boulyr y convient mettre ung petit de bon huyle dolive & mesler icelluy avec ladicte lescive & & apres fault passer les raisins dedans celle lescive & la les laisser ung petit demourer jusques ayent perdue couleur, & puis les faire seicher aul soleil sur une table, & apres troys heures tourner lesditz raisins & virer de laultre part en une aultre place nette affin que la humidite ne les gatast, et quant seront bien secz les passer par le moust & les faire aultresfoys seicher au soleil & puis les encoffiner bien estroyt. Columelle toutesfoys ne fait point mencion de les passer au moust mais seulement ainsi que dessus est dit les encossiner. En ya que quant les raisins sont
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bien meurs en la souche ilz leur torssent le col ou le pie dudit raisin, et les laissent ainsi par ung jour au soleil affin que se seichent sans avoir nourrisement de ladicte souche, apres les cuylissent & font seicher encore sur une table. Et quantsont bien secz les passent au moust & les font derechief seicher au soleil & les gardent ainsi. Et ces raisins passis viennent apoint maintesfoys en plusieurs choses, & sont utilz & sains a menger, principalement silz sont laves de vin et leves les grains qui sont dedans, menges devant & apres toute aultre viande, aydent beaucop a lestomach, polmon, a la toux, es rains, a la vessie & au foye, & sont de bon nourissement, principalement a ceulx qui ont beaucop de chair. Et dit Galien quilz sont de moindre abstercion & mondificacion que les figues seinches, mais ilz sont toutesfoys plus convenables a lestomach que icelles, & meurent les humeurs indigestes, & sont de leur nature tardifz a putrefaction.
¶ De villa nova dit quilz nuysent a la rate pource que induysent opilacion en icelle, mais ilz sont fort utilz es rains pource que provoquent a pisser, et par ainsi lavent & netoyent lesditz rains.
¶ Des pommes grannees.
DEs pommes granades & devant & apres tout aultre viande pouvons menger, mais en table guieres nen usons, si nest au blanc menger & avec chair rostie & frite en este principalement. Il y a plusieurs especes de pommes grannees qui seroyt superfluite a reciter. Et pourtant soit asses dire seulement leur qualite qui est selon tous medicins stiptique, engendrent bonnes humeurs & sont bonnes a lestomach. ya toutesfoys aulcunes pommes grannees doulces & de bonne saveur, lesquelles a cause de leur doulceur ont en elles aulcune partie de chaleur. Et cestes doyt lon menger a la premiere table & au commancement, encores que apres aulcune inflamacion en survieigne elles sont plaisantes a manger, mais ne sont mye si saines que les aultres ne bonne a febricitans. Les aigres sont appropriees a lestomach, meuvent &
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excitent lorine, refreschent le poulmon et sont agreables au foye qui est eschauffe et a lestomach, & a ceulx qui ont fievres de colere chaulde & rouge & vomissent voulentiers. Et le jus dicelles menge en laictues vault grandement a la colere & est cordial a lestomach, & donne grant appetit a chascun & aux femmes grosses. Et si lon seiche au soleil les grains desdictes migraines & apres lon les pille & pulverize & met icelle pouldre sus auculne viande contregarde les superfluites descendre a lestomach & entrailles. Et si lon les met a leaue de pluye & lon boit apres icelle eaue aydent grandement a ceulx qui crachent le sang. Et quant le jus des grains desdictes pommes est cuyt & mesle avec du miel est fort convenable es ulceres de la gorge & douleur des oreilles & es ilceres dedans le nes et aultres cachees & fraudulantes maladies qui sont dedans le corps. Or si tu veulx adoulcir lesdictes pommes grannes qui sont aigres metz au pie du migrenier de fiante de pourceau & de lhomme & arrouse le pie & racines dudit arbre avec orine domme putrifiee & corrumpue, & trouveras apres lan enseuyvant le fruyt dicelluy arbre asses plus doulx que par avant.
¶ Columelle dit que pour faire que lesdictes pommes grannees ne se rompent point ne ne se ouvrent, a larbre fault ung petit tordre le pie de ladicte pomme affin que la pluye ne les face partir ne ouvrir, & apres les lier a une aultre branche asses puissante pour les soustenir & garder de tomber a terre par aulcuns vens qui pourraoyent survenir, & cecy doyt lon faire quant le temps est beau affin que larbre ne soyt affoule. Les mygraines aspres et ameres sont plus aptes a faire pigment confections & medicines que ne sont a menger, & guerissent les maladies qui viennent dedans la gorge, nes, aureilles, & es yeulx. Ceulx qui ont dit nostre corps ne pouvoir estre nourri des pommes grannees ont bien dit, car certes lusaige dicelluy est plus convenient & adapte en medicine que nest en viande. Ceulx qui sont de fort estomach mangeront lesdictes pommes grannees plus seurement au commencement & premie
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re table que ceulx qui sont debiles & foibles destomach. Mangees apres aultres viandes a la secunde ou tierve table elles lievent & repriment les apeurs qui pontent a la teste & toute chaleur de luxure. Et se tu fais seicher lescorce desdictes mygraines & la metz en pouldre guerist plusieurs maladies, comme flus de ventre son la baille en brevaige et mise sus le mal de la verge de lhomme qui vient de chaleur lamortist, netoye, restraint, & conferme les gencyves, conglutine les playes encores que soyent sanglantes. Et si lon fait cuyre & boulir ycelle escorce ou pouldre & avec leaue lon en lave la gorge est bon es gencyves qui saignent & conferme et lie les dens qui crolent. Or se tu veulx que lesdictes mygraines se gardent longuement metz les par deux ou trois foys dedans leaue boullant, et tout acop les retirer & lever e& les pandre en la perche se garderont bien.
¶ Columelle dit que se peuvent aussi garder dedans ung pot de terre qui soyt mys dedans la terre ou sablon jusques au milieu dudit pot, ou avoyr de leaue de mer & la fayre fort chauffer, & la dedans mettre lesdictes pommes jusques ayent perdue la couleur & soyent devenues pales, & apres les fayre seicher au soleil pa troys jours et puis les pandre en quelque lieu froyt, & quant lon en vouldra user par avant les mettre une nuyt & ung jour remoiller dedans leaue doulce, ou aultrement couvrir lesdictes pommes quant sont levees de larbre de bonne argille, & quant ladicte argille sera seichee les pandre apres en quelque lieu froyt, & quant lon en vouldra user les mettre tremper dedans leaue & lever ladicte argille. Et ceste facon conserve ladicte pomme comme se feust tousjours fresche et entiere.
¶ Des coings.
LEs coings meurs & menges crus sont profitables a ceulx qui ont dissentere & colere & a ceulx qui crachent le sang. Et quant sont cuytz pource quilz ont perdu celle force du jus restrinctive & consti
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pative sont bons meveilleusement a ceulx qui ont flus de ventre, & aulcuns les cuysent enveloppes avec des estoupes & les font cuyre soubz les cendres chauldes ou charbons, apres mys a beaulx loppins les mettent dedans de bon vin odorant ou vin aigre, et proffitent a ceulx qui sont vexes & travailles de douleur destomach et tranchesons de ventre, & sont de meilleur digestion et nourrissent, et si decoyvent lappetit & desir des malades, pource quilz representent en espece, goust, & odeur la semblance du vin vieulx. Se tu les veulx longuement garder frais il les te fault cuyllir sains & entiers avec tout le rameau et les mettre defans ung pot de terre avec du myel et de moust ou vin cuyt. Et se tu les veulx confire quant seront bien meurs, les plumeras et lieveras se quest dur du mylieu qui est plain de grains, & puis decopes a beaulx loppins les mettras dedans de leaue de pluye jusques ayent perdu leur vertu constipative & soyent venus clers & luysans comme corne. Et a ce faire fault maintesfoys changer ladicte eaue et y en mettre de fraiche. Et quant auront asses remoille & seront asses tendres et clers les deras boulir, et demy cuytz les mettras hors du chaulderon & les estendras & feras seicher sur une nappe blanche en quelque table jusques soyent bien essuitz. Et apres les retourneras mettre dedans le chauldron avec du miel & les feras boulir tant que soyent bien cuytz. Et apres ule aultre foys les estendras sur ladicte nappe bienn nette & les fera seicher a lombre & non pas au soleil. Et quant seront pres que secz les mettras dedans ung pot de terre & auras du miel qui soyt bon net & bien purifie au feu. Et incontinent quil sera ung peu chault & tyede le getteras dessus lesditz coings & les lairas ainsi confire. Et quant en vouldras user ou faire collacion ou aultrement, les trouveras prestz & bons. Et forment par ceste maniere lon confit les courges, cytrons, oranges poyres & pommes, ausquelz ya aulcuns qui y mettent des espices, comme giroffle, cynamome, & gingembre piles & cribles et ensemble mis par dessus.
