phf

[181a]

22322       Que pluseurs n’avoient point chiere,

22323       Ne gentilz homs n’estoit il mye,

22324       Ne ne fu oncquez en sa vye.

22325       Mais on l’en cuide auctorisier

22326       De ce dont fait moins a prisier.

22327       Tout adez a Dieu il tendoit,

22328       Et tousjours au ciel regardoit.

22329       Maint bien sont de lui recité.

22330       Il chevaulchoit par la cité,

22331       Menoit son estat bel et gent

22332       Avec[1] grant compagnie de gent.

22333       Une femme lui aparut,

22334       Devant tous aprez lui courut,

22335       Dedens la presse se bouta,

22336       Chevaulx ne peril ne doubta.

22337       Voyans tous, par l’estrier le print,

22338       Et oyans tous, elle lui dist :

22339       « A toy et a Dieu me conffez

22340       D’un ort, vieulx, puant, pesant fais

22341       Ou j’ay par malvaistié cheü.

22342       J’ay de mon filz ung filz eü

22343       Par ma tresmalvaise luxure

22344       Et par ma tresmale aventure.

22345       De ce conffessïon te <re>quiers,

22346       A Dieu et a toy le requiers. »

22347       L’evesque vit s’intencïon

22348       Et congnut sa devocïon,

22349       Et lors dist il : « Femme, vas t’en,

22350       Et tous les venredis, <de> cest an,

22351       En pain et eaue juneras.

22352       Et par ainsi quitte seras,

22353       Ne t’en reprendra <ja> l’Ennemy.

22354       Vas t’en, et si prie pour my. »

22355       Celle s’en part toute avisee.

22356       Quant de icil fut dessevree,

22357       Pensa qu’il n’eust entendu mye

22358       Son pechié et sa grant folye.

[181b]

22359       « Car se bien entendu l’eüst,

22360       Plus grant penance donné m’eust :

22361       Plus de paine y ay desservie.

22362       Ne m’a entendu n’y oÿe.

22363       Par Dieu, a lui encore iray

22364       Et hault oyant luy compteray. »

22365       Lors s’en va, et de lui enquiert.

22366       Tant l’a cerchié et tant le quiert

22367       Qu’en une ville ou il estoit,

22368       Et ung corpz en terre metoit.

22369       Hault escrïa a tous veüx.

22370       « Evesque, tu m’as decheüx.

22371       Je t’ay dit, encore le dis :

22372       Ung enffant ay eu de mon filz

22373       Par ma malvaise gloutonnie

22374       Et ma desordonne[e] vie.

22375       Ung an, m’a[2] donné vendredis.

22376       N’entendy[3] pas ce que tu dis. »

22377       L’evesque ce a reveü.

22378       Si en a grant pitié eü,

22379       Lors dist : « Demy an juneras,

22380       Et par my ce quitte seras.

22381       Va a Dieu qui ait a toy part ! »

22382       La femme adont d’illec se part.

22383       Quant elle fu o sa maisnie :

22384       « Or suis, dist elle, bien mocquie !

22385       Ung an devant m’avoit donné.

22386       Pour demy an m’a pardonné !

22387       Pour voir, ne m’a pas entendue. »

22388       Encor s’en reva en la rue :

22389       « Evesque, tu [ne] m’entens mye.

22390       Je te fy, j’ai fait tel folye.

22391       Je le vaulx, et ainsi l’ay fait. »

22392       L’evesque regarda le fait

22393       Et aussi sa devocïon

22394       Avec sa grant contrictïon :

22395       « Femme, dist il, Dieu qui tout donne

22396       Ses biens et tous pechiez pardonne,

[181c]

22397       Quant de bon cœur a lui l’en voit,

22398       Icil Dieu, femme, te pourvoit,

22399       Te doint paix et grace te donne !

22400       Ou nom de Dieu, je te pardonne

22401       Et absoubz de cestui pechiez. »

22402       La main lui a mis sur son chiefz.

22403       Adoncquez tout lui pardonna.

22404       Atant la femme s’en ala.

  • 56

En ce temps, fut, comme l’istore de Balaan et de Jozaphat qui estoit filz du roy d’Inde, laquelle conversion fu monlt merveilleuse, et comment Josaphat converti son pere, aprez la mort duquel Jozaphat laissa le royalme, et s’en alla au desert avecques Balaan qui l’avoit converti.

Cestui empereur Valent regnoit es parties d’Occident, et eult une maladie qui s’apelle apoplisie.

Et Valentinien regnoit es parties d’Orient.

Ce Valent fu monlt malvais, et enchercha une fois qui aroit son empire aprez lui et le deable lui bailla ces quatre lettres : T.E.O.D., ne aultre<tre>ment ne lui respondi.

Valent fist tuer tous ceulx qui avoient ces quatres lettres en leurs noms, car il se doutoit que aucuns d’eulx ne lui ostassent son royalme.

Si furent ochiz tous ceulx qui orent nom Theodore et semblables, et pour ceste cause, pluseurs firent muer leurs noms.

  • 57

En ce tempz, Jozimas[4], homme de grant saintteté, trouva ou de-

[181d]

sert Marie l’Egipcïenne  qui est appelee Pecheresse.

Itemp en ce temps, fut sainte Marine, qui demoura en habit de moisne avecques les moisnes, et oncques ne fust congnue estre femme jusquez aprez sa mort.

Car il advint que la fille d’un riche homme conchupt qui demouroit assez pres de l’abbaye, ou Marine demouroit, laquelle on appelloit frere Marin ; et conchut celle fille d’un chevalier, mais elle dist que ce avoit fait Marin.

Et comme l’abbé lui demandast comment il avoit ainsi scandalisié les moynes en faisant si grant malefachon, Marin respondy :

« J’ay pechié, si en voeul faire penitence. Pere, prie pour moy. »

Si fut mis frere Marin a la porte, pour la faire sa penitence, et tout ce que on lui conmandoit, elle faisoit prestement.

Or advint que elle morut, et puis on le dit a l’abbé.

Adont dist l’abbé :

« Comme il estoit grant pecheur qui ainsi est mort, je me doubte qu’il ne fust pas bon crestïen. Alez le lever, et l’enterrez loings du moustier. »

Et quant ilz laverent le corpz frere Marin, ilz trouverent que c’estoit une femme.

Si furent tous esbahis de sa grant humilité et de grant pascience, et se repen-

[182a]

toient forment de ce qu’ilz lui avoient fait.

Puis fist Nostre Seigneur maint miracle a son sepulcre.

  • 58

En ceste meisme maniere converssa sainte Eufroline[5] qui fust apellee frere Maradez en abit de moisne et conversa avec les moisne[s] .xxxviii. ans, et demouroit en une selle de laquelle elle n’yssoit point, car l’abbé lui avoit deffendu qu’elle ne se monstrat point, pour ce qu’elle avoit beau visage, si de doubtoit que les freres pour l’ocasion de lui ne eussent tamptacion aucune.

Et comme le propre pere de la fille, qui avoit nom Pafonce, querist sa fille et n’en pooit oyr nouvelles, d’aventure il vint a celle abbaye ou elle estoit, et pria a l’abbé qu’il fist oroison a Dieu qu’il peust trouver sa fille ; laquelle chose l’abbé lui ottroya.

