Dit 4 : Or sus ! est il ame qui die (MCCCLX)
Cy commence un beau dit des .iiii. offices de l’ostel du roy, c’est assavoir panneterie, eschançonnerie, cuisine et sausserie, a jouer par personnaiges
1 Or sus ! est il ame qui die
2 Que je ne soie plus hardie,
3 Plus amee et plus redoubtee
4 Et plus avant a court boutee
5 Que nul office qui y soit ?
6 Trop fouls est qui ne l’apperçoit : 376d
7 On fait par moy le sacrement
8 Du vin. il n’est esbatement,
9 Joie, soulas ne court pleniere,
10 Ou je ne soye la premiere.
11 Sanz moy se fait petit de bien.
12 Des autres offices n’est rien
13 Au regart de ma grant puissance.
14 Je sers de vin le Roy de France,
15 les ducs, les contes, les barons,
16 Les prelaz par mes eschançons,
17 Les roynes et les duchesses,
18 Les empereris, les contesses,
19 Les dames et les chevaliers,
20 Damoiselles et escuiers,
21 Conseilliers, clrcs et secretaires,
22 Chappellains, gens de tous affaires.
23 Par moi est couléz l’ipocras.
24 Sanz moy valent poy morseaulx cras,
25 Divers desjuners de matin.
26 Vers moy viennent tuit querre vin[1]
27 En poz d’argent et en poz d’or,
28 Et certes si font ilz encore
29 En poz de terre, en poz d’estain
30 Et en escuelles soir et main,
31 Les queux et ceuls de la cuisine :
32 Lys uns hurte, l’autre buisine,
33 Gens viennent de diverses tailles
34 A baris, flacons et boutailles,
35 Qui toudis ne font que hurter,
36 Vin requerir, vin emporter
37 Et boire par le trou de l’uis.
38 Ne je ne sçay comment je puis
39 Souffrir tant de mal et de paine.[2]
40 Ce n’est pas pour une sepmaine, 377a
41 Mais tout temps suy en cest esfroy :
42 Office n’a a court de Roy
43 Qui ait le quart que j’ay d’anuy.
44 Et pour ce nommee [je] suy
45 Et cherie sur tous estas.
Panneterie.
46 A ! dame yvroingne, parléz bas,
47 Qui si les autres despriséz
48 Et contre raison vous priséz:
49 Par Dieu vous vous deussiéz bien taire.
Eschançonnerie.
50 Pour quoy ?
Panneterie.
Pour ce.
Echançonnerie.
Que scez tu faire ?
Panneterie.
51 Je sui celle qui soir et main
52 Gouverne le monde de pain,
53 Les gens de vie corporele
54 Et l’ame d’espirituele
55 Par la vertu du sacrement
56 Qui se fait de flour de froment.
57 Empereurs, roys, contes et princes,
58 Et tous gouverneurs de provinces,
59 Et[3] ceuls qui sont de mere nez
60 Sont tuit de mon pain gouvernéz.
61 C’est la premeraine viande
62 Que chascuns au mangier demande.
63 Mais il n’est nul si mal egrun
64 Comme de toy boire a jeun : 377b
65 On en devient paralitique.
66 Maint homme en est souvent ethique.
67 Qui trop prant de toy, on le fuit.
68 Tu flaires par jour et par nuit
69 Et faiz enyvrer mainte gent.
70 Tu te faiz vendre trop d’argent.
71 Tu faiz batailles et ryos.
72 Uns saiges homs est par toy sos,
73 Car il pert son senz par yvresce.
74 Tu es mainte foiz larronnesse.
75 Tu es gloute et luxurieuse.
76 Tu es homicide et yreuse !
77 Tais toy ! tes corps est entechiéz
78 De tous les.vii. mortelz pechiéz.
79 Je ne sçay pour quoy tu te ventes.
Eschançonnerie.