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Des costes du popon lon en fayt aussi confiture, mais fault faire premierement icelles costes macerer & destremper en vin aigre par quattre jours & apres les faire seicher a leur aise sur quelque linge blanc, & quant seront bien seiches avec daultre bon vin aigre les faire cuyre, et de rechief les estendre sur le linge jusques seront rofroydies et seiches, puis cecy fayt mettras lesdictes costes de popon dedans ung pot, et y mettras du miel par dessus, & se conserveront merveilleusement bien. Et ces confitures se mengent en tous temps a la premiere table. En yver les cytrons & oranges, en este les courges, popons & les coings. Mais desditz coings crus ya grant difference selon quilz sont prins, car menges au commancement constipent & serrent le ventre, tolissent la digestion & lubricite dicelluy, si nest quilz soyent partis par le mylieu et leve le noyau & dur quest dedans, lon remplisse iceulx de succre fin, & en se point lon les face cuyre. Alors vrayement donnent ilz appetit de menger, defendent de enyvrer & varier lentendement, aultrement qui les mengeue a la tierce table segillent lestomach, aydent a la digestion & mouvent le ventre en chambre. Et saches que toute maniere de coings confortent lestomach et donnent appetit, & ce a cause de leur odeur quilz ont agreable.
¶ Des cytrons & oranges.
DEs cytrons ya diverses sortes comme grans, moyens, et mineurs plus differans par seule grandeur que par divers gendre de fruyt. Et forment a tous cytrons est une mesme nature & vertu, tant en lescorce quest de bonne odeur & fayt bonne alaine, come au just de dedans quest refrigeratif, & amortist lexcessive chaleur de lestomach. Lesditz cytrons comme jay dit sont fort odorans, & par leur odeur tuent & font fouyr les teignes qui gastent les robes & font bon sentir lesdictes robes, dont Nenius le poete appelle celle robe cytreuse qui sent ainsi bon. Lon cuillist lesditz cytrons en
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perse en tous temps, & ce pendant que les ungs sont meurs les aultres meurent. Ils sont contraires grandement a tous venins piles & mis en pouldre, & icelle beue avec du vin. Toutesfoys une mesme vertu nest pas en toutes les parties dudit cytron, car lescorce dessus est chaulde & seiche, et le blanc qui vient apres lescorce est froid & moiste, & le jus de dedans est froid et ung peu aygre, & pour ceste cause est aulcunement constipatif. De lescorce desditz cytrons si lon frotte les dens au matin conforte les gencives, & en menger conforte lestomach & donne appetit & fait bonne alaine de bouche, & vault contre venin, & si est bonne contre le fol appetit des femmes enceintes qui mengent charbons et telles aultres choses, elle ne se cuyt pas toutesfoys legierement en lestomach. Le blanc qui est apres lescorce refroidist la cervelle de sa nature & est de forte cuyte & digestion. Et qui en veult user la doyt prendre a la premiere table et vault mieulx en este que en yver, et se doyt menger avec le miel ou avec le succre. Le just de dedans lieve la douleur destomach & du foye & lieve lamertume de la bouche que lon sent en este de matin, donne appetit & oste la soif, & nettoye et lieve les lentilles, taches, & noirsures du visaige. Et se peut esprouver es robes qui sont tachees dancre si lon les frotte dudit just de cytron les ostera, aussi les mains qui sont tachees de lescorce de la noix nouvelle les nettoye & fayt revenir a leur premiere couleur. La quarte chose des cytrons si comme la semence est chaulde au premier degre & ne vault riens a menger, mais selle est destrempee en vin vault contre venin & fait bonne aleine, & conforte lestomach a cuyre la viande. Or lesditz cytrons sont bons en tous temps a mettre sur toutes viandes chauldes & rosties, et principalement en este pource qui lz reprimissent la colere, tollissent la soif, & donnent appetit de menger. La vertu du dit cytron guerist de plusieurs maladies, contregarde les femmes grosses de vomir, et piles & beus en vin guerissent les douleurs de bouayulx, tranchesons de ventre, & aultres douleurs
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dicelluy. Il y a aulcuns qui mengent lesditz cytrons decopes menu, comme lon fayt des cocombres avec du sel, huyle, & vin aigre. Des oranges forment tout ainsi pourrons dire que des cytrons, non obstant quil en ya aulcuns doulx & aultres aigres, desquelz la raison de menger peult estre asses congneue par les ditz precedans, quest que toutes choses forment doulces devant toutes aultres viandes doyvent estre mengees pour la convenance & consonance quelles ont & donnent a lestomach. Nous pouvons aussi bien adoulcir les oranges aigres, levee lescorce dicelles & pellicules & apres les faire macerer et tremper dedans de leaue bien succree, tellement que les pourrions menger ala premiere table aussi bien que si elles fussent naturellement doulces. Et en ya plusieurs qui les ayment ainsi et les adoulcissent par ceste facon dessusdicte.
¶ Des dates & palme.
EN plusieurs lieux croist la palme, comme aujourduy en Italie & Espaigne pres du rivaige de mer & aussi en affrique. Elle ayme & veult avoir terre sabloneuse, & pource en judee croist facillement & gette le fruyt a plus grant quantite et plus doulx que en aultre art. Icelluy fruyt est appelle datil lequel a au milieu du noyau une fendure que aulcuns dient ambonil, & dicelle viennent les racines quant lon les plante. Or ya il des palmes masles & femelles, dit lon que la femelle est infertille & ne gette point de fruyt selle na le masle au pres delle, laquelle chose se preuve clerement quant lon coppe ledit masle, apres incontinent la femelle ne gettera ne produyra point aulcun fruyt. La vertu dudit datil est chaulde & moiste, il est meilleur blanc que nest noir ou rouge. Lon doyt lever quant lon les mengeue une pellicule quest entre chair et noyau pource quelle est de male decoction & empesche a faire bonne digestion. Et devons aussi lever le noyau de dedans si ne voulons ensuyvre les chevaliers et gens darmes dalexandre, lesquelz
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vont menger les dates avec le noyau pource que lesditz dates nestoyent guieres meurs et furent estrangles & moururent. Si lon fait ledit noyau bien cuyre & boulir & de celle decoction lon lave ses cheveulx ilz deviendront noirs, ainsi que dit Serapion. Et si lon boyt celle decoction vault grandement a la douleur des nerfz, reins & vessie, & guerist le cours des humeurs au ventre et matrisse. Lesditz dates doulx menges au commancement encores que soyent de bonne digestion, et mouvent le ventre a chambre, si sont ilz toutesfoys nuysans a la rate, es dens & au foye. Rasis dit quilz eschauffent & engendrent gros sang & se convertissent tost en colere. Et sont mauvais a ceulx qui sont de chaulde complexion & qui ont le foye chault, et a qui facillement vient douleur de teste & esquinance & opilcaions au foye & rate. Et le pire desditz dates selon quil dit sont les grans & doulx et ne soint point condessans ne convenables a ceulx qui sont de chaulde nature, mais es aultres qui sont de froide complexion & de forte nature silz en mengent & usent souvent deviennent gras. Gelius dit que la palme est de si grant vertu & generosite que jamais ne flexist ne se humilie par quelque charge que lon luy mette sus, ains se lieve en contre hault en lieu de decliner. Et a ceste cause est elle donne en signe de victoyre & atribuee a gens victorieulx.
¶ Des nefles.
LEs nefles au temps de Caton nestoyent encore en Italie, mais apres lon les y aporta. Cest arbre gette & espandist en terre ses racines si forment et si habondamment que a grant peine le peult lon estirper & desraciner. Paladius dit que se ledit arbre ne peult porter ou bien peu, que lon y mette de fiens au pie de larbre avec des cendres des vitz ou sermens, & portera beau fruyt & largement. Les nefles de France sont bonnes sur toutes aultres & meilleurs, desquelles & la semence & les fueilles ont grans vertus, & men
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gees a la premiere table serrent merveilleusement lestomach dissolu, et repriment le flux du ventre pour leur frigidite & siccite. Guerissent la douleur des dens, les fueilles, escorce, & racine pilees et mises sur quelque bruleure ou enfleure serviennent merveilleusement. Et seiches & pilees avec du miel sanent les playes, et le just beu avec du vin est contraire a poisons & brevaiges venimeux. Or se tu veulx garder lesdictes nefles, Paladius dit quil les te fault cuillir sur le mydi que face soleil ou cler temps, & apres les te fault mettre dedans la paille que lune ne touche laultre, ou les cuillyras avec leurs rameaulx demy meures, & les feras par cing jours macerer avec iceulx rameaulx & bien remoiller dedans leaue salee, apres les mettras dedans du moust. Ou les pourras ainsi server si tu veulx dedans du miel sans faire aultre chose, mais que ne soyent guieres meures.
¶ Des cormes, sorbes, ou esperves.