Et avecquez ce il lui dist qu’il le feroit parler a ung frere de monlt grant contemplacion et cuidoit bien qu’il trouveroit grant confort en lui ; et c’estoit sa fille de quoy il lui parloit.

Et alla Parfonce parler a sa fille, mais point ne la congnut.

Lors conmença la fille a parler de la beneureté de Paradis et conment on y vient par ausmones et par pacience et par mesprisier cest monde, et

[182b]

que l’en ne doit pas plus amer ses enffans que elle.

Telles paroles ouyes ou senblables, Parfonce se parti de luy.

Or advint le terme que Nostre Seigneur voult prendre a soy sa vierge Eufroline[6], qui acoucha malade au lit.

Lors vint Parfonce pour la visiter, car grant conffort avoit trouvee en lui.

Et quant Parfonce la trouva si grief malade, il fu monlt courouchié.

Et ainsi comme Parfonce se gramentoit et recordoit sa doulleur et de ce que icellui ou il trouvoit si grant doulceur et si grant reconfort et consolacion, estoit en dangier de mort, il fu tant dollent et troublé qu’il ne sceut oncques parler a lui.

Adoncques Eufroline[7] dist a son pere :

« Pere, je suis ta fille, que cuidoies avoir perdue : si te prie que tu faces a celle abbaye tous les biens que tu porras. »

Et en disant ce, quant elle se ot reconmandee a Dieu, rendi l’ame.

Lors Parfonce du grant esbahissement qu’il eult, chey pasmé, ainsi comme se il fust mort.

Et tantost Agapite, qui estoit abbé a Euphroline, dite Maradez, entra en selle et trouva Maradez, mort et Parfonce tout pasmé, si print de l’eaue et lui lava la face ; et revint Parfonce a soy et dist que celle estoit sa fille.

Sy fut le cry grant

[182c]

par l’abbaye.

Et ung homme qui avoit l’oeul perdu, si tost comme il ot baisié le corpz, il recouvra sa veue.

Et Parfonce vesqui puis ou dit lieu par l’espace de dix ans, et y donna maintes possessions.

  • 59

Avec Valentin[8] regna Gracien.

En cellui tempz, regnoit sur les François Prian, qui fut le premier roy sur eulx, quant ilz orent laissié Cycambre et s’en furent venus en France.

Et pour ce qu’ilz surmonterent une maniere de gens nonmés Alins, qui faisoient grant enuy a l’empire, pour ce Valentinien les appella François, qui vault autant comme gens de grant courage en grec.

Mais les aultres [dient] qu’i[9] sont appellés du prince qui avoit nom Francion.

Et les aultres dient que pour ce ilz sont appellez François, car aprés ce qu’ilz furent departis de Cycambre, ilz s’embatirent en une partie d’Allemaigne qui a a nom Francoine.

Comment qu’il aille, c’est certain que entour l’an de l’Incarnacion Jhesucrist trois cens .lx. et .xxi. ans, ilz vindrent en France de leur nom, et regna sur eulx Prian, non pas cellui qui fut roy de Troye, mais ung aultre Prian qui estoit descendu d’Hector, le filz de Prian, roy de Troye.

Aprés Prian regna son filz qui avoit nom Marcomis, et dura le royalme par celle generacion

[182d]

et succession de filz a pere et de frere a frere par .xxxiiii. roys.

Et puis regna Pepin, le pere au roy Charlemaine qui estoit monlt eslongnié du sang aulx roys.

En ce temps, les Anglois estoient une maniere de gent de Saxoine, faissant monlt d’assaulx aulx Bretons, et finablement ilz les mirent hors de Bretaigne,qui estoit appellee de leur nom.

Lors quant les Anglois les eurent tués et chassiez hors de Bretaigne, ilz l’appellerent de leur nom Engleterre.

  • 60

Aprez la mort Gracien, tint l’empire de Romme Theodose qui regna .xi. ans.

En cellui temps fu saint Mamille[10] evesque d’Angiers, du quel les fais sont merveilleux.

Et entre les aultres miracles qu’il fist il resucita ung enffant qui avoit esté .vii. ans ou sepulcre.

En ce tempz, saint Ambroise trouva par revelacion les corps saint Gervais et saint Prothais.

En ce tempz, fu saint Jehan qui fut apellé Bouche d’Or, qui premier fu prestre en Anthioche, et puis fut patriache de Constantinoble.

Il fut de mont grande excellence en exposant la sainte Escripture, et eut monlt a souffrir de ceulx de quoy il corrigoit les maulx et meurs.

  • 61

Nous a-

[183a]

vons dessus parlé de saint Augustin et de saint Martin de Tours, qui furent en ce tempz, regnant Theodose.

Le chief saint Jehan Baptiste fut trouvé et translaté a Constentinoble.

En ce tempz, fu Prudesce[11] le poëte qui fist des Vertus et des vices et monlt d’aultres ditz proffitables aulx meurs.

En ce tempz, nasqui ung enffant en Emaülx, ung chatel de Judee, qui tous ses menbres du nombril en haut avoit doubles, car il avoit deux testes et deux pis, et aucunes fois l’un mengoit, et l’autre ne mengoit pas, aucuneffois mengoient ensenble, et feroit aucunes foiz l’un l’autre.

Ilz ne vescurent que deux ans, et morut l’un devant l’autre quatre jourz.

  • 62

Aprés Theodose, fut Honoré regnans, et tint l’empire .xv. ans, et fu filz d’icellui Theodose.

En ce tempz, fu Romme prinse et mise en la subgeccion du roy d’Auffricque.

  • 63

Aprés cestui Honoré, fust empereur de Romme Theodosius, son frere, et tint l’empire .xxvii. ans.

En ce tempz, avoit saint Augustin d’eage .lxxvi. ans.

En ce tempz, regnoit le roy Artus et la roÿne Genevre, sa femme lequel roy tint la Table Ronde ; dont il est grant renommee.

En ce temps, saint Ylaire estoit pappe de

[183b]

Romme, qui fut monlt saint homme.

Merlin fut regnans en ce tempz, qui fut monlt sage et qui fist monlt de merveillez, et fu natif de Bretaigne.

  • 64

Aprés cestui empereur, vint Marchïens qui regna .vii. ans.

En ce temps, regnoit Theodorus, qui fu roy de France.

Et Coulongne avoit nom Agrapine, et on apelloit le Rin la Dyone.

En ce tempz, furent les cités et les bonnes villes devers Coulongne prinses des Turcz.

  • 65

Aprés Marchïens, vint Leon, et regna .xvii. ans.

Cestui Leon fist prendre a Romme toutes les belles ymages que les anciens Ronmains avoient fait faire, et les fist mener a Constantinoble.

En ce temps, fu esleu pappe Suplicinus.

Icil fist constitucion que nul clerc ne portast bigarure, c’est a dire habit de deux couleurs, ne qui fust royé, sur paine d’excommuniment.

  • 66

Aprez Leon, vint Zeno, qui tint l’empire .xviii. ans, et l’an Dieu .vc. et .xi.