80 Bien vueil qu’om saiche que tu mentes,
81 Povre chetive boulengiere :
82 Il n’y a bergier ne bergiere
83 Qui ne t’ait a son desjunon.
84 Tu ne sers se meschans gens non.
85 Ceuls que tu sers sont sec et chiche.
86 Tu n’as pouoir fors d’une miche
87 Ou d’un morsiau de pain faitis
88 Donner. tes pouoirs est petis.
89 Plus cras sont ceuls que je gouverne :
90 N’ay je au monde mainte taverne
91 Ou les grans seigneurs vont deduire ?
92 Seufre toy, va ta paste cuire
93 Et porte ton blef au moulin :
94 On aroit pour un pot de vin
95 Plus de pain qu’om ne mangeroit
96 De cy a un moys, qui vourroit.
97 Tu sasses la gruys chascun jour.
98 Tu ne sers que d’aller au four, 377c
99 Quant la farine est destrempee.
100 Tu es laide et enfarinee :
101 Certes tu n’est qu’un droit touillon.
102 De quoy te sert ce touaillon ?
103 Gaires ne voy ceans qui t’aime.
104 Mais par dieu chascuns me reclaime
105 Et me fait requestes souvent.
106 Que vault pain sec en un couvent,
107 S’il n’y a vin pour le mouillier
108 Ou graisse pour l’amolier ?
109 Certes de toy n’est pas grant compte,
110 Qui n’as ors que pain, c’est grant honte.
111 Mais sanz aide [estre] puis par tout.
Panneterie.
112 Par ma foy, bien sçay que li glout
113 Te suirent[4], mais li ancien
114 De toy se passerent trop bien.
115 Et encor li bon et li saige
116 Puent vivre par mon usaige
117 De pain, sanz plus, bien dire l’ose,
118 Sanz jamais mangier autre chose,
119 User fruit, boire des ruisseaulx.
120 Et encor vit pluseurs de ceaulx
121 Qui leur aage mainent a fin
122 Plus droit que ceuls qui boivent vin,
123 Qui souvent en sont langoreux,
124 Desheritéz et maleureux.
125 Car de toy ne pourroit nulz vivre
126 Sanz moy. Fuy t’en, car tu es yvre,
127 Et ainsi quant vient a l’onneur,
128 Le pannetier siet au desseur,
129 En moustrant que suy souveraine.
130 Tu pus, tu as mauvaise ailaine :
131 Il semble a t’eschançonnerie 377d
132 Que ce soit une baingnerie,
133 Tant y a de vin respandu.
134 Mais en mon lieu, bien le scés tu,
135 N’a que beau pain et linge blanc.
136 Je ne suy pas femme de sanc.
137 Mon pain ne fait nullui combatre,
138 Je me puis bien par tout embatre,
139 Car il n’est offices es cours
140 Qui n’ait devers moy ses recours
141 Pour avoir du pain et du sel.
142 J’ay blanche touaille au costel
143 Dont le Roy essue sa bouche.
144 En mon fait n’a point de reprouche :
145 Si je moulz et belute et cuis,
146 Ce ne m’est fors que drois deduis.
147 Il n’y pert quant je suy a table,
148 Mais tu as le vis espantable,
149 Palle, descoulouré, desfait,
150 Graveleux, car li vins te fait
151 Avoir voix grosse et enrrumee.
152 Tu es toudis plains de fumee :
153 Va faire laver tes barriz
154 Qui tressalés[5] sont, ors et vuiz
155 Et ton cuvier a la vaissele
156 Ou l’eaue d’un mois s’ancuvelle
157 et put comme putiaux en rue.
158 Homme n’est qui pain ne mangue.
159 Va dormir : si despureras.
Eschançonnerie
160 Par Dieu, non feray, vieulz fatras,
161 Nappe orde, mouillie[6], trouee,
162 povre touaille renouee !