EN troys differences sont les cormes, aulcunes sont rondes comme petites pommes, les aultres comme poyres, et aultres en ya en forme dung oeuf, toutes sont froides & seiches, & quant sont bien meures ne sont pas forment froides. Sont aussi stiptiques & restrictives, & les phisiciens les louent plus a cause des medicines quilz en font que pour viande que soyt amenger. Et tout ainsi quelles sont grevantes a lestomach quant sont mengees blanches & verdes, tout ainsi quant elles sont meures aydent a icelluy et donnent bon appetit. Et si guerissent maintes playes par dedans nostre corps occultes, mais elles engendrent males humeurs et nourrissent peu. Toutesfoys leau en laquelle lesdictes cormes sont estees mises & boulies donnee a boyre guerist ceulx qui ont dissentere, & forment ressemblent en saveur la nature de quelque vin aspre & austere. Les cormes qui sont macerees au soleil & mises dedans le moust come les coings et poyres selon que dit Caton durent grandement & se conservent.
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¶ Des cormes.
LEs cormes que virgile appelle pierreuses pource que dehors ont peu de chair & dedans beaucop de noyau, ne sont point de grant nourrissement & sont de grefve decoction & serrent & restanchent le ventre merveilleusement.
¶ Des pesches.
LEs pesches croissent par toute asie, principalement au pays de perse. Et pour ceste cause quelles furent premierement aportees de perse par deca lon les appelle en latin persica, ceste transmutacion fut faicte bien tard et en grant difficulte, toutesfoys apres quelles furent apportees facillement en tous lieux sont parvenues. Ceulx la me semble que recitent fables qui dient quelles naissent en perse venimeuse & mortelles, et que pour ceste cause le roy Cyrus les fist transporter en egypte affin que ceulx quil ne pouvoyt vaincre par armes il les eust par venin. Et affin que leur fable soyt plus vraysemblable dient que le fervent soleil & air dudit pays degypte les va adoulcir & mitiguer leur malice & envenynement, tellement que ne firent aulcun mal es egypciens, & ceste opinion ou fable recite Columelle en son livre.
¶ Paladius dit que les grecs afferment les pesches naistre avec lettres, si lon met los desdites pesches dedans terre par quelque sept jours que ledit os puisse estre demy ouvert, & lors fault gentement prendre le noyau qui est dedans los & y escripre ou faire lettres ou caractes telz que lon vouldra avec dancre rouge appellee cynabre cest du vermeillon, apres le retourner serrer diligemment dedans son dit os & lier gentement avec quelque fillet, & puis le recouvrir comme par avant & remettre en terre grasse, & quant produyra pesches sera chose merveilleuse. Or se tu veulx conserver & garder les pesches ilz les te fault choisir & eslire les meilleurs & les mettre dedans la murie quest eaue fort sallee & lendemain les getter dehors & les nettoyer diligemment, apres les
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mettre dedans ung pot & par dessus getter du sel & y mettre du vin aigre et de lerbe appellee abriege, et se conserveront longuement. Les pesches dures ainsi que dit Paladius se peuvent aussi garder si lon les met dedans la murie & loximel quest une composte de vin aigre & miel, ou si lon lieve les noyaux de dedans & lon les fait saicher & pendre au soleil comme lon fait des figues. Dit aussi quil a veu souvent lesdites pesches dures mettre dedans le miel ostes lesditz noyaulx, & ont fort bon goust & saveur. Lusaige des pesches a cause de leur humidite et frigidite est contraire a lestomach, & se enaigrissent legierement dans icelluy & se convertissent en humeurs flegmatiques, ne nourrissent point les membres selon que dient les medecins, ains sont bien souvent cause de ephimerie quest une fievre durant vingt & quattre heures. Toutesfoys si lesdites pesches sont bien meures & mengees au commancement sont bonnes a lestomach & donnent appetit, font bien pisser, meuvent le ventre, & font bonne alayne a ceulx qui lont puante & mal sentant. Selles ne sont bien meures elles restraignent le ventre, & encores plus fort serrent icelluy quant sont seiches, et si lon le mengeue a la fin de table encores que ne nourrissent point scellent lestomach & ferment icelluy.
¶ Avicenne toutesfoys naprouve point a les menger a la fin de table pource quelles se corrumpent facilement & font corrompre aussi les aultres viandes. A la premiere table mengees dit que sont bonnes a lestomach & donnent appetit de menger, & cecy quant sont bien meures. De villa nova dit quon doyt boyre du moust avec lesdites pesches, ou lon doyt menger les pesches avec du moust, & la premiere cause si est pource que le moust est eschauffe et boult en nostre corps, & les pesches a cause de leur frigidite empeschent celle chaleir & ebulicion. La cause de la seconde partie est pource que lesdites pesches sont grandement froides, et pource lon doyt apres quon a menge desdites pesches boyre celuy vin que plus eschauffe, comme est ledit moust. Or la decoction des pesches seiches quant lon boyt icelle
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contregarde le corps des superfluites qui vont a lestomach et au ventre. Et quant lesdites pesches seiches sont pilees & pulverisees et mises sur le lieu ou le sang ne peult estancher elles lestanchent. Et si les fueilles du peschier et la fleur sont pilees & exprimees & le just dicelles est beu gettent les vers et escarides dehors le ventre avec le flux. Et si le just des fueilles seulement est mys dedans loreille de qui que soyt tue les vers & toute vermine qui sont dedans icelle oreille, et ce peult lon essayer es chiens & aultres bestes. Aulcuns ya qui dient que lon doyt boyre apres les pesches de tresbon vin affin que ne se putrifient si facilement. Aultres ya qui tiennent que apres toute aultre viande lon doyt menger lesdites pesches decopees a beaulx lopins & macerees dans le vin pur, lequelles opinions ne sont mye a reprouver, ains sont a louer pour cause que lesdites pesches refroydent les superieurs orifices & bouche destomach Et cecy se doyt faire quant lon a menge rosti au disner ou au souper. Les fueilles du peschier pilees & mises sur le ventre expellissent les vers qui sont dedans icelluy ou certes lestuent. Et se lesdites fueilles sont seichees et mises en pouldre, elles ou ladite pouldre estanchent ou guerissent toutes playes fraiches et senglantes. et le noyau desdites pesches pile avec huyle guerist la douleur de la teste. Et luyle dicelluy noyau ayde grandement a la douleur froyde des aureilles. Il ya aussi des petites pesches que lon appelle crysomoles & sont froydes comme les pesches, & engendrent flegme grosse et visquese. Et pource qui les use nen peult eschaper sans fievre, car sont du tout mauvaises encores que se tiennent a la nature des pesches. Et pour eviter leur malice les convient menger a jeung, boyre bon vin, menger anys, & aultres choses semblables.
¶ Des guyndoles.
LEs guyndoles habondent grandement en languedoc plus que en aultre pays, principale
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ment vers montpelyer. Le Pline nen ayt point mencion en son livre naturel, mais Galien au livre de sa diete dit que lesdites guyndoles sont peu nutritives et sont de dure digestion et engendrent flegme. Isac dit quelles sont chauldes & moistes au premier degre, mais leur chaleur est plus grande que nest leur humidite. Et si lon boyt la decoction dicelles est sain a la chaleur du sang et a la toux chaulde, et doulceur chaulde de la vessie, des reins, poytrine & polmon, & sont mauvaises a lestomach.
¶ Des olives & huyle.
MAintenant conviendroyt selon lordre de la table bailler la rayson de cuyre & composer les potaiges, mais pource quilz sont forment tous mixtes et composes de aulcunes choses simples a ce apartenantes, premierement fault parler dicelles. Et premierement de luyle et des olives, desquelles ya plusieurs especes appelles diversement selon une chascune region. Les olives qui sont verdes & ameres et sont froydes et seiches de leur nature lon les peut confire si lon les taille tout a lentour avec une canne ague & taillant, et faire macerer & tremper icelles dedans leaue fraiche la renouvellant tous les jours jusques ayent perdu leur graisse et amertume. Apres les mettre dedans ung pot de terre & y mettre dessus de leaue qui aut este cuyte et boulie avec du sel et fenoil, ou mettre le sel et fenoil avec lesdites olives dedans ledit pot par beaulx moyens, cest adire ung moyen de fenoil et du sel, et apres dessus lesdites olives et derechief ung aultre moyen dudit fenoil et sel & les olives aultresfoys par dessus, et jousjours ainsi jusques a la fin, et puis y mettre de leaue au tant que puisse justement venir au dessus ou bien pres & les laisser ainsi confire.
