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[161a]

mais naistroit nul homme qui fust greigneur de luy.

Or advint qu’a ceste fois elle ne luy donna point de response, et se tint aucun tempz avec le dit empereur.

Mais ce tempz pendant qu’elle estoit avec l’empereur, le jour de la nativité de Jhesucrist, celle Sebille estoit en la chanbre de l’empereur, et entendoit a ses prophecies.

Et a l’heure de midy elle veyt entour le Soleil ung cercle d’or, se lui sambla, et ou millieu de ce cercle une vierge tresbelle qui tenoit sus ung autel ung tresbel enffant en son giron.

Adont Sebille apella l’empereur et lui monstra ceste vision.

Et ainsi comme l’empereur regardoit et se esmervelloit de ceste demonstrance, une voix fut oye qui dist ainsi : « C’est l’aire du ciel », c’est a dire c’est l’autel du ciel.

Et ainsi l’empereur entendi que cest enfant estoit greigneur que lui ; si l’aoura et lui offry encens, et ne souffri d’illec en avant qu’il fust apellé dieu.

De ceste vision parle en ses cronicques en ceste maniere :

« Ou tempz de l’empereur Octovien, a l’heure de midi, l’air estant pur, cler et net, a celle heure ung cercle de la samblance de l’arc du ciel environna le Soleil, et monstroit ceste vision, selon ce qui tesmongne, que cil devoit naistre qui seul le Soleil avoit fait, et le monde, et les

[161b]

gouvernoit. » 

Thimotee aussi qui fut grant faiseur de cronicquez raconte qu’il a veu en cronicques et en histores anciennes des Fais des Roumains que Octovien, .xxxve. an de son empire, monta en Capitoile, et requist a Dieu monlt diliganment qui seroit cellui qui aprés lui gouverneroit la chose publicque.

Et comme il ot faite son oroison, il oy une voix qui dist en celle maniere :

« Il naistera ung enfant venu de l’aer et de Dieu sans tempz assez tost. »

Et pour ce fist il mettre en ce title :

« C’est l’autel de Dieu vivant. » 

Il y a tant de telz tesmongnagez prins es livres des paiens et dez Juifz que c’est sans nombre ; entre lesquelz Josephus, qui fu le plus souverain historiographe de Juifs, ou .xviiie. livre des anciennes cronicques, dit monlt de belles paroles de saint Jehan Baptiste  et de Jhesucrist, ainsi comme met Eusebe en l’Eclesiatique histore.

Mais nous le laissons pour ce que nostre intencion n’est pas principalement que du dit des paiens.

Ovide Naazon, qui nasqui .x. ans aprés la nativité de Jhesucrist et deux ans aprez la mort Octovien, dist monlt de belles chosez de Crestian[1] ou livre qui est appelé De Vetula ou de la Conversacion de sa vye.

Il dit en

[161c]

ce livre que l’an .xxiiiie. de l’empire Octovien, il fist une conjuncion d’estoilles qui monstroit que aprez le .vie. an de celle constellation ― c’estoit le .xxxe. an de l’empire Octovien, ― commenceroit une secte qui est appellé mercimal[2], et que en celle annee ung prophette naistroit de la Vierge.

Et nous disons que celle annee Jhesucrist nasqui, c’est a sçavoir le .xxxe. an de l’empire Octovien, avant les ans que le dit empereur tint l’empire en paix.

Et ceulx qui dient que Jhesucrist nasqui le .xliie. an de l’empire Octovien prennent largement, car ilz comptent .xii. ans des la mort de Julez Cezar jusques a la bataille Octovien contre Anthoine et Cleopatre ; et durant iceulx dix ans Octovien ne rengna point en paix, car Anthoin contendoit a l’empire, aussi comme en son lieu nous avons dit.

Ainsi appert que Ovide trouva par voye d’astronomie la nativité de Crist et sa secte.

Les vers en latin en sont fais telz :

Una quidam[3] talis felici tempore miperee[4]

Cesaris Augusti fait anno bis duadeno

A regni novitate [sui], quae significavit

Post annum sextum nasci debere prophetam

Absque maris coitu de virgine, cujus habetur

Thipus, ubi plus Mercurii vix[5] multiplicatur,

[161d]

Cujus erit concors cum christo[6] primo future

Secte. Namque[7] nusquam de signis sic dominateur

Mercurius, sicut in signo Virginis, illic…

Pour entendre ces vers, especialement quant a la secte mercurial, sçavoir convient que Tholomee, Albimazar, Artabucius et les aultres anciens, les Juifz par les Caldees et ceulx de Babilone ont encherchié les secretz en telle maniere :

entre les planettes, ilz mettent Jupiter et Venus, planettes de benivolence et de fortune ; Saturne et Mars malivoles et de malvaise fortune ; Mercure tient le moyen, car il est bon avec les bons et malvais avec les malvais, et est convertissable de legier des planettes bonnes de bonne fortune.

Ilz dient que Jupiter signifie meilleur fortune que Venus, sique Jupiter signifie la grant fortune et Venus la mendre fortune.

Et comme ilz soient deux vies, la vye presente et la vye advenir, et celle qui est advenir est meilleur que la vye presente, comme chose pardurable qui est sans fin, et elle soit meilleur que celle qui prent fin, pour ce dient que Venus signifie sur la fortune de ceste vye, especialment quant

[162a]

a jeux et a joyez et aux solas de ce monde et aulx aultres choses qui appartiennent a la fortune de ce monde.

Mais Jupiter regarde[8] les biens de l’autre vye qui sont meilleurs et greigneurs a la significacion sur sapience et sur entendement et exposicions de songes, et sur le coultivement divin, signifie foy et doctrine de la loy de religion et de reverence, a la paour de Dieu et bonnes meurs et monlt d’aultres choses, ainsi comme les astronomiens racomptent.

Aprez ilz duisent[9] tout le ciel en .xii. parties, lesquellez parties ilz appellent maisons, et sont distinguees les dites .xii. maisons selon le cercle de midy et de l’ocison a Orient.

Or avons .xii. maisons des quelles ilz donnent la premiere a Saturne, la .iie. a Jupiter, la .iiie. a Mars, la .iiiie. au Soleil, la .ve. a Venus, la .vie. a Mercure ; la .viie. a la Lune ; la .viiie. de rechief a Saturne ; la .ixe. a Jupiter, et ainsi ensuivant des aultres.

Aprés, ilz ont consideré la .ixe. maison qui est deue a Jupiter et est maison de religion et de foy, car ilz assignent a ses maisons a chascune sa proprieté en celle maniere : la premiere est maison de vye, la .iie. de substance, la .iiie. de freres et deseurs, la .iiiie. de patrimone

[162b]

et de heritage, la .ve. de filz, la .vie. de maladie, la .viie. de mariage, la .viiie. est maison de mort, la .viiiie. de foy et de religion et de peregrinacion ; la .xe. d’honneur et de royalme ; la .xie. de vrays amis ; la .xiie. de charité. La .ixe. maison dont de peregrinacion, de chemins de foy et de deyté et de <peregrinacion> religion est maison de Dieu aourer et cultiver ; item de sapience, de livres et d’espitles, et de legas et de prescheurs divins et de songes ; et pour ces propprietés, raisonnablement elle est atribuee a Jupiter, lequel a regard aulx biens de l’autre vye.