En ce tempz, vindrent Sarrasins a grant compagnie en Bretaigne, pour destruire la loy crestienne.

En ce tempz aussi, vivoit sainte Geneviesve.

Saint Germain et saint Leu, son compagnon, estoient adoncquez vivant, lesquelz s’en allerent en Bretaigne pour la foy

[183c]

payenne effaichier.

En ce temps, fust Anastaise pappe, qui sist .xi. mois et .xx. jours.

Et aprez lui, fu pappe Simacus.

En ce tempz, vivoit saint Remy qui convertist a la foy crestienne le roy Clovis, qui fu le premier roy crestien qui fust en France, et avoit esté .xxxii. ans sarrasin devant qu’il fust crestien.

Cestui roy Clovis vint anciennement, et fust extrait de Troye la Grant.

Adont conmença France a venir a clarté et a lumiere de la foy crestienne.

En ce [temps], demouroit Boëce en Ytalie, qui fu grant philozophe.

Saint Arnoul et saint Legier estoient en ce temps en France, qui la menoient bonne et sainte vye.

Sainte Coheut[12] qui fu femme du dit roy Clovys, estoit, vivant, femme de grande sainteté et de bonnes vertus.

Cestui Clovis fu filz Clodovant, qui devant lui fu roy de France, mais oncquez ne fu crestien.

Saint Remy fu nez par l’anunciacion de l’angle, et par ainsi est apparant qu’il fut tousjours bon amy de Dieu.

  • 67

Aprés Zeno, fu empereur Anastaise qui tint l’empire de Romme .xxvi. ans.

En ce temps, furent en Cartage deux evesquez qui blasmoient et disoient monlt de honte de la glorïeuse Trinité, disans publicquement qu’il n’estoit pas

[183d]

possible qu’il fust ung Dieu en trois personnes.

L’un des deux evesquez ot nom Olinpius, et l’autre Octianus.

Mais ceulx a qui ilz preschoient cestui erreur, veirent ung jour venir devant eulx trois feux qui devant tous ceulx qui la estoient, esprindrent les ditz deux evesques et les ardirent.

Dont le peuple fut monlt espoeuentés, et aourerent adont la glorïeuse Trinité.

En ce tempz, estoit Theodosius roy de toute Ytalie et de Lombardie, et demouroit Boëce avec lui, lequel l’endoctrinoit en la foy de crestienté.

Simacus estoit adont pappe, comme dit est, lequel fut monlt joieusement en grant lyesse, quant il sceut que saint Remy eust baptisié le roy Clovis.

  • 68

Aprés, fu empereur Justinius[13].

En ce temps,estoit sainte Bride en Escoche, laquelle enchaynna le deable et luy fist monlt de paine.

En ce tempz, estoit en Sezille ung clerc nommé Theophilus, lequel pour revenir a son office renoya Dieu et la Vierge Marie, et s’obliga au deable par lettre escripte de sa main et de son propre saing.

Mais depuis, par le moyen de la glorïeuse Vierge Marie, il reüst la lettre, et se rapella, et fu repentant de son pechié.

 [184a]

En ce temps, moru saint Remy en l’eage de .lxii. ans.

Cestui Justinius[14] regna .ix. ans.

Cil fist ardoir pluseurs herites et condempna Theodosius, roy de Ytalie devant dit, pour ce qu’il estoit herite, mais se le dit Theodosius eust creu le bon Boece, il ne luy fut pas advenu.

  • 69

Aprés, vint Justinius le second[15] qui fut empereur .xxviii.

ans, au temps du pape Agripit.

Cil fu monlt sciencieux, plain de hardiesse et monlt doubté, et fist pluseurs constitucions et maint beau livre qu’il bailla aulx estudians.

Il cercha toutes les loix de Romme et osta les malvaises et auctorisa les bonnes.

Il fist une loy entre lez aultres que quicunques copperoit ung bras a ung autre, il aroit un bras coppé ; et ainsi semblablement des autres menbres.

  • 70

Thiberius fut aprés empereur, et tint l’empire .vii. ans

Et aprés lui, regna Henrry[16] qui tint l’empire .xx. ans.

En ce tempz, vivoit saint Gregoire, qui fut ung souverain docteur de sainte Eglise.

Icil fut cellui qui fist les Omelies de Job, et fut de la lignie de Romme.

  • 71

Aprés, fu empereur Eracle qui rengna .xxx. ans.

[184b]

En ce temps, fu saint Leu, evesque de Sens en Bourgogne, qui fut de merite et fist monlt de miracles.

En ce temps, advint que comme une des cloches de Saint Estienne eust a merveilles melodieux son, le roy Clotaire conmanda qu’elle fust apportee a Paris, pour ce qu’il l’oyst plus souvent, laquelle chose despleut monlt a saint Leu.

Si advint tantost que la cloche fust hors de la cité de Sens, elle perdi son son.

Et quant le roy sceust ceste chose, il la fit reporter a Sens.

Et quant la ditte cloche fut ou millieu de Sens, elle recouvra son son.

Si vint saint Leu au devant de la cloche a grant compagnie de clercs chantans.

Ou .ve. an de l’empire Eracle, les Perssans que nous appellons maintenant Sarrasins prindrent Jherusalem et gasterent toute la terre de Jherusalem, et le patriarche mirent en chetiveté, et emporterent la sainte Croix.

Toutesvoies Cosdrus, le roy de Perse, n’osa oncquez prophaner ne faire violence au Sepulcre Nostre Seigneur.

Laquelle chose quant Eracle [sot], il fist tantost son filz Auguste, qui avoit nom Constentin, lequel Eracle mena grant ost encontre Cosdrus, et portoit le dit empereur une ymage de Nostre Dame qui ne estoit point faite de main d’homme.

Lors quant Cosdrus sceut la venue

[184c]

de l’empereur, il s’en fouyst, et fut tout l’ost de Cosdrus desconfit, et recouvra l’empereur toute la terre que les Persans avoient prinse.

Et ala l’empereur jusquez ou lieu ou estoit Cosdrus seant en ung trosne merveilleux, et mist la sainte Croix emprez lui monlt hounourablement.

Et lors l’empereur dist en telle maniere :

« Pour ce que tu as hounouré le fust de la vraye Croix Jhesucrist, se tu voeulx croire en icellui et que tu voeullez estre son sergant et le confesser devant moy, je te ottroyeray la vye et le royalme de Perse ; et se tu ne le voeulx faire, je te dis que tu morras tantost de ce glaive cy. »

Et comme Cosdrus n’en vault rien faire, Eracle l’alla tantost decoller.

Sy prinst l’empereur le fust de la vraye Croix, et a grant solempnité l’emporta en Jherusalem.

Or advint que ainsi que l’empereur descendoit de la montaigne d’Olivet et venoit en Jherusalem, vescy que les pierres de la porte par ou il voulloit entrer se vont assembler et clorre et faire ung mur, que l’empereur n’y peult entrer ; et lors furent esbahis.

Mais ainsi comme ilz leverent les yeulx en hault, ilz veyrent ou ciel le signe de la Croix resplendissant comme feu.