163 On feroit bien d’un lavement
164 De tes nappes, a un couvent, 378a
165 Bonnes souppes et gras potaige,
166 Tant y a ordure a oultraige.
167 Tes linges sont salles et ors :
168 Qui s’en torche, c’est un remors
169 Puans, qui ordist bouche et vis,
170 En encore baille[s] tu envis
171 Nappe ou touaille, tant soit ordre,
172 Ne tu ne les pans pas a corde,
173 Mais les gettes tout en un tas
174 Sur ton pain qui en est tous gras.
175 Qui[7] veult d’un frommaige mangier,
176 D’un morceau faiz plus grant dangier
177 A acun, quant il le demande,
178 Que le Roy ne fait d’une amende
179 De .ix. livres ou cent.
180 Toute ordure de toy descent :
181 Par rincier sont my baril net,
182 My pot, henap et gobelet.
183 Mais il te fault faire buees.
184 Ains que napes soient lavees,
185 Put en ta chambre li relans,
186 Tes linges sont ors et puans.
187 Nuls ne te suit ne te fait carche,
188 Va t’en de cy, fuy toy, desmarche,
189 Ou tu aras de ceste pinte.
190 Tu es toudis de bran ensinte.
191 On ne te prise un viéz tournois.
192 Chacun vient a moy a la fois
193 Demander le vin de couchier.
194 Homme n’y a qui ne m’ait chier :
195 Se le Roy me fait don par lettre,
196 Il ne me fault fors que promettre
197 Aux clers bon vin, lors me delivrent
198 Et ma lettre tantost me livrent.
199 Mais quant a toy, tu es derrier : 378b
200 Plus ont de pain pour un denier
201 Que tu jamais ne leur donrroies.
202 A moy comparer ne pourroies :
203 Chambellans et varléz de chambre,
204 Et autres dont je me ramembre,
205 Escuiers transchans du coustel,
206 Pannetiers et maistres d’ostel,
207 Chambre aux deniers et l’escurie,
208 Sergens d’armes, la fruiterie,
209 Huissiers de sale, les fourriers,
210 Les requestes, les fauconniers,
211 Les veneurs, les fusiciens,
212 Huissiers d’armes, ci[r]urgiens,
213 Chappelains et clers de chappelle
214 Et sert de l’eau, chascuns[8] m’appelle.
215 Poulailliers, queux et clers d’offices,
216 Potagiers, hasteurs, gens d’espices,
217 Tailleurs, cordoueniers, secretaires,
218 Conseilliers, bouchiers et notaires,
219 Neis la guette qui le jour corne,
220 Chascun d’eulx d’avoir vin m’encore,
221 Au soir, au matin, a toute heure.
222 S’un estrangier vient, je l’oneure,
223 Je le maine boire tout droit,
224 Mais certes nulz ne te congnoit
225 Fors par une povre touaille.
226 Va t’en dormir, et ne te chaille
227 De jamais a moy prandre guerre.
228 Va ton gruis et ton sasset querre,
229 Et donne a mangier aux pourciaulx.
230 Ne te mesle de mes vessiaulx,
231 Va buer ta povre drapaille
232 Et te va couchier sur ta paille,
233 Car se tu m’eschaufes hui mais, 378c
234 Nous averons guerre sanz paix
235 Qui ne sera pas tost fenie.
Panneterie
236 Que feréz vous, saincte jachie ?
237 Tous ceulx que vous avéz nomméz
238 Sont plus a moy habandonnéz
239 Que ilz ne doivent a vous estre,
240 Car il les me couvient represtre
241 Chascun jour deux fois de mon pain :
242 Taiséz vous, tresorde putain !
243 Que vault chars ne poissons salléz,
244 Se li pains n’est tousjours deléz ?
245 Vous meismes pour vous rafreschir,
246 Faictes vers moy le pain querir.
247 Pour groingneter et ramponer
248 Le pain[9], bien le puis reprouver,
249 Qui ainsi m’aléz rabrouant.
Cuisine
250 Et comment, tresorde meschant,
251 Qui tant vous faictes seignourie ?
252 Ne suy je par tout mieulx prisie ?
253 Et plus est grant compte de moy