Car a ses biens apartiennent les dignités nommees, c’est a dire religion e<s>t service de Dieu, consideracion, sapience, multitude de livres et d’espitres, ainsi comme il appert de loy Dieu, de legas et de prophetes et d’apostres et de prescheurs grans coppie.

Et ceulx nous ont raconté les nouvelles convenables des nobles condicions de l’autre vye et revelacions, ainsi qui ont esté faites en dormant, quant on est entre endormir et veillier, en ravissemens.

  • 11

Aprez, les astronomiens dient que les planettes se conjoingnent l’un a l’autre,

[162c]

aussi comme ilz sont au .ve. signe, et meismement en ung meisme degré, et ou .xviiie. minuit de cellui signe.

Aprez, ilz dient que la conjunction de Jupiter avec les aultres planettes signifie sur secte de religion et de foy.

Et pour ce qu’ilz sont six planettes aus quellez il se peut joindre, et dient que sont en tout le monde six sectes principaulx.

Dont dient les sages docteurs que se Jupiter joinct a Saturne, il signifie la secte des Juifs, laquelle est plus ancienne de toutes les sectes.

Aussi comme Saturne est le pere des planettes et le premier en issue et l’ordre d’estre, et la secte nommee confessent[10] toutes lez autrez sectes ; mais elle ne conffesse nulle aultre, aussi comme a Saturne se conjoingnent toutes les aultres planettes, et il ne se joinct a nul autre, pour ce que son mouvement est trop tardif ; car la planette qui est devant Saturne de la partie d’Orient, jamais Saturne ne la consuiroit, mais l’autre a consuit Saturne, qui que tarde, et se joindra a lui.

Et ainsi toutes les aultres sectes s’aparent a la secte des Juifs, pour ce qu’elle est

[162d]

la premiere de toutes ; car tous lez philozophes et les poetes aprés[11] Moyse et aprez la loy que Dieu lui donna pour les Juifs, ainsi qu’il appert cy devant.

La secte dont des Juifs est la plus ancienne de toutes les aultres sectes.

Et ce dit Aristote ou livre des Sectes la ou il parle des sectes de sapience :

« Dieu, se dit, premier les revella a ses sains prophetes et a aucuns aultres, lesquelz il eslut et les enlumina de sapience divine et les doua de douaire de science. »

Et ceulx qui sont aprés venus ont prins commencement et naisçance de science, ceulx de Judee, le latin, ceulx de Perse et de Grece.

Et se Jupiter se joinct a Mars, il signifie la secte ou la loy des Caldees, laquelle loy ensengne le feu a aourer, et Mars est de nature de feu, quant a sa vertu et a son effect.

Se Jupiter se conjoinct au Soleil, il signifie la loy des Egipciens qui aourent la chevalerie du ciel, de laquelle le Soleil est prince.

S’il se conjoinct a Venus, il signifie la loy de Sarrasins, qui est toute d’aise charnelle et de toute luxure.

Et combien que Mahommet ait escripte la ditte loy .vic. ans aprez l’incarnacion de Jhesucrist, toutesvoies elle fut lonc tempz en usage de vye, et vivoient maintes gens

[163a]

selon celle loy.

Dont dist Ovide ou livre dessusdit que c’estoit la loy de son tempz, selon laquelle, se dit, chascun poeult faire ce qu’il lui plaist, combien que celle loy ne fust scripte.

Et se Jupiter se joinct a Mercure, il signifie la loy mercurial, car Mercure, ce dient, a regart a deité et a creance et a oroison et au service Dieu especiaulment ; car quant Jupiter est a lui conjoinct, adont signifie nombre de faire pseaulmes et faire livres divins.

Et dient que la loy est plus forte a croire que les aultres loyx et a pluseurs difficultés sur humain entendement.

Et ce advient pour les difficultés des mouvemens Mercure, car il n’y a planette[s] des quelz les mouvemens soient si fors a sçavoir et a trouver comme les mouvemens Mercure, ainsi comme Tholomee et les aultres phisiciens et astronomiens.

Et pour ce, selon ce qu’ilz dient, Mercure et[12] escripvains signifie parfonde science, prestement et convenablement parler, doulceur de locucion et de langage, parler rethoriquement et isnellement, et de bien exposer les sentences.

Et pour ce, il signifie que ceste loy sera deffendue par escriptures autenticques et parfondes

[163b]

et par si grant pooir d’eloquence que elle se rendra tousjours en sa force, que la derraine loy qui sera la loy de la Lune et la troublera ung peu de temps.

Item dient oultre que ceste loy de Mercure est la loy du prophette qui doit naistre de la Vierge, sy comme ilz ont enseigné des le conmencement, ceulx de Judee et de Caldee et de Babilone.

Et ce affirent bien a la loy de Mercure, car Mercure selon tous astronomiens a monlt tresgrant poissance ou signe de la Vierge.

Premierement il fut creez ou signe de la Vierge, aprés Mercure[13] toutes les dignités, tesmongnages, vertus et forces que planettes poeuent avoir en signes est ou signe de la Vierge, quant le signe de la Vierge est la maison Mercure, et se exultacion[14].

Cy triplite[15] son terme, sa face[16], et ce sont toutes les dignités que planette poeult avoir.

Mais la maison est aultrement cy prinse dessus, car se nous prenons les maisons naturelles et devant accidentelles, car[17] ces premieres maisons ne se remuent conbien que le ciel se remue, mais les aultres maisons se meuvent selon le mouvement du ciel.

  • 12

Des maisons dons nous parlons orendroit

[163c]

la division est telle : maison du Soleil est le signe du Lion, et la maison de la Lune est le Chancre, car tout ainsi comme ces deux sont plus prochains de nous et ces deux planettes soient plus prochaines de nous, selon l’oppinion des anciens qui mirent et ordonnerent le Soleil aprés la Lune sans moyen, pour ce mirent ilz ces planettes en deux signes.

La principal maison de Saturne est Capricorne ; de Jupiter, la maison est le Sagitaire ; de Mars, l’Escorpion ; de Venus, la Livre ; de Mercure, la Vierge.

Cestes sont les maisons principaulx.

Avecques cestes maisons les planettes ont chacune une aultre maison moins principal et ainsi comme secondaire, excepté le Soleil et la Lune qui [n’ont] chascun que une maison ; sique la seconde maison de Saturne est le signe qui a nom Aquaire.