¶ Paladius enseigne une aultre maniere de cofection et que nous devons lesdites olives incontinent mettre deans la murie quest eaue fort sallee,
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et la dedans celle dicte eaue les laisser meurir, & apres quarante jours getter ladite murie ou eaue salee dehors, et y mettre deux pars de moust et une de vin aygre avec de la mente menuement decopee, & que ledit pot soyt remply dudit moust & vin aigre selon ce quil y aura des olives, et ainsi se serveront bien. On dit que se peult faire aultrement apres que auront demoure quarante jours a ladite murie les lever & avec une canne les fendre, et si lon les veult aigres deux pars de vin aigre et unepart de moust, et la dedans ledit pot les laisser confire, et quant en vouldras user les trouveras fort bonnes. Aulcuns y acomme il dit qui y mettent de la semence du fenoil & de lanet, &aultres y mettent de la sadriege et des rameaulx de uneherbe appelle origan quest marjolaine sauvaige. Or lesdites olives se mengent communement avec le poisson ou chair rostie quant lon est degouste pour donner appetit. Elles sont toutesfoys de griefve concoction et de petit aliment, et engendrent grosses humeurs glueuses & aulcunes ventosites. Mengees a la premiere table repriment les exalacions & fumosite qui viennent a la teste. Et de leaue salle ou lesdites olives sont confites si lon en lave bien la gorge & les dens fait bonnes gencives et conferme les dens qui crollent. Des aultres qui sont meures et de nature chaulde seiche & moiste lon en fayt luyle, & luyle qui sordist premier mais que lesdites olives ne soyent trop meures eschauffees ne trop brisees a la molle et presse, il est meilleur et plus doulx que nul aultre, & lon lapelle voulentiers huyle vierge, lequel est froid & moiste a bonne odeur et est fort plaisant et condecent a gens sains, & si est bon a lestomach pour la stipticite quest en luy restraint et ferme les gencives et conforte les dens quant lon le tient en la gorge & prohibist la sueur. Or se tu veulx conserver les olives meures pour faire de luyle nou
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veau en tous temps, metz les incontinent que seront cuillies de larbre dedans du miel et les trouveras tousjours aussi fraiches que si partoyent de larbre pour en fayre quant vouldras de luyle frais. Et saiches que luyle est de tant meilleur & plaisant quil est plus frais et nouveau. Et de tant quil est plus vieulx et rance il est pire & de mauvais goust ainsi que dit Pline. Luyle que lon fayt des olives meures encores quil soyt gras & de forte odeur, est toutesfoys plus util a la personne que luyle vierge pour les qualites attrempees de chaleur & humidite, et tel huyle amolist le ventre et le convertist a nature de colere rouge. Lon peult bien garder luyle de trop grant graisse si lon y met du sel & sera trop plus agreable encores si lon lieve les feces & immondices qui sont au fons de luyle, car certes tout ainsi que les superfluites et immondices du miel viennent tout au dessus dudit miel celles de luyle & du vin vont au fons. Et pource luyle qui ayme les exalacions est le meilleur au dessus, le vin au milieu, et le miel au fons. La vertu de luyle est eschauffer le corps, et pour ceste cause Hannibal prince des affricains quant il menoyt ses grans darmes contre les romains au plus fort de lyver quant devoyt passer les mons, apennins il fist oindre tout le corps de ses gens darmes duyle dolive, affin qui lz ne craignissent le froid ne les neges, ains fussent chaulx, plus fors, agilles & promptz en armes. Et par ce moyen il les va conserver et passa les haultes montaignes a tout le froid, bize, neges & gellees, & vint contre les romains & eust victoyre deulx. Je dys pourtant que ledit huyle est util merveilleusement & est approprie contre le froid. Et si lon en boyt a jeung occist les vers du ventre ou les expellist dicelluy, & si est defensoyre contre tout venin, beu avec de leaue chaulde fayt vomir tout venin du corps. Plusieurs aultres especes ya duyle semblable a luyle dolive, comme huyle de noix & aultres, lesquelles huylesje laisse pour le present, car ne sont point de si
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grant volupte a menger et user comme cestuy de lolyve, et par ainsi ne sont point a nostre propos.
¶ Du miel et abeilles.
GRande cure sollicitude et diligence est es abeilles pour faire le miel et la cyre, et encore est plus grande a conserver iceulx. et certes Virgile ne les appelle pas sans cause attrempees, chastes et honnestes, car ne sont point comme les mouches qui se mettent sur toutes ordures et puantises et mengent toutes choses puantes et immondices. Et les abeilles font le contraire qui ne vont jamais ne ne se reposent sur lieux macules puans ne ordeux, ainssur toutes bonnes herbes & fleurs nectes et odorantes. Et encores que plus est sil ya aulcuns qui sentent oingnemens, le vin, ail, ou aultre mauvaise odeur ou soyent entaches & inquines de luxure, & ilz se aprochent desdites abeilles ou mouches qui font le miel incontinent faicte leur congregacion amas et union centre elles, tellement lasaillent, poignent, & deboutent quilz ne si arresteront point longuement. Et fait fort beau veoir et cogiter lordre quelles tiennent pour assaillir icelluy, comme se ce fust ung ost de gens darmes qui assaillent leurs ennemys. Elles ont leur loy et roy entre elles, auquel roy font honneur et obeissance, et a celuy ont leur refuge et layment dune grant amour naturelle, & le defendent et veulent mourir pour luy. Et en quelque part que icelluy roy tire elles le suyvent en tous lieux ne jamais labandonnent jusques a la mort. Et apres sa mort en font et creent ung aultre, le plus grant et le plus fort et le plus bonayre qui soyt entre elles, car il naura point de aguillon, et sil en a il nen usera point par vengence. La viande propre et naturelle desdites mouches ou abeilles ain
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si que dit Paladius, est une herbe appellee le thym que aultrement est dite frigole, lorigan, aussi le sepolet, la sadriege, les violetes, roses, la fleur du saffran, lache sauvaige, le pavot, la fleur du lys, du romarin, des feves, des lentilles, des pois, du basilique, la fleur aussi des orangiers, des amandoliers, du peschier, du poyrier, et daultres plusieurs que je laissepour ceste foys. Et la rozee qui choit, et est le matin sur cestes fleurs elles cuillet et emportent en leurs maisonnetes et en font le miel, et de la fleur dont la cyre. Toutesfoys de tous les mielz nen ya nul que soyt meilleur ne plus prise que celuy qui vient et est fayt du thym, lequel thym croist et est a grant plante et affluance en Sycile et au pays dathenes, et a ceste cause le bon miel et doulx vient de par dela. Et apres cestuy miel du thym ou frigole vient celuy du serpolet, de la sarriete & de lorigan ou marjolaine sauvaige. Le tiers pris est bonne aa celuy du romarin et de la sadriege, et encores que les aultres meilz soyent bons si ne sont ilz pas telz, ne tant loues ne prises comme ceulx que jay dit en bonte, doulceur, ne aussi en couleur, commedit et afferme Paladius. Je laisse a parler du miel despaigne, de barbarie, samye, et de lylle de ponto qui est amer. Et selon aulcuns aucteurs tient en soy aulcune qualite de venin a cause que les mouches ou abeilles qui font icelluy se mettent communement & prennent dune herbe nommee abscinte, & pource quil nest mye bon je men tais, car je nentens point de parler ne mettre en ce livre se nest chose qui face aulcunement a honneste volupte. Encores que icelluy miel soyt bon pour guerir les endardes et aultres taches et immondices qui viennent a la face et sur la peau sui se engendrent dumeurs superflues, et ce quant lon sen oingt et lave le visaige dudit miel. Le miel est celuy seulement qui boute & expellist ses feces et immondices tout au dessus. Et celuy qui est plus grave et pesant celuy est le plus parfait et authentique,
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et est loue au contraire du vin que tant plus est vieulx & moiste est meilleur, et le miel de tant quil est plus nouveau et chault. Toutesfoys plus sain est le miel qui est nuyt que celuy qui est creu, pource quil ne fait pas enfler si grandement ne augmente si forment les douleurs des entrailles, ne la colere comme fait le cru a ceulx qui le mengent. Le miel du prun temps est le meilleur, & celuy destre est meilleur que celuy de autonne, & celuy dyver est le pire pource quil est gros, espes, & na point bonnes vertus comme les aultres. Or le miel est bon quant il est doulx ce quil a au goust aulcune poincte et acuyte a bonne odeur, & la couleur tirant sur le rouge, et nest point trop liquide ne trop cler, ains se tu metz le doy dedans il se tient au doy et vient avec soy. La vertu du miel est chaulde & seiche au second degre & est abstersive & ouvre les orifices des voynes, & resoluist les humidites. Et sil est mis aux ulceres immondes & parfondes y convient merveilleusement, et sil est cuyt et mis sur la peau quest fendue la consolide, & est fort propre & adapte aux corps froidz & moistes, il guerist plusieurs aultres maladies, et ne laisse point putrifier ne pourrir plusieurs corps et plusieurs fruitz pour la vertu quil a en soy conservative comme avons veu a plusieurs confections de fruytz cy dessus au chapitre des pommes, poyres, cytrons, et verrons cy apres au chapitre des noix & aux aultres. Es desirs et goust de la bouche & en plusieurs viandes fayt beaucop. ¶ Magnini dit ce non obstant quil nourrist peu mais ce petit nourrissement du miel est plus chault que nest du succre, et est plus convenient a gens vieulx flegmatiques & qui sont de froide complexion que nest a gens coleriques & jeunes ausquelz nest point approprie. Du dit miel lon fayt loximel quest une confection de vin aigre et miel, et lydromel quest une mixture deaue & de miel que lon baille commodeement a ceulx qui ont la toux. Et se peult faire selon que dit Plaine de vin et de miel ensemble.