254 A la court que il n’est de toy,
255 Qui cy as ci long plait tenu.
Panneterie
256 Ordre loudiere ! et qui es tu,
257 Atout ton pot et ta cuillier,
258 Qui portes un si gros chouffier,
259 Que ce semble estre une buisine ?
Cuisine
260 Par ma foy, je suy la cuisine,
261 Plus amee que tu ne soyes.
262 Tousjours vont les gens par les voies 378d
263 A tous grans plas tous plains de souppes,
264 Les eschançons atout leurs couppes,
265 Chambellans [et] tous officiers
266 Sont chascun jour en mes dangiers.
267 Je leur depars de cras lopins
268 De boulli, de tost, de connins,
269 De faisans, d’oes, de chapons,
270 De poucins, lappereaulx, paons,
271 De perdrix et d’autre volille.
272 Il n’a riens de bon en la ville
273 Dont je ne soye devanciere :
274 par moy se fait la court pleniere.
275 Que seroit ce de pain et vin
276 Sanz moy ? le disner d’un coquin.
277 Se je n’estoie, pour certain
278 On vous chaceroit hors de main.
279 De la court je suy laa plus grant.
280 Nuls de vous d’eux ne fraie tant
281 Comme je faiz. je suy la dame
282 Qui saoule tant[10] ne nul n’afame :
283 Je fu de trop bonne heure nee.
284 Par moy est la court gouvernee
285 Et tout son estat soustenu.
286 Cartes tout seroit bien perdu,
287 Se saigement ne gouverneroye.
Panneterie
288 Noire beste, ys hors de ma voye !
289 Tu as les oeulx touz esplouréz.
290 Ton visaige est encharbonnéz
291 Et ta robe est orde et souillee,
292 Et s’as la chemise mouillee
293 De suour, de cresse et d’ordure.
294 Fy ! je ne sçay comment on dure
295 Deléz toy, ne qui mangier ose 379a
296 De ta main pour quelconque chose.
297 Quant la viande est toute crue,
298 Uns paillars, uns souillars de[11] rue
299 Sur un fiens toute plommee,
300 Quant il sa teste gratee
301 Ou son cul. puis la prant aprés,
302 Et l’euvre, puis, un autre est pres,
303 Tous deschaulx, vilz, salles et ors,
304 Qui n’a vestu dessus son corps
305 Qui vaille.ii. sous de tournoys :
306 De telz gens est servis ly Rois.
307 Sa viande va par cent mains
308 Ains qu’il l’ait, encor est ce au mains.
309 Mainte fois quant il la mengue,
310 Demi cuite est et demi crue,
311 On y pourroit prandre la mort.
312 Et si ne pourroit on au fort
313 Disner sanz moy, c’est tout certain.
314 Mais on se disne bien de pain,
315 Et si n’y a pas tel peril
316 Comme en ton mangier ort et vil,
317 Qui va par tant de coquinaille.
Eschançonnerie
318 Certes, il est tou vray sanz faille,
319 Les dyables te font bien parler.
320 Il te fault le vin avaler
321 Chascun jour comme en une tonne !
322 Regardéz la belle personne !
323 il semble, tant est amortis,
324 Qu’il soit du feu d’enfer rostis,
325 Tant est gras, tant a grosse pance !
326 Tu n’es femme que de despence
327 Et dissiperesse de biens, 379b
328 Uns oultrageus, uns ors fiens,
329 Qui ne penses qu’a tout destruire.
330 Avoir veulz le vin a la buire,
331 Car sanz moy seroit tes broués
332 Et tes potaiges tout desfés :
333 En ce te fais je tant d’onneur
334 Que je baille goust et saveur
335 Par le vin a tout ton potaige.
336 Tu ne me fais nul advantaige :
337 Rien ne prise ta janglerie.
Sausserie
338 Ja chi, ja ! est ce mocquerie
339 De vous trois qui tant vous louéz ?
340 je vueil trop bien que vous m’ouéz,
341 Car mieulx vail et suis plus adrois
342 A la court que vous trestous trois,
343 Car bien vous feroie mangier
344 Voz drapiaulx.
Panneterie
Qui est tu ?