La seconde maison de Jupiter est les Poissons ; de Mars, est le Mouton ; la maison de Venus est le Thorel ; de Mercure est le signe de Jumeaulx ; et ainsi ont ordonné les anciens.

  • 13

Les exaltacions ds planettes sont cestes : la exaltacion ou Mouton, c’est du Soleil ; la Lune a son exaltacion

[163d]

ou Thorel, la Lune[18] en la Livre ; Jupiter, ou Chancre ; Mars, en Capricorne ; Venus, aulx Poissons ; Mercure, en la Vierge, aussi comme il a illecques sa maison ; ainsi Mercure triple en la Vierge.

Car comme ilz soient quatre triplices, chascune planette [a] sa triplice en signes qui sont de la conplexion a sa maison, et ce est de .vc. en .vc., comme la triplice du Soleil est le Mouton le Lyon, le Sagitaire ; Mercure a sa maison en triplice sesche et froide, et c’est a dire ou Thorel, en la Vierge, ou Capricorne.

Des aultres dignités je me passe, car c’est certain selon les astronomiens que Mercure a toutes ses dignités ou signe de la Vierge.

Avec ce la planette a une dignité en aucun signe que on appelle joye ; ainssi comme l’en [dit] que Saturne se esjoist, quant il entre ou signe d’Aquaire et Jupiter en Sagitaire ; Mars, en l’Escorpion, Venus, ou Thorel, Mercure, en la Vierge, et aussi Mercure n’a nulle part si grant seignourie comme ou signe de la Vierge, ne nulle planette n’a en la Vierge ses seignouries ne ses dignités comme Mercure les y a ; pour laquelle chose Mercure est appropriee a la Vierge.

Et pour ceste cause ilz dient que la loy Mercure est la loy

[164a]

du prophette qui doit naistre de la Vierge ; et dient aucuns que c’est la loy crestienne.

Et se Jupiter se conjoinct a la Lune, les seigneurs d’astronomie dient que elle signifie la loy de la Lune, et ce sera la derraine loy ; car le cercle de la lune, ce dient, a signifiance estre le derrain.

Et ceste loy sera plaine de corrupcion et corrupera toutes aultres loyx et les suspendra, neys la loy de Mercure, ung pou de tempz.

Car la Lune, ce dient, a signifiance sur ingromance, et sur mensongne, et pour ce la loy de la Lune sera ingromative, plaine de mençongne et de corrupcion.

Et pour la corrupcion de la Lune, c’est assavoir de son mouvement et de ses figuracions, signifie que celle loy sera corrumpue et corrumpera les aultres.

Touttesvoiez elle ne durera pas, se dient, car la Lune est muee legierement et isnellement de sa figuracion et de sa lumiere et de son mouvement pour raison de sa petitesse de son cercle.

Et ceste sera Antecrist, selon ce que dient les loyaulx astronomiens, anciens et nouveaulx.

Ainsi par inquisicion d’astro[no]mien est encerchee l’incarnacion et le commencement de la loy Mercure, laquelle voye scet[19] l’enffantement

[164b]

de la Vierge, si comme il appert par les vers dessus ditz.

Et ainsi on poeult veoir que nostre foy a tesmoing de ceulx qui sont hors de l’Eglise.

Et toutes ces choses devant dittes porroient faire aucun merite quant a ceulx qui ne rechoivent, ne le Vielz Testament, ne le Nouvel. Or est a sçavoir que mon intencion n’est pas que toutes ces choses appartiennent a nostre foy, mais tant seulllement monstrer que les philizophes par raison naturelles eulrent aucunes conjectures de nostre foy, et dient bien que par la revellacion de noz prophettes ilz ont prins aucunes des choses devant dittes, si comme nous avons allegué Aristote cy desus ou Livre des Secretz .

Et Albimazar dit que celle merveille qu’il a ditte de la Vierge fut premierement baillie de Sem, le filz Noé.

Et ce que Ovide en dit, il l’a apris de Sebille de Cumes , dont il a prins les vers dessusdits :

Hec sunt que cunc tuma ne[20] musa Sebille

Nuper in urge. etc. que secuntur.

  • 14

Or est il temps de retourner a l’istore.

En ce tempz flourist Sexte, le prophete de la sexte Pitagoras, du quel est ceste sentence :

« Cellui est ribaut qui ayme trop ardanment sa femme. »

[164c]

En ce tempz trois sextes ou heresies furent ou peuple des Juifs.

L’une on appelloit la sexte des Pharisiens, l’autre des Saducees qui nyent la resurection et tout esperit, l’autre des Esees.

Les Pharisiens notterent aucuns status qu’ilz convenoit garder.

Ilz escripvoient en escroes les conmandemens de Dieu et les pendoient a leur front et a leur bras senestre pour monstrer au poeuple qu’ilz les gardoient singulierement.

Ilz avoient a leurs robes grans franges ou ilz lyoient espines pour ce qu’ilz leur souvenist des conmandemens de Dieu.

Les Esees estoi[en]t aussi moisnes et, ne leur plaisoit pas l’estat de mariage, non pas pour ce qu’il ne fust bon, mais pour ce que nulle femme se disoit garder foy a son mary.

Ilz leur sembloit que c’estoit monlt honnourable chose estre tousjourz vestu de robe blanche.

Ilz n’avoient nulle maison determinee, nulle parole oizeuse et qui ne fust de bien.

Ilz ne parloient point.

Ilz prioient Dieu tous les matins pour la naissance du soleil.

Quant ilz devoient mangier, ilz lavoient tous leurs corpz, et puis mengoient sans parler.

Tous seremens ilz reputoient

[164d]

purement, ne nulz ne rechevoient tant qu’ilz l’eussent esprouvé par ung an.

Ou ilz fussent dix en une compagnie, nulz d’eulz ne parlast sans le congié des aultres.

Le Sabbat ilz gardoient si estroittement que le jour ilz ne purgoient point leur ventre, et quant ilz vouloient purgier leur ventre en ung aultre jour que au Sabbat, ilz faisoient une fosse en terre en ung lieu secret et laissoient cheoir leur robe tout entour pour couvrir ; par quoy ilz ne semblast qu’ilz feissent injure a clarté divine.

Et tantost comme ilz avoient faitte leur nescecité, ilz emploient leur fosse de terre.

Monlt d’aultres cerimonies ilz avoient de maniere de vivre, si comme dit le Mangeur.

  • 15

En ce tempz, les Trois Roys vindrent aourer Jhesucrist en Betheleen, et Joseph porta l’enffant en Egipte ; et Herodes ochist les Innocens, car il cuidoit tuer Jhesucrist pour la paour qu’il avoit que Jhesucrist ne lui ostast son royalme.

De l’enffance[21] Jhesucrist je m’en passe, pour ce qu’il y a monlt de chosez qui n’ont pas coulleur de verité, fors que tant comme l’Euvangille dit que quant Jhesucrist ot .xii. ans d’eage, il demoura en Jherusalem sans le sceu de Josepf et de sa mere.