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¶ Du succre.
LE succre vient non pas seulement de arabie & indie, mais encores de candie et de cecile. Et dit le Pline que le succre est miel tire & produyt de canne, car le just desdites cannes est doulx comme miel. Et de ce just lon fait le succre par force de cuyre au feu, ainsi comme lon fayt le sel deaue de mer par force de chaleur de soleil. Et ledit succre detant quil est plus blanc et dur, de tant est il meilleur & parfait, laquelle chose se fayt par longue decoction & depurgacion dans la chauldiere. Et le meilleur et le plus espes sen va au fons, et lescume qui ne vault guieres demeure dessus et nest mye si doulx que celuy du fons. Et pource que le succre de tant quil est plus cuyt & depourge est meilleur. Lon dit communement ung bon succre est de troys ou quattre cuytes qui est merveilleusement blanc. Et laultre nest pas du tout si blanc, ains tire sur le jaune et est plus chault que celuy qui est blanc, et nest mye sain a ceulx qui ont fievres agues. Tout succre enfle ung peu, et par especial si lon le mengeue apres aultre viande, car toutes choses doulces enflent de leur nature, et le miel principalement. Le succre aussi se convertist de legier en colere quant lon le baille a ceulx qui sont coleriques, car ainsi comme choses aigres astaignent la colere, ainsi les doulces la croyssent et nourrissent, ainsi que dit Isac. Toutesfoys lon dit que le bon succre de troys ou quattre cuytes est attrempe en ses qualites et est chault et moiste & de bon nourrissement, est util grandement a lestomach, adoulcist toutes exasperacions qui sont dans icelluy & principalement la poytrine & polmon, esclarcist & fait bonne voix, guerist la toux et le reume. Et si lon fayt resolvir ledit succre en eaue & lon boyt icelle, il mollifie le ventre, est bon a lestomach et sain a la douleur de la vessie et des reins, et esclaircist la veue. Oultre plus lesuccre pulverise adoulcist et attrempe toutes
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viandes & espices chauldes & aromatiques. Et pource est il souverainement propre et necessaire es cuysiniers pour attremper & donner bon goust a toutes viandes. En ce noz anciens predecesseurs en leurs mengiers ont eu defaillement de ceste grande volupte, car ilz navoyent point lusaige dudit succre si nest aulcunement en medicines, mais en leurs viandes lon ne trouve point quilz en usassent. Et toutesfoys lon dit communement, jamais succre ne gasta viande, ains por fade et degoustee que soyt il ladoulcist, attrempe, & la fait bonne, saine, & plaisante a menger. Du succre fondu lon en fait la dragee, des amandres pilees et remoillees en leaue, des noysilles aussi, & des pignons, coriandre, anys, canelle, & plusieurs aultres confitures. Et en telle confitures ledit succre passe forment la qualite en laquelle est mys en confection.
¶ Du laict.
LOn dit que la vertu du laict est attrempee pource quelle decline ung peu a frigidite et humidite. Et tient lon que ledit laict pour ceste cause nourrist merveilleusement. Et engendre habondance de sang, conforte le cerveau, proffite a lestomach & polmon, & croist & augmente merveilleusement geniture selon tous medecins. Il ya toutesfoys plusieurs & diverses especes de laict, lung meilleur, plus sain, plus doulx et plaisant que laultre selon la bonte dont est atyre & yssu. Je laisse a parler du laict de femme qui est sur tous aultres parfait en bonte & substance, principalement quant est de femme saine, jeune, belle, et de bonne & attrempee complexion, duquel laict seulement quant sommes petis & en medicines en avons nostre usaige. Mais pour menger a table comme avons de coustume ou au matin il nya laict meilleur ne plus sain que celuy de chievre pource quil ayde et est util grandement a lestomach, tolist les opilacions du foye & lasche le ventre, & si est bon a mal de reins & de la vessie, principalement si lon le boit avec du succre.
¶ Avicenne dit quil
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est fort sain aulx ethiques et a gens maigres, maceres, consommes, & qui ont fievre ethique & cest pource quest attrempe & de grant nourrissement. Dit toutesfoys que le laict danesse est meilleur de tous aultres laictz de bastes ausditz ethiques, pour quil decline a frigidite & humidite, & est plus subtil & penetratif et plus tard coagule, mais aultrement celuy de la chievre vault trop plus. Apres vient celuy des brebis, et au tiers lieu est celuy des vaches. Le laict fait & beu au prin temps est meilleur que celuy deste, & celuy deste vault mieulx que celuy dautonne & dyver. Ledit laict se doit boyre a jeung et lestomach vuyde daultre viande et tout incontinent quest attyre de la chievre, car tout laict est de tant meilleur quil est beu frais & ne se corrumpt point si tost que celuy qui a demoure par aulcun espace despuis que a este tyre de la mamelle & tetine. Et pource sil est refroydi & tu en veulx boyre, le doys ung petit eschauffer & le boyre apres. Et se doyt lon abstenir daultres viandes jusques a ce que ledit laict soyt repose & assis a lestomach, & si nest pas aussi necessaire apres incontinent soy travailler le coprs jusques la prime decoction soyt faicte, car a cause du mouvement & travail du corps il se mesleroyt & seroyt cause de corrupcion. Le laict de bestes qui paissent & mengent herbes fresches & verdes est plus mollificatist & lasche plus le ventre que celuy des bestes qui mengent herbes seiches.
¶ Dyascorides dit que le laict est bon quant est blanc et est de esgalle espesseur, & quant lon le met sur longle ne se diffundist point ains se tient ferme en soy sans couler. Le laict des chievres est moins mollificatif que daultre beste, pource que lesdites chievres mengent herbes & fueilles darbres plus stiptiques que aultres bestes. Et pour cest cause leur laict est meilleur a lestomach que nul aultre. Celuy des brebis est plus espes & plus doulx, & celuy des vaches est plus gras & nutritif, & celuy des anesses & jumens est plus laxatif que nul aultre. Tout laict quant est bien cuyt restraint le ventre, & selon dyascorides tout laict est maulvais a la rate &
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a gens malades, et principalement a ceulx qui ont lepilance, maladies aulx nerfz, et qui ont fievres.
¶ Magnini dit que a ceulx qui veulent user dudit laict est bon mettre ensemble icelluy & adjouster ung peu de miel ou de succre a cause quil ne se corrumpe si facillement en lestomach, & ne se engendrent ventosites aux costes, & que les dens & gencives ne soyent blessees & la teste si tost grevee, car lusaige dudit laict fait douloir la teste & fait lasches les gencives, et est cause de faire putrifier & corroder les dens. Et pource est bon ainsi quil dit apres que aurons prins ledit laict transglutir & boyre ung peu deaue && de miel et gargariser et laver avec ce les dens et la gorge, et semblablement faire apres du vin, specialement pour rincer les gencives et dens. Et si nous doubtons la douleur de teste ne devons point boyre apres ledit laict aulcunement vin si nest que soyt grandement limphe & trempe. Le bon laict doit avoir quattre qualites, cestassavoir odeur, liqueur, coleur, & saveur, doyt avoir premierement tresblanche coleur & odeur gracieuse sans abominacion, et liqueur moyenne entre molle et subtille, et estre doulx sans aigreure ne amertume.
¶ Du caille.
LE caille au prin temps ou deste menge a la premiere table et au commancement de toute aultre viande, nest pas si nuysant que en aultre temps. Et si lon mengeue icelluy a la seconde table ou a la tierce cest a dire apres aulcune aultre viande come lon fait communement il nest mye sain, car il se corrumpt & putrifie facillement, ou tire a soy & en bas celle viande quil trouve indigeste, il se fault aussi reposer et cesser a labeur pour ung espace quant aurons menge dudit caille, affin quil ne se en aigrisse dedans lestomach a cause de la commocion et agitacion faicte par le corps. Lon peult garder ledit caille de se putrifier ou corrompre dedans le corps si lon le met en jonchee, & par dessus icelle lon y met du suc
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cre ou du miel. Toutesfoys nous devons garder de trop continuer ledit caille & laict dessusdit, car la veue en est diminuee & si engendre la pierre & gravelle esrains et a la vessie. Or du megue de la chievre qui est celuy laict cler qui sordist quant lon fayt le fromaige nous en usons seulement es medicines pour quil est laxatif, incisif, subtilatif, abstertif, penetratif, & refresche le foye & le sang, & est voye de purgacion du corps en expellissant les humeurs corrumpues et ouvre les conduys du foye et de la rate. Et ainsi que dit Rasis expellist la colere rouge & ayde grandement a ceulx qui ont roigne & pustules au visaige.