Et tantost ung angle prinst celle Croix, et dist ces parolles :

[184d]

« Quant le Roy du ciel pour aconplir sa Passion entre par celle porte, il n’estoit pas vestu de pourpre, ne n’avoit point de couronne d’or en son chief, ne ne se fist pas porter a ung grant cheval, mais sur ung petit asne, pour monstrer humilité a ses serviteurs. »

Et ce dist, l’angle monta ou ciel.

Adont l’empereur qui ot joye des paroles de l’angle et de sa venue et de sa veüe, osta tout aornement imperial, et se deschaussa, et se desveti la robe qu’il avoit vestue et en prinst une aultre qu’il chaingny d’une corroye de lin tout seullement, et prist la sainte Croix entre sez mains, la face toute arousee de larmes, les mains et les yeulx eslevez ou ciel.

Et quant il fu prez de la ditte porte, les dittes pierres se vont desjoindre, et duretté de pierres obeist a la voulenté du ciel, et donnerent aulx entrans franche et large entree.

Lors tantost une si grande et si souefve oudeur s’espandi par toute la cité qu’il sembloit que tout l’aer fust plain de bausme.

Sy remist le glorïeux empereur la vraye

en son droit lieu, en disant en telle maniere : « O Crux splendidior astris ! » 

  • 72

En ce temps, fu crollement de terre monlt grant,

[185a]

ou tempz d’aoust, et vint aprés si grant pestilence ou peuple d’Orenge que l’un ne congnoissoit et especialment nul ne recongnoissoit son mort.

En cellui tempz, le .lxviie. pappe de Romme fut Boniface, nez de Champaigne, qui ordonna que nul ne fust traict par force de l’eglise.

En ce tempz, fu saint Pharaon evesque de Meaulx, et sainte Phare, sa seur.

En ce tempz, flourissent pluseurs sains en France, entre lesquelz fut saint Columbain, saint Valere, saint Hyldennice, evesque de Meaulx ; item saint Austregelere, evesque de Bourges ; item saint Souplice, son confesseur.

En ce temps, flourist en Espaigne saint Ysidoire, evesque d’Espalle, laquelle est orendroit apellee Sebille.

Cest Ysidoire fist monlt belles escriptures proffitables a sainte Eglise, entre lesquelz il fist le Livre de Ethimologie, et compila les Decrez Gracien, desquelz l’en use aujourd’huy.

  • 73

En cellui tempz, tenant l’empire de Romme Eracle, regnoit en France Dangobert, qui fu monlt debonnaire aulx François, et monlt de belles ausmones fist aulx povres eglises de son royalme.

Ou temps Dangobert, l’eglise de Saint Denis en France fut monlt merveilleusement dediee de

[185b]

Nostre Seigneur Jhesucrist.

En tesmoing de la ditte dedicacion, ung mesel qui la vit dedier par nuyt fu guery par miracle.

Lequel mesel par miracle de Nostre Seigneur ala tantost au roy et aulx evesquez qui estoient venus pour la dedicacion faire, et leur dist qu’ilz ne se meisse[nt] point en paine, car Jhesucrist, le souverain evesque, l’a de ses mains en ceste nuit dediee.

« Et que ce soit verité ce que je vous dis, veniez, et je vous monstreray conment Jhesucrist m’a guery. »

Si allerent le roy et les evesquez avec cellui qui avoit esté mesel, et veyrent conment la peau laide lui estoit cheue delez une pierre, en laquelle pierre estoit escripte la laide figure qu’il avoit eue devant.

Sy rendirent graces a Nostre Seigneur et s’en retournerent les evesquez.

Lors Dangobert donna a la ditte eglise maintes possession.

  • 74

En cellui tempz, par l’informacion de Mahommet, le faulx prophete, conmencerent les Sarrasins a gaster l’empire de Eracle.

Car Mahommet, au conmencement de son eage, fu marchant, et alloit souvent avecquez les Crestïens et les Juïfs, des quelz il sçavoit Le Viel et le Nouvel Testament

Et ainsi comme Mahommet, qui estoit ung grant enchantour, eust

[185c]

esté crestiens au quel on avoit promis la pappalité aprez cellui qui estoit pappe pour lors, et pour cestui benfice desservir, s’en alla par le pays preschant et anunchant la foy de Jhesucrist, et converti pluseurs mescreans a nostre loy.

Or advint que endedens le temps qu’i[17] estoit ainsi preschant par le pays, icellui pappe morut, et en eslurent les clercs ung aultre, et ne tindrent point la promesse qu’ilz avoient faite au dit Mahommet.

Quant ycellui Mahommet vey ce, il en fut monlt courouchié et troublé, et des lors proposa qu’il iroit despreschier la loy de Jhesucrist et, par vindicacion, qu’il essaulcheroit la loy des mescreans.

Or advint ainsi que, comme Mahonmet aloit par le pays pour ses marchandises faire, il faisoit entendant aulx Juis qu’il estoit Messias qui leur estoit promis en la loy.

Sy venoient les Juifs entour lui, qui cuidoient qu’il leur deist verité, et les Sarrasins aussi se joingnirent a lui, car il cuidoient qu’il fust ung preudhomme et ung saint homme.

Sy advint que une grant dame qui gouvernoit toute une province, quant elle vit que Mahommet estoit ainsi honnouré des Juifs et des Sarrasins, elle cuida que Mahommet eust sur luy aucune

[185d]

chose divine ; pour laquelle chose elle fit tant qu’il la prist a mariage et a femme.

Et ainsi Mahonmet fut sire chelle grant province pour raison de sa femme a qui la province estoit.

Or avoit Mahonmet celle grant maladie que nous appellons epillence qui font[18] ceulx qui l’ont cheoir, quant elle lez prent.

Et quant la dame, femme de Mahommet, sceut qu’il avoit celle maladie, se se repenti qu’elle l’avoit prins a mari.

Mais quant il vit qu’elle s’en apperchut, pour elle apaisier, il va trouver une telle menchongne que pour ce il cheoit que Gabriel l’angle parloit a lui.

Et pour ce qu’il estoit homme charnel et mortel, il ne pouoit souffrir la clarté de l’angle, si convenoit qu’il s’en allast a terre toutes les fois que l’angle parloit a lui et lui aparissoit.

Si cuida la dame, les Arabes et les Sarrasins qu’il deist voir, et que les angles alaissent souvent parler a lui.

Adont, quant Mahonmet vey cecy et que le poeuple estoit enclin a lui, si va lors faindre loix qu’il leur donna, et dist que Gabriel l’angle les lui avoit aportees de Paradis.

Et ce sont celles que les Sarrasins tiennent

[186a]

aujourd’hui.

Cellui Mahommet fist acroire au peuple que il rescuciteroit brief aprez sa mort, et que les anglez le venroient querir.

Toutteffois quant il deüst morir, il fist aporter de l’eaue et le fist jetter sur sa teste, et ce fu en signifiance que nul ne pooit estre sauvé sans baptesme, et oncquez puis mot ne parla.

Et pour ce, ilz ne leur peust exposer la cause pour quoy il se fist jetter de l’eaue sur la teste.