Et

[165a]

ycy nous avons exemple, selon la glose, que les enffans ne penchent point, se soudainement ilz laissent leurs peres et leurs meres et s’enfuyent en religion pour Dieu servir.

En ce tempz, Ovide Naazon , qui fu mont grant poete, dist maintes belles sentences, et mains beaulx livres fist.

Ou temps Cezar Auguste , fust Valere Maxime qui escript monlt de choses a la reconmandacion des vertus et au blasme des vices.

  • 16

Aprés la mort Cezar Auguste , tint l’empire de Rome Thibere, et rengna .xxiiii. ans ; et conmença a rengner l’an de l’Incarnacion Jhesucrist .xvie.

Il rengna au conmencement monlt courtoisement.

Une foiz son conseil lui dist que des proinces il pouoit bien lever plus grant tribut et plus grant subvencion, et il repsondit :

« Au bon pasteur appartient ses brebis tondre, non pas escorchier. »

Thibere ne muoit pas souvent ne legierement sa gent, cest a sçavoir ses officiers.

Si advint ung jour que on lui demanda pour quoy il ne muoit plus souvent ses officiers.

Et il repsondi qu’il le faisoit pour l’amour de menu peuple commun ; car quant les procureurs scevent qu’ilz n’ont que ung peu de tempz a gouverner, ilz s’efforcent a

[165b]

prendre du peuple ce qu’ilz leur poeuent oster.

Et ceste chose ilz leur monstre par telle exemple.

Ung homme estoit qui avoit tout plain de rongne et de bosses, et gesoit en une voye commune, et ses jambes et sa teste estoient toutes plaines de mouches.

Si survint ung homme qui cuida que cest homme par paresse laissast ces mouchez a chasser de dessus ses rongnes, si les alla toutes enchassier.

« Ha !, dist le bon home rongneux, comme tu as mal fait, car les mouchez que tu as chasseez estoient ja comme plaines de sang et ne me faisoient comme point de mal ; mais les aultres qui vendront seront maigres et vuides ; si me sucheront tout et me poindront trop asprement. » 

  • 17

En ce tempz, morut Ovide Naazon  et Lynus, l’ystoriographe.

Thibere l’empereur en ce tempz envoya ung procureur en Judee qui avoit nom Valeres.

Ce Valere vendoist l’office d’evesque des Juifs, tant estoit convoiteux.

Et tous les ans il faisoit ung evesque nouvel.

Et a la fin, Cayphas fist tant par ses deniers que il fust evesque.

Et comme ce Valere eult demouré en Judee et eust

[165c]

fait l’office de procureur par .xi. ans, il retourna a Romme, et en lieu de lui, Thibere y en envoia ung aultre qui avoit nom Pilate.

En l’an .xve. de l’empire Thibere, saint Jehan Baptiste qui avoit esté respons ou desert jusquez atant qu’il monstra[22] au peuple, et baptisoit ceulx qui se vouloient conffesser et repentir de leurs pechiez, et preschoit penitance et baptesme de penitance en remission des pechiez.

Et la fu dit que cellui sur lequel ilz verroient le saint Esperit descendre seroit cellui qui baptise en esperit.

Et ainsi comme tout le peuple courroit a saint Jehan pour estre baptisié, Jhesucrist aussi comme en l’eage de .xxx. ans vint a saint Jehan et fut baptisé de lui.

Et adont saint Jehan vit le saint Esperit venir sur Jhesucrist en semblance d’un coulon.

Icy, comme dient aucuns, se commence le .vie. millier du monde, et icy termine la circunsicion.

Et dist le Mangeur que tantost que Nostre Seigneur fut baptisié, il s’en alla ou desert par l’inspiracion du saint Esperit, et jeuna .xl. jours et .xl. nuytz sans rien mengier, et puis ot fain et fut tempté de l’Ennemy, aussi comme l’Euvangille raconte.

Et a l’exemple de luy,

[165d]

nous jeunons aussi .xl. jours en signe que de ce est nostre jeune prinse a l’exemple de Jhesucrist ; nous conmençons tantost aprez la Thyphaine a jeuner, car celluy jour Jhesucrist fut baptisié, mais atendons aussi comme .xl. jours, en signe que nostre jeune ensuit la sienne.

Aprés ceste jeune, Jhesucrist appella ses diciples, qui furent entour lui .lxxii. autretant comme ilz estoient de langues ; et de ces .lxxii. il eut en eslut .xii., des quelz il fist apostres et es quelz il en avoit de son lygnage, c’est asçavoir saint Jacques le Grant , au quel les pelerins vont, et saint Jehan Baptiste (ces deux furent de l’aisnee sœur Nostre Dame, qui avoit nom Marie comme elle), saint Jacquez le Mineur, qui a sa feste en Pasqueres ; saint Symon, saint Jude, qui furent de l’autre sœur Nostre Dame.

Touttesfoiez Marie, la mere de Jhesucrist, fut aisnee de toutes ses sœurs.

Saint Jehan Baptiste   fut aussi cousin a Nostre Seigneur, car sainte Anne et Hesmerie, la mere sainte Elizabeth, mere de saint Jehan Baptiste furent sœurs ; siques Nostre Dame et sainte Elizabeth estoient cousines germaines, et par consequent Jhesucrist est saint Jehan estoient cousins issus de germains.

[166a]

Et est a sçavoir que le jour de la Thiphaine, que les Trois Roys vindrent aourer Nostre Seigneur Jhesucrist, le .xiiie. jour de sa Nativité, il fut baptisié, car il avoit ou conmenchoit a avoir .xxx. ans, et l’an aprés il fut baptisié.

En cellui jour, il fut semons a nopches saint Archedeclin, et converty l’eaue en vin.

Et selon Bede, il saoula .vm. hommes de .v. pains d’orge et de deux poissons.

En ce temps fu saint Jehan mis en prison du roy Herodes, et adont Jhesucrist conmença a preschier publicquement.

Et quant saint Jehan ouy ce dire en prison, il envoya deux de ses diciples pour sçavoir s’il estoit cellui qui devoit venir pour la redempcion du monde.

Assés tost aprés saint Jehan fut decollés.

  • 18

En l’an .xviiie. de l’empire Thibere, Jhesucrist fust crucifié et morut, et resucita et monta ou ciel, et envoya le saint Esprit en samblance de feu et de langues sur les apostres.

Et adont conmencerent les apostres a preschier sans nulle paour de mort ne de persecucion.

Et comme le nombre des loyaulx crust de jour en jour par la predicacion des apostres, ilz eslurent .vii. diacres pour leur aydier, desquelz saint Estienne fu le premier, qui assez tost aprez, pour ce qu’il ne se vouloit tenir de

[166b]

preschier la foy et le nom de Jhesucrist, les Juifz le lapiderent.