¶ Du fromaige.
ET combien que le fromaige se doyve menger a la tierce table, ce non obstant le lieu seadonne de expliquer maintenant sa vertu & nature, pource que ledit fromaige est fayt du laict, duquel avons fait cy dessus mencion. Et aussi nous est il necessaire a faire et composer plusieurs viandes & potaiges comme verrons. Et pour faire ledit fromaige il convient avoir de bon et doulx caille, lequel caille ne soyt pas fait par trop grant tourneure ou pressure, pource que ledit fromaige ainsi quil advient bien souvant en seroyt trop aigre. Et le fault faire avecques la main que ne soyt ne trop maigre ne trop chaulde, ains soyt grasse charneuse et attrempee. Et avecques tadicte main reduyras a une masse & pille ledit caille & le mettras dedans tes formes, paniers, ou faycelles, et presserans & exprimeras tant icelluy caille dedans lesdictes formes avec tadicte main jusques a ce que tout le megue en soyt sorti et yssu dehors. Et quant ledit fromaige sera desja bien forme et consolide, le mettras en quelque lieu obscur et froyd, ainsi que dit Paladius. Et se tu veulx garder icelluy tu le presseras encores & apres le saleras avec du sel prin. Et de rechief encore une aultrefoys le retourneras presser,
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et puis le mettras en quelque lieu pres la fumee. Et quant aura prins son sel & aura desja quinze ou vingt jours sera bon a menger. Et se tu veulz que ledit fromaige soyt grans ne lieve point la graisse et cresme du laict, ne ne faces point de beurre. Et dois bien aussi adviser que la ou tu mettras ledit fromaige ny entre point de vent, ains soyt lieu clos affin que demeure bien tendre et gras. Le vice dung fromaige est quant il est sec, fistulus, & ocule, laquelle chose advient quant na est bien presse ou sil a este trop sale, ou ait este mys au soleil ou au vent. La dignite et bonte des fromaiges vient & procede des bestes ainsi que avons dit du laict, et aussi des lieux & pays. Car lon dit que le fromaige parmisan est le meilleur de Italie, & fromaige de brie est fort loue en France, fromaige de chauny, de brehemon aussi sont fort bons. Au daulphine lon dit fromaiges de la chartrosse, de lespine, et rozanoys. En bourgongne et en bresse aussi en ya de bons a fondre, pareillement en aulvergne & en craponne ya fort bons fromaiges a faire rosties, & tout ainsi des aultres lieux & contrees du pays selon les bons herbaiges qui sont en iceulx pays lesditz fromaiges sont bons. La qualite & vertu du fromaige est diverse selon quil est et quil a de temps, car le fromaige nouvellement fait est froid & moiste, le salle & qui est desja dur est chault et sec. Mais le nouveau fromaige qui est sans sel nourrist grandement, lieve et tolist la chaleur quest en lestomach, ayde a culx qui crachent le sang, engraisse & mollifie le ventre tempereement & est nuysant totalement es flegmatiques, & celuy qui est salle & frais est de moindre nourriture, et est mauvais a lestomach et es entrailles et ne engraisse point, ains amaigrist & donne ardeur a lestomach, principalement celuy qui est fayt de laict de vache. Aulcuns ya selon que dit Paladius qui mettent aux frais et nouveaux fromaiges de pignons pilles et les meslent avec le laict, et puis en font ledit fromaige. Et aultres y mettent du thym ou ferigole pulverisee, & dit que par ceste maniere
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on peult faire & donner audit fromaige la saveur que lon vouldra luy baillant & adjoignant quelque mixtion que lon veille, comme poyvre, canelle, et aultre condiment que lon vouldra. Le fromaige vieulx restraint le ventre, est de concoction difficile & griefve, nourrist petitement, est contraire a lestomach chault, et au ventre engendre colere, podagres, douleur de coste, la gravelle, & grosses humeurs ainsi que tout aultre fromaige, car ilz sont faitz de la plus grosse & terrestre partie du laict. Mais si lon mengeue ledit fromaige vieux attrempeement apres toute aultre viande & a la tierce table, et le plus petit que lon vouldra il seelle lestomach presse & restraint les viandes comme feroyt ung pressouer, & les fait descendre au fons pour yssir, tollist le fastic des viandes grasses, ayde grandement a la digestion, & repremist les fums qui vont au cerveau. Et en ceste facon est bon a ceulx qui sont sains, mais a gens malades nest aulcunement convenable.
¶ Du sere brosse ou recuyte.
DU megue quest sorti du fromaige lon en faict le sere ou la brosse si lon met ledit megue dedans ung chaulderon, & lon y fayt au dessoubz de feu tout doulcement jusques a ce que la graisse dudit megue viendra tout au dessus de leaue, laquelle lon cuillist avec ung cuillier perce ? Et est appelle brosse, sere ou recuyte, pource que du second laict cuyt il est fayt. Et cest recuyte ou brosse est fort blanche & doulce a menger, toutesfoys nest pas si saine que le fromaige frais, & comme celuy qui a quinze ou vingt jours. Elle est meilleure touesfoys que nest le fromaige vieulx, & que celuy qui est trop salle. Et de ceste brosse ou sere les cuysiniers en usent souvent & boutent icelle & meslent en plusieurs viandes, principalement faites & composees de herbes, comme lon verra cy apres, & cecy pour donner goust en icelles.
¶ Du beurre.
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LE beurre est la fleur & graisse du laict, & le fayt par ceste maniere. Premierement fault avoir du laict frais et icelluy couler diligemment dedans ung pot ou chaulderon qui spoyt estroyt par le bas, et au dessus vieigne en eslargissant en facon dune cloche ou campane. Et icelluy laict quant aura este repose par une nuyt dedans ledit pot lendemain trouveras la cresme & graisse dicelluy qui yra tout au dessus, laquelle prendras gentement avec ung cuiller asses grant, et la getteras dedans ung aultre pot ou vaiceau qui soyt bien estroyt & fort long et estroyt par dessus. Et puis avec ung bastonn a ce expressement fayt pilleras, tourneras, et batras tant icelle dicte cresme jusques que vieigne et soyt reduyte en une masse commme paste molle, laquelle prendras & en feras ton beurre frais en telle forme et facon que le vouldras mettre. Et pour le garder longuement le convient saller tresbien & mettre dedans quelque pot de terre, et en user quant lon vouldra en plusieurs viandes en lieu de graisse ou duyle. Et forment tous ceulx qui sont devers septentrion et occident pource quilz ont faulte duyle dolive, lequel est en grant habonce en regions chauldes & attrempees usent dudit beurre en leurs viandes & potaiges. Ledit beurre toutesfoys se fayt trop mieulx du laict qui est gras que daultre comme du laict de vaches & oueilles. La vertu dudit beurre est chaulde et moiste et nourrist fort, engraisse le corps, amoytist lestomach, et lasche aulcunement le ventre, principalement quant est frais, & ce a cause de sa oinctuosite, mais en user grandement foule et gaste lestomach, et engendre fleumes & catarres & aultres maladies fleumatiques. Et nest pas bon selon Avicenne a ceulx qui ont fievres pource que a cause de sa seule oinctuosite facilement senflambe & augmente chaleur au febricitant. Et pource lon nen doyt point menger en quelque facon que ce soyt grandement par maniere de viande, & ce principalement a la seconde ou tierce table, mais pour confire &
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apprester aultres viandes en lieu duyle est bien convenable. Menge avec des amandres pilees & avec du succre digerist la fleume, tolist la toux froide & seiche, & adoulcist la poytrine & polmon. Et mys dessus aulcunes playes ou poinctures de bestes venimeuses, et pareillement beu est diffensoyre, & forment une triacle contre icelluy venin. Et si lon mesle ledit beurre avec du miel & lon en oingt les gencives des petis enfans il leur fayt naistre facillement les dens sans douleur, et si est bon aux apostemes de la gorge et a ceulx qui crachent le sang.
¶ Avicenne oultre ce dit que si lon boyt grant quantite dudit beurre fondu avec du laict chault est singulier remede contre venin qui est dedans le corps, car il attrait a soy le vomir & fayt yssir hors par la bouche ledit venin.
¶ Des oeufz.