Saussier.
Panneterie
345 Fay nous de ton fait les divises.
Sausserie
346 Je faiz sausses de maintes guises,
347 Sausse rapee et cameline,
348 Poivre sanz pouldre et poitevine,
349 Sausse vert, sausse alemendee,
350 Et autre, s’elle est demandee,
351 Et a la queue de sangler
352 Chaude sausse sanz commender,
353 Galentine, sausse a lemproye,
354 Le vert vergus. et toute voye
355 La cuisine vauldroit petit 379c
356 Se ne lui donnoye appetit
357 Par les divers gousts que je fais.
358 Ne paréz devant moy hui mais,
359 Car je vois devant vous sanz doubte,
360 Par mes espices passeroute.
361 Je sens bon, j’oste la puour
362 De mainte viandre et l’odour.
363 Je la faiz bien cuire et confire
364 Et digerer, bien doit souffire,
365 Car se ne fust ma pourveance,
366 Pluseurs fussent en grant doubtance
367 Et en peril de desvier.
368 Mis g’y ay voulu obvier
369 Par mon sens et par ma dotrine.
370 Or vous soufréz, dame Cuisine,
371 Car vous me devéz bien amer,
372 Quant par moy vous faiz renommer
373 Et amender vostre viande,
374 Qui ne seroit ja si friande,
375 Se ce n’estoit mon grand advis.
Cuisine
376 Par ma foy onques mais ne vis
377 Parler varlet ne chamberiere
378 De si orgueilleuse maniere
379 Com tu faiz. atout ton morter
380 et ton pestail va t’en broyer.