Et furent tous les autres diciples en grans persecucion, siquez ilz se diviserent en diversses parties du monde.

Aprés la mort saint Estienne, l’an de la Passion Jhesucrist .iie., saint Pol fut converti ; et le .iie. an de l’Ascencion Jhesucrist, c’est a sçavoir ung an entier, et tant qu’il a de l’Ascencion jusquez a la my aoust, la mere Jhesucrist trespassa de ce siecle, a la sepulture de laquelle s’assemblerent tous les apostres.

Epiphaine dit, qui fut ung grant faiseur d’istoires, que Nostre Dame vesqui puis la mort son filz .xxxxiiii. ans, et en aultres histoires, l’en dit qu’elle ne vesqui que .xii. ans ; et ainsi quant elle morut, elle avoit .lx. ans d’eage.

En ce tempz, ainsi comme dessus est dit, regnoit Thibere qui fut le tiers empereur de Romme.

A ce Thibere escript Pilate de la mort Jhesucrist et des merveilles que Jhesucrist faisoit, conment il rescucitoit les mors, enluminoit les aveugles, garissoit les malades ; comment les Juifz l’avoient faussement accusé par envye devant Pilate et le firrent condempner a mort.

Et Pylate fist leur volenté, car il cuidoit

[166c]

que ce que ilz lui annunchoient fust voir.

Et lui manda aussi comment il resusita le tiers jour non obstant les gardes que Pilate y avoit mises ; et comment les chevaliers qui avoient a garder le sepulcre furent corrumpus par argent pour dire que quant ilz dormoient, les disciples de Jhesucrist vindrent ou sepulcre et emblerent le corps.

Mais les disciples ne laisserent pas a preschier au peuple et a tesmongnier qu’il estoit rescucité.

C’est le gros de l’epitle que Pilate escript et envoya a Thibere, et tantost Thybere entra ou Senat et fist monlt grant instance que Jhesucrist estoit receu a dieu.

Mais les senateurs le refuserent pour ce que on avoit avant escript a l’empereur que a eulx, et aultres dient que pour ce les Roumains refusserent Jhesucrist a dieu, car il ne vouloit point avoir de compagnon ; si leur sembloit que c’estoit envye.

Aprés ce, selon ce que dit le Mangeur en histoires, Pilate fut acusé a l’empereur des Juifz du procureur du Surie que il avoit ochis les Innocens.

Et les Juifz l’accusoient qu’il metoit ou Temple les ymages des paiens et que la pecune du Temple il donnoit et convertissoit a ses usages.

Sique, tant

[166d]

pour ces choses, comme pour ce qu’il avoit condempné Jhesucrist, Pylate fut porté a Lyon ou il avoit esté nez, pour ce que entre ses amis et ceulx de son lignage il vesquist a plus grant confusion.

Et Eusebe dist que de sa propre main il se ochist.

  • 19

En ce tempz, Herode qui est appelé Agripe, qui fut nepveu au grant Herode soubz lequel Jhesucrist nasqui, et frere a Herodias, la femme a l’autre Herode qui decola saint Jehan Baptiste, pour ce que cellui Herode, bien parent et vaillant de son corps, mais monlt estoit povre, si s’en alla a Romme a Thybere pour sçavoir s’il porroit avoir sa grace, affin qu’il lui donnast aucune terre.

Et lors quant l’empereur le veyt appert et bien fourmé, si le bailla a son filz qui avoit a nom Druse, lequel Druse morut assez tost aprez ; pour la mort du quel Thybere ot si grant doeul qu’il deffendi que nul de ceulx qui avoient esté entour son filz ne se monstrassent entour luy ne devant lui, affin qu’il ne luy souvenist de son filz.

Sy s’en retourna Herode en Judee, et par desesperance pour la povreté ou il estoit, il se mit en une tour a la fin qu’il morust illecques de fain : si le signifia sa femme a Herodias, sa sœur, qui estoit femme

[167a]

a l’autre Herode qui estoit tetrache, et fist tant par devers son seigneur qu’il lui donna ung lieu ou il eult souffisanment ses despens.

Or advint ung jour que Herode tetrache, qui tenoit l’autre Herode a ses despens, eust bien beu et bien mengié, il lui conmença a reprochier la courtoisie qu’il lui faisoit, laquelle despleut monlt a Herode Agrippe.

Et pour ce il s’en alla a Romme a Thybere aussi comme devant.

Si le rechupt Thibere monlt honorablement.

Or avoit Thybere, deux nepveux, l’un de son filz, Thibere, et l’autre de son frere ; cellui avoit nom Gayus, et a ce Gayus Herode se joinct.

Or advint ung jour ainsi comme cest Herode chevauchoit avecquez Gayus, le nepveu Thibere, Herode leva les mains ou ciel, et dist ainsi :

« C’or fust le temps venu que je veysse la mort de ce viellart, et toy, Gaye, seigneur de tout le monde ! »

Sy ouy ceste parolle ung home qui le dist a Tibere l’empereur, qui le fist mettre en prison.

Mais cil qui gardoit les prisonniers le traitta assés courtoisement.

Or advint une fois que le maistre de la prison vit sur ung arbre ung oysel qu’on appelloit chauant.

Et tantost il s’en couru a Herode qui estoit en prison, et lui dist qu’il ne s’esmaiast de rien,

[167b]

car il seroit bien tost delivré de prison.

Icellui savoit bien l’art d’arguer[23], et dit aprez qu’il vendroit a si grand estat que ses propres amis en avroient grant envye et que il morroit en ceste prosperité, et que a l’heure qu’il verroit cest oysel sur sa teste, il devoit estre certain que le .ve. jour aprez il devoit morir.

Or advint que Thibere l’empereur acoucha malade.

Et quant il vit qu’il le couvenoit morir, il appella les nobles hommes de son empire et ses deux nepveux, Thybere et Gaye, et leur [dit] que l’endemain il ordonneroit qui seroit son sussesceur, et adora les dieux qu’il lui demonstrassent lequel de ses deux nepveux regneroit aprez luy.

Et toutesvoyez il ordonna de soy que cellui de ses nepveux qui a lui au matin premier vendroit, il seroit empereur, et ne dist sa pensee a nul homme.

Toutesvoyes il signifia a Thibere qu’il venist a lui bien matin.

Quant vint au matin, Tibere se vault desjuner avant qu’il allast a son oncle, mais Gayus vint a lui sans mengier et sans boire, et ainsi il vint avant que Thybere.

Et lors quant l’empereur le vit, il fu monlt courouchiet pour ce qu’il estoit venu devant l’autre nepveu ; et en ceste ma-

[167c]

niere Gayus fu fait empereur.

  • 20

Et assez tost aprés, nouvelles vindrent a Romme de la mort Thybere et dela succession Gayus.