LEs oeufz viennent & procedent forment de tous oyseaulx, mais les oeufz qui a nostre usaige sont plus acommodes viennent des oyes, cannes, pavons, aultruces, & gelines. Toutesfoys ceulx des gelines sont meilleurs & plus sains que nulz aultres, principalement quant sont & viennent par la vertu du coq. Car si aultrement lesditz oeufz sont faitz & conceus par influance daulcuns vens ainsi que plusieurs tiennent, ou par chaleur propre, luxure, & superfluite dicelles gelines, certes ne seront point si sains & savoureux que les aultres, ne vauldront ja aussi a procreer & faire generacion. La vertu des oeufz est temperee & pour ceste cause les medecins tiennent quilz nourrissent bien & grandement. Loeuf a en soy deux choses contrayres, le blanc & le roux, le blanc tire a frigidite, le roux a chaleur. Le blanc est bon a purger playes & restraindre choses lasches liquides & fluantes, comme appert en confitures de viandes & dragees que lon consolide avec ladicte claire doeuf. Et a menger ne griefve pas grandement ainsi que dit Magnini si nest que soyt endurcy, car lors est il de eviter. Mais le roux principalement quant est
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frais, et de geline, perdris ou faisant, & que ne soyt guieres cuyt, car lon le doyt proprement humer. Il entretient & nourrist le cueur & tous les membres, & se convertist a ung pur sang, chault et parfait. Et pource lon dit que ung oeuf frais vault ung restaurant a ung homme vain & a qui le cueur default, mais quil soyt menge a la premiere table, & lestomach repurge daultre viande, pource que ledit roux doeuf se convertist facilement en aultres humeurs. Ledit roux aussi pareillement hume de matin guerist la toux, adoulcist les arteres et les exasperacions de la gorge, & polmon & catarres qui descendent a la poytrine, & fait bonne voix & est aussi grandement util a ceulx qui crachent le sang. Les oeufz cuytz en vin aigre pource quilz sont plus temperes & constipatifs serrent & restraignent merveilleusement le ventre & tollissent lardeur de lorine & les ulceres des reins & vessie. Ou encore a ce vauldroyt mieulx se tu veulx humer le roux dudit oeuf tout cru sans cuyre & sans laubin dicelluy. Les oeufz sont de tant plus savoreux quilz sont procrees de gelines plus grasses et de celles qui sont nourries du grain du froment, orge millet, panic, plustost que des herbes. Et dit Columelle que pour sacier & faire les geline bien grasses & que facent beaucop doeufz & grains, il leur fault donner a menger de lorde demy cuyt & bouli avec des fueilles & semence du lentisque, ou au lieu dudit lentisque y mettre des vesses ou du millet. Et dit encores que les gelines veulent avoir a leurs nidz & la ou elles couvent paille fraiche & souvent remuee, car a cause des puces poulz et aultres vermine qui viennent bien souvent en leurs nidz elles ny veulent aller, & pource la convient lever & y en mettre de fraiche & pondront voulentiers, comme plus amplement en parlerons cy apres au chapitre des gelines. Et dit encores ledit Columelle que si lon veult conserver & garder lesditz oeufz, les convient mettre en yver dedans de la paille, & en este dedans du bran, aultres plus soigneux les pouldrent du sel menu ou les mettent en sel de bacon par troys heures
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puis les lavent & mettent en bran comme dessus est dit ou en paille ou les tenir tousjours en sel ainsi qui lz dient. Or le PLine dit une chose merveilleuse des oeufz que si lon les fait tremper & macerer dedans du vin aigre par quatre ou cinqjours lon les pourra faire passer facilement dedans ung aneau sans rempre, ou les fera lon entrer dedans une ampolle la ou par avant ja mais neussent peu passer ou entrer sans casser. Les oeufz durs sont de grant et forte materie ainsi que dit Celsils, & par ceste cause detarde digestion. En quelles viandes les cuysiniers usent desditz oeufz nous le verrons cy apres en leurs lieux.
¶ Du bacon & chair salee.
LA chair du porceau est tant pleine de humidite quil est impossible de la conserver longuement sans sel. Or ledit porceau est une beste sur toutes aultres gouleue, & pource habonde grandement en sang & chaleur, dont elle requiert naturellement & appete lieux salles, ordeux, & plains de boue ou elle se puisse coucher et voultrer a son ayse dedans. Et ce pour reprimer la chaleur laquelle commeut les des des loups quant ilz lacerent et mengent iceulx demy vifz. A ce lesditz loups ont une astuce naturelle de porter lesditz porceaulx dedans quelque fleuve ou riviere pour refroydir & estaindre ladite chaleur quest en la chair desditz porceaulx. Vairon dit que nya beste qui surmonte en graisse le porceau, & racontre avoir veu en archadie ung porceau que pour la graisse merveilleuse quil avoyt non seulement se pouvoyt lever ne cheminer, mais encore ne sentoit il pas la souris qui luy mengeoyt & rongeoyt sa queue & peau & avoit fait son nyd dedans sa graisse & ses petis ratz. La truye puis quelle a ung an peult porter deux fois lannee, & porte les porceaulx quattre moys dedans son ventre & les nourrist deux moys, et en peult faire a la foys selon que escript Pline vingt au plus, mais nen peult pas tant nourrir.
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Quant les porceaulx ont perdu les yeulx ilz ne vivent guieres, aultrement peuvent vivre jusques a quinze ans, & aulcuns vivent jusques a vingt. Puis que le porceau a ung an lon le peut occire & est bon pour saler, mais devant que lon le tue ungjour par avant ne luy doyt lon point donner a boyre ne a humer aulcune chose, affin que sa chair soyt plus seiche et bonne, apres se fault saler diligemment affin quil ne se putrifie ou sente le rance, et les teignes & vers ainsi quil advient bien souvent se boutent dedans. Et quant tu feras ta saleure tu mettras au fons du vaiceau ou la ou tu vouldras faire ta dite saleure du sel, & expandras icelluy par tout, apres mettras dessus icelluy sel tes pieces dudit porceau, & que la peau & queue aille dessoubz, et la chair en hault, et mettras encores dessus ladite chaire daultre sel que la chair soyt tousjours couverte, et que une chair ne touche laultre, & mettras encores tant que vouldras de pieces & de sel tousjours, come dit est entremy. Et ainsi les lairras bien saler jusques a ce que congnoistras que ta chair aura bien prins son sel, alors la porteras a ton charnier dedans lequel la fumee puisse penetrer, & la tout en hault feras pendre en quelque corde ton bacon & chair salee, et quant vouldras pourras prendre illec du lart, de loinct, sein, jambon, piez, et aultres pieces.
¶ Caton toutesfoys en son livre de agriculture enseigne une aultre facon de conserver lesdites pieces de porceau. Et dit apres quon les aura mises a la saleure comme dessus est dit, & auront la demoure par cinq iours bien jointes & couvertes de sel, le siziesme jour les fault tirer ensemble leur sel, & mettre celles qui estoyent au plus hault tout au fons, & celles du fons au dessus & les couvrir de sel tousjours comme est dit dessus, & apres douze jours les tirer dehors et lever tout le sel, et les pendre au vent par lespace de deux jours, et au tiers jour les laver bien et nectoyer avec une esponge, & les oindre duyle & puis les pendre ainsi a la fumee par deux jours, & au tiers les lever & les oindre de rechief tresbien avec duyle & de vin aigre, & les pendre ainsi a ton charnier & se garderont merveilleusement
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sans que teignes ne vermine aulcune y puisse nuyre. Quant le porceau est nouvellement tue lon en prent plusieurs choses, et principalement la graisse dicelluy pour faire viandes & plusieurs potaiges comme verrons cy apres. Que que soyt ladite chair de porceau fraiche ou salee encores que donne aulcune poincte de menger & soyt fort appetissante si est elle ce non obstant pernicieuse & mauvaise, ainsi que dit Ces lsus, & sur toutes aultres chaires de beste est la plus froyde. Et deves entendre de la chair de porceau domestique, car selle du porc saulvaige a comparaison de la domestique & privee est chaulde & seiche. Or la domestique pource quest moiste & visqueuse mollifie le ventre, et principalement du porceau jeune qui est de laict. Tout porc se corrompt legierement et engendre mauvaises humeurs, & nen deusse lon point user si non ceulx qui ont lestomach froid, et sont de chaulde ou seiche complexion, car a ceulx il donne asses nourrisement quant cuyst bien, mais ceulx qui ont le corps moiste nature et sont remplis de mauvaises humeurs se deussent garder den user, car leur croist et empire leurs humeurs mauvaises, et leur fait venir goutes es piedz & es jambes, et douleurs de flans, et fait venir la pierre & paralysie, & aultres maladies asses. Les porceaulx qui sont de moyen eage comme dung an ou de deux valent mieulx asses & donnent plus grant nourrissement et engendrent meilleur sanf, mais qui lz soyent chastres & nourris de grain. Et de ceulx icy dit Galien, que leur chair est plus nourrissante que nest aulcune aultre. Et les preferist & loue grandement, principalement sil a est nourry aux montaignes & non mye es valles, ne en lieux moistes & pleins de boue. Mais les porceaux qui sont vieulx sont de maulvaise nature, & engendrent sang melancolique, & font venir fievres quotidianes & quartaines, et aultres semblables maladies. Toutesfoys si la chair de porceau est pouldree de sel dung jour ou de deux elle en est plus saine, pource que le sel amende sa malice de visquosite, mais se elle demeure salee ung an ou plus devient chaulde & seiche a
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cause du sel, et engendre maulvais sang, mais elle donne appetit de menger, comment que soyt nous nen devons guieres user, & le meilleur qui soyt au porceau sont les piedz et le groing.