381 Qu’on te puist ardoir trestout vif,
382 Lait, dolent, maloureus, chetif !
383 Sanz sausse mangue l’en bien rost
384 Et grosse char, et dist l’en tost
385 A aucun : ―Va du sel querir !
386 Mais il fault ta sausse perir,
387 S’il n’y a char qui s’i affiere.
Sausserie 379d
388 Vous mentéz, tresorde loudiere.
389 Ma sausse se puet bien tenir,
390 Mais il fault vostre char pourrir,
391 Quant el[12] n’est en sausse boullie.
392 Mon fait com le vo ne put mie,
393 Car qui garde vo char deux jours,
394 Lors y est grande la puours.
395 Mouches te suivent et vermine.
396 Il ne me fault c’une estamine,
397 Un petit mortier, un pestail,
398 Et pour ce je di que mieulx vail
399 Que vous trois ne pouéz valoir,
400 Et me doy desur vous seoir,
401 Et vous me devéz obeir.
Eschançonnerie
402 Comment oses tu si mentir ?
403 Il fault je te baille verjus,
404 Vinaigre, vin et autre jus
405 Pour destremper ta sausserie,
406 Ou ja ne seroit assaucie.
407 Sans moy ne faiz chose qui vaille.
Panneterie
408 Aussi fault il que je lui baille
409 Du pain pour rostir, c’est tou vray.
410 Rien ne puet sanz moy, bien le sçay.
411 Vous aussi, non fait, la Cuisine.
Eschançonnerie
412 Vous y mentéz, dame Farine.
Panneterie
413 Mais vous, orde yvrongne prouvee.
Eschançonnerie
414 Vous averéz ceste colee 380a
415 Et ce lopin de ce pot cy.
Panneterie
416 Ha dya ! te joues tu ainsi ?
417 Je vueil jouer : tien ceste briche !
418 Maintenant sçaras se ma miche
419 Est levee de bon levain.
Eschançonnerie
420 Par la mort Dieu, vieille putain,
421 Je vous prandray par mi la gorge
422 ne vous n’aréz froment ne orge
423 De ce mois, qu’il ne vous souviengne
424 De mon fait. Mais que je vous taigne,
425 De nous deux sçaray qui vault mieulx.
Panneterie
426 Se je ne te crieve les oeulx,
427 Orde ribaude, ces deux doys,
428 Je vueil et octroy que li Roys
429 Ne face jamais de moy compte.
Cuisine
430 Ho ! par ma foy, c’est tresgrant honte
431 De compbatre ainsis ne noisier.
Eschançonnerie
432 Vouléz vous les tors radrecier,
433 Gloute panciere, vil et orde ?
434 Ainçois mais que de vous estorde.
435 Vous donrrai je si en la pance
436 Que vous ne feréz la despense
437 De ce mois a la court royal.
438 Or tenéz ce memorial,
439 Et s’aréz ce coup d’escremie,
440 Encor cestui pour vostre amie.
441 Vous faut il a moy barguignier ? 380b
Cuisine
442 Vous aréz de ceste cuillier
443 Et de mon poing sur le musel.
444 Tant vous bateray vostre pel
445 Que il faulra de vin un baril
446 Pour vous getter de ce peril.
447 Je ne vous vueil plus espargnier.
Sausserie
448 C’est mal fait, vueilléz tout laissier,
449 Dame Cuisine, a ma requeste,
450 Ou vous aréz par mi la teste
451 Incontinent de ce pilet.
Cuisine
452 Vous avéz un pou trop dep let,
453 Mais par saint Poul, ors moustardiers,
454 Vous aréz ce coup tout premiers
455 Et cestui, puis que c’est au batre.
Sausserie
456 Je croy que j’ay a faire a quatre.
457 Cuisine, de ceste pilette
458 Broyéz vo puree de bette :
459 Vous aréz ce tour de baston.
Cuisine
460 Haro ! prenéz moy ce garçon,
461 Sergens, [et vos,] huissiers de cale :
462 Colee m’a donné trop male :
463 J’ay la teste toute estonnee.
Huissier de salle
464 Je vous praing en present meslee :
465 Vous vendréz au maistre[13] d’ostel.
Sausserie
466 Tu pourras bien avoir d’un pel,
467 Se tu ne te retraiz arriere. 380c
Maistre d’ostel
468 Ho la ! j’ay oy la maniere
469 De vos esbaz, n’en doubtéz mie.
470 Bien sçay que l’Eschançonnerie
471 A grant pouoir par son donner,
472 Et le Pain fait a honourer.
473 La Cuisine fait chaude bouche.
474 Si fait la Sausse, qui y touche,
475 Bonne saveur avoir aux dens.
476 Advis m’est que ce sera sens
477 Que vous soiéz amis tous quatre,
478 Et ne vous vueilléz plus debatre,
479 Car il ne fut ne hui ne hier
480 Que l’un n’eust de l’autre mestier.
481 Souffise a chascun son estat.
482 N’aiéz plus ensemble debat :
483 Departéz vous en bonne paix.
Tous quatre
484 Nous le voulons, acors est fais.
485 Chantons donques a chiere lie,
486 Sanz plus debatre ne tencier[14] :
487 Avec bonne compaignie
488 Fait il bon joye mener.
[1] Ms. le vin
[2] Vers doublé par le copiste
[3] Ms. Et tous
[4] Raynaud corrige en suivent
[5] Raynaud corrige en tresalés
[6] Ms. Orde mouillie nappe trouee ; Raynaud corrige en Noppe orde, mouillie et trouée
[7] Ms. Et qui
[8] Ms. tout
[9] Ms. vin
[10] Raynaud corrige en tout
[11] Raynaud corrige en la
[12] Ms. elle
[13] Ms. maistres
[14] Raynaud corrige en tenser