Maint dient qu’il se repenti qu’il avoit si mal preschiet.

Et a la cause ditte, les Sarrasins se font jeter de l’eaue sur leur testes, quant ilz doivent morir, et si ne scevent pour quoy, car oncquez Mahonmet ne leur exprima la cause.

  • 75

Ou tempz que Eracle recouvra la vraye Croix de Nostre Seigneur que les paiens avoient emportee, il recouvra avec les os saint Aquarie et les aporta en crestienté.

En celui tempz, se rebellerent les Sarrasins contre le roy une aultre fois, car comme les Sarrasins qui chevauchoient avec l’empereur demandaissent leur gaiges ainsi comme on les donnoit aulx Crestiens, ung chevalier de l’empereur leur respondi en celle maniere :

« A paine poeult il donner gage a ses

[186b]

chevaliers ; comment les dourra il a ses chiens ? »

De laquelle responsse les Sarrasins furent si indignez qu’ilz se rebellerent contre l’empereur.

Et oncquez puis ne fust que les Sarrasins ne fussent contraire a l’empereur de Romme et aulx Crestiens.

En ce temps, advint comme on baptisoit Sigibbert, le filz du roy Dangobert, la ou tous se taisoient, l’enffant de .xl. jours respondy.

En ce temps, Eracle translata la sainte Croix de Jhesucrist de Jherusalem en Constentinoble.

En ce temps, estoient en France saint Eloy qui fut evesque de Noyon, qui fust orfevre ; sainte Auree, laquelle saint Eloy fit abbesse a son moustier qu’i[19] avoit fait a Paris, ou il avoit trois cens chanberieres de Dieu.

Entre les aultres miracles qu’elle fist en sa vye, elle en fist deux merveilleux.

Le premier fu que comme une sœur qui estoit clerceliere de son abbaye, fut morte sans rendre raison a l’abesse des clefs et des aultres choses de l’abbaye, sainte Auree vint au corpz qui estoit en la biere et le va appeler par son nom ; et tantost l’autre qui estoit morte s’assist delez l’abesse.

Lors lui dist l’abesse :

« Que as tu fait des clefs que tu portoies et des aultres chosez de l’abbaye qui te estoient conmisses ? »

Et celle,

[186c]

puis qu’elle ot rendu compte et raison de tout du copnmandement sainte Auree, elle trespassa.

L’autre miracle, que comme l’heure fust venue que les sœurs devoient mengier et il n’y eult point de pain, sainte Auree alla a pluseurs boulengiers pour avoir du pain ; si en trouva ung qui voulloit mettre le pain au four, mais que le four fust nettoyé, et, comme on ne trouvoit point le houssoir, tantost la sainte se mist dedens le four tout ardant et le prist a nettoyer de ses manches, et mist hors les cendres sans que le feu lui nuisist de riens.

Et pour ce que le miracle fut double, tantost les cloches du moustier conmencerent a sonner sans ce que nul les tenist.

Adont ceulx d’entour s’assemblerent pour veoir le miracle, et conmencerent a loer Dieu et a chanter : « Te Deum laudamus », etc.

En ce tempz, fu saint Arnoul, qui fu, ce dist Pierre Damaste[20], pere Pepin, pere au roy Charles le Grant .

Ce saint Arnoul laissa sa femme et ses enffans, et s’en alla en hermitage pour faire penitance de ses pechiés.

Et ainsi comme il passoit par dessus le point de une riviere, la ou l’eaue estoit plus parfonde, il jetta son anel en disant ces parolles :

« Quant

[186d]

je avray cest anel trouvé, adont seray je certain que Dieu me ara mes pechiés pardonnez. »

Or advint que puis qu’il ot lonc tempz demouré ou desert et l’evesque de Mes fut mort, ceulx de la cité l’eslurent a leur evesque.

Et comme il ne mengoit point de char, ung poisson lui fut aporté, ou quel poisson, ainsi comme son queux l’appareilloit, il trouva ung anel en son ventre, lequel il porta a son seigneur a grant joye, et saint Arnoul recongnut tantost son anel.

Si rendi graces a Dieu de ce qu’il lui avoit fait celle demonstrance que ses pechiés lui estoient pardonnés.

En ce tempz, saint[21] Eracle morut, le .xxxe. an de son empire, et morut d’ypropisie.

Icil Mahommet dessudit fut nonmé au fons Mathé.

  • 76

Aprés la mort Eracle, fut empereur Constentin, son filz ; mais le quart mois de son empire, Martine, sa marrastre et un patriache l’enpoisonnerent ; et tint l’empire la ditte Martine avec son filz qui avoit nom Eraclone.

Et assez tost aprez l’en osta a Eraclone le nez et a Martine, sa mere, la langue, et en tel point furent envoyez en exil.

Et firent Constentin[22], le filz Constentin, empereur, lequel

[187a]

regna .xxvi. ans.

Le second an de l’empire Constant, qui fu apellé Constantin, Dangobert, le roy de France, morut, lequel fut revellé a ung saint homme.

Car ainsi comme l’ame de lui estoit menee a tourment pour ce qu’il avoit despoullié l’Eglise, finablement par les paroles saint Denis et des bonnes prieres qu’il fist, pour lequel Dangobert avoit esté monlt devot, il fu delivré des tourmens.

En ce tempz, sainte[23] Fursee vint d’Ellance[24] en France et ediffia l’abbaye de Laigny.

Et assez tost aprez vint Folien, son frere, qui ediffia l’abbaye des Fosses.

En ce tempz, regnoit en France Claudius[25], qui chey en forsenerie, pour ce que moins religieusement vit le corps saint Denis, aprés la mort du quel regna Lotaire, son filz.

En ce tempz, fu sainte Bauteur royne de France, mere d’icelluy Lothaire, laquelle fonda l’abbaye de Corbye et l’abbaye de Chelle, laquelle abbaye de Chelle avait premierement esté fondee de Clocloe, la femme au grant Clovis, que saint Remy baptisa ; mais pour ce que l’abbaye[26] estoit trop estroite, ceste royne la fist greigneur.

  • 77

Aprez la mort Constant, tint l’empire de Romme Constantin, son fils, qui regna .xvii. ans.

Ce Constantin fu

[187b]

monlt catholicque et assembla le consille general a Constantinoble de .iic. .lxix. evesques, ou quel consille l’heresie des Monothelites fu destruite ; car hereses ne metoient en Jhesucrist que une nature.

Et en ceste heresie chey Eracle l’empereur et son fils Constant ; mais Constantin, le filz Constant, le destruit.

En ce temps, fu saint Pierre d’Auvergne, qui fut evesque de Clermont.

Il advint le jour d’une Pasques que ainsi que Pierre mengoit a la table sur ung planchier et avecquez luy pluseurs aultres, entre lesquelz il en y avoit trois qui ne mengoient point de char, et comme les aultres mocquoient les trois qui ne mengoient point de char, qui faisoient abstinence, et saint Pierre reprist les mocqueurs, soudainement[27] il advint que le planchier chey, et les mocqueurz avec, et ne demoura a la table fors saint Pierre et les trois qui faisoient abstinence.