Et lors ung Juifz couru a Herode, et luy dist :

« Le lyon est mort. »

Si se conmença Herode a esjoyr merveilleusement et tant que cellui qui gardoit la maison vint demander la cause pour quoy il faisoit si grand joye.

Et il luy respondy que le Juif luy avoit dist en ebrieu que Thybere estoit mort.

Et lors le maistre de la chartre le mist hors de prison et le faisoit mengier a sa table delez lui.

Mais l’endemain nouvellez vont venir que l’empereur Thybere n’estoit pas mort, mais estoit garis et que dedens .viii. jours il devoit venir a Romme.

Et quant le maistre de la prison ouy ces nouvelles, il reprist forment Herode de ce qu’il avoit ainsi decheu, et le bati, et villena mallement, et le remist en prison.

Mais assez tost aprez, vindrent certaines nouvelles de la mort de l’empereur, et vint Gaye a Romme et ensevely Thybere monlt honnourablement, et delivra Herode de prison et le fist roy des deux pars de Judee.

Lors s’en vint Herode Agrippe en Judee comme roy ; si commença

[167d]

Herodias, sa sœur, a avoir envye sur lui, qui estoit femme a l’autre Herode ; car comme son mary fust filz[24] au grant Herode qui concquist le royalme de Judee, il ne peust oncques tant faire qu’il fust appellé roy, mais tant seulement tetrarche.

Et Agrippe qui estoit ung jeune homme et filz du filz au grant Herode, avoit tant fait vers l’empereur qu’il lui avoit donné nom de roy.

Sy molesta monlt Herodias son seigneur qu’il allast a Romme, par quoy il pourchassast qu’il fust roy.

Mais son mary ot plus chier estre ou sien et soy reposer, car il estoit forment riche. Nonpourquant sa femme l’en pria tant et molesta en disant :

« Tes richesses seoient periez, quant tu aymes plus tes richesses que tu ne fais honneur ! »

Et ainssi il fut vaincu par les parolles de sa femme, et s’en vint a Romme a grant appareil, et sa femme avecques lui.

Lors Herode Agripe qui penssoit qu’il ne lui pourchasseroit ne honneur, ne proffit, se propposa d’aller aprez lui.

Et endementiers il envoya Gaye[25], l’empereur, ung sien amy loyal, et escript a l’empereur entre les aultres choses que Herode, tetrarche, vivant Thybere, estoit alé au roi de Perse pour eulx rebeller contre les Rommains, et

[168a]

en argument de ceste chose Herode avoit armé en lieu secret qui souffiroit bien a .lxxm. hommes.

Et adont quant Herode et Herodias furent venus a Gaye, ilz furent honnourablement rechus.

Et vezcy le message Agrippe qui survint et bailla a l’empereur les lettres de Herode Agrippe.

Tantost comme il les eust leues, il demanda a Herodes se il avoit eu tant de gens comme il avoit ouy dire.

Il respondy tantost que ouyl, car Gaye ne luy dist pas ce que lui avoit escript Agrippe.

Adont congnut Gaye que Agrippe luy avoit escript verité et mandé de celle aliance.

Sy conmanda l’empereur que Herode fust envoyé en exil.

Mais pour ce que Herodias, sa femme, estoit sœur a Herode Agrippe, lequel Gaye amoit forment, il lui donna congié et liberté de retourner en son pays, et reust toute sa terre pour l’amour d’Agrippe.

Mais elle dist qu’elle acompaigneroit son seigneur en son adversité, ainsi comme elle l’avoit compagnié en sa prosperité.

Et furent tous deux menez en exil a Lyon, ou ilz morurent a grant mesaise.

Et leur terre qu’on appelloit Gallilee, l’empereur le donna a Herode Agrippe.

Et ainsi ce Herode ot les trois partiez de

[168b]

Judee.

  • 21

En ce temps, fu Philo en Alixandre, qui fut juif, et fut mont vaillant homme, et escript monlt de livres monlt prouffitablez.

Ce Philo fut amy a saint Pierre l’apostre et a saint Marc l’euvangeliste[26], et escript une livre de l’Eglise d’Alixandre que saint Marc fonda.

« Et pour ce, dit saint Jherome,on le met ou nombre de ceulx qui ont escriptes les choses de l’Eglise. »

  • 22

Aprez et depuis que cestui Gayus fu empereur, il fut si luxurieux que il desiroit tousjours avoir nouvelles femmes, quelque chose qu’il en deust advenir.

Et meismes fist tant par son oultrage qu’il se coucha avecquez deux sœurs, et fu de tous ceulx qui congnoissoient ses meurs tenu pour vil, et fu ochis en son palaix.

  • 23

Aprés la mort Gayus qui fut ochis, comme dit est, du conseil au Senat, pour ce qu’il n’estoit point prouffitable, se leur sembloit, a la chose publicque, tint l’empire de Romme Claudius, qui fut le quint empereur, et regna .xiiii. ans.

Il fut monlt variable, et aucune fois estoit sage, aucune fois estoit fol, et estoit si oublieux que, comme il eust fait

[168c]

tuer Messaline, sa femme, assés tost aprés il entra en sa chambre, et comme il ot ung peu attendu, il demanda pour quoy la dame ne venoit.

Cestui Claudius donna a Herode la tierce tetrache de Judee, et adoncques il fut roy de toute Judee.

Et comme il fut retourné en Judee, les Juifs le rechurent monlt honnourablement ; et assez tost aprez, il ochist saint Jacques l’apostre que les pelerins vont requerir en Galice, et mist saint Pierre en prison, mais l’angle le delivra.

Or advint assez tost aprés que Herode fust vestu de robes royaulx, et aussi comme il parloit au poeuple amiablement, le peuple lui faisoit celle honneur que on ne doit faire fors que a Dieu.

Et ainssi, comme il oyoit voulentiers les paroles du peuple qui le flatoit, et ne refusoit point l’honneur divine que on luy faisoit, si vit sur sa teste ung cheuant qui ne signifioit aultre chose que sa mort prochainement advenir.

Et adont il s’enclina a ceulx qui l’aouroient comme dieu, et leur dist :

« Vous me aourez comme dieu, et vous veez que je m’en voy morir. »

Et tantost une passion le prent

[168d]

par le ventre ou il souffri si grant doulleur que les vers le rongnoient par dedens.

Et ainsi il morut, et laissa ung filz que on appeloit Agrippe, mais il n’eust pas en surnom Herode.

Et ce Agrippe ne tint pas toute la terre son pere.

  • 24

En ce temps que regnoit Claudius, saint Pierre s’en alla a Romme, lequel Claudius auctorisa monlt saint Pierre.

Icellui Claudius vesqui en son temps monlt delicieusement tant en mengier et en boires comme en femmes, et tellement qu’il en fut monlt vituperé.