Du sein ou auve de porceau, hoye ou geline.
LE sein ou lauve se fayt de la graisse du porceau, des hoyes ou des gelines par ceste maniere. Et fault premierement choisir ladite graisse, nectoyer et lever toutes les petites pellicules qui sont en icelle, et puis la decoper bien menu avec ung couteau, et la mettre dedans ung chaulderon sur les charbons vifz a petit affin que ne sente la fumee selle estoyt sur la flambe, et y mettras du sel ce que te semblera estre asses. Et quant ladite graisse sera bien fondue, ains que soyt refroydie la couleras dedans ung pot, et icelluy sein ou auve garderas en quelque lieu froid & conserveras pour en use en tous temps que vouldras. Aultres ya ainsi que dit Srapion qui font ledit sein en aultre maniere, & prennent la principale graisse dudit porceau quest pres des reins & la mettent en eaue de pluye froyde, et illec la pirgent bien desdites pellicules, & la macerent, mollifient, dissolvent avec les mains en icelle eaue. Apres la mettent dedans ung potneuf de terre qui tiengne deux foys autant & remplissent icelluy deaue, & sur les charbons vifz a petite chaleur, remainent avec ung baston icelle graisse et la font cuyre, jusques soyt dissolue toute dedans ladite eaue, & puis coulent icelle graisse, puis quest separee de leaue premiere dedans aultre eaue fraiche, et la laissent refroydir. Et apres la tirent de la & mettent aultrefoys dedans le pot en aultre eaue fraiche, & font icelle fondre aultrefoys sur les charbons, & coulent de rechief icelle & lievent les immondices, et mettent cluy sein dedans ung pot qui ait la bouche plus large que le fons, & quant est saichee & coagulee la tirent dudit pot, & ce quest au fons ort et sale gettent, & le remanant mettent en ung pot qui soyt net. Et font dissolvir par aultrefoys et la gettent apres dedans ung pot bien net et la
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laissent illec coaguler, & puis la mettent en lieu froid pour garder. Et se tu veulx aromatiser le dit sein, & que sente bon, fais le boulir aultrefoysavec du vin & y mets des rameaulx du myrtre, du serpolet, du cypres, & aultres herbesou arbres odorans, comme lorier. Et aulcuns dient quil souffist y avoir une des ces especes seulement, et quant aura boulli a la tierce ebulicion fais le couler avec quelque linge net & y metz ung petit de sel et le garde en lieu froid. Or il y a audit porceau plusieurs et diverses sortes et facons de graisses, desquelles diversement les cuysiniers en usent & gardent pour mettre en viandes et potaiges, come la graisse pres des entrailles & des reins dudit porceau, et celle quest pres des tetines de la truye. Des andoilles & saucisses qui se font de la chair dudit porceau. En leurs lieux en parlerons.
¶ Du vin aigre.
LE vin aigre se fayt du vin se le vaisceau ou est ledit vin est vuyde & ouvert par dessus, car lair qui entre dedans ledit vaiceau vuyde attire la puissance dudit vin, tellement que le vin qui estoyt de sa nature chault & bon se evapore, pert sa saveur & se tourne et convertist en vin aigre. Or se tu veulx faire vin aigre diligemment, chauffe acier ou piere et le metz au vin, et que la bouche du vaiceau soit descouverte ou que le vaiceau soyt au soleil par quattre jours & que lon mette du sel au vin. Encores plustost le feras par ceste maniere, pren tel vaiceau comme tu vouldras et lemple de bon vin et puis lestoupe tresbien, & fais ce vaiceau estre en une chauldiere pleine de eaue sur le feu et que leaue bouille longuement & tantost il aigrira. Et se tu veulx que ledit vin aigre soit treffort prens des cornilles quant elles comancent a rougir sur larbre & les moures saulvaiges qui naissent aux champs quant elles commancent a rougir, & des lambrusques cest adire raysins saulvaiges qui viennent entre les hayes avant quelles se prennent a enfler, & des semences des oygnons aigres & fortz, & autant de lung que de laultre, et faites en pouldre de tout ensemble. Et
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puis prenes du plus fort vin aigre que vous pourres & en destrempes celle pouldre & en faites des pains & les seiches bien, et quant vous en vouldres ouvrer vous y en mettres une once si le vin est fort, & sil est foible vous y en mettres plus selon que le vin vous apperra estre fort, et il sera tresfort vin aigre dedans huit jours. Ceulx qui sont moult expers et bons praticiens en ce dient que si en temps de vendanges les grains des grappes seiches sans vin quant sont bien lavees & purgees de toutes immondices & ordures & ostees des escorces, & puis seichees au soleil, & puis que lon les mette en ung vaiceau en telle maniere que il en soyt jusques a la moistie plain, & que lon y adjouste autant de vin, & puis que lon estoupe le vaiceau par dessus tres bien, il deviendra vin aigre tresfort. Et je croy quil y profiteroyt moult grandement qui mettroit les grains par avant en fort vin aigre, & pourra lon tout temps traire le vin aigre pour user, & le nourrir de bon vin. Qui prendroyt racines de rayfort ou des rafles & les seicheroyt & en feroyt pouldre & les getteroyt en vin il seroyt tantost aigre. Ou prenes une herbe appellee osillie & la seiches & en faites pouldre & la mettes au vin & aigrira tantost si que il se pourra faire en table, & aussi se fait de la racine du ray fort. Or ledit vin aigre en quelque facon que soyt fait de sa nature est si tres froid quil estaint la flambe sur toutes aultres humeurs, et si rompt les pierres cailloux & dures roches quest chose bien meveilleuse. Et ce si lesditz cailloux ou roches sont estees premierement cuytes & eschauffees a grant feu a force de boys, & tout incontinent apres lon gette ledit vin aigre par dessus, ainsi que fist Hannibal quant voulcist passer oultre les mons de turyn, & fist chemin nouveau rompant les treshaultes & difficles alpes & roches dytalie par le moyen dudit vinaigre, & vint contre les romains ainsi que dient Polibius, Plutarchus, & Syllius italicus. La qualite et vertu dudit vin aigre ainsi que dit Pline est merveilleuse en refrigeracion & discussion, tellement que si lon espanche icelluy sur la terre incontinent espumera, aussi lodeur dudit vin aigre
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est grande & a grans vertus, car si lon met ledit vin aigre pres du nes il estanchera le singlutir et gardera desternuer, & reveille une personne espamee. Et si lon met du vin aigre une goulee dedans la gorge & lon la tient sependant que lon est aux baings et estuves garde de suer et avoir grant chault ainsi que dit Pline. Or de villa nova dit & Rasis pareillement que lon trouve au vin aigre cinq proprietes, dont la premiere est quil deseiche, la seconde est quil refroydist, la tierce quil macere, & fait lhomme devenir maigre, & la rayson est pource quil deseiche, & cecy est vray principalement quant est prins a jeung, ainsi que dit Avicenne, toutesfoys le prendre ainsi souvent ajeung en surviennent plusieurs inconveniens, comme obfuscacion de veue, offencion de poytrine, commocion de toux, lesion destomach & de foye, et grande oppression de nerfz & joinctures. La quarte propriete est quil engendre melancolie pource quil refroydist les humeurs et les deseiche. La quinte est quil amoindrist lesperme & oste le desir dabiter avec femme, & cecy fait pareillement tout chose aceteuse a cause de linfrigidacion. Doncques les proprietes & vertus dudit vin aigre sont grandes, & les acteurs en dient diverses sentences, car aulcuns tiennent quil est chault & penetratif, laquelle chose preuvent par la grant siccite dicelluy. Aultres y a qui dient quil a en soy plus de frigidite que de chaleur pource quil reprimist la colere & le sang, et rompt et tolist la flegme par la vehemente aigreur quest en luy, mais nous trouvons audit vin aigre diverses qualites & vertus, car adjouste moyennement es choses froides il les rend plus froides, & aux chauldes les rend plus chauldes par sa vertu naturelle quil a ce penetrative merveilleusement, & par ainsi il augmente les qualites des choses comme est dit. Ce nonobstant est nuysible a la vessie & aux melancoliques, grandement a ceulx qui ont les yeulx chacieulx, aux gouteux, aux paralytiques, et a ceulx qui tombent en espasme, ou ont douleur es doys des mains ou des pies, & a femmes qui ont mal de mere, pource que ledit vin aigre fait voye & chemin aux males humeurs pour venir aux
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