En ce tempz, en Engleterre, comme Bede raconte, ung mort resucita de mort a vye, en telle maniere : car ainsi comme on veilloit environ le corpz, vers le point du jour, il s’en va lever de la biere, et tous ceulx qui le veilloient tournerent en fuye, forsque sa femme qui demoura la, a laquelle il dist qu’elle n’ot point de paour, car Jhesucrist lui a-

[187c]

voit ottroyé qu’il vesquit encore ung peu de temps, mais aultrement il le convenoit vivre qu’il n’avoit vescut.

Adont quant il fu appareillié, il ala tantost au moustier, et fut illecques en oroison jusques il fu cler jour, et puis il devisa sa substance en trois parties, desquelles il bailla l’un a sa femme, l’autre a ses enffans et la tierce il donna aulx povres.

Et assez tost aprés il entra en une abbaye, ou il fit merveilleuse penitance.

Sique aucune fois, pour restraindre la challeur de son corpz, il entroit tout vestu jusquez au col en ung fleuve, et pendoit la glace a sa robe de tous costés, ne ne mettoit jus sa robe jusquez a tant qu’elle fust sechee de la challeur de son corpuz sans nulle aultre challeur.

Et comme on lui disoit comment il enduroit si grant aspreté de froit, il respondi qu’il avoit veu plus grans froidures.

Et quant on lui disoit pour quoy il metoit son corps en si grans tourmens de penitence, il disoit qu’il avoit veu greigneurs tourmens.

Et racontoit aucune foiz a ceulx qui doubtoient les tourmens de l’aultre siecle et qui desiroient les joyes de Paradis, les tourmens qu’il avoit veus.

  • 78

En ce temps, fu aporté le corps

[187d]

saint Benoit du Mont Cassin en l’abbaye de Flory, qui orendroit est appelee Saint Benoit sur Loire.

L’abbé, soubz lequel celle translacion fut faite, avoit nom Mimmalin, et le moisne qui aporta le corpz avoit nom Aigulle.

Avec le corpz saint Benoit fust aporté le corpz sainte Scolasticque, sa sœur.

Et comme on ne peust pas bien discerner lesquelx estoient les os du saint et lesquelx de la sainte, il advint dont que d’aventure on portoit en terre ung homme et une femme.

Si pleust au[s] moisnes que les os qu’ilz cuidoient qui fussent de saint Benoit, qu’ilz les missent dessus l’homme mort, et tantost le mort va rescuciter, et puis le os de la sainte mirent sur le corpz de la femme, laquelle fu tantost ainsi rescucitee.

Et lors ilz rendirent graces a Dieu Nostre Seigneur, et demoura le corpz saint Benoit a Flory, et le corps sainte Scolasticque fut aportee[28] au Mans.

  • 79

En ce tempz, fu Thilderic[29] et Theodoric roys de France.

Ebron, le seneschal de France, puis qu’il ot tourmenté saint Legier, evesque d’Othun, par fain et par longue chartre, en la fin il lui fist les yeulx oster de la teste.

Et ainsi le saint acomply son martire.

Aprez

[188a]

deus ans, Ebron ouy dire les miracles que le saint faisoit : si envoya ung chevalier pour sçavoir s’il estoit ainsi.

Lors, quant le chevalier fut venu au lieu, il conmença la tombe a ferir du piet en disant telles parolles :

« Cellui puisse morir qui cuide que mort face miracles ! »

Et tantost comme il ot ce dist, le deable le conmença a tormenter, et chey le chevalier de mort subite.

Et ainsi il loa le saint plus en morant qu’il n’avoit fait en vivant.

En ce temps, Ebron, qui avoit ochiz saint Legier, fut ochiz d’un glaive, aussi comme le saint lui avoit dist en ung consille par devant.

En ce temps, saint Vigille, evesque d’Aucerre, fut ochis de Valragon, seneschal du roy de France en la forest de Cuisse.

Ce Valragon estoit suscesseur en mal et en office du dit Ebron.

Or advint ainsi comme on portoit le corpz du saint en la cité, presens tous ceulx qui estoient es fers, il trespassa ; et furrent defferrez et issirent de prison, et porterent leur chaynes a Nostre Dame, que le saint avoit ediffiee hors de la cité d’Aucerre.

En ce tempz, indicion viiie, la lune esclipsa et le soleil aussi, comme xe heure.

En ce tempz, jullet,

[188b]

aoust et septembre, fut a Romme monlt grant mortalité de gens.

  • 80

Aprés la mort Constantin, le bon empereur crestien, tint l’empire de Romme Justinien, son filz, qui regna dix ans, lequel ne fut pas monlt amé du peuple.

En ce tempz, estoit pappe de Romme Seige[30], lequel ordonna que on chantast a la confraccion du Corps de Jhesucrist a la messe ; « Agnus Dei », etc.

L’an .ve. de Justinien, Pepin se conbati contre Theodoric, le roy de France, et le prist, et mist les choses en meudre point que ellez n’estoient.

En ce tempz, fu saint Wandrille, qui fonda l’abbaye de Fecamps et de Faucellez.

Ce Wandrille fu nez ou territoire de Verdun et fu nepveu Pepin, le prince de France.

Et puis qu’il eult esté nourry au palaix du roy, il laissa les honneurs du monde pour servir Jhesucrist en religion.

L’an .ixe. Justinïen, il fust si grant eclipse de soleil a l’heure de tierce que on veoit clerement les estoilles ou ciel.

  • 81

En ce tempz, Leonce, petrice de Romme, se reballa contre Justinian, l’empereur.

Quant il ot osté le nez, la langue et privé du royalme, il l’envoya en exil a Cerssonne ; et ainsi Leonce par sa force usurpa l’empire.

En ce tempz, Bede l’Honnourable, flou-

[188c]

rissoit en Engleterre, et combien qu’il fust nez ou derrain anglet du monde, touttesvoiez par la clarté de sa doctrine, il enluminoit tout le monde.

De ce Bede parle la Legende Doree et en dit maintes belles choses.

  • 82

En ce tempz, puis que Leonce ot regné deux ans, Thibere lui osta le nez et le mist en prison ; et tint ce Thibere l’empire .vii. ans.

Mais puis ces choses, Justinian, que Leonce avoit privé de l’empire le fist decoler ou millieu de la cité.

Et ainsi regna Justinian la seconde fois, et regna en tenant l’mpire .vii. ans.

En ce tempz, saint Lambert fu martirié de Dodon, le frere a une femme, laquelle maintenoit Pepin, le prince de France ; et estoit le dit saint evesque d’Ultrec.

Et la cause pour quoy Dodon l’ochist, fust pour ce qu’il reprenoit Pepin qui maintenoit sa sœur, combien que Pepin eust femme espousee.

Mais assez tost aprez, Dodon fu plain de vers qui le mengoient.

En ce tempz, vivoit saint Columbain, saint Gregoire second, qui fu pappe, saint Gille, qui fu de Grece et depuis demoura en Prouvence.

En cel tempz, regnoit Charles Martel, roy de France, qui fu pere a Pepin.