En ce tempz, on vit en Egipte ung oisel que on nomme fenix, qui la estoit venus du pays d’Inde, dont les Egipciens furent monlt esmerveilliez, car, comme ilz disoient, ilz ne l’avoient jamais veu ou pays.

Il y avoit .viic. ans qu’ilz l’avoient veu en Arabe, et oncquez mais depuis ilz ne veyrent fenix jusquez ad ce dit jour.

En ce temps, fut saint Potencien et pluseurs aultres convertis a la loy de Jhesucrist.

En ce tempz, furent saint Oursin et saint Julien, lequel fu serviteur de Symon lepreux.

En ce temps fu saint Clement et saint Severin et saint George, lequel saint George fu monlt ferme en la foy de Nostre Seigneur et estoit extraict par naissance de noblesse et de gentillesse ; mais quant vint qu’il ot con-

[169a]

gnoissance, oncques ne se voult dire ne porter gentil homme, ains se courouchoit quant on l’appelloit gentil homme.

Ung jour advint que ung prieur de une abbaye, pour lui cuidier porter honneur et par flaterie, le nomma gentil homme, mais il s’en couroucha et dist au moisne :

« Ce estez vous qui estes gentil homme, non pas moy. »

Et ainsi se parti de lui courouchié, et bien lui sembloit qu’en gentillesse n’estoit pas tout heur.

  • 25

Aprés la mort Claudius, tint l’empire Neron qui fut le .vie. empereur et regna .xiii. ans et .viii. mois.

Il fust au conmencement bien atrempé, mais aprés il fu monlt desrivez en tous maulx.

En ce temps, saint Pol vint a Romme, car il avoit appellé a l’empereur du tort et de l’injure que on lui faisoit.

Et en ce tempz, les Ronmains envoierent leur ost pour destruire la cité de Jherusalem pour ce qu’elle s’estoit rebellee contre les Ronmains.

Le duc de l’ost des Ronmains fu Vaspasien et son aisné filz que on apelloit Titus, par l’espace de .vii. ans avant que Jherusalem fust destruitte.

Ung simple homme ydiot qui avoit nom Jhesus, le filz Anam, ne cessa de crier tous les jours par .vii. ans

[169b]

que la cité seroit destruitte, mais pluseurs fois on l’en baty et le mist on en tourmens, mais rien n’y valloit, car taire ne se pooit.

Et en la fin de .vii. ans, il dist en ceste maniere :

« Male aventure avendra a <a> la cité et a moy ! »

Et en chelle heure qu’il ot ce dit, une pierre chey sur sa teste par malvaistié que aucun luy fist ; et la cité fut destruitte le .xliie. an de la Passion Jhesucrist, si qu’il n’y demoura pierre sur pierre, ainsi comme Jhesucrist l’avoit devant dit.

Ce Neron fut le premier empereur qui persecuta les Crestiens, et pour sa crudelité se departirent les apostres et s’en fuirent. En ce tempz fu saint Andrieu crucifié et saint Jacques decolé en Jherusalem.

Saint Thomas preschoit lors en Inde, et en la fin du martirié.

Saint Philipe ot en ce temps le chief trenchié et saint Jacques le Mineur souffry mort et fu jetté en la frondole.

Pluseurs crestiens s’en fuyrent en Inde.

Saint Mathieu fu detrenchié par les Juifs en Inde.

Saint Luc fu tué en Bethanie.

Saint Barnabé aussi en ce temps fut ochis.

En ce temps, ce Neron fist bouter le feu en aucunes parties de Romme, et ce pour veoir la semblance du feu qui fu bouté a Troye au tempz de la destruction de Troyes.

[169c]

Oultre ce, il fist les senateurs mettre a mort, sa femme, sa sœur, et son bon maistre Senecque il fist morir par sa male cruaulté.

Encores ne lui souffist mye, car sa propre mere fist ouvrir pour veoir la propre chanbre de nature ou il ot esté nez de mere.

Il fist decoler monseigneur saint Pol, disant qu’il estoit gentil homme et qu’il n’appartenoit point a gentil de morir de tel mort que les aultres, et pour ce il lui fist le chief trenchier.

Cestui Neron meust discencion monlt grande entre les Indiens et les Roumains, dont pluseurs morurent meschanment.

Pluseurs aultres innumerables maulx fist icellui Neron, qui trop longue chose seroit a raconter.

En fin icellui Neron se fist tant hayr de toute gent qu’il s’en fuy, et se mucha, et se tua de sa propre main, et pria a aucuns de ses serviteurs que luy mort ilz voulsissent muchier sa teste, que nul jamais ne le veyst.

Ainsi fina le dit Neron miserablement sa dolente vye.

  • 26

Aprés ce que Neron ot rengné .xiii. ans et .viii. mois, le peuple de Romme se rebella contre lui ; si se ochist de impacience, comme dit est.

Et regna aprez lui Galbe qui fu fait em-

[169d]

pereur en Espaigne, avant que Neron fust mort.

Puis qu’il fut venu a Romme, il ne regna que six moys et six jours.

Ce Galbe amena a Romme Quintilien, maistre de rhetoricque, qui dist mains beaulx enseignemens.

Icil[27] Galbe fut tué en Germanie ou il fut envoyé de par les Rommains.

  • 27

Aprés Galbe, tint l’empire de Romme Othe qui ne regna que .vii. mois.

Aprez Othe, regna Thitella[28] .viii. mois.

En ce temps, Vaspasien guerrioit Judee.

Lors considererent les anciens chevaliers et les anciens preudhommes que en tous les perilz ilz estoient les premiers, et aulx honneurs et aulx dignitez les derreniers, et que Chitelle[29] qui regnoit comme l’ordure, estoit aussi comme ceulx qui devant luy avoit esté en regne, combien que les aultres n’eussent rien vallu.

Si eslurent de commun asentement Vaspasien contre sa voulenté.

  • 28

Lors s’en vint Vaspasien a Romme a grant puissance.

Si fut Thitelle[30] et ceulx qui luy vaulrent aidier desconfis et ochis, et les choses qui par avant avoient esté dicipees furent adont mises a point.

Vaspasien dont tint l’empire de Romme, et fut le .viiie. empereur, selon Eusebe es Cronicques, car il ne compte pas ceulx qui aprés[31] Vaspasien vescurent si pou de temps.

[170a]

Et regna Vaspasien .ix. ans .vi. mois et .xxii. jours.

En ce tempz, flory en Jherusalem Josepf premier, et puis vint a Romme avecques Titus, le filz de Vaspasien.