En cestui tempz, morust le dit saint Gregoire.

Et fu evesque[31] a pappe ung aultre Gregoire, qui fu

[188d]

le tiers de ce nom, lequel fut monlt grant clerc et sist dix ans et six mois.

Et en ce tempz, trespassa Justinian, aprez qu’il eult regné .vii. ans.

  • 83

Aprez cestui Justinian, regna Philipe second par ung an et non plus.

Aprez lui, vint second Anastaise, qui tint l’empire .xiii. ans.

Aprez Anastaise, vint Theodose qui regna ung an, et non plus.

  • 84

Aprez, Leon le tiers  regna .xxv. ans.

En ce tempz, vindrent a grant compagnie Sarrasins en Espagne, et agasterent villes et chasteaulx et gens.

Ilz prindrent Constentinoble et vindrent jusques en France.

En ce temps, vivoit encores Charles Martel, lequel rebouta iceulx Sarrasins hors de France.

  • 85

Aprez, fu Constentin le quart empereur de Romme, qui tint l’empire .xvii. ans, et fu filz a Leon devant dit, et contrairia tousjours son pere.

Icil fut monlt avaricieux ; et par son avarice renchonna et prinst sur toutes gens d’Eglise et especialment sur religieux.

Cestui fist en Constentinoble prendre toutez les ymages d’argent ou d’or qui estoient es eglises et oncquez pour chose que le pappe Aquarie[32] lui mandast, il ne vault

[189a]

cesser sa malvaise vye.

En cellui temps, chey cendres du ciel grant plenté.

Gerard de Roussillon, conte de Bourgongne, translata le corpz de Marie Magdalene a l’abbaÿe de Veselay, qu’il avoit fondee.

Et touttesvoyez ou temps Charles, le roy de Secille et de Jherusalem, le dit corps fut trouvé a Saint Maximien en Prouvence, selon ce que maintes gens tesmongnent.

Le premier an de l’empire Constantin, Zacharie fut fait pape de Romme, le .iiiixx. .ixe. puis saint Pierre.

Cest Zacharie mist a point les chosez de l’Eglise qui estoient monlt discipees.

En ce temps, comme les roys de France eussent perdu leurs vertus et n’entendissent fors aulx esbatemens et aulx aises du corpz, sique le royalme estoit gouverné[33] par les greigneurs de l’hostel du roy, et Pepin, le filz Charles Martel, gouvernoit le royalme monlt puissanment, et Hildric, qui fust l’ordure de tous roys qui devant avoient regné, n’avoient[34] de roy fors tant seulement le nom.

Sy envoia Pepin legas a Zacharie, pour luy demander conseil lequel devoit myeulx estre roy, ou cellui qui souffroit grans paines et labeurs pour

[189b]

la paix du royalme, ou cellui qui estoit oyseus et n’avoit de roy fors tant seulement le nom.

Adont le pappe lui rescript que cil devoit, et nul aultre, estre appellé roy qui bien administroit et gouvernoit la chose commune du royalme.

Et ainsi pour ceste responce les Franchois prindrent a crier et prendre le roy et le firent moisne ; et Pepin firent roy l’an de l’Incarnacion .viic. et .lvii., et ainsi deffailli la sussession Clovis.

  • 86

Pepin dont fu le premier sur les François de son lignage, et le sacra et oingny en roy saint Boniface, archevesque de Maience.

Et regna Pepin sur les François, et ot deux enffans, ung qui fut apellé Charlemaigne, et l’autre fu apellé Charles le Grant.

Mais Charlemaine par devocion ala a Romme, et se fist tondre et faire moisne par la main Zacharie, pappe, et s’en alla en la montaigne Seraptin, ou il eddiffia une abbaye en l’onneur de saint Sevestre.

Mais pour ce que les François le visitoient trop souvent, pour ce que le lieu estoit trop prez de Romme, il se transporta a Monlt Cassine, en l’abbaÿe que saint Benoit avoi fondee.

En ce temps, Boniface, archevesque de Maience, en comithe fonda l’abbaye de Foude, laquelle est de toutes

[189c]

abbayez de Germanie la plus noble ; et est l’abbé de la ditte abbaye monlt grant homs en la court de l’empereur et doit a l’empereur mil chevaliers.

En l’an .xiie. du roy Pepin, a la requeste du roy[35] Estienne, le pappe[36] vint en Ytalie, ou il se combati contre Hastuphe, et le vaincqui, en convint que a la voulenté de Pepin il feist paix aulx Ronmais.

Mais puis Hastuphe rompy la paix, et lors Pepin retourna en Ytalie et assega Hastuphe a Pavie et le parforça a enteriner la paix, et fist que Hastuphe rendy a saint Pierre tout ce qu’il avoit de son droit.

L’an .xve. de l’empire Constantin, le chief saint Jehan Baptiste, regnant Pepin en France, fut translaté en Acquitaine et le rechut Pepin monlt honnourablement, et fist une basticque[37] ou le dit chief fu mis, et est appellé orendroit Saint Jehan d’Angely.

En celle annee, Hastuphe morut et regna aprez luy Desirier, qui estoit duc en Tusque.

En ce temps, Crodegant, evesque de Mes et nepveu au roy Pepin, fonda l’abbaye de Gorse.

En ce tempz, il fist si grans gellees des les kalendes d’octobre jusquez au frevier, que a .c. mille de la terre la mer fut engellee et la glace de .xxx. coutees de hault ; et quant a Dieu pleust

[189d]

que la glace cessa et que la glace fust remise, il sembloit des pierres de la glace que ce fussent montaignes courant avant la mer.

  • 87

En ce temps, fut en Bourgongne ung homme saint et de grant façon nomme saint Jangou[38].

Ce saint Jangou[39]achetta une fontaine en France et la fist sourdre par miracle en son jardin en Bourgongne ; et ainsi celluy qui lui avoit vendue se mocquoit du preudhomme, et il trouva incontinent sa fontaine toute seiche.

Or estoit la femme saint Jangou moins chaste qu’elle ne deust ; si la reprist le saint et le blasma de son pechiet, mais elle lui nyoit tout.

Et adont le preudhomme dist :

« Se tu veulx que je t’en croye, si mes ton bras, et m’aporte une petitte pierre du fons de celle fontaine. »

Laquelle chose elle luy ottroya voulentiers ; mais si stost que elle ot mis son bras dedens la fontaine, il prinst a ardoir, aussi bien comme s’elle l’eust mis en ung feu.

Et lors dist saint Jangou :

« Or vois tu bien ta malvaistié. Tu ne demouras plus avecquez moy ; prengz ta part, et demeure a par toy. »

Mais assez tost aprez, ainsi comme le bon homme se dormoit, ung clerc qui se couchoit avec

[190a]

sa femme le tua.

Or advint ainssi comme on portoit le corpz en terre, pluseurs malades qui touchoient le saint corpz furent garis de leurs maladies.

Et quant la dame ouÿ dire a sa chanberiere que saint Jangou faisoit miracles :

« Je le croy, dist la dame, tout ainsi comme mon cul chante ! »

Et tantost comme elle ot ce dist, malgré soy, son cul prinst et commença a chanter et a sonner hault et laidement, et si souvent que c’estoit une fine merveille.