Josephus, qui fu faiseur de cronicques et grant expositeur d’escriptures divines qui[32] parolle de Jhesucrist en ung livre des anchiennes[33] en telle maniere :

« En ce tempz, fu Jhesus qui fu sagez homs, supposé qu’il doye estre apellé homs, car il esoit faiseur d’œuvres merveilleuzes, et s’enseignoit ceulx qui croyent volentiers verité. Il assambla pluseurs diciples, tant de paiens comme de juifz, et cuidoit qu’il fust Crist ; et comme pour l’envye de nos princes, Pilate l’eust jugié a estre crucefié, neantmoins ceulx quy l’avoient devant amé perseveroient, et il leur apparoit, et leur apparut le tiers jour aprés sa mort tout vif, aussi comme les prophettes l’avoient propphetisié de lui ces choses et maintes aultres merveilleuses. Et jusques aujourd’huy la gent qui est de lui appellee crestienne ne deffault point. »

En ce temps, Jehrusalemn et le Temple furent destruis des Roumains, le .xliie. an de la Passion de Jhesucrist par Vaspasien et Titus, son filz.

Le nombre de ceulx qui furent ochiz du peuple des Juifz tant comme la guerre dura, fu .xc. mil.

Le nombre de ceulx qui furent prins chetifs

[170b]

fu .xviim. .ixc.

Monlt en y avoit a vendre, mais peu y avoit d’acheteurs.

Sy donnoit on .xxx. Juifz pour ung denier, aussi comme ilz acheterent Jhesucrist .xxx. deniers.

Et ainssi deffailli le royalme des Juifs.

  • 29

Aprez la mort Vaspasien, fu fait empereur Titus, son filz, qui fu le .viiie.[34] empereur et ne regna pas deux ans, car il s’en failly trois jours.

Titus fu monlt vaillant homme, plain de bonnes vertus qui pouoient ou devoient estre en prinche.

Oncques ne prinst riens de l’autruy, mais aucunes foiz laissoit a prendre les tailles acoustumees.

Touttesvoies nul empreur ne fut oncques plus habondant en biens de lui pou ou neant.

Il ne reffusoit chose que on lui demandast, et la ou sa gent l’en reprenoient, il leur respondoit :

« Nul ne se doit departir tristre de devant l’empereur. »

Dont il advint ung soir tant qu’il estoit a la table qu’il luy souvint que cellui jour il n’avoit riens donné :

« Amis, dist il a ceulx qui estoient a sa table, j’ay perdu ce jour. »

Oncquez ne voult souffrir que son frere qui estoit en conspiracion contre lui fust tuez, ne qu’il eust mendre honneur, mais le fist compagnon de l’empire et desclaira qu’i[35] fust empereur aprez lui, s’il le

[170c]

survivoit.

Cestui Titus ala en Jherusalem et osta aulx Juifs tous les beaulx a<r>ornemens et vestemens qui estoient ou Temple, et les fist aporter a Romme, car il hayoit monlt les Juifs, ne oncquez puis ne les ama que son pere et luy les avoient destruitz.

Icil vesqui monlt dilicieusement en sa vye.

  • 30

Aprez la mort Tytus, tin l’empire son frere Domicien qui regna .xv. ans.

Il regna a son conmencement assez debonnaire et edifia a Romme ung solempnel temple qu’il apella Pentheon, qui puis a esté sacré en la ramenbrance de tous sains.

Domicien fist la .iie. persecucion aulx Crestiens et fist mettre saint Jehan l’evangeliste en ung tonnel d’oille boullant, et puis le fist mener en exil en une isle que on appelle Pathmos.

Soubz lui, souffry a Paris martire saint Denis et ses compagnons et pluseurs aultres martirs par diversses regions.

Mais en la fin le Senat ne pot plus endurer ses fais ; si le fist enclorre en son palaix, et illecquez fut detrenchié ; et furent rapellez tous ceulx qui furent envoyez en exil.

Cil Domicien commença a regner aprez Jhesucrist environ le temps de .iiiixx. ans et deux, et regna .xii. ans.

En ce tempz, regna saint Fortin 

[170d]

et saint Saturnin.

Pluseurs venins fist boire a monseigneur saint Jehan avant qu’il le boutast ou fist bouter ou dit tonnel, qui oncquez ne lui porrent nuyre.

Saint Jehan avoit en ce tempz des ans environ .iiiixx. et .xix. Et au jour de la Passion de Nostre Seigneur Jhesucrist n’avoit que .xviii. ans.

Ainsi vint ce cruel tyrant Domicien aprés la Passion de Jhesucrist environ le temps de .iiiixx. ans.

Quant monseigneur saint Jehan congnut l’abrefviacion de sa vye et qu’il le convenoist trespasser de ce monde en l’autre, il s’en vint en une eglise laquelle il avoit fait faire, et la fist sa fosse en plourant et regraciant Nostre Seigneur humblement et de cœur devot, et puis se mist en celle fosse, vint une grosse bruyne et ne sceut on oncquez qu’il devint, et trouva on la fosse couverte, laquelle par devant estoit ouverte, n’oncquez de puis ne fust veu ne quelque partie de son corpz.

Et dient pluseurs qu’il fu ravy et porté en Paradis.

En ce temps, Clerus fu pappe, qui estoit monlt bon preudhomme.

Cil estably premierement estre fais pelerinages a saint Pierre et es aultres sains lieux en remission des pechiez.

  • 31

Aprés, fut empereur Nerva, qui ne regna que ung an et .iiii. mois, lequel ama monlt la chose commune, pour laquelle

 

[1] Raynaud corrige en Crestïens.

[2] Raynaud corrige en mercurial.

[3] Raynaud corrige en quidem d’après l’édition de 1610 de la Vetula du pseudo-Ovide (il en va de même pour toutes les corrections apportées à ce passage).

[4] Raynaud corrige en nuper.

[5] Raynaud corrige en vis.

[6] Raynaud corrige en complexio.

[7] Raynaud corrige en Nam.

[8] Raynaud corrige en qui regarde.

[9] Raynaud corrige en divisent.

[10] Raynaud corrige en nommee conffesse.

[11] Raynaud corrige en vinrent aprés.

[12] Raynaud corrige en est.

[13] Raynaud corrige en en Mercure.

[14] Raynaud corrige en exaltacion.

[15] Raynaud corrige en triplice.

[16] Raynaud corrige en et sa face.

[17] Raynaud supprime ce mot.

[18] Raynaud corrige en Saturne.

[19] Raynaud corrige en c’est.

[20] Raynaud corrige en cecinit Cumane.

[21] Ms. enffant ce.

[22] Raynaud corrige en se monstra.

[23] Raynaud corrige en augurer.

[24] Ms. fist.

[25] Raynaud corrige en a Gaye.

[26] Raynaud édite ewangeliste.

[27] Ms. Il cil.

[28] Raynaud corrige en Vitelle.

[29] Raynaud corrige en Vitelle.

[30] Raynaud corrige en Vitelle.

[31] Raynaud corrige en avant.

[32] Raynaud supprime ce mot.

[33] Raynaud corrige en anchïennes histoires.

[34] Raynaud corrige en .ixe.

[35] Raynaud corrige en qu’il.

Mais non, vous ne vous êtes pas perdu !

 

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