Et d’illec en avant, tous les vendredis, car tel jour comme le saint fut ochiz, tant comme elle vesqui, a chascune parolle qui luy issoit de la bouche, ung sonnet gros et lait luy issoit par dessoubz.

  • 88

Ou tempz Constentin et Hyrene, sa femme, il advint en Surie que les Juifs trouverent une ymage de Jhesucrist en une maison ou Crestiens avoient demouré.

Sy vont faire a celle ymage tous les despis et les reprouches que les Juifs firent a sa digne Pasion.

Et aprez qu’ilz l’eurent crachié, feru et batu, et les mains et les piez clouez, desrenierement ilz le ferirent d’un coustel au costé, et tantost sanc et eaue en issi a grant habundance.

Et quant ilz veirrent ce, ilz le

[190b]

vont recoeuillir et mettre en empoles et en arrouserent les malades qui estoient en la Sinaguogue, pour esprouver ce c’estoit vray miracle que Jhesucrist avoit fait, et tantost les malades furent garis de quelque maladies qu’ilz eussent.

Et ce veu, tous les Juifs vindrent a l’evesque et lui racompterent tout le fait, et furent baptisiés.

En envoya l’evesque de cellui sanc en pluseurs lieux et conmanda que l’en celebrast la Passion de l’Ymage Jhesucrist le quint yde de novembre.

Aprez ce que Pepin, roy de France, ot fait maintes belles victores et concquestes et soubmises maintes contrees, il morut, et fu son corpz enterré a Saint Denis en France.

  • 89

Et regna Charles le Grant pour luy, lequel fu filz Pepin, de Berthe, sa femme, fille Eracle, l’empereur de Romme.

Sans faille, Charlemaine regna avec lui ung pou de temps et fu couronné Charles a Noyon et Charlemaine a Soissons.

Ce Charlemaine ne vesqui puis que trois ans, et aprez sa mort la monarchie vint a Charles, qui fu appellé le Grant.

  • 90

En cellui temps, advindrent les merveilles que on lit de deux enffans desquelz l’un avoit nom Amilles et l’autre Amis.

Amilles fu filz du conte d’Auvergne, et Amis fu de Berry ung noble escuier.

Et estoient ces deux enffans si semblables qu’on ne pooit <qu’on ne porroit>

[190c]

discerner l’un de l’autre conment ilz se porterent loyaulté.

Ogier les tua en revenant de Saint Jacquez, et avoient leurs haubregons vestus sur leur char<s> nue, recrutté[40] sur[41] leurs armures, desja encïens estoient.

Le dit Ogier qui les tua les rencontra en Lombardie, ou il s’en fuioit a Chatelfort, pour le roy Charles le Grant, qui le chassoit pour la guerre qu’il avoit a luy pour son filz Bauduinet, que Charlot filz de ce Charlez, luy tua saint Omer en jouant aulx esché ; de quoy Ogier fu si troublé qu’il en guerria Charles .vii. ans.

La chose seroit trop longue a racompter, et atant je m’en passe.

En ce temps, l’an de l’empire Constantin .xxviie., le pappe de Romme fu desposé des bons Crestiens, pour ce qu’il ne leur sembloit estre souffisant pour estre pappe, et firent un saint homme pappe, qui avoit nom Estiene.

Cest Estiene ordonna que tous les dimances on chantast : « Gloria in excelsis Deo », etc.

En ce tempz, Constantin l’empereur fist grant persecucion en sainte Eglise.

Et soubz lui souffry martire saint Estiene, pape, l’an .xxxi. de l’empire Constantin.

Adrian, pappe, sist au siege saint Pierre, qui conferma que on aourast les ymages des sains.

En celui temps, ains comme Charles se combatoit contre les Sarrasins, son ost

[190d]

eult frant deffaulte d’eaue.

Et depuis soudainement si grant habundance d’eaue fut envoyee par miracle que tous furent reconfortés.

En l’an .xxxiie., Adrian manda Charles qu’il venist a Romme pour luy aidier contre Desirier, le roy de Pavie, qui faisoit au pappe et a l’Eglise monlt d’annuy.

Si vint Charles a Romme et fist illec sa feste de la Resurection de Nostre Seigneur Jhesucrist.

Assez tost aprez, le pappe Adrian donna a Charles, du consentement du consille, droit et auctorité d’eslire le pappe de Romme et de ordonner le siege de Romme ainsi comme il lui sembleroit bon, et le fist patriache de Romme.

Et avec ce le pappe ordonna, du consentement du consille, que le dist Charles meist les evesques et les archevesques par tout le monde, et que nul evesque ne nul archevesque ne fust mis en son siege ne sacré sans le consentement du dit roy.

Et esconmenia le pappe tous ceulx qui yroient contre ceste ordonnance.

Ce fait, le roy Charles se combati contre Desirier, le roy de Lombardie, et le prist sain et saufve, et l’envoia en France.

Et les terres qu’il avoit ostees a l’Eglise, Charles les rendi et delivra ; Ogier, dont je vous ay parlé devant, estoit avec le roy Desirier de Lombardie venu a refuge, pour ce qu’il estoit banny de France.

Et comme je vous ay dit devant, ce fut en tempore qu’il rencontra Amilles et Amis et les

 

[1] Raynaud corrige en O.

[2] Raynaud corrige en m’as.

[3] Raynaud corrige en N’entendys.

[4] Raynaud corrige en Zozimas.

[5] Raynaud corrige en Euphrosine.

[6] Raynaud corrige en Euphrosine.

[7] Raynaud corrige en Euphrosine.

[8] Raynaud corrige en Valentinïen.

[9] Raynaud corrige en qu’ilz.

[10] Raynaud corrige en Maurille.

[11] Raynaud corrige en Prudence.

[12] Raynaud corrige en Cloheut.

[13] Raynaud corrige en Justinius.

[14] Raynaud corrige en Justinius.

[15] Raynaud corrige en Justinianus.

[16] Raynaud corrige en Maurice.

[17] Raynaud corrige en qu’il.

[18] Raynaud corrige en fait.

[19] Raynaud corrige en qu’il.

[20] Raynaud corrige en Damasse.

[21] Raynaud supprime ce mot.

[22] Raynaud corrigeen Constant.

[23] Raynaud corrige en saint.

[24] Raynaud corrige en d’Irlande.

[25] Raynaud corrige en Clovis.

[26] MS. royne.

[27] Ms. fondainement.

[28] Raynaud corrige en aporté.

[29] Raynaud corrige en Childeric.

[30] Raynaud corrige en Serge.

[31] Raynaud corrige en esleü.

[32] Raynaud corrige en Zaquarie.

[33] Les deux derniers mots sont doublés dans le ms.

[34] Raynaud corrige en n’avoit.

[35] Raynaud corrigeen pappe.

[36] Raynaud corrige en roy.

[37] Raynaud corrige en basilicque.

[38] Raynaud corrige en Jangou.

[39] Raynaud corrige en Jangou.

[40] Raynaud corrige en recruttés

[41] Raynaud corrige en soubz